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Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours prononcé à l'Assemblée constituante le 22 juin 1791 (22 juin 1791)

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(De la délégation de la souveraineté.)

(Les diverses parties de la constitution, avant d'être coordonnées les unes avec les autres et de former un tout complet, furent soumises à la révision. Quand on en vint à discuter sur les pouvoirs publics et les assemblées électorales, Roederer prononça un discours dans lequel il exprima son opinion sur l'essence du pouvoir exécutif et sur les bases du système administratif. Puis Robespierre parla ainsi:)

II y a dans l'opinion de M. Roederer beaucoup de principes vrais, et auxquels il serait difficile de répliquer d'après vos principes... Cependant, ce n'est pas sur cet objet principalement que je me propose d'insister; je crois qu'il y a dans le titre soumis à votre délibération beaucoup d'expressions équivoques et de mots qui altèrent le véritable sens et l'esprit de votre Constitution: c'est pour rectifier ces mots et pour rendre d'une manière claire les principes de votre Constitution, que je vous supplie d'écouter avec patience quelques principes dont le développement ne sera pas long.

Je commence par le premier article du projet: "La souveraineté est une, indivisible, et appartient à la nation; aucune section du peuple ne peut s'en attribuer l'exercice." J'ajoute que la souveraineté du peuple est inaliénable. Il est dit ensuite que la nation ne peut exercer ses pouvoirs que par délégation... Les pouvoirs doivent être bien distingués des fonctions: les pouvoirs ne peuvent être ni aliénés ni délégués. Si l'on pouvait déléguer les pouvoirs en détail, il s'ensuivrait que la souveraineté pourrait être déléguée, puisque ces pouvoirs ne sont autre chose que des diverses parties essentielles et constitutives de la souveraineté; et alors remarquez que, contre vos propres intentions, vous décréteriez que la nation a aliéné sa souveraineté; remarquez bien, surtout, que la délégation proposée par les comités est une délégation perpétuelle, et que les comités ne laissent à la nation aucun moyen constitutionnel d'exprimer une seule fois sa volonté sur ce que ses mandataires et ses délégués auront fait en son nom. Il n'est pas même question de convention dans tout le projet; de manière que la délégation des trois pouvoirs constitutifs serait, d'après le projet des comités, l'aliénation de la souveraineté elle-même. J'observe, en particulier, que rien n'est plus contraire aux droits de la nation que l'article 3, qui concerne le pouvoir législatif. Lisez cet article 3 dans la Constitution, où il est conforme au projet.

Permettez-moi de vous citer ici l'autorité d'un bomme dont vous adoptez les principes, puisque vous lui avez décerné une statue à cause de ces principes-là et pour le livre que je vais citer. Jean-Jacques Rousseau a dit que le pouvoir législatif constituait l'essence de la souveraineté, parce qu'il était la volonté générale, qui est la source de tous les pouvoirs délégués; et c'est dans ce sens que Rousseau a dit que, lorsqu'une nation déléguait ses pouvoirs à ses représentons, cette nation n'était plus libre, et qu'elle n'existait plus. Et remarquez comment on vous fait déléguer le pouvoir législatif; à qui? Non pas à des représentants élus périodiquement et à de courts intervalles, mais à un fonctionnaire public héréditaire, au roi! D'après l'article des comités, le roi partage véritablement le pouvoir législatif, et j'observe qu'il a dans le pouvoir législatif une portion plus grande que celle des représentants de la nation, puisque sa volonté peut seule paralyser pendant quatre ans la volonté de deux législatures. Votre Constitution, vos premiers décrets ne portaient pas, et vous n'avez pas entendu que le roi faisait partie du pouvoir législatif. Le veto suspensif, accordé au roi, ne fut jamais regardé que comme un moyen de prévenir les funestes effets des délibérations précipitées du corps législatif, et ne fut considéré que comme un appel au peuple; mais il a toujours été reconnu que l'exercice du pouvoir législatif résidait essentiellement et uniquement dans l'Assemblée nationale. Le roi ne fut jamais regardé comme partie intégrante du pouvoir législatif, et l'on ne peut supposer ceci dans la rédaction des comités sans anéantir les premiers principes de la Constitution. Qu'il me soit permis de lier cette idée aux principes développés par M. Roederer.

M. Roederer vous a dit une vérité qui n'a pas même besoin de preuve; c'est que le roi n'est pas le représentant de la nation, et que l'idée de représentant suppose nécessairement un choix par le peuple; et vous avez déclaré la couronne héréditaire: le roi n'est donc pas représentant du peuple; le hasard seul vous le donne, et non votre choix. M. Roederer vous a dit avec raison qu'il ne fallait pas donner au roi seul cette prérogative, ou qu'il fallait la donner à tous les fonctionnaires publics. Si l'on entend par représentant celui qui exerce une fonction publique au nom de la nation, si le titre de représentant a quelque chose de relatif à la nomination du peuple, certes, le roi n'a pas ce caractère, ou les autres ne l'ont pas. Il est évident qu'on ne peut lui appliquer la qualité de représentant; mais, ce qu'il est important de remarquer, c'est la conséquence immédiate de cette idée de représentant: pourquoi veut-on investir le roi du titre de représentant héréditaire de la nation? Voilà, messieurs, une partie des atteintes que porte à la Constitution la rédaction des comités.

Il est dit dans deux articles de la Constitution: "Aucune section du peuple ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté." 'J'adopte bien le véritable sens qu'on veut exprimer par ces mots, mais je dis qu'il faut éclaircir les mots équivoques. On ne peut pas dire d'une manière absolue et illimitée qu'aucune section du peuple ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté. Il est bien vrai qu'il sera établi un ordre pour la souveraineté; il est bien vrai encore qu'aucune section du peuple, en aucun temps, ne pourra prétendre qu'elle exerce les droits du peuple tout entier; mais il n'est pas vrai que, dans aucun cas et pour toujours, aucune section du peuple, ne pourra exercer, pour ce qui la concerne, un acte de la souveraineté... (Interruptions: Ah! ah! ah!) Je m'explique; c'est d'après vos décrets que je parle: n'est-il pas vrai que le choix des représentants du peuple est un acte de la souveraineté! N'est-il pas vrai même que les députés, élus pour une contrée, sont les députés de la nation entière? Ne résulte-t-il pas de ces deux faits incontestables que, des sections exercent, pour ce qui les concerne partiellement, un acte de la souveraineté? Il est impossible de prétendre, comme on l'a fait, que la nation soit obligée de déléguer toutes les autorités, toutes les fonctions publiques; qu'elle n'ait aucune manière d'en retenir aucune partie sans aucune modification que ce soit.

Je n'examine pas un système que l'Assemblée a décrété; mais je dis que, dans le système de la Constitution, on ne peut point rédiger l'article de cette manière; on ne peut pas dire que la nation ne peut exercer ses pouvoirs que par délégation; on ne peut point dire qu'il y ait un droit que la nation n'ait pas: on peut bien régler qu'elle n'en usera point; mais on ne peut pas dire qu'il existe un droit dont la nation ne peut pas user si elle veut.

Je reviens au principe de toutes les observations que je viens de vous faire. Je dis qu'il résulte de l'article des comités que la nation déléguerait ses pouvoirs, le pouvoir souverain, qui est unique et indivisible, en déléguant à perpétuité chaque partie du pouvoir. Je dis que ce titre blesse encore les premiers principes de la Constitution en présentant le roi comme un représentant héréditaire qui exerce le pouvoir législatif, conjointement avec les véritables représentants du peuple. Je demande, en conséquence, qu'au mot pouvoirs soit substitué celui fonctions; je demande que le roi soit appelé le premier fonctionnaire public, le chef du pouvoir exécutif, mais point du tout le représentant de la nation; je demande qu'il soit exprimé d'une manière bien claire que le droit de faire les actes de la législation appartient uniquement aux représentants élus par le peuple.

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Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794

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