Читать книгу La Main Sur Le Cœur - Shanae Johnson - Страница 7

CHAPITRE 3

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Fran gara sa camionnette devant le pavillon quatre pièces niché dans un coin du ranch dans lequel il s’était installé à son arrivée. Il avait été le premier à venir vivre au ranch après leur démobilisation un an plus tôt. Il pensait au départ qu’ils s’installeraient tous au pavillon mais, à mesure que les autres hommes étaient arrivés au ranch, leurs douleurs toujours présentes, ils avaient tous recherché leur propre espace.

Dylan avait choisi le pavillon à deux chambres voisin de celui de Fran. Reed, Sean et Xavier s’étaient installés dans les maisons mitoyennes au bout de la route.

Fran leva les yeux vers l’endroit qu’il appelait « chez lui » depuis un an. C’était une maison confortable, mais trop grande pour lui. Il supposait qu’un de ses camarades y emménagerait après avoir trouvé une épouse. Qui sait, peut-être même que l’un d’entre eux fonderait une famille qui pourrait remplir toutes les pièces.

Voilà bien un autre rêve que Fran ne pourrait jamais réaliser. Il ne pouvait pas envisager de mettre un enfant au monde alors qu’il ne pourrait pas être là pour prendre soin de lui, pour la voir grandir. Alors qu’il devrait laisser sa femme seule avec toutes ces responsabilités. Il n’était pas ce genre d’homme.

Il lui faudrait bientôt commencer à faire ses cartons. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il lui suffirait de prendre des nouvelles des autres pour s’assurer qu’ils étaient sur la voie du mariage qui leur garantirait une place au ranch.

La porte de la maison de Dylan s’ouvrit, laissant échapper des aboiements et jappements avant tout humain. Le premier dehors fut Étoile, un carlin au dos couvert de plaques dégarnies. Ce chien avait tendance à marcher de côté, comme s’il ne voulait pas que les autres remarquent ses imperfections.

Juste derrière lui se trouvait Stevie, un rottweiler à moitié aveugle à la magnifique fourrure bleu-gris. Il gardait le nez collé à Étoile pour mieux se repérer.

Bonbon, le golden retriever, passa la porte d’un pas lent. Il releva la tête en repérant l’odeur de Fran, dont le moral remonta en voyant le chien. Ils se rejoignirent à mi-chemin. Vu de l’extérieur, Bonbon avait l’air en parfaite santé. Mais il souffrait de diabète, ce qui le ralentissait de temps en temps.

Fran se pencha pour caresser la tête du chien. Ils s’étaient beaucoup rapprochés depuis son arrivée quelques semaines plus tôt. Le diabète pouvait être compliqué à gérer chez un chien, mais ce n’était pas le bout du monde. Maggie, l’épouse de Dylan, prenait soin de tous ses chiens blessés. En la voyant faire, tous les soldats avaient pu voir que leurs blessures ne les empêchaient pas d’être aimés.

« Tu es rentré. »

Fran releva les yeux et vit Dylan descendre les marches du porche, un chien dans les bras. Pirouette, un terrier irlandais, avait perdu ses pattes arrière quelques semaines plus tôt. Dylan le posa par terre et attacha un fauteuil roulant à son arrière-train.

Quand Dylan se redressa, Fran aperçut sa prothèse. C’était une vision inhabituelle. Dylan portait généralement de longs pantalons qui couvraient ses jambes et cachaient sa blessure. Mais, depuis son mariage, il avait commencé à s’accepter tel qu’il était et à porter des shorts et des bermudas qui laissaient sa prothèse scintiller au soleil.

« Comment ça s’est passé ? demanda Dylan. Qu’est-ce que le docteur a dit ? »

Avant que Fran ne puisse répondre, Maggie passa la tête par la porte. Tous les chiens se tournèrent vers elle, queue battante et langue pendante. Dylan suivit le mouvement. Il garda la langue dans sa bouche, mais son sourire s’élargit.

« Mon cœur, n’oublie pas de récupérer les médicaments de Bonbon quand tu iras en ville. »

Dylan attira sa femme dans ses bras. Il déposa un baiser dans le creux entre sa joue et son nez. Maggie sourit dans son étreinte. Elle tourna la tête et son regard atterrit sur Fran.

Fran aurait voulu détourner les yeux, mais son regard s’abreuvait de cette affection qu’il ne recevrait probablement jamais lui-même.

« Fran, tu es rentré, dit Maggie. Qu’a dit le docteur ? Il y a eu du changement ? »

C’était aussi pour cela que Fran ne pouvait pas se mettre en couple. Maggie n’était même pas sa partenaire, et pourtant ses yeux brillaient d’espoir. L’espoir qu’il ait miraculeusement guéri. Il était peu probable que cela arrive un jour. Il avait déjà de la chance d’être encore en vie.

Fran secoua la tête et se prépara à recevoir leur compassion et leur bonne volonté.

« J’ai entendu parler de quelques spécialistes, dit Dylan. On ira les voir.

— Et je continuerai à prier pour toi, dit Maggie. On ne va pas laisser tomber. »

Bonbon se frotta à la jambe de Fran, qui se pencha pour donner son attention au chien tandis que ses amis essayaient en vain de lui sauver la vie.

« En attendant, continua Dylan, il faut que tu commences à te chercher une épouse. Il ne nous reste plus beaucoup de temps si on veut tous rester au ranch. »

Fran ne chercha pas à discuter. Dylan était son supérieur hiérarchique et n’hésiterait pas à lui donner des ordres. Même si Fran ne se sentirait pas obligé de suivre cet ordre-là. Il préféra donc hocher la tête et changer de conversation.

« Reed m’a dit qu’il avait pas mal de succès sur une application de rencontres, dit-il.

— C’est complètement dingue, dit Dylan. Mais à situation désespérée, mesures désespérées, pas vrai ?

— Je vous retrouve tout à l’heure. »

Fran se retourna pour partir, Bonbon à sa suite, puis se tourna une dernière fois vers Maggie.

« Ça ne te dérange pas qu’il m’accompagne ?

— Pas du tout, répondit Maggie avec un sourire. Il faut juste l’empêcher de trop s’exciter. Et surveiller qu’il ne mange rien qu’il ne soit pas censé manger.

— Comme d’habitude, » conclut Fran pour rassurer la propriétaire du chien.

Ils descendirent le chemin ensemble. Le ranch s’étendait autour d’eux. Fran aperçut Xavier sur le dos de l’un des chevaux de thérapie. Les chevaux aidaient les soldats à renforcer les membres qu’ils avaient perdus, mais le seul fait de se trouver sur leur dos leur redonnait aussi une sensation de puissance. Le tour de Fran viendrait le lendemain. Il aurait aimé pouvoir aller plus vite qu’un simple trot. Mais, dans son état, il devait se montrer prudent.

Au lieu de chevaucher aux quatre vents, Fran passait beaucoup de temps dans les jardins. Le travail de la terre était bon pour le corps, mais aussi pour l’esprit. Voir des plantes pousser grâce à ses soins lui mettait du baume au cœur.

« Fran, attends-moi ! » l’appela Reed.

Reed sortait de la salle à manger de la grande maison dans laquelle ils prenaient la plupart de leurs repas ensemble, même si chaque pavillon disposait de sa propre cuisine. Il agitait son téléphone de sa main valide. La manche de sa chemise était roulée et épinglée à son coude, là où s’arrêtait son avant-bras, qu’il avait laissé derrière lui dans une explosion en Afghanistan.

« Regarde-moi ça. »

Reed mit son téléphone sous le nez de Fran.

« Déjà cinquante réponses. »

Sur l’écran défilaient les photos de nombreuses femmes. C’était le docteur Patel qui leur avait parlé de cette application, qui avait été conçue par un membre de sa famille. Le psychologue avait participé à la mise au point de l’algorithme.

« Et elles veulent toutes te rencontrer ? demanda Fran.

— Pas simplement me rencontrer. Elles veulent m’épouser. Dire qu’on pensait que ça allait être compliqué ! »

Reed tenait son téléphone dans le creux de la paume, balayant les profils à droite et à gauche du bout du pouce. Cet homme ne laissait pas grand-chose le ralentir ou l’abattre, et surtout pas un membre manquant.

« T’épouser ? De parfaites inconnues veulent t’épouser ? Elles sont au courant pour… tu sais quoi ? »

Reed cliqua sur sa photo de profil. Elle le montrait clairement. Il était en uniforme, avec un bras en moins.

« La seule chose qu’une femme aime plus qu’un homme en uniforme, c’est une âme blessée qu’elle pense pouvoir guérir. »

Fran soupira, mais pas parce que Reed se comportait comme un blaireau. Fran savait que son ami s’attendait vraiment à trouver l’amour dans cette affaire. Reed était quelqu’un d’optimiste, parfois presque trop.

« Cette appli calcule la compatibilité jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf pour cent. Si je n’arrive pas à trouver la femme de ma vie là-dessus, c’est qu’elle n’existe pas. J’en ai sélectionné cinq. Je suis compatible à quatre-vingt-dix-huit pour cent avec celle-là. »

Reed lui montra la photo d’une jolie femme. Le portrait était bien composé, comme celui d’un mannequin. Elle était blonde avec des yeux vert pâle, et un petit peu trop de maquillage au goût de Fran.

« Elle est pour ainsi dire parfaite, dit Reed. Je l’ai invitée à prendre un verre ce week-end. Mais elle n’est pas en ville, elle devrait rentrer à la fin du mois. »

Fran ne savait pas vraiment que dire. Il n’arrivait pas à déterminer s’il devait retirer Reed de la liste des soldats à caser, ou s’il devrait au contraire le surveiller d’encore plus près pour s’assurer que son avenir était réellement établi. Fran était déterminé à voir tous les autres hommes bien installés et autorisés à rester au ranch après son départ. Peut-être que ces histoires de mariage arrangé pouvaient fonctionner, surtout si toutes les personnes impliquées savaient dès le départ dans quoi elles s’engageaient.

Reed continua à détailler à Fran tous les traits de cette femme. Mais quelque chose d’autre avait attiré son attention. Sean Jeffries était en train de descendre les marches du bâtiment réservé aux soins, une grange qu’ils avaient réaménagée pour le docteur Patel ainsi que pour les infirmières et le reste du personnel qui venait s’occuper d’eux et des animaux thérapeutiques. Sean retint la porte, faisant bien attention à placer son visage afin que seul son bon côté soit visible par la personne qui sortait.

Cette personne, c’était Ruhi Patel, la fille du docteur Patel. Ruhi était infirmière et venait souvent aider son père à s’occuper des soldats qui vivaient au ranch ou s’y rendaient pour des soins.

Ruhi et le docteur Patel discutaient en descendant les marches. Sean regardait ses pieds. Mais Fran le vit jeter quelques regards à la jeune infirmière.

Fran soupira. Il soupçonnait depuis longtemps que Sean en pinçait pour Ruhi. Si c’était le cas, il n’accepterait jamais de se trouver une épouse sur une application de rencontre. Ce qui signifiait que Sean devrait lui aussi quitter le ranch.

Le docteur Patel releva les yeux et aperçut les deux hommes. Il leur fit signe d’approcher.

« Je vois que vous utilisez l’application, dit-il à Reed.

— J’ai un rencard la semaine prochaine avec quelqu’un avec qui j’ai soixante-douze pour cent de compatibilité, » répondit Reed en levant son téléphone pour montrer une brune au visage rond.

Il semblait bien qu’il avait déjà oublié le mannequin et ses quatre-vingt-dix-huit pour cent de compatibilité.

« Je trouve ça criminel, ce qu’ils vous forcent tous à faire, dit Ruhi. Vous obliger à vous marier juste pour garder votre foyer.

— Je pensais que tu croyais aux mariages arrangés, dit Reed.

— Ça, c’est du mariage forcé. C’est illégal.

— Personne ne nous force à quoi que ce soit, répondit Reed. On n’est pas obligé de le faire si on n’a pas envie. On peut vivre ailleurs et venir ici pour les soins. »

Sean détourna les yeux. Fran savait qu’il n’avait nulle part où aller, ce qui voulait dire que, dans son cas, la situation était forcée. Fran ne voulait pas partir non plus. Il adorait se réveiller tous les matins sur le ranch. Mais il n’avait pas le choix. Son cœur ne le laisserait pas rester.

« Mon père essaye de me trouver quelqu’un depuis que je suis adolescente, dit Ruhi. Les mariages arrangés ne m’intéressent pas. Je ne suis pas sûre de vouloir me marier tout court. À notre époque, ce n’est plus nécessaire. »

La façon dont Sean avala sa salive indiqua à Fran qu’il ne se contentait pas d’en pincer pour elle. Il avait l’air d’être complètement amoureux. Cela risquait de devenir un problème.

« Et vous, Francisco ? demanda le docteur Patel. Vous recherchez aussi une épouse ?

— Je ne peux donner mon cœur à personne. Il est déjà brisé. »

Il avait dit ça avec un sourire, espérant déclencher quelques rires. Il n’en récolta aucun. Tous connaissaient sa situation.

« C’est un peu cliché, mais on dit que l’amour guérit toutes les blessures, » dit le docteur Patel.

Fran aurait voulu lui répondre que l’amour ne pouvait pas déplacer des morceaux de métal, mais il garda sa langue dans sa poche et hocha la tête.

« Si vous n’êtes pas prêt pour l’amour, peut-être pouvez-vous au moins donner un peu de votre temps pour inspirer la prochaine génération ? C’est le jour des jeunes à l’église demain. Quelque chose me dit que votre point de vue, en particulier au sujet des bienfaits d’une bonne éducation, pourrait éclairer quelques jeunes âmes. »

La Main Sur Le Cœur

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