Читать книгу La peinture espagnole depuis les origines jusqu'au début du XIXe siècle - Pierre Paris - Страница 3

Оглавление

CHAPITRE PREMIER

Table des matières

LA PREHISTOIRE ET L’ANTIQUITÉ

L’Espagne, au cours de toute son histoire, se montre comme un pays excessif; ce mot se doit prendre dans le meilleur comme dans le pire des sens. A l’instar de leur sol, qui se tourmente en de sauvages sierras exagérées ou s’apaise en plaines trop monotonement vastes, et de leur climat, qui brûle ou glace, intempérant, les Espagnols de tous les temps se sont plu aux outrances; surtout en art, et spécialement en peinture. Il y a quelques exceptions, et d’exceptionnel intérêt, mais elles confirment, comme on dit, la règle et lui donnent du relief.

C’est ce que montrera l’histoire de la peinture en Espagne que nous devons résumer ici.

Remontons, qu’on nous le permette, à la préhistoire; c’est le Nord cantabrique qui a révélé la peinture des habitants des grottes et des [abris à l’époque magdalénienne. Et déjà nous comprenons que l’extrême abondance est, dans la péninsule, un caractère plus essentiel qu’en tout autre territoire du monde. En France, par exemple, les deux principales grottes à figures peintes de l’âge magdalénien: Font-de-Gaume et les Combarelles, quelque riches qu’elles soient, ont-elles l’exubérance de la Cueva d’Altamira, où les animaux peints sur le plafond célèbre sont dix fois au moins plus nombreux? Supérieures par le nombre, ces bêtes le sont aussi par la fougue ou la complication de leurs mouvements, comme par la variété et l’intensité de leurs couleurs. Tel bison, pris entre bien d’autres, la tête tordue, les pattes repliées sous le corps dans un galop forcené, vraiment ventre à terre, mis en présence de tel ou tel de ses congénères de notre Sarladais, placide et ruminant, évoque plus vivement et de combien! les lointains chasseurs farouches (pl. I).

Les siècles passent; la pierre polie succède à la pierre taillée, au paléolithique le néolithique. Les parois rocheuses, au Nord, au Midi, à l’Est, à l’Ouest, au centre de l’Espagne, se couvrent d’animaux, et, de plus, d’hommes par centaines, disons mieux: par milliers (combien ces images sont-elles plus rares en France!) et si la couleur, toujours vive, ne varie guère entre le noir, le brun et le rouge, les représentations, surtout celles des humains, multipliées, enchevêtrées à l’infini, évoquent un monde étrange de bêtes féroces, sauvages ou domestiques, de chasseurs, de danseurs, de guerriers, de géants et de pygmées, où pullulent toutes les bizarreries et toutes les outrances de la forme et du mouvement. Notons, d’ailleurs, que ce monde nous paraît à la fois surnaturel et tout près de la nature, et déjà se révèlent, après l’excès, les deux cultes primordiaux, associés et unis, de l’art espagnol: le culte du réel et celui de l’idéal (pl. II)..

On a dit de la littérature espagnole qu’elle ne se distingue pas par l’originalité, mais par une puissance extraordinaire d’assimilation et de «superación», mot intraduisible qui marque l’exagération dans le mouvement et l’effort. L’art ibérique, celui qui va des premiers âges historiques à la conquête romaine, appelle le même jugement. Les afflux de l’Orient asiatique et de la Grèce primitive, peut-être aussi les apports africains, ont fortement fait sentir leurs influences sur les arts des peuplades indigènes, aussi bien des tribus farouches et pauvres du Nord que des riches Tartessiens policés. Nous ne pouvons nous faire une idée de la peinture ibérique que par les peintures des vases. Or on sait que si, très rarement, les céramistes, comme l’auteur du fameux vase aux Chasseurs de sangliers trouvé à Archena, ou celui du fragment de la Chasse au cerf d’Ampurias, ont voulu copier des hommes et des animaux au naturel, ils le firent sous l’inspiration des artistes grecs archaïques (pl. III). Mais à Numance, comme à Azaila, comme à Elché, leur triomphe est la stylisation à outrance en même temps que le schématisme. Les êtres les plus fantastiques, les plus chimériques, les plus incohérents, se multiplient par les audaces de leur pinceau, et il est curieux de retrouver, à tant de siècles d’intervalle, les mêmes outrances de fantaisie folle chez le barbare artisan arévaque et le peintre génial aragonais Goya. Du même style et du même caractère furent sans doute telles œuvres de la peinture ibérique, et telles autres s’inspirèrent plutôt de l’Orient et de la Grèce, comme le fit la Dame d’Elché (Musée du Louvre), chef-d’œuvre de la sculpture, où des critiques ont été jusqu’à reconnaître la main d’un contemporain de Phidias ou de l’un de ses proches prédécesseurs.

La paix romaine, si elle ne le tua pas, débilita fort, pour un temps, le génie propre des indigènes. Les rares peintures décoratives qui subsistaient, par exemple, sur les murs des maisons de Belo ou dans les tombeaux de Carmo, pas plus que les très nombreuses mosaïques retrouvées un peu partout, ne nous montrent rien que nous ne connaissions comme monnaie courante dans tout l’Empire romain.

La peinture espagnole depuis les origines jusqu'au début du XIXe siècle

Подняться наверх