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I

Table des matières

Départ de Voltaire pour Paris

1778

On avait commencé d’assurer à M. de Voltaire que la reine, Monsieur, Mgr le comte d’Artois, toute la cour, avaient la plus grande envie de le voir; et, dès lors, il arrivait à Ferney de prétendues lettres de Versailles et de Paris, remplies des choses les plus flatteuses et les plus agréables pour M. de Voltaire, et de celles du Roi même, pour l’engager d’aller à Paris.

Enfin, MM. de Villette et de Villevieille, Mme Denis et Mme Villette, firent tout ce qu’ils purent pour persuader à ce vieillard que sa tragédie (Irène) tomberait, s’il n’allait pas lui-même à Paris pour la faire jouer et conduire les acteurs; que c’était l’occasion du monde la plus favorable, puisque la cour, suivant les lettres qu’on lui montrait, était si bien disposée à son égard; que ce voyage convenait à sa gloire, et pour dissuader les trois quarts de l’Europe, qui pensaient qu’il ne lui était pas permis de retourner dans le lieu de sa naissance; qu’il consulterait à Paris M. Tronchin sur sa santé ; qu’étant presque obligé d’aller à Dijon pour un procès, il n’aurait plus qu’autant de chemin à faire, etc., etc.

Toutes ces raisons, toutes ces sollicitations et ces manœuvres déterminèrent enfin ce vieillard à entreprendre ce voyage funeste. On convint que sa nièce, M. et Mme de Villette partiraient les premiers; que tous logeraient chez M. de Villette, et que M. de Voltaire ne resterait que six semaines à Paris.

Ils partirent le 3 février 1778, et M. de Voltaire, avec moi, le 5 à midi, sans autre domestique que son cuisinier.

La douleur et la consternation étaient dans Ferney lorsque M. de Voltaire en sortit. Tous les colons fondaient en larmes et semblaient prévoir leur malheur. Lui-même pleurait d’attendrissement. Il leur promettait que dans un mois et demi, sans faute, il serait de retour, et au milieu de ses enfants. Il est si vrai que c’était là son intention, qu’il ne mit aucun ordre à ses affaires, et n’enferma ni les papiers de sa fortune, ni ceux de littérature.

Nous allâmes coucher à Nantua. Etant arrivés à Bourg en Bresse, pendant qu’on changeait les chevaux, il fut reconnu, et dans l’instant toute la ville se rassembla autour du carrosse, et M. de Voltaire ne put même satisfaire à quelques besoins qu’en se faisant enfermer à la clef dans une chambre du rez-de-chaussée de la maison.

Le maître de la poste voyant que le postillon avait attelé un mauvais cheval, lui en fit mettre un meilleur, et lui dit avec un gros juron: Va bon train, crève mes chevaux, je m’en f...., tu mènes M. de Voltaire. Ce propos fit plaisir aux spectateurs. On partit au milieu de leurs cris et leurs acclamations. M. de Voltaire ne pouvait s’empêcher d’en rire lui-même, quoiqu’il se vît dépouillé, en cette occasion, de l’incognito qu’il s’était proposé de garder dans toute la route.

Nous passâmes la seconde nuit à Senecey, et la troisième à Dijon, où, dès son arrivée, M. de Voltaire alla voir quelques conseillers et le rapporteur du procès qu’il soutenait pour Mme Denis. Plusieurs personnes de la première distinction vinrent pour le visiter; d’autres payaient les servantes de l’auberge pour qu’elles laissassent la porte de sa chambre ouverte. Quelques-uns mêmes voulurent s’habiller en garçons de cabaret, afin de le servir et de le voir par ce stratagème

Le lendemain, nous allâmes coucher à Joigny, et de là nous comptions arriver le même jour à Paris; mais l’essieu du carrosse se rompit à une lieue et demie de Moret. On y envoya un postillon qui y trouva M. de Villette, qui venait seulement d’arriver et qui vint nous prendre dans sa voiture, après quoi il repartit avec sa compagnie.

WAGNIÈRE. Relation du voyage de M. de Voltaire, à Paris, en 1778, et de sa mort. T. I des Mémoires sur Voltaire et snr ses ouvrages, par LONGCHAMP et WAGNIÈRE. (Paris, Aimé André, 1826. 2 vol. in-8.)

(E. D.)

Voltaire à Paris

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