Читать книгу Roméo et Juliette - Уильям Шекспир, William Szekspir, the Simon Studio - Страница 7

ACTE PREMIER
SCÈNE IV

Оглавление

Une rue.

Entrent ROMÉO, MERCUTIO, BENVOLIO, avec cinq ou six autres masques et des porteurs de flambeaux.

ROMÉO.—Eh bien! est-ce là ce que nous dirons pour notre excuse, ou entrerons nous sans apologie?

BENVOLIO.—Tous ces bavardages-là sont du temps passé16.

Nous n'aurons point de Cupidon avec son bandeau et son écharpe, portant un arc à la tartare fait de latte peinte, pour effrayer les dames au hasard, comme un homme qui chasse les corneilles; nous n'aurons pas non plus de ces prologues sans livres répétés en traînant après le souffleur au moment de notre entrée. Qu'ils nous mesurent des yeux comme il leur plaira, nous leur mesurerons une mesure de danse, et nous voilà partis.

ROMÉO.—Donnez-moi une torche; ces gambades ne me vont pas. Sombre17 comme je le suis, c'est à moi à porter le flambeau.

MERCUTIO.—Vraiment, mon cher Roméo, il faudra bien que vous dansiez.

ROMÉO.—Non pas moi, croyez-moi. Vous autres, vous avez des souliers à danser et le pied léger; moi, j'ai une âme de plomb qui me cloue tellement à terre que je ne saurais remuer.

MERCUTIO.—Vous êtes amoureux, empruntez les ailes de l'Amour pour vous élancer au delà des hauteurs ordinaires.

ROMÉO.—Il m'a lancé un dard qui me perce trop cruellement pour que je puisse me lancer sur ses ailes légères; et enchaîné18 comme je le suis, je ne puis m'élever au-dessus de ma sombre tristesse: je succombe sous le pesant fardeau de l'Amour.

MERCUTIO.—Et en succombant vous écraserez l'Amour: vous êtes un poids trop fort pour quelque chose de si délicat.

ROMÉO.—L'Amour délicat! il est dur, rude, ingouvernable, piquant comme l'épine.

MERCUTIO.—Si l'Amour vous mène rudement, menez rudement l'Amour; s'il vous pique, donnez de l'éperon et vous le mettrez à bas. Allons, une boîte pour mon visage; c'est un masque pour un masque. (Il met son masque.) Que m'importe à présent quel oeil curieux remarque mes difformités? Voici un front refrogné qui rougira pour moi.

BENVOLIO.—Allons, frappe, et entrons; et aussitôt entrés, que chacun ait recours à ses jambes.

ROMÉO.—Donnez-moi une torche. Que des étourdis légers de coeur effleurent de leurs pieds les joncs insensibles19. Pour moi, je tiendrai, comme on dit, la chandelle, et je regarderai. Ce qui me convient, c'est le proverbe des grand'mères: «La fête n'a jamais été si belle, et je m'en vas20

MERCUTIO.—Bon, bon, à la nuit tous chats sont gris; c'est le mot du constable: et si tu es gris, nous te tirerons, sauf respect, de la mare où cet amour t'a enfoncé jusqu'aux oreilles. Venez, nous brûlons le jour21. Holà!

ROMÉO.—Cela n'est pas ainsi.

MERCUTIO.—Je veux dire, mon cher, qu'en nous arrêtant ainsi nous dépensons notre lumière sans profit, comme des lampes qui brûleraient le jour. Il faut voir dans ce que nous disons ce que nous avons intention de dire, car c'est là que la raison se trouvera cinq fois plutôt qu'une seule dans nos cinq sens.

16

Il paraît qu'autrefois il arrivait souvent qu'on vînt à une fête sans y être invité; alors on paraissait en masque et précédé d'une espèce de hérault, également déguisé et qui prononçait par forme d'excuse un compliment préparé. Apparemment que, du temps de Shakspeare, la mode de ces compliments commençait à passer.

17

Chaque troupe de masques était précédée d'un homme portant une torche qui entrait dans l'assemblée, mais ne se mêlait point à la fête.

18

Il y a ici abondance et complication de jeux de mots entre sore (cruel) et soar (prendre l'essor), bound (enchaîné) et bound (bond). On en a indiqué ce qui a été possible.

19

Avant de connaître l'usage des tapis, on couvrait de joncs le sol des appartements; de là joncher.

20

MERCUT.

The game was never so fair and I am done.

Tut, dun's the mouse, the constable's word,

If thou art dun, we'll draw thee from the mire, etc.


Il y a ici entre done et dun un jeu de mots intraduisible. Dun's the mouse (la souris est grise) serait, selon les commentateurs, un proverbe équivalent à notre proverbe: A la nuit, tous chats sont gris. Mais ils se trouvent hors d'état d'expliquer suffisamment l'allusion contenue dans ces mots the constable's word. En adoptant dans la traduction leur version sur le dun's the mouse, je serais plutôt tenté d'y voir un jeu de mots employé par quelque constable dans une occasion où, ayant à se saisir d'un malfaiteur, il aura employé, pour avertir ses gens sans alarmer celui qu'il cherchait, ces mots insignifiants, dun's the mouse (la souris est grise), pour ceux-ci, done's the mouse (la souris est prise, c'en est fait de la souris). Quoi qu'il en soit, cette explication n'est pas plus mauvaise qu'aucune de celles qu'ont données les commentateurs. Dun out from the mire était une ancienne chanson: on a substitué à cette allusion impossible à rendre un jeu de mots sur ces deux sens du mot gris, qui n'est point dans Shakspeare, à charge de revanche.

21

We burn day light, expression proverbiale commune à l'anglais et au français.

Roméo et Juliette

Подняться наверх