Читать книгу La méchante femme mise à la raison - Уильям Шекспир, William Szekspir, the Simon Studio - Страница 3
PROLOGUE
SCÈNE I
ОглавлениеLa scène est devant un cabaret, sur une bruyère.
L'HOTESSE ET SLY.
SLY. – Je vous donnerai une peignée1, sur ma foi.
L'HOTESSE. – Une paire de menottes, coquin!
SLY. – Vous êtes une drôlesse: apprenez que les Sly ne sont pas des coquins; lisez plutôt les chroniques, nous sommes venus en Angleterre avec Richard le Conquérant. Ainsi, paucas pallabris2, laissez glisser le monde sur ses roulettes. Sessa3!
L'HOTESSE. – Comment! vous ne payerez pas les verres que vous avez cassés!
SLY. – Non pas un denier… – Par saint Jéronyme, va-t'en. Va te réchauffer dans ton lit froid4.
L'HOTESSE. – Je sais un bon moyen; je vais quérir le quartenier5.
SLY. – Quartenier ou tiercenier ou cintenier6, peu m'importe; je saurai bien lui répondre en forme; je ne bougerai pas d'un pouce; mon enfant, allons; qu'il vienne et de la douceur.
(Il s'étend par terre et s'endort.)
(On entend des cors. Paraît un lord revenant de la chasse avec sa suite.)
LE LORD. – Piqueur, je te recommande d'avoir bien soin de mes chiens. – Braque Merriman! – le pauvre animal, il a toutes les articulations enflées! Accouple Clowder avec la braque à la large gueule. N'as-tu pas vu, mon garçon, comme Silver a bien relevé le défaut au coin de la haie? Je ne voudrais pas perdre ce chien pour vingt livres sterling.
PREMIER PIQUEUR. -Belman le vaut bien, milord: il aboyait sur la voie quand les autres avaient bel et bien perdu, et deux fois aujourd'hui il a retrouvé la piste la moins vive; croyez-moi, je le regarde comme le meilleur chien.
LE LORD. – Tu es un sot: si Écho était aussi vite à la course, il en vaudrait douze comme Belman, mais donne-leur bien à souper et prends bien soin d'eux tous. Demain je veux chasser encore.
PREMIER PIQUEUR. – J'en aurai bien soin, milord.
LE LORD. – Qu'est-ce cela? Un homme mort, ou ivre? Vois; respire-t-il?
SECOND PIQUEUR. – Il respire, milord; si l'ale ne lui tenait pas chaud, ce serait là un lit bien froid pour y dormir si profondément.
LE LORD. – O la monstrueuse bête! le voilà étendu comme un vrai porc! O hideuse mort! que ton image est affreuse et dégoûtante! – Messieurs, je veux me divertir de cet ivrogne. – Qu'en pensez-vous? Si on le transportait dans un lit, avec les draps les plus fins, des bagues à ses doigts, un banquet délicieux devant son lit, et de beaux domestiques prêts à le servir à son réveil; le pauvre diable ne s'oublierait-il pas lui-même?
PREMIER PIQUEUR. – Croyez-moi, milord; il est impossible qu'il ne se méconnaisse pas.
SECOND PIQUEUR. – Il serait bien surpris quand il se réveillerait.
LE LORD. – Comme s'il sortait d'un songe flatteur ou d'une vaine illusion. – Allons, qu'on le relève, et arrangez bien la plaisanterie; portez-le doucement dans mon plus bel appartement; suspendez autour de lui tous mes tableaux les plus gracieux; parfumez sa tête crasseuse d'eaux de senteur, et brûlez des bois odorants pour embaumer l'appartement; préparez-moi, pour le moment de son réveil, une musique qui l'enchante des accords les plus doux et les plus célestes; et si par hasard il parle, tenez-vous prêts, et avec le respect le plus profond et le plus soumis; dites: Quels sont les ordres de monseigneur? Qu'un de vous lui présente un bassin d'argent rempli d'eau de rose et de fleurs; qu'un autre apporte une aiguière, un troisième un linge damassé, et dites: Votre Grandeur voudrait-elle se rafraîchir les mains? Que quelqu'un se tienne prêt, avec plusieurs riches habillements, et lui demande quelle parure il préfère aujourd'hui. Qu'un autre lui parle de ses chiens et de son cheval, et lui dise que milady est très-affligée de sa maladie. Persuadez-lui qu'il a eu un accès de folie; et lorsqu'il voudra vous dire qu'il n'est qu'un… interrompez-le en lui disant qu'il rêve, et qu'il n'est rien qu'un puissant seigneur. Faites bien cela, mes amis, et jouez naturellement votre rôle; ce sera le plus plaisant divertissement du monde, si l'on sait se contenir.
PREMIER PIQUEUR. – Milord, je vous réponds que nous nous acquitterons bien de notre rôle, et que tout sera si bien ménagé, qu'il faudra qu'il se croie réellement ce que nous lui dirons qu'il est.
LE LORD. – Soulevez-le doucement, allez le mettre au lit, et que chacun soit à son poste lorsqu'il se réveillera. (Quelques-uns de ses gens emportent Sly. On entend une trompette.) Maraud, va voir quelle est cette trompette qu'on entend. (Un valet sort.) Apparemment quelque noble gentilhomme, qui, étant en voyage, se propose de séjourner ici. (Le valet revient.) Eh bien! qu'est-ce que c'est?
LE VALET. – Sous le bon plaisir de milord, ce sont des comédiens qui offrent leurs services à Votre Seigneurie.
LE LORD. – Dis-leur de s'approcher. (Entrent les comédiens.) Camarades, vous êtes les bienvenus.
PREMIER COMÉDIEN. – Nous rendons grâces à Votre Honneur.
LE LORD. – Vous proposez-vous de rester avec moi ce soir?
SECOND COMÉDIEN. – Oui, s'il plaît à Votre Seigneurie d'agréer nos services.
LE LORD. – De tout mon coeur. (Montrant l'un des comédiens.) Je crois me rappeler cet homme-là, et l'avoir vu une fois faire le fils aîné d'un fermier. C'était dans une pièce où vous faisiez si bien votre cour à la demoiselle… J'ai oublié votre nom;… mais, certainement ce rôle fut bien joué, et avec bien du naturel.
PREMIER COMÉDIEN, montrant un de ses camarades. – Je crois que c'est de Soto que Votre Honneur veut parler.
LE LORD. – Précisément; tu étais excellent. – Allons, vous êtes venus ici au bon moment; d'autant plus à propos, que j'ai en tête certain divertissement où vos talents me seront d'un grand secours. Il y a ici un lord qui veut vous voir jouer ce soir; mais je doute de votre retenue, je crains qu'en venant à remarquer son bizarre maintien vous ne vous échappiez à rire aux éclats, et que vous ne l'offensiez, car je vous déclare que s'il vous arrive de rire il se mettra en colère.
PREMIER COMÉDIEN. – N'ayez aucune crainte, milord; nous savons nous contenir, fût-il le personnage le plus risible du monde.
LE LORD. – Allons, mon garçon, conduis-les à l'office, et aie soin que chacun d'eux soit bien traité; qu'ils ne manquent de rien de ce qu'il y a dans mon château. (Un domestique sort avec les comédiens.) Toi, mon garçon, va trouver mon page Barthélémy, et fais-le habiller en dame des pieds à la tête: cela fait, conduis-le à la chambre où est l'ivrogne, et appelle-le madame avec un grand respect, dis-lui de ma part que, s'il veut gagner mes bonnes grâces, il prenne l'air et le maintien noble et décent qu'il a vu observer par les nobles dames envers leurs maris; qu'il se comporte de même envers l'ivrogne, avec un doux accent de voix, et une humble politesse, et qu'il lui dise: «Qu'ordonne Votre Honneur? En quoi votre femme, votre humble épouse peut-elle vous montrer son zèle respectueux, et manifester son amour?» Et qu'alors, le serrant dans ses bras, le baisant amoureusement, et penchant sa tête sur son sein, qu'il verse des larmes de joie en voyant la santé rendue à son noble époux qui, depuis sept ans, croyait n'être plus qu'un dégoûtant mendiant. Et si mon page n'a pas le don des femmes pour répandre à flots des larmes de commande, un oignon en fera l'affaire; qu'il en tienne un enveloppé dans son mouchoir; il faudra bien que les pleurs coulent de ses yeux. Vois à arranger cela avec tout le soin dont tu es capable: tout à l'heure je te donnerai encore d'autres instructions. (Le domestique sort.) Je sais que le jeune drôle se donnera à merveille les grâces, le ton, la démarche et le maintien d'une dame de qualité; il me tarde de l'entendre appeler l'ivrogne son époux, et de voir comment feront mes gens pour s'empêcher de rire, lorsqu'ils rendront leurs hommages à ce simple paysan. Je vais entrer pour leur faire la leçon; peut-être que ma personne pourra leur imposer et tenir leur joie en respect, autrement elle éclaterait à ne pas finir.
(Il sort.)
1
Note 1: I will pheese you, littéralement «Je vous peignerai;» expression populaire pour dire: je vous battrai.
2
Note 2: Pocas palabras, terme espagnol que Sly estropie, soyez bref.
3
Note 3: Sessa, mot espagnol: soyez tranquille.
4
Note 4: Phrases ridicules d'une vieille pièce intitulée: Hieronymo, ou la tragédie espagnole, dont se moquaient souvent les poëtes du temps.
5
Note 5: Third borough. Officier qui a les mêmes fonctions que le constable, excepté dans les endroits où le constable existe; alors le third borough n'est que son coadjuteur.
6
Note 6: Third, or fourth, or fifth borough.