Читать книгу Voyages au temps jadis en France, en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Sicile, - Théodore Aynard - Страница 10

CHAPITRE II

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Table des matières

Qui contient des extraits authentiques du Journal de voyage en Italie et Sicile d'Antoine-Henri Jordan, fils et petit-fils d'échevin, en 1787 et 1788, et quelques autres choses.

u commencement du XVIIIe siècle vivait à Lyon Henri Jordan, fils d'Abraham et petit-fils de Lantelme dont le testament est de 1611; ce Jordan, premier du nom de Henri, était marié à Jeanne de Gérando.

Son fils, Henri Jordan l'aîné, qui fut échevin en 1779 et 1780, avait épousé Magdeleine Briasson, fille de Charles-Claude Briasson, échevin lui-même en 1757 et 1758.

M. Briasson était fabricant d'étoffes de soie; c'est une tradition de famille qu'il avait mis quelques années pour faire sa fortune, toujours avec les deux mêmes dessins: ses robes à l'éclipse et ses robes à la comète avaient brillé d'un vif éclat sur les paniers des grandes dames, dans les salons de Versailles.

Que les temps sont changés! combien aujourd'hui faut-il d'années, et combien de dessins par année, à un fabricant pour faire sa fortune, quand il y arrive?

Une autre fille de M. Briasson avait été mariée au père du baron Rambaud, qui fut maire de Lyon de 1818 à 1826.

Henri Jordan, l'échevin, n'eut qu'un fils, Antoine-Henri, et trois filles, Mmes Vionnet, Coste et Bergasse.

Pierre Jordan, frère de l'échevin, marié à Élisabeth Périer de Grenoble (tante du célèbre Casimir), eut cinq fils qui furent des hommes distingués, ainsi que leurs descendants:

Alexandre Jordan, receveur des finances, père d'Alexandre Jordan, ingénieur en chef des ponts et chaussées, grand-père de Camille Jordan, ingénieur des mines, membre de l'Institut, et de Mme Giraud-Jordan, fille de Camille Jordan, magistrat;

Camille Jordan, célèbre député aux Cinq Cents en 1795, puis à la Chambre sous la Restauration, père d'Auguste Jordan, ingénieur en chef des ponts et chaussées, grand-père d'Arthur de Gravillon et de Mme Boubée-Jordan;

Augustin Jordan, secrétaire d'ambassade, grand-père d'Omer Despatys, ancien magistrat, membre du Conseil municipal de Paris;

Noël Jordan qui fut longtemps le vénérable curé de Saint-Bonaventure à Lyon;

César Jordan, père d'Alexis Jordan, le savant botaniste.

À la fin du siècle dernier, Henri Jordan l'aîné était banquier et marchand de soie à Lyon dans la rue Lafont et plus tard dans sa maison à l'angle de la rue Puits-Gaillot et du port Saint-Clair.

En l'année 1787 il avait dans son commerce comme associé son fils unique, Antoine-Henri, troisième du nom et Barthélemy-Gabriel Magneval, fort jeune alors, qui depuis est devenu député du Rhône de 1815 à 1822.

À cette époque la Chine et le Japon n'étaient pas encore inventés comme pays de production des fils de soie; nous n'en tirions que des porcelaines et des foulards.

La fabrique lyonnaise faisait venir toutes ses soies du Dauphiné, du midi de la France, de l'Italie et de la Sicile.

La maison Jordan avait fait d'assez fortes avances à une maison Cajoli, de Turin, qui venait de suspendre ses payements; il y avait intérêt à suivre de près cette affaire. La traiter par correspondance n'était pas chose très facile; les lettres pour une grande partie de l'Italie ne partaient qu'une fois par semaine et réciproquement. Quant au télégraphe électrique, Ampère était bien né, mais il n'avait pas encore mérité une statue avec des sirènes à ses pieds, qui semblent à Lyon, je ne sais pas pourquoi, l'accessoire obligé de nos grands hommes.

On décida qu'Antoine-Henri Jordan fils irait à Turin pour recouvrer le plus qu'il pourrait de la créance Cajoli; qu'il profiterait de ce voyage pour voir tous les correspondants de la maison, en visitant l'Italie pour en augmenter le nombre et compléter son éducation.

Il y a quelques années, ayant hérité de la bibliothèque d'une de mes tantes, j'ai trouvé, sur un des derniers rayons, un manuscrit séculaire assez bien conservé. Comme il était hérissé de renseignements commerciaux d'un autre âge, je n'y avais pas fait d'abord très grande attention. Plus tard, ayant quelques loisirs je me suis appliqué à la lecture de ce volume, qui m'a vivement intéressé, les renseignements qu'il me donnait rentrant tout à fait dans le cadre que je m'étais tracé, c'est-à-dire la comparaison des voyages de jadis et de ceux d'aujourd'hui.

Ce voyage de mon grand-père était pour lui un voyage d'agrément autant qu'un voyage d'affaires; l'emploi de son temps est résumé dans des notes écrites jour par jour, depuis son départ, le 11 août 1787, jusqu'à son retour à Marseille, le 22 juillet 1788, et quelques jours après à Lyon; cela fait une année complète.

Elles forment deux parties distinctes: l'une contient ses impressions de touriste et les faits matériels du voyage; l'autre s'applique aux affaires de la soie, et longuement aux questions de change et de monnaie, alors très importantes à cause de leur diversité, chaque principauté d'Italie ayant la sienne propre.

Je ne m'occuperai que de la première partie de ces notes, par la bonne raison que je ne comprends rien à la seconde, dont presque tous les termes, écrits en abréviations, sont pour moi des hiéroglyphes pour lesquels il me faudrait un nouveau Champollion.

Même dans la première partie, je passerai beaucoup de descriptions de monuments que tout le monde connaît. Je dis tout le monde, comme les journalistes disent Tout-Paris, quand ils le font tenir dans une salle de spectacle, ou la chambre des députés.

Je me bornerai donc aux citations qui font connaître le voyage proprement dit, et les mœurs de l'époque dans les pays parcourus.

Bien qu'elles soient du siècle dernier, je peux les appeler des notes télégraphiques et photographiques; à cause de leur concision et de leur précision véridique, deux qualités qui ont caractérisé mon grand-père pendant toute sa vie.

Antoine-Henri Jordan, fils et petit-fils d'échevin était fort jeune alors, il n'avait que vingt-quatre ans; sa famille était dans une bonne position de fortune et d'honorabilité, l'avenir lui souriait; il n'était pas encore marié; il partait l'esprit content, libre de toute préoccupation.

On était à deux années de la convocation des États généraux; rien ne pouvait faire prévoir les tristes événements qui devaient les suivre.

Dans ce temps-là, il n'y avait aucune voiture publique allant de Lyon en Italie; il partait donc en poste dans la chaise de son père, accompagné d'un fidèle domestique (Laforest), convenablement muni de lettres de recommandation et de crédit.

Notes de voyage d'Antoine-Henri Jordan en Italie et en Sicile. J'ouvre le cahier de notes et je copie:

10 août 1787.—Parti de Lyon, à six heures du soir, je suis arrivé le lendemain au Pont-de-Beauvoisin à six heures du matin. Beau temps, sans retard extraordinaire. (Il avait mis douze heures, il faut aujourd'hui deux heures par le train omnibus.)

11 août 1787.—Passé au Pont, sans être visité à la douane sarde, si ce n'est pour la forme; malle détachée et rattachée sans autre cérémonie.

Entré dans les États de Savoie, passage à la montée de la Chaille dont la vue est magnifique; arrivé à la montée de la Grotte, ouverte en 1670 par Charles-Emmanuel II, suivant l'inscription qu'on peut lire; une des beautés de la Savoie.

Entre Saint-Jean-de-Cou et Chambéry, cascade de 200 toises de hauteur. Vu Chambéry... J'ai été obligé d'y rester deux heures pour faire remettre des clous à la chaise. Route continuée sans accident jusqu'à Lanslebourg.

(Arrivé là, le voyage se compliquait; non seulement le tunnel du mont Cenis n'existait pas, mais la route à voiture pour traverser les Alpes n'était pas construite; on ne pouvait donc franchir la montagne qu'à pied ou à cheval. La route n'a été faite que sous Napoléon Ier.

Il fallait démonter la voiture et faire transporter à dos d'homme séparément la caisse, les roues et les brancards.)

12 août—Il faut faire marché avec les muletiers pour le transport des bagages, avec les porteurs pour sa chaise, avec le maître de poste pour les chevaux de selle, avec l'aubergiste; cela n'en finit pas.

Après dîner, c'est-à-dire à deux heures, je suis monté à cheval, arrivé sain et sauf à Novalèse, n'ayant pas souffert de la chaleur sur la montagne, grâce au brouillard qui cachait le soleil.

Couché à Novalèse, après avoir reçu les équipages en bon état, fait remonter la voiture, dont le trajet a été fort heureux et tout préparé pour le départ du lendemain qui s'est fait à deux heures du matin.

13 août.—Arrivé à Turin, à dix heures et demie du matin. Je n'ai pas été visité là, plus qu'ailleurs. Logé à l'hôtel d'Angleterre.

(Parti de Lyon, le 10 août à six heures du soir, il était arrivé le 13 à dix heures et demie du matin, il avait donc mis cinquante-deux heures pour un trajet qu'on peut faire aujourd'hui en neuf heures.

Il n'est reparti de Turin que le 8 octobre, il y est resté près de deux mois.

Ses notes contiennent, jour par jour, un résumé de toute sa correspondance au sujet de l'affaire Cajoli, des renseignements sur les nombreux correspondants de la maison, le prix des soies, la valeur du change, etc., en outre, il résume l'emploi de son temps en dehors des affaires.)

14 août.—Je suis allé voir M. de Bianchi, qui m'a engagé à venir loger dans son appartement; me voici transporté armes et bagages dans le canton de Saint-Frédéric, près de la rue Neuve maison Vigna.

Description de la ville de Turin....

17 août.—Partie de campagne chez M. Ferraris....

19 août.—Autre partie chez M. Negri....

22 août.—Il y a trois salles de spectacle à Turin: le théâtre du roi qui touche à son palais; on y joue l'opéra, ouvert seulement en carnaval; le théâtre du prince de Carignan, sur la place du même nom; on y joue la comédie, la tragédie, des arlequinades et l'opéra-comique.

Un troisième théâtre chez le marquis d'Anglesne est petit, mais bien décoré.

23 août 1787.—Partie de campagne chez M. Negri... visite à Moncalieri chez Mme Nasi, à M. Bianchi au château. De là, dîner à Castel-Nuovo; on me garde à coucher. Nous partons à six heures pour aller à la comédie à Moncalieri; acteurs meilleurs que ceux de Turin...

24 août.—Retour à Turin à six heures du soir, partie à pied, partie en carrosse, aussi gai que la venue.

25 août.—Visite à M. de Choiseul (notre ambassadeur à Turin) qui m'a reçu avec son air leste, à sa toilette, et m'a congédié ensuite, sans cérémonie, quand elle a été faite.

26 août.—Partie de campagne chez M. Brouzet à la Colline, où nous avons dîné en très bonne compagnie; maison fort agréable et très champêtre.

Nous partons de Turin, le 28, à cinq heures du soir, avec M. Negri, pour sa maison de campagne, pour être à portée de Moncalieri.

29 août.—À six heures du matin, nous descendons dans la plaine, où était rangée la légion d'accompagnement qui devait manœuvrer sous les yeux du roi.

(Description des manœuvres... traversée du Pô... Dressement des tentes... etc.)

Nous nous embarquons sur le Pô, avec Mme Aignon, ses filles, Mme Nasi, Mme Nasi Maggia et ses quatre sœurs, MM. Aignon et Nasi fils; nous descendons à Moncalieri, nous dînons chez M. Nasi, et le soir, nous retournons coucher chez M. Negri.

2 septembre.—Dîné à la campagne Saint-Ange-Morel avec Barberis, Ballor, Jouben et autres, au nombre de douze, sur le chemin de la Superga à un mille de Turin.

8 septembre.—Procession de la fête de la Vierge où vont les communautés religieuses, le chapitre de la cathédrale, l'archevêque, le sénat, la chambre des comptes, le consulat, les conseillers de ville et les corps nombreux de pénitents et pénitentes; concours très considérable de toute la population.

9 septembre.—Dîné à la vigne de Doxa, presque à la porte de la ville, avec M. Leclerc de Nice, Tollo père et ses deux fils, Haldimand, etc.

Ces deux jours, le spectacle du Théâtre de Carignan était magnifique; toutes les loges étaient pleines, chose rare pour la saison.

(On voit par ses notes de correspondance que pendant la fin de septembre, il s'est beaucoup occupé de l'affaire Cajoli et autres.)

8 octobre.—Il part de Turin pour Bologne, toujours dans sa chaise de poste, en passant par Casale, Alexandrie, Tortone, Plaisance, Parme, Reggio et Modène.

(Dans chaque ville il fait une description sommaire des pays traversés, qu'il serait trop long de transcrire ici, nous nous bornerons à quelques extraits.)

8 octobre 1787.—On traverse cinq rivières pour aller de Turin à Casal: la Stura, le Mollon, l'Eau-d'Or, la Dora-Baltéa et le Pô à Casal même, sur lesquelles il n'y avait point de ponts.

10 octobre.—Le théâtre d'Alexandrie est grand, mais le parterre est bas. L'opéra est bon; la première chanteuse excellente; le ballet fort joli. Après le spectacle il y a bal, où tout le monde peut entrer en payant, mais il n'y a que les nobles qui peuvent danser!

On voit à Alexandrie un beau pont couvert sur le Tanaro qui a 620 pieds de long.

14 octobre.—Voyage à Novi; on a rajusté le chemin qui était impraticable. On traverse Pozzalo, village dangereux à cause des voleurs; il est prudent de ne pas y passer la nuit.

16 octobre.—Départ d'Alexandrie pour aller à Tortone; on passe la Scrivia; cette rivière est tantôt guéable, tantôt d'une grande force; de sorte qu'il n'y a point de prix fixe pour le passage en bateau. Le mien a duré deux minutes. J'ai offert 5 sous; on m'a demandé 3 livres, et l'on s'est contenté de 10 sous, sur la menace d'informer le commandant.

Description de Plaisance... l'église du Dôme est grande, belle; beaucoup de peintures.

17 octobre.—Parti de Plaisance à trois heures et demie, j'arrive à cinq heures à Fiorenzuola, petite ville où je ne trouve point de chevaux, à cause de la foire; il faut se décider à coucher.

Il y a grand monde à l'auberge; je suis engagé à aller à un bal que donnent quelques seigneurs des environs; j'y reste jusqu'à deux heures du matin, puis je vais me coucher; en partant à six heures et demie je rencontre quelques dames qui en sortaient. Description de Parme, Reggio et Modène.

21 octobre.—La grande tour de Modène, une des sept merveilles de l'Italie: il y a quatre cents marches à monter.

23 octobre.—Arrivé à Bologne. Je me loge hôtel de la Paix. Description de Bologne. L'église métropolitaine de Saint-Pierre et la collégiale de San-Pétronio sont l'une et l'autre très vastes et d'une très grande hauteur.

24 octobre.—Partie de campagne chez le marquis de Rata, où j'ai vu le cardinal-légat. Le soir, vu Mme Bianchi la mère qui m'a fait beaucoup d'amitiés.

25 octobre.—Vu le doyen de Bianchi dont j'ai reçu toutes les offres de service. Dîné chez M. de Merendoni, avec le doyen qui ne m'a pas quitté de toute la journée; nous sommes allés ensemble à San-Giovani-in-Monte, où se sont chantés en grande cérémonie la messe et les vêpres en l'honneur de saint Antoine de Padoue, par une société philharmonique composée de nobles.

26 octobre.—Le doyen m'a prêté son domestique, qui m'a accompagné à l'Institut, etc... Je suis allé voir le marquis de Tauraro qui a de beaux tableaux de maîtres.

Après le dîner le doyen m'a conduit chez sa sœur, la comtesse de Pepoli, à la campagne à 3 milles de la ville, sur la route de Ferrare. J'y suis invité pour dimanche.

28 octobre 1787.—Vu la fameuse madone de Saint-Luc. Grande chapelle de la Vierge ou pour mieux dire grande église située sur la hauteur, à 3 milles de Bologne; on y arrive par six cent vingts portiques tous couverts. Le chemin pour les carrosses est à côté, et dans la montée les portiques passent trois fois par dessus. (Suit une grande description.)

La chapelle est fondée et entretenue par souscriptions particulières des Bolognais; la première pierre fut posée en 1733.

1er novembre.—Installation solennelle du gonfalonnier chef du Sénat, premier magistrat de la ville de Bologne, qui n'a plus que l'ombre de son ancien pouvoir; depuis que Bologne s'est donnée au Pape, l'autorité réside toute entière dans la personne du cardinal-légat; ce qui n'empêche pas qu'aujourd'hui on suive les mêmes usages qu'autrefois.

Le gonfalonnier change tous les deux mois; pendant quatre jours tous les deux mois, ce sont les mêmes fêtes et processions qui se renouvellent.

2 novembre.—Départ de Bologne pour Florence à neuf heures du matin; passage des Apennins par un vent violent.

Je m'arrête trois heures à Lojano, méchant village, pour faire raccommoder ma voiture à laquelle trois boulons ont cassé.

Florence.—J'arrive à Florence à dix heures du soir.

En entrant en Toscane, il faut se faire visiter, ou consigner deux sequins (le sequin valait 12 livres) qui sont rendus à Florence, quand on a visité la malle. Pour cela il faut aller à la douane où j'ai perdu une matinée.

3 novembre.—Sur la recommandation de Mme Spinosa, je me suis logé à l'Aigle Noir près du Dôme chez Pio Lombardi. La ville compte 95,000 habitants.

(Ici grande description de la ville, de ses monuments, de ses palais, des églises et des musées; il visite le palais Capponi, berceau de Laurent Capponi qui s'est rendu célèbre à Lyon par sa générosité au XVIe siècle. Arrivé le 2 novembre, il en est reparti le 7; ce n'était pas trop pour voir toutes les merveilles de cette ville magnifique dans laquelle il devait s'arrêter à son retour.)

7 novembre.—Départ de Florence pour Lucques, à six heures et demie du matin. Attendu près d'une demi-heure à la porte pour laisser entrer les voitures des maraîchers; enfin nous sortons.

Je m'arrête à Cojano pour voir le palais Poggio au grand-duc, qu'on vante beaucoup, je ne sais pas pourquoi.

À Buggiano, je me suis disputé avec le maître de poste qui voulait me mettre trois chevaux à cause du mauvais chemin et de la pluie; par amiable composition, il a été convenu qu'au lieu de 4 pauls par cheval et par poste, je n'en donnerais que 3 ce qui a été exécuté.

7 novembre.—En arrivant à Lucques, à six heures du soir, il a fallu faire le tour de la ville le long des remparts, parce qu'à la nuit les portes sont fermées à l'exception d'une seule; pour entrer on paye 6 sous par voiture et 2 sous par personne pour se faire ouvrir.

Lucques, république aristocratique, comme Bologne l'était autrefois, est gouvernée par un gonfalonnier et huit anziani (anciens) qui changent tous les deux mois; il y a un grand conseil composé de cent cinquante nobles qui décide de toutes les affaires.

Logé à la Croix-de-Malte; payé le plus haut prix qu'on ait exigé de moi jusqu'à présent 16 pauls par jour; mais il faut observer que je suis seul dans l'hôtel, et que je paye pour ceux qui n'y sont pas.

9 novembre 1787.—Arrivé à Pise le soir, logé au Trois-Donzelles. (Description de Pise.)

10 novembre.—Parti après dîner; arrivé à Livourne avant la nuit.

11 novembre.—Visité en mer deux bâtiments suédois avec Mme Redi et M. Ulric.

Livourne ne brille pas par ses églises; les deux plus belles sont le Dôme et les Dominicains. Par contre, le théâtre est fort joli; il est grand, bien éclairé, avec cinq rangs de loges superposées; mais l'opéra y est très mauvais.

17 novembre.—Départ de Livourne à sept heures du matin pour retourner à Florence.

La ville de Livourne est un port franc, où tout peut entrer et sortir par mer; mais du côté de la terre, les douanes du grand-duc sont très rigides.

Avant de partir il faut faire visiter et plomber ses malles; sans cela on est visité à la porte de Pise, de Florence, en un mot, dans toutes les villes de la Toscane.

J'avais fait plomber ma malle à Florence, pour aller jusqu'à Rome sans la défaire; arrivé à Florence à neuf heures du soir, on a prétendu qu'il fallait visiter cette malle, parce qu'elle venait de Livourne ou bien aller à la douane.

Il a fallu consigner encore une fois ma voiture à la douane pour la retirer le lendemain matin. J'ai eu la mauvaise chance d'être pris pour un marchand d'échantillons, ce qui m'a fait traiter avec rigueur.

19 novembre.—Revu Florence. (Nouvelle description de la ville.)

Revu la galerie du Grand-Duc degli uffici avec un nouveau plaisir. (Le sentiment qu'il éprouve de revoir Florence est partagé par tous ceux qui ont eu la chance heureuse d'y aller et d'y retourner.)

20 novembre.—Dîné chez M. Redi; après le spectacle et le souper je me suis mis en chaise à onze heures et demie du soir pour me rendre à Bologne où j'arrive aujourd'hui mardi à cinq heures du soir.

J'ai eu sur l'Apennin un vent très froid, les chemins étaient très mauvais à cause de la pluie.

La première fois étant parti de Bologne la nuit, je n'avais pas vu les environs; il y a des palais superbes; entre autres celui du marquis Aldrovandi Marescotti et celui du prince Hercolani encore plus beau.

À Parme, à Modène et Bologne les étrangers payent au spectacle le double du prix payé par les gens du pays.

23 novembre.—Parti de Bologne pour Ancône à huit heures du matin; passé par Imola, petite ville où il y a beaucoup de noblesse.

À Faenza il y a une fabrique de faïence considérable (c'est de là que vient son nom). J'y ai vu des ouvrages très curieux imitant la porcelaine. (Il passe à Cesena, Rimini et Pesaro.)

25 novembre 1787.—Parti de Pesaro à une heure après midi, arrivé à Fossonbrone à six heures avec de la pluie et de très mauvais chemins.

En arrivant j'ai trouvé Pierre Moci, qui a voulu absolument me loger chez lui, ce à quoi j'ai consenti, pour jouer un tour au maître de poste, qui avait le front de me demander 15 pauls pour une nuit.

26 novembre.—Séjour à Fossonbrone à cause de la neige.

27 novembre.—Je pars à quatre heures du matin; beau clair de lune, temps froid; passé à Sinigalia, très joli petit port de mer sur l'Adriatique.

Arrivé à trois heures à Ancône, ville très commerçante, qui augmente tous les jours.

28 novembre.—Parti d'Ancône à huit heures j'arrive à Lorette à midi.

Je vois l'église et la Sainte-Chapelle, Santa Casa, qui suivant une ancienne tradition est la maison où Notre-Seigneur Jésus-Christ s'est incarné. C'est-à-dire la maison de la sainte Vierge. On a laissé les murs dans leur état naturel, on s'est borné à orner les lambris d'une grande quantité de lampes d'argent massif d'un poids considérable.

Le trésor renferme des richesses incroyables, diamants, perles, rubis, etc., provenant des largesses des plus grands princes de l'Europe.

Arrivé à Macerata à quatre heures et demie je suis obligé de m'arrêter pour faire remettre des vis à ma chaise et parce qu'on m'annonce qu'il y a du danger sur le chemin.

29 novembre.—Parti de Macerata avant jour; arrivé à Tolentino, j'apprends que le passage du col Fiorito (Apennins) est intercepté par les neiges et l'on me fait attendre trois heures.

Je pars pourtant sur de nouveaux renseignements, qui annoncent qu'on a fait le passage; je trouve beaucoup de neige qui rend le chemin difficile; j'arrive non sans peine à Serravalle au pied des Apennins.

Le maître de poste de Ponte-della-Trava, voulant me faire coucher chez lui, m'avait annoncé que je trouverais grand monde à Serravalle, et que je ne pourrais pas me loger. Je ne me laisse pas faire et voyant surtout qu'il veut m'étrangler pour le prix, je demande des chevaux; il me les refuse sous prétexte qu'il n'en a pas.

Cependant il en arrive et me les fait payer un prix exorbitant, que je suis obligé de subir parce qu'il n'y a point de juge dans cet endroit.

Me voici donc à Serravalle, j'y soupe et j'y couche au prix assez fort de 10 pauls (5 fr. 60 environ), pour un mauvais souper et un mauvais lit; après avoir passé la soirée avec la duchesse de Sampiari, de Naples, qui venait de traverser la montagne et se rendait à petites journées à Lorette.

30 novembre.—J'avais donné mes ordres pour partir au point du jour; je me lève à sept heures, je fais chercher mes gens; tous à la messe pour fêter saint André! au retour il faut bien déjeuner; au lieu de partir à sept heures nous ne partons qu'à huit heures et demie avec quatre chevaux et deux hommes pour soutenir la chaise dans les mauvais pas!

Comme le ciel était serein je fis le voyage très heureusement, et j'arrivais à deux heures et demie à Foligno, ville d'Ombrie assez peuplée; on y compte 22,000 habitants.

1er décembre 1787.—Les maîtres de poste de la Romagne sont les plus grandes canailles qu'il y ait au monde; ils font aux voyageurs toutes les insolences dont ils peuvent s'aviser et cherchent toujours à les duper s'ils n'ont aucun moyen de se faire rendre justice.

Au col de la montagne Fiorito, la marquise Ghilini, d'Alexandrie, qui l'a traversé la veille de mon passage, avait avec elle vingt hommes pour faire le chemin; elle a vu cinq de ces malheureux, les couteaux à la main, contre elle et son domestique, parce que ce dernier leur faisait le reproche, bien mérité, d'avoir exposé par leur faute la marquise à tomber dans le précipice.

Avec cette race, on est obligé de les remercier de ce qu'ils veulent bien prendre l'argent qu'ils vous forcent de donner.

Le ruspone, soit la pièce de 3 sequins de Florence, est tarifée à 65 pauls et 1 bayoque romains, dans les États du Pape. Dans la route de Lorette à Rome, les maîtres de poste ne veulent le prendre que pour 63 pauls, quelques-uns même pour 62. Les pauvres voyageurs, qui, sur la foi du tarif, n'ont dans leur poche que des triples sequins toscans, sont réduits, dans la route, à perdre 2 ou 3 pauls par ruspone.

Avis aux voyageurs d'avoir toujours dans leur escarcelle de l'argent du pays.

Pressé d'arriver à Rome pour y trouver les lettres qui m'y attendaient, je me décide à voyager jour et nuit; j'avais un beau clair de lune, j'y voyais comme en plein jour.

J'ai traversé, sans m'y arrêter, Spolette, Terni, Narni, Otricolli, Castellana; toutes ces villes sont en pays de montagne.

Avant d'arriver à Rome à quatre lieues de distance, on distingue le dôme de Saint-Pierre.

J'arrive à Rome à trois heures et demie par la porta et la piazza del Popolo. Je me loge chez Damon, hôtel des Français, via della Croce, allant du Corso à la place d'Espagne.

2 décembre.—Le matin, toilette faite, je suis allé à la chapelle du Saint-Père, où il chantait une messe solennelle pour l'ouverture de l'Avent, assisté de tous les cardinaux, avec un monde considérable.

Après la messe, tout le cortège ecclésiastique a fait la procession de la chapelle Sixtine à la chapelle Paolina, pour célébrer l'ouverture des quarante heures.

Après l'exposition du Saint-Sacrement, la procession est retournée d'où était venue, et tout a été dit.

Ces deux chapelles sont très belles et méritent d'être revues avec moins de foule. L'église de Saint-Pierre, à côté du Vatican, jouit avec raison de la réputation d'être la première église du monde. Elle frappe au premier coup d'œil par sa grandeur. (Description de Saint-Pierre.)

L'après-dîner s'est employé à rendre les lettres de recommandation ainsi que la matinée du lendemain; je n'ai vu que les rues et les places en courant en voiture.

3 décembre 1787.—Le pont Saint-Ange... Le château Saint-Ange, c'est là qu'on a trouvé dans le tombeau d'Adrien des œuvres de Phidias... Castor et Pollux avec leurs chevaux, dont le plus grand mérite est leur antiquité.

L'entrée de Rome par la place del Popolo est majestueuse.

Les carrosses font tous les soirs le cours dans la rue du milieu (il corso), surtout le dimanche quand il fait beau (depuis cent ans c'est toujours de même).

La villa Borghèse, que nous avons visitée cet après-dîner, est fort intéressante. J'y suis allé avec M. et Mme Schulteis et Mme Veraci, Florentine, qui leur était recommandée.

Arrivé à Rome le 1er décembre 1787, Henri Jordan y est resté plus d'un mois, jusqu'au 5 janvier 1788; il y a passé quelques jours encore à son retour de Sicile.

Ceux qui ne connaissent pas Rome feront bien de passer rapidement les pages suivantes; ceux, au contraire, qui l'ont vue, retrouveront avec intérêt les noms de toutes les choses qu'ils connaissent et qui depuis un siècle ont peu changé.

Il serait trop long, et en dehors du cadre de cet écrit, de copier en entier les descriptions qui se trouvent dans le manuscrit, je me bornerai donc, en général, à une simple nomenclature.

4 décembre.—Le matin Saint-Pierre... La fontaine Trévi...

5 décembre.—Campo Vaccino ou Forum Romanum... Arc de Constantin... Arc de Septime Sévère, temples de la Paix et de la Concorde, de Jupiter Tonnant, du Soleil et de la Lune, arc de Titus, amphithéâtre Flavien (Colisée), les dehors du Capitole.

6 décembre.—Sorti de la rue de la Croix, où je loge, suivi le Corso jusqu'au Capitole; vu Saint-Paul-hors-les-Murs.

Sur la route, tombeau de Caius Sextius, et le mont Aventin.

Église Sainte-Sabine, églises de Sainte-Marie-de-Lorette, in Cosmedin, Égyptienne.

Restes du temple de Vesta, où l'on a bâti Sainte-Marie-du-Soleil.

Traces du pont Sublicius, défendu par Horatius Coclès.

L'Arc de Saint-Lazare, le pont Palatin ou ponte Rotto.

Églises Saint-Nicolas-in-Carcere, restes du portique d'Octavie.

Église Saint-Ange-in-Pescheria, théâtre de Marcellus, où est le palais Orsini.

L'Arc de Janus, l'Arc de Septime-Sévère-in-Velabro.

L'ouverture de la Cloaca Maxima, la fontaine de Saturne.

La colonne Trajane, port de Rippa-Grande.

7 décembre.—Sorti à dix heures par la place d'Espagne. Trinité du Mont.

Église de la Conception, Capucins; fontaine Barberini.

Église Saint-Nicolas-de-Tolentin; église Sainte-Marie-de-la-Victoire.

Fontaine dei Termini, dite de Moïse, Sainte-Marie-Majeure.

Église Sainte-Prudentienne, église Saint-François-de-Paule.

8 décembre 1787.—Églises Saint-Charles, Sainte-Agnès, Saint-Jacques-des-Espagnols.

Ces deux dernières place Navone; Trois-Fontaines et Obélisques.

Églises Saint-Jean-de-Latran, Baptistère de Constantin.

Saint-André-di-Monte-Cavallo et la place.

9 décembre.—Église des Chartreux, dite Sainte-Marie-des-Anges, le Panthéon ou la Rotonde. La villa Médicis. L'église de la Minerve.

10 décembre.—Église Saint-Jacques-des-Incurables, église Jésus et Marie, palais Rondini.

Église Sainte-Marie-di-Monte-Santo, des Miracles, del Popolo, sur la place.

Palais Capponi, restes du mausolée d'Auguste, église Saint-Roch.

Églises Saint-André, Saint-Ignace, Saint-Sauveur-in-Lauro.

11 décembre.—Églises Saint-Luc, Saint-Yves-des-Bretons, place et collège Clémentin.

L'Obélisque solaire d'Auguste, dans la cour du palais della Vignaccia.

Église de la Trinité, prêtres des Missions, église Sainte-Marie-in-Campitelli.

Églises du Jésus, Sainte-Marie-d'Ara-Coeli; Sainte-Marie-Libératrice, les trois colonnes des Cornices, revu le Colisée, monté au deuxième étage.

12 décembre.—Église Saint-Jean-Baptiste-des-Florentins, la rue Julia, église Sainte-Catherine-de-Sienne.

Voyages au temps jadis en France, en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Sicile,

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