Читать книгу La méchante femme mise à la raison - Уильям Шекспир, William Szekspir, the Simon Studio - Страница 6
ACTE PREMIER
SCÈNE II
ОглавлениеDevant la maison d'Hortensio.
PETRUCHIO, GRUMIO
PETRUCHIO. – Vérone, je prends congé de toi pour quelque temps; je veux voir mes amis de Padoue: mais avant tout, Hortensio, le plus cher et le plus fidèle de mes amis. – Eh! je crois que voici sa maison. – Ici, drôle, allons, frappe, te dis-je.
GRUMIO. – Frapper, monsieur! qui frapperais-je? quelqu'un vous a-t-il offensé?
PETRUCHIO. – Allons, maraud, frappe-moi ici comme il faut, te dis-je.
GRUMIO. – Vous frapper ici, monsieur? Comment donc, monsieur? Qui suis-je, monsieur, pour oser vous frapper ici, monsieur?
PETRUCHIO. – Coquin, frappe-moi à cette porte, et fort, te dis-je, ou je cognerai ta tête de fripon.
GRUMIO. – Mon maître est devenu querelleur. Je vous frapperais le premier: mais je sais qui en porterait la peine.
PETRUCHIO. – Tu t'obstines: je te jure, coquin, que si tu ne frappes pas, je frapperai, moi, et je verrai comment tu sauras dire et chanter sol, fa…
(Il tire les oreilles à Grumio.)
GRUMIO. – Au secours! au secours! mon maître est fou!
PETRUCHIO. – Allons, frappe, quand je te l'ordonne, drôle, coquin!
(Entre Hortensio.)
HORTENSIO. – Comment donc? de quoi s'agit-il, mon vieux ami Grumio, et mon cher Petruchio? Comment vous portez-vous tous à Vérone?
PETRUCHIO. – Signor Hortensio, venez-vous terminer la bataille? -Con tutto il core bene trovato, puis-je dire.
HORTENSIO.
Alla nostra casa bene venuto
Molto honorato signor mio Petruchio.
Lève-toi, Grumio, lève-toi; nous arrangerons cette querelle.
GRUMIO. – Peu m'importe ce qu'il allègue en latin, – si ce n'est pas pour moi un motif légitime de quitter mon service. – Voyez-vous, monsieur, il me disait de le frapper et de le frotter comme il faut, monsieur; eh bien! était-il convenable qu'un serviteur traitât son maître ainsi, ayant sur moi d'ailleurs, autant que je puis voir, l'avantage de trente-deux contre un! Plût à Dieu que je l'eusse frappé d'abord. Grumio n'aurait pas eu tous les coups.
PETRUCHIO. – Un stupide coquin! – Cher Hortensio, je dis à ce drôle de frapper à votre porte, et je n'ai jamais pu obtenir cela de lui.
GRUMIO. – Frapper à la porte? – O ciel! ne m'avez-vous pas dit en propres termes: Coquin, frappe-moi ici, frappe-moi bien, frappe-moi comme il faut? et vous venez maintenant me parler de frapper à la porte.
PETRUCHIO. – Drôle, va-t'en, je te le conseille.
HORTENSIO. – Patience, Petruchio; je suis la caution de Grumio; vraiment la chance est trop inégale entre vous et lui; c'est votre ancien, fidèle et aimable serviteur Grumio. Allons, dites-moi donc, mon cher ami, quel heureux vent vous a conduit de l'antique Vérone ici, à Padoue?
PETRUCHIO. – Le vent qui disperse les jeunes gens dans le monde, et les envoie tenter fortune hors de leur pays natal, où l'on n'acquiert que bien peu d'expérience. En peu de mots, seigneur Hortensio, voici mon histoire: Antonio, mon père, est décédé, et je me suis hasardé à faire ce voyage pour me marier richement et vivre du mieux qu'il me sera possible; j'ai des écus dans ma bourse, des terres dans mon pays, et je suis venu voir le monde.
HORTENSIO. – Petruchio, te parlerai-je sans détour et te souhaiterai-je une laide et méchante femme? Tu ne me remercierais guère de l'avis, et cependant je te garantis qu'elle sera riche, et très-riche; mais tu es trop mon ami, et je ne te la souhaiterai pas pour épouse.
PETRUCHIO. – Seigneur Hortensio, entre amis comme nous, il n'y a que deux mots: ainsi, si tu connais une femme assez riche pour être l'épouse de Petruchio (comme la fortune est le refrain de ma chanson d'amour14, fût-elle aussi laide que l'était l'amante de Florent15, aussi vieille que la Sibylle, et aussi acariâtre, aussi méchante que la Xantippe de Socrate, ou pire encore, cela n'émeut, ni ne rebute mon goût, fût-elle aussi rude que les flots irrités de l'Adriatique. Je viens pour me marier richement à Padoue: si je me marie richement, je me trouverai marié heureusement à Padoue.
GRUMIO. – Vous le voyez, monsieur; il vous dit sa pensée tout platement: oui, donnez-lui assez d'or, et mariez-le à une poupée, à une poupée, à une petite figure d'aiguillette16, ou bien à une vieille octogénaire à qui il ne reste pas une dent dans la bouche, eût-elle autant d'infirmités que cinquante-deux chevaux, tout sera à merveille si l'argent s'y trouve.
HORTENSIO. – Petruchio, puisque nous nous sommes avancés si loin, je veux poursuivre sérieusement l'idée que je t'avais jetée d'abord par pure plaisanterie. Je suis en état, Petruchio, de te procurer une femme assez bien pourvue de la fortune, jeune et belle, élevée comme la fille la mieux née; tout son défaut, et c'est un assez grand défaut, c'est qu'elle est intolérablement méchante, acariâtre, bourrue, à un point si terrible que, ma fortune fût-elle bien plus délabrée qu'elle ne l'est, je ne voudrais pas l'épouser, moi, pour une mine d'or.
14
Note 14: Wooing dance.
15
Note 15: Florent est le nom du chevalier qui s'était engagé à épouser une vieille sorcière, à condition qu'elle lui donnerait la solution d'une énigme dont sa vie dépendait. (Conte de Gower.) C'est sans doute là que Voltaire a pris le sujet de ce qui Plaît aux dames.
16
Note 16: Aglet gaby. Tête de lacet de forme bizarre.