Читать книгу Eaux printanières - Иван Тургенев, Тургенев Иван Сергеевич - Страница 15
XIV
ОглавлениеSanine était un fort beau garçon, de taille haute et svelte; il avaitdes traits agréables, un peu flous, de petits yeux teintés de bleuexprimant une grande bonté, des cheveux dorés et une peau blanche etrose. Ce qui le distinguait de prime abord, c'était cette expression degaieté sincère, un peu naïve, ce rire confiant, ouvert, auquel onreconnaissait autrefois à première vue les fils de la petite noblesserurale russe. Ces fils de famille étaient d'excellents jeunesgentilshommes, nés et librement élevés dans les vastes domaines des paysde demi-steppes.
Sanine avait une démarche indécise, une voix légèrement sifflante, etdès qu'on le regardait il répondait par un sourire d'enfant. Enfin ilavait la fraîcheur et la santé; mais le trait caractéristique de saphysionomie était la douceur, par dessus tout la douceur!
Il ne manquait pas d'intelligence et avait appris pas mal de choses.Malgré son voyage à l'étranger, il avait conservé toute sa fraîcheurd'esprit et les sentiments qui à cette époque troublaient l'élite de lajeunesse russe, lui étaient totalement inconnus.
Dans ces derniers temps, après s'être mis en quête d'hommes nouveaux, les romanciers russes ont commencé à représenter des jeunes gens qui sepiquent avant tout de fraîcheur, mais ils sont frais à la façon deshuîtres de Flensbourg, qu'on apporte à Saint-Pétersbourg.
Sanine n'avait rien de commun avec ces jeunes gens.
Puisque je me laisse aller à des comparaisons, je dirai que Sanineressemblait à un jeune pommier touffu, récemment planté dans un jardinrusse de terre arable, ou plutôt à un jeune cheval de trois ans, biennourri, au poil lisse, aux pieds forts, et qui n'est pas encore dressé.
Ceux qui ont rencontré Sanine plus tard, quand la vie l'a brisé, quandil a perdu le velouté de la première jeunesse, ont trouvé en lui un toutautre homme.
* * * * *
Le lendemain matin, Sanine était encore au lit, lorsque Emilio, endimanché, une canne à la main, et très pommadé, entra vivement dans lachambre de son ami pour lui annoncer que Herr Kluber serait tout desuite là avec la voiture, que le temps promettait d'être très beau, quetout était prêt, mais que sa mère ne serait pas de la partie parce quesa migraine l'avait reprise.
Emilio engagea Sanine à s'habiller au plus vite en lui disant qu'iln'avait pas un instant à perdre.
En effet, M. Kluber surprit le jeune Russe au milieu de sa toilette. Ilfrappa à la porte, entra, salua en se courbant en deux, et se déclaraprêt à attendre aussi longtemps qu'on voudrait, puis il s'assit enposant avec grâce son chapeau sur son genou.
Le premier commis était tiré à quatre épingles et avait versé sur sapersonne tout un flacon de parfum; chacun de ses mouvements était suivid'un effluve d'arôme subtil.
Il était arrivé dans un landau découvert attelé de deux chevaux grandset vigoureux, mais dépourvus d'élégance.
Un quart d'heure plus tard, Sanine, Kluber et Emilio arrivèrenttriomphalement devant le perron de la confiserie. Madame Roselli refusacatégoriquement de se joindre à la promenade.
Gemma voulut rester pour tenir compagnie à sa mère, mais Frau Lénore lamit pour ainsi dire dehors de vive force.
– Je n'ai besoin de personne pour me tenir compagnie, dit-elle, je veuxdormir. J'aurais envoyé Pantaleone avec vous, mais il faut que quelqu'unreste au magasin.
– Pouvons-nous prendre Tartaglia avec nous?
– Je crois bien, mon fils.
Tartaglia sauta immédiatement avec des bonds de joie sur le siège à côtédu cocher et s'assit en se pourléchant les babines. Évidemment il étaithabitué à ces promenades.
Gemma mit un grand chapeau de paille orné de rubans couleur de cannelledont l'aile repliée sur le front abritait tout le visage. L'ombres'arrêtait aux lèvres qui rougissaient virginalement et tendrement, comme les pétales d'une rose à cent feuilles, tandis que les dentsbrillaient discrètement, avec la même innocence que chez un enfant.
Gemma prit place au fond de la voiture avec Sanine. Kluber et Emilios'assirent en face.
Le pâle visage de Frau Lénore apparut à la fenêtre. Gemma agita sonmouchoir, et les chevaux se mirent en marche.