Читать книгу La fin de la mafia mondiale - Rolf Nagel - Страница 6
La décision des conspirateurs était prise
ОглавлениеMarian et son père choisirent Karl. Oui, Karl était l'élu sans qu'il s'en soit douté le moins du monde. Il était l'élu pour le grand projet global.
Bien que cette idée mette toujours Marian un peu mal à l'aise, le père et la fille élaborèrent un plan pour sa première rencontre avec Karl. Les promenades régulières de la victime s'y prêtaient le mieux et conféreraient de surcroît un caractère plus anodin à la situation. Naturellement, seul le banc faisait l'affaire comme lieu de rencontre.
S'il s'avérait que Karl ne plaisait pas à Marian lorsqu'elle le rencontrerait réellement, malgré les dossiers et les vidéos, elle pourrait se retirer de l'histoire à tout moment. Le candidat ne saurait jamais qu'il faisait partie des favoris, ni quel plan le père et la fille avaient élaboré.
Avec la rencontre sur le banc et l'invitation à dîner, les premières étapes avaient été couronnées de succès. Karl avait en plus complètement plu à Marian lors de leur rencontre réelle. Plus encore, elle se sentait attirée par Karl malgré ses scrupules et sa mauvaise conscience.
Pendant qu'elle l'attendait dans le restaurant de l'hôtel, elle se remit à douter. Cette entreprise audacieuse était-elle vraiment vouée à la réussite ? Ne se devait-elle pas de le mettre au courant à un moment donné ? Lui apprendre qu'il avait été victime d'une conspiration à son insu ? Pire encore, qu'elle avait participé à son élaboration ?
Pour éviter de se poser plus longtemps ces questions dérangeantes, Marian décida d'arrêter d'y penser pour le moment. Elle n'en avait plus vraiment le temps de toute façon, Karl la rejoignait déjà en voiture, comme le chauffeur l'en avait informé au téléphone.
Karl prit un immense plaisir à se laisser conduire à travers sa ville. C'était totalement nouveau pour lui de ne pas être lui-même au volant. Il recueillit des impressions qu'il n'éprouvait jamais quand il conduisait. Le chauffeur le conduisit tranquillement et dignement dans les rues de la ville et s'arrêta devant l'entrée de l'excellent hôtel, cinq minutes exactement avant l'heure fixée.
Bien sûr, l'hôtel détenait quelques étoiles ainsi que toutes les autres distinctions d'un palace digne de ce nom, même les rois y trouvaient un foyer provisoire.
Un portier en livrée et haut-de-forme noir, posté à l'entrée, lui ouvrit la portière de la voiture. Le chauffeur de Karl l'informa discrètement que Karl était l'invité de Madame Rosso. Il conduisit Karl dans le hall de l'hôtel aux dimensions telles que c'en était oppressant, où le concierge l'accueillait déjà avec les mots : « Madame Rosso vous attend, Monsieur Grosser, si vous voulez bien me suivre. »
Ces formules toutes faites de l'employé de l'hôtel n'étaient pas nouvelles pour Karl. Grâce à quelques soirées organisées par la banque, il savait évoluer sur ce parquet et avait l'assurance nécessaire.
Il faut agir avec assurance et courtoisie envers ce personnel hôtelier à la diction maniérée, vestige du tournant du millénaire. Car il reconnaît immédiatement qui est digne ou non d'évoluer sur ce parquet. Toute négligence entraîne un dédain des plus courtois de tout l'hôtel. D'autant plus que dans ce cas, le personnel sait qu'il ne doit pas s'attendre à un pourboire généreux. C'est la mentalité incontournable du personnel hôtelier dans ces palaces, ces lieux sacrés ne devraient être foulés que par un public à la hauteur. Il est généralement impossible de sortir de l'ostracisme du personnel hôtelier.
Le concierge de l'hôtel évoluait avec élégance dans le hall et conduisit Karl à travers le restaurant jusqu'à une porte sur laquelle était inscrit « Privé ». Il ouvrit la porte, Karl entra dans une salle qui avait l'élégance des années vingt. D'innombrables chandeliers argentés avec des bougies blanches allumées, des tapis coûteux, une magnifique cheminée anglaise et une table pour douze personnes conféraient à la pièce un aspect vénérable. Le tout devait avoir voyagé dans le temps, du siècle dernier à nos jours. Nous étions après tout en 2013, à l'ère d'Internet et des téléviseurs 3-D.
Marian était assise au bout de la longue table, le concierge annonça Karl : « Madame, Monsieur Grosser. » Karl tendit le bouquet de fleur à Marian et immédiatement, un serveur apparut avec un grand vase en cristal. Karl remarqua à ce moment-là un homme en costume noir au fond de la salle. À sa stature et son comportement, il reconnut immédiatement un garde du corps. Mon dieu, quelle pièce jouait-on ce soir ?
La finale de son dimanche minable ?
« Je vous en prie, Karl, prenez place. » De nouveau, il entendait Marian employer l'association incongrue du vous et du prénom. Néanmoins, il s'exécuta sans la remettre en cause. Une batterie de verres était dressée devant lui. Le nombre de couverts laissait supposer qu'ils ne prendraient pas qu'une petite collation. Il fallait s'attendre à au moins six plats. Il se rappela que l'on prenait toujours les couverts de l'extérieur vers l'intérieur au fil des plats. Jusque-là, il maîtrisait l'étiquette de la haute société.
« Avez-vous passé un agréable après-midi ? », lui demanda Marian. Sa réponse fut rapide : « Un merveilleux après-midi. » Il ne tenait pas à lui dire que le stress l'avait mené à la limite de ses capacités.
Un de ces serveurs élégamment vêtus leur apporta un Xérès en apéritif. Il orchestra son apparition solennellement. Marian se tourna alors vers Karl : « Je désirerais vous connaître un peu mieux. Quelle profession exercez-vous ? »
Il répondit : « Je travaille depuis plusieurs années dans une banque privée internationale en qualité de responsable de service. L'Image Bank a son siège dans cette ville. »
« Ah ! quelle coïncidence, mon père est justement un bon client de cette banque qui gère ses comptes. Le directeur et lui sont des relations d'affaires depuis de nombreuses années. » Marian jouait habilement la comédie, comme si elle s'étonnait de cette coïncidence. En réalité, elle l'avait déjà appris des dossiers.
La soirée se déroula très harmonieusement. Ils savourèrent chaque plat, bien que les mets soient magnifiés si parcimonieusement dans les assiettes qu'un plan aurait été nécessaire pour les localiser. Au fil de leur agréable conversation, ils se trouvèrent tous deux de nombreux points communs. Marian s'amusa beaucoup de l'histoire de la vie de Karl et ils se sentirent de plus en plus proches. Cette femme magnifique et élégante trouvait de l'intérêt à la personne de Karl. Il n'aurait jamais cru cela possible avant. Elle pouvait à coup sûr ensorceler n'importe quel homme sur le champ avec son sourire envoûtant et son corps si bien galbé. Qu'est-ce que cette femme pouvait bien trouver à Karl, plutôt insignifiant et effacé ?
Vers 21 h 30, Marian suggéra : « Karl, allons prendre l'expresso dans ma suite ? » Il répondit aussitôt : « C'est une excellente idée. »
Elle se leva et se dirigea vers une porte au fond de la salle. Karl la suivit, troublé. Derrière la porte en bois se trouvait un ascenseur qui menait directement au dernier étage de l'hôtel. Le bodyguard sortit en premier de l'ascenseur et s'engagea dans le couloir portant le panonceau « Suite Présidentielle », suivi de Marian et de Karl. Le garde du corps ouvrit la porte de la suite, mais n'y entra pas. Une fois Marian et Karl à l'intérieur, il referma la porte.
« Vraiment magnifique et très élégant », dit Karl, sans préciser volontairement s'il parlait de la suite, de Marian ou des deux.
Ils prirent place dans les fauteuils du salon, un serviteur apparut, sortant de la pièce attenante, et leur servit un expresso. Karl racontait à Marian d'autres anecdotes sur sa ville, lorsque soudain, Marian prit son courage à deux mains et enlaça Karl. Elle l'embrassa et Karl l'étreignit à son tour. Tous deux comprirent que leur soirée était loin de toucher à sa fin.
Lorsque Karl se réveilla le lendemain, la faible lumière du jour tentait de se frayer un chemin à travers les lourds rideaux de brocart. Juste assez pour qu'il puisse regarder l'heure à sa montre. S'agissait-il d'un rêve ? Il regarda autour de lui et contempla Marian, émerveillé. Elle dormait encore à poings fermés, une femme magnifique et envoûtante. Il se pinça le bras pour s'assurer que ce n'était pas seulement un beau rêve. Il regarda l'heure et fut pris de panique, il était 10 h 23. « Diable ! », s'exclama-t-il, « Il faut que j'aille à la banque, pour l'amour du ciel. » Jamais, de toutes ces années, il n'était arrivé en retard au travail. Qu'allait dire Monsieur Schneider, son supérieur. De nouveau, Karl imaginait le pire. Peut-être allait-il lui donner un avertissement ou pire, le licencier ?
Entre-temps, Marian avait fini par se réveiller, tirée brutalement de son sommeil. Elle regarda Karl, interloquée : « Karl, qu'est-ce qui se passe ? »
« Il faut que j'aille immédiatement à la banque, je suis vraiment très en retard », répondit-il, fébrile, en faisant maladroitement tournoyer sa chemise.