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I.

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Table des matières

Anne Geneviève de Bourbon était fille, comme nous l'avons dit, de cette Charlotte Marguerite de Montmorency, princesse de Condé, qui tourna la tête à Henri IV. La fille était au moins aussi belle que la mère, et c'est là un premier avantage de Mme de Longueville qui, nous l'avouons, ne nous est pas d'un attrait médiocre.

La beauté étend son prestige sur la postérité elle-même, et attache un charme, vainqueur des siècles, au nom seul des créatures privilégiées auxquelles il a plu à Dieu de la départir. Mais je parle de la vraie beauté. Celle-là n'est pas moins rare que le génie et la vertu. La beauté a aussi ses époques. Il n'appartient pas à tous les hommes et à tous les siècles de la goûter en son exquise vérité. Comme il y a des modes qui la gâtent, il est des temps qui en altèrent le sentiment. Il était digne du XVIIIe siècle d'inventer les jolies femmes, ces poupées charmantes, musquées et poudrées, dissimulant les attraits qu'elles n'avaient point sous leurs vastes paniers et leurs grands falbalas. C'était assez pour babiller dans un salon, écrire les Lettres péruviennes, servir de modèles aux héroïnes de Crébillon fils et tenir tête aux héros de Rosbach. Ceux de Rocroy et de Lens, les contemporains de Richelieu, de Descartes et de Corneille, les hommes énergiques et un peu rudes qui ont précédé Louis XIV, et qui se plaisaient à vivre d'une vie agitée, sauf à la finir comme Pascal et Rancé, n'eussent pas été tentés de se mettre à genoux devant d'aussi frêles idoles. Osons le dire: le fond de la vraie beauté comme de la vraie vertu, comme du vrai génie, est la force. Sur cette force, répandez un rayon du ciel, l'élégance, la grâce, la délicatesse; voilà la beauté. Son type achevé est la Vénus de Milo[5], ou bien encore cette pure et mystérieuse apparition, déesse ou mortelle, qu'on nomme la Psyché ou la Vénus de Naples[6]. La beauté brille encore assurément dans la Vénus de Médicis, mais on sent déjà qu'elle est près de décliner. Regardez, je ne dis pas les femmes de Titien, mais les vierges mêmes de Raphaël et de Léonard: le visage est d'une délicatesse infinie, mais le corps est puissant; elles vous dégoûteront à jamais des ombres et des magots à la Pompadour. Adorez la grâce, mais en toutes choses ne la séparez pas trop de la force, car sans la force la grâce se ternit bien vite, comme une fleur séparée de la tige qui l'anime et la soutient.

C'est Florence, ce sont ses artistes et ses princesses qui apportèrent en France le sentiment de la vraie beauté. Il s'y développa rapidement, et, par des causes diverses que nous ne pouvons pas même indiquer ici, il régna parmi nous jusqu'à la fin du XVIIe siècle.

Quelle suite de femmes accomplies ce siècle nous présente, environnées d'hommages, entraînant après elles tous les cœurs, et répandant de proche en proche dans tous les rangs ce culte de la beauté que d'un bout de l'Europe à l'autre on a appelé la galanterie française! Elles accompagnent ce grand siècle dans sa course trop rapide; elles en marquent, elles en éclairent les principaux moments, à commencer par Charlotte de Montmorency, à finir par Mme de Montespan. Mettez au milieu Mme de Chevreuse, Mme de Hautefort, Mme de Montbazon, Mme de Guéméné, Mme de Châtillon, Mme de Lamothe-Houdancourt, Marie de Gonzague et sa sœur la Palatine, tant d'autres enfin parmi lesquelles, à notre extrême regret, nous n'oserions placer ni l'aimable Henriette ni Mlle de La Vallière, et nous sommes bien forcé de mettre Mme de Maintenon.

Mme de Longueville a sa place dans cette éblouissante galerie. Elle avait tous les caractères de la vraie beauté, et elle y joignait un charme particulier.

Elle était assez grande et d'une taille admirable. L'embonpoint et ses avantages ne lui manquaient pas. Elle possédait ce genre d'attraits qu'on prisait si fort au XVIIe siècle, et qui, avec de belles mains, avait fait la réputation d'Anne d'Autriche. Ses yeux étaient du bleu le plus tendre. Des cheveux, d'un blond cendré de la dernière finesse, descendant en boucles abondantes, ornaient l'ovale gracieux de son visage et inondaient d'admirables épaules, très découvertes, selon la mode du temps. Voilà le fonds d'une vraie beauté. Ajoutez-y un teint que sa blancheur, sa délicatesse et son éclat tempéré ont fait appeler un teint de perle. Ce teint charmant prenait toutes les nuances des sentiments qui traversaient son âme. Elle avait le parler le plus doux. Ses gestes formaient avec l'expression de son visage et le son de sa voix une musique parfaite; ce sont les termes d'un contemporain fort désintéressé, d'un écrivain janséniste, peut-être Nicole; en sorte, dit cet écrivain, que «c'étoit la plus parfaite actrice du monde[7].» Mais le charme qui lui était propre était un abandon plein de grâce, une langueur, comme s'expriment tous les contemporains, qui avait des réveils brillants, quand la passion la saisissait, mais qui, dans l'habitude de la vie, lui donnait un air d'indolence et de nonchalance aristocratique qu'on prenait quelquefois pour de l'ennui, quelquefois pour du dédain. Nous n'avons connu cet air-là qu'à une seule personne en France, et cette personne, disparue avant le temps, a laissé une mémoire si pure, et on pourrait dire à bon droit si sainte, que nous n'osons la nommer[8] en un tel sujet, même pour la comparer à Mme de Longueville.

Et nous ne faisons pas là, croyez-le bien, un portrait de fantaisie; nous nous bornons à résumer les témoignages. Nous les citerons, si l'on veut, pour prouver notre parfaite exactitude.

Commençons par celui qui l'a le mieux connue, et qui certes ne l'a pas flattée. «Cette princesse, dit La Rochefoucauld dans ses Mémoires[9], avoit tous les avantages de l'esprit et de la beauté en si haut point et avec tant d'agrément, qu'il sembloit que la nature avoit pris plaisir de former un ouvrage parfait et achevé.»

Écoutons aussi le cardinal de Retz, très-bon juge en pareille matière, et qui aurait bien voulu prendre la place de La Rochefoucauld: «Pour ce qui regarde Mme de Longueville, la petite vérole lui avoit ôté la première fleur de la beauté[10]; mais elle lui en avoit laissé presque tout l'éclat, et cet éclat joint à sa qualité, à son esprit et à sa langueur, qui avoit en elle un charme particulier, la rendoit une des plus aimables personnes de France[11].» Et ailleurs[12]: «Elle avoit une langueur dans ses manières qui touchoit plus que le brillant de celles mêmes qui étoient plus belles.»

Après les hommes, consultons les femmes. On peut, ce semble, les en croire sur parole quand elles font l'éloge de la beauté d'une autre. Voici comment Mme de Motteville parle en plusieurs endroits de celle de Mme de Longueville: «Mlle de Bourbon commençoit à faire voir les premiers charmes de cet angélique visage qui depuis a eu tant d'éclat[13].»—«Si Mme de Longueville dominoit les âmes par cette voie (son esprit et sa fortune), celle de sa beauté n'étoit pas moins puissante; car, quoique elle eût eu la petite vérole depuis la régence, et qu'elle eût perdu quelque peu de la perfection de son teint, l'éclat de ses charmes attiroit toujours l'inclination de ceux qui la voyoient, et surtout elle possédoit au souverain degré ce que la langue espagnole exprime par ces mots de donayre, brio, y bizarria (bon air, air galant). Elle avoit la taille admirable, et l'air de sa personne avoit un agrément dont le pouvoir s'étendoit même sur notre sexe. Il étoit impossible de la voir sans l'aimer et sans désirer de lui plaire. Sa beauté néanmoins consistoit plus dans les couleurs de son visage que dans la perfection de ses traits. Ses yeux n'étoient pas grands, mais beaux, doux et brillants, et le bleu en étoit admirable; il étoit pareil à celui des turquoises. Les poëtes ne pouvoient jamais comparer qu'aux lis et aux roses le blanc et l'incarnat qu'on voyoit sur son visage, et ses cheveux blonds et argentés, et qui accompagnoient tant de choses merveilleuses, faisoient qu'elle ressembloit beaucoup plus à un ange tel que la faiblesse de notre nature nous les fait imaginer que non pas à une femme:

Poca grana y mucha nieve

Van competiendo en su cara,

Y entre lirios y jasmines

Assomanse algunas rosas[14]».

A ces divers passages de la bonne Mme de Motteville, nous ne voulons ajouter qu'une seule ligne de Mademoiselle, dont une extrême bienveillance n'était pas le défaut: «M. de Longueville étoit vieux; Mlle de Bourbon étoit fort jeune et belle comme un ange[15].»

Et il faut que l'air angélique, comme aussi le teint de perle, aient appartenu à Mme de Longueville d'une façon toute particulière, puisque nous retrouvons ces expressions dans une lettre[16] d'une autre femme distinguée de ce temps, Mlle de Vandy, qui, des eaux de Bourbon, écrit à Mme de Longueville en 1655: «Quand Votre Altesse n'auroit pas un teint de perle, l'esprit et la douceur d'un ange...» Ajoutons un bien autre témoignage. Mme de Maintenon ne ressemble en rien à Mme de Longueville; elle l'avait vue assez tard, sur le déclin de l'âge et dépouillée de toute grandeur empruntée; cependant elle la donne encore comme «la plus spirituelle femme de son temps et belle comme un ange[17].» Cette rencontre involontaire de personnes si différentes dans les mêmes termes ne prouve-t-elle pas que c'était bien là l'effet que produisait Mme de Longueville, et la comparaison que sa beauté suggérait naturellement?

Cet accord fortuit et si frappant autorise et justifie pleinement le langage, qui sans cela eût pu être suspect, de Scudéry dans la dédicace du Grand Cyrus: «La beauté que vous possédez au souverain degré... n'est pas ce que vous avez de plus merveilleux, quoiqu'elle soit l'objet de la merveille de tout le monde. L'on en voit sans doute en Votre Altesse l'idée la plus parfaite qui puisse tomber sous la vue, soit pour la taille, qu'elle a si belle et si noble, soit pour la majesté du port, soit pour la beauté de ses cheveux, qui effacent les rayons de l'astre avec lequel je vous compare, soit pour l'éclat et pour le charme des yeux, pour la blancheur et pour la vivacité du teint, pour la juste proportion de tous les traits, et pour cet air modeste et galant tout ensemble qui est l'âme de la beauté[18].»

Pendant que Scudéry s'exprimait ainsi, sa sœur, dans ce même Cyrus, nous donnait une autre description plus détaillée de Mme de Longueville, sous le nom de Mandane[19]: «Le voile de gaze d'argent que la princesse Mandane avoit sur la tête n'empèchoit pas que l'on ne vît mille anneaux d'or que faisoient ses beaux cheveux qui étoient du plus beau blond, ayant tout ce qu'il faut pour donner de l'éclat, sans ôter rien de la vivacité, qui est une des parties nécessaires à la beauté parfaite. Elle étoit d'une taille très-noble et très-élégante, et elle marchoit avec une majesté si modeste qu'elle entraînoit après elle les cœurs de tous ceux qui la voyoient. Sa gorge étoit blanche, pleine et bien taillée. Elle avoit les yeux bleus, mais si doux, si brillants et si remplis de pudeur et de charme, qu'il étoit impossible de la voir sans respect et sans admiration. Elle avoit la bouche si incarnate, les dents si blanches, si égales et si bien rangées, le teint si éclatant, si lustré, si uni et si vermeil, que la fraîcheur et la beauté des plus rares fleurs du printemps ne sauroient donner qu'une idée imparfaite de ce que je vis et de ce que cette princesse possédoit. Elle avoit les plus belles mains et les plus beaux bras qu'il étoit possible de voir... De toutes ces beautés il résultoit un agrément dans toutes ses actions si merveilleux que, soit qu'elle marchât ou qu'elle s'arrêtât, qu'elle parlât ou qu'elle se tût, qu'elle sourît ou qu'elle rêvât, elle étoit toujours charmante et toujours admirable.»

Non content de ces deux descriptions, l'auteur du Cyrus les a relevées et, comme on dirait aujourd'hui, illustrées par un portrait de Mme de Longueville, ainsi que Chapelain, en dédiant la Pucelle à son mari, a placé le portrait de ce prince en tête du livre. Ceci nous amène à dire un mot des divers portraits que nous connaissons de Mme de Longueville: ils nous la montrent successivement dans sa gracieuse adolescence, dans son éclat, dans sa maturité.

Le roi Louis-Philippe eut l'heureuse idée de rassembler à Versailles, dans les galeries du second étage, tous les portraits qu'il put recueillir des personnages célèbres de France. On y rencontre[20] un portrait de Mme de Longueville toute jeune, à côté de son père, Henri de Bourbon, et de sa mère, Charlotte de Montmorency. Malheureusement c'est une copie[21]. Elle plaît encore par la grâce ineffaçable de l'original, mais elle pâlit bien devant le portrait même de Du Cayer, que possède M. le duc de Montmorency[22]. Il est de l'année 1634, peint sur bois, avec des pierreries enchâssées. Mlle de Bourbon, née en 1619, avait alors quinze ans. Il est impossible de voir ni d'imaginer une plus charmante créature. Les yeux, pleins d'innocence, ont déjà une douce vivacité qui bientôt deviendra dangereuse. Le nez est particulièrement d'une finesse adorable. Tous les signes de la grande beauté qui va venir y sont déjà; certains attraits manquent encore, mais la force qui les promet et les assure est partout empreinte[23].

La voici maintenant mariée, et pendant l'ambassade de Münster en 1646 et 1647. Elle a vingt-sept ou vingt-huit ans. Anselme Van Hull est l'auteur de ce portrait, gravé un demi-siècle après dans la très médiocre collection des négociateurs de Münster[24]. Mme de Longueville n'y paraît pas à son avantage. Elle y semble fatiguée et ennuyée. Elle était alors dans un état de grossesse avancée, et son cœur soupirait après Paris. Cependant on voit que la jeune femme a tenu tout ce que promettait la jeune fille: sa beauté s'est heureusement développée, et sa chevelure a toute sa magnificence.

Mais la vraie, la digne image de Mme de Longueville est au musée de Versailles dans la galerie du premier étage, salon de Mars, du côté du jardin, au-dessous du duc de Beaufort. C'est bien là Mme de Longueville, sortie de l'adolescence, mais encore dans toute la fraîcheur de la première jeunesse, avec le doux et angélique visage où la coquetterie commence à paraître à travers une naïveté presque virginale, un teint de lis et de roses où les roses dominent, de charmants yeux bleus que l'esprit anime déjà en attendant la passion, les plus fins cheveux blonds flottant sur de belles épaules, un sein riche et modeste, et dans toute sa personne le grand air à la fois et l'aimable langueur que tout le monde lui attribue. Elle est nonchalamment assise, tenant un bouquet de fleurs entre les mains, dans un brillant costume de cour. On lui peut donner à peu près vingt-cinq ans. Nous ignorons quel est l'auteur de ce tableau. A cette fine touche, à cet empâtement léger, on penserait d'abord à Mignard, si Mignard, alors en Italie, avait pu peindre Mme de Longueville à cet âge; mais en y regardant de plus près, on aperçoit bien des négligences qui trahissent une exécution rapide, peut-être même une copie excellente et ancienne plutôt qu'une œuvre originale conduite avec soin à toute sa perfection[25].

Ouvrez Le Cabinet de Monsieur de Scudéry, Paris, in-4o, 1646, vous y trouverez, page 91: Le portrait de Mme la duchesse de Longueville, en crayon, de la main de Du Montier. Ce portrait, en vain cherché parmi les nombreux dessins de Du Montier ou De Monstier que possèdent le cabinet des Estampes et la bibliothèque de Sainte-Geneviève, nous l'avons tout récemment rencontré chez un amateur et un artiste distingué, M. le baron de Schweiter. Il est in-folio, très-bien conservé, et signé de la main connue du grand dessinateur. La noble dame y est retracée sans aucune flatterie, telle qu'elle était vers 1646, à vingt-six ou vingt-sept ans, privée du teint et des agréables couleurs que relève Mme de Motteville, mais toujours avec ses yeux bleus d'une douceur pénétrante, avec ses beaux cheveux blonds, son cou gracieux, et cette figure qui, sans être d'une régularité et d'une perfection accomplie, est empreinte d'un charme indéfinissable. Quand on a vu ce dessin et le portrait de Versailles, on a vu Mme de Longueville, et on comprend tout ce que disent ses contemporains.

Allez voir aussi au cabinet des Médailles la belle médaille d'argent, sans date[26] il est vrai, et sans nom de graveur, mais qui doit être de Dupré ou de Varin, et représente Anne de Bourbon à peu près au même âge que le portrait de Versailles et le dessin de De Monstier.

Parmi les émaux de Petitot, conservés au Louvre, il en est un selon nous assez médiocre et d'une authenticité douteuse, inscrit sous le no 50, qu'on rapporte à Mme de Longueville, et qui lui donne à peu près le même caractère de beauté: la dignité tempérée par la douceur et la grâce.

Les deux portraits gravés de Moncornet, d'après un original inconnu, sont d'un ordre tout à fait inférieur[27]. Celui de Frosne vaut un peu mieux[28]. Tous les trois sont bien surpassés par le joli portrait de Regnesson, beau-frère de Nanteuil, placé en tête du premier volume du Grand Cyrus, et qui nous montre Mme de Longueville en 1649[29], à l'âge de trente ans. Il faut dire à l'honneur de l'exactitude de Scudéry que les phrases de la dédicace du Grand Cyrus, et la description de la personne de Mandane, citées par nous tout à l'heure, sont un texte fidèle à la gravure qui les accompagne. Voilà cette blonde et abondante chevelure, ce beau sein, ces yeux si doux, cet air charmant que Scudéry et sa sœur célèbrent à l'envi.

Nul doute qu'il n'y ait eu bien d'autres portraits de Mme de Longueville, aux diverses époques de sa vie; mais ils ont péri, ou du moins ils sont aujourd'hui ensevelis au fond de quelques cabinets ignorés. Dans une lettre de la comtesse de Maure[30], du 9 septembre 1652, nous lisons ces mots: «Mme de Longueville a mandé à Juste qu'il me donnât son portrait..... Il rend ma chambre tout à fait belle.» Ainsi Juste d'Egmont, un des élèves de Rubens, un des peintres de Louis XIII, l'auteur des beaux portraits de Mademoiselle, de Marie de Gonzague, etc., si admirablement gravés par Falck, avait fait aussi celui de Mme de Longueville, jeune encore et avant 1652. Cet ouvrage de Juste, que la lettre de Mme de Maure nous révèle, devait être d'un pinceau léger et d'un assez brillant coloris comme tous les autres ouvrages de l'éminent artiste à moitié flamand, à moitié français. Puisque Mme de Longueville en faisait faire des copies, le portrait de la galerie de Versailles ne serait-il pas une de ces copies, exécutée dans l'atelier et sous les yeux de Juste, très-fidèle encore et très-agréable? Alors, qu'est devenu l'original? Qu'est aussi devenu le portrait qui était au château d'Eu, et faisait partie de la riche et vieille collection laissée par Mademoiselle[31]? Mme de Longueville y était-elle peinte dans l'éclat de la jeunesse ou déjà sur le retour de l'âge, et à l'époque où Mademoiselle s'avisa de rassembler autour d'elle les images des personnes les plus illustres de sa société et de son temps? Enfin, où retrouver Mme de Longueville, en Pallas, pendant la Fronde? Poilly l'avait ainsi gravée, au témoignage de Fontette, ordinairement si exact[32]. Mais qui jamais a vu cette gravure de Poilly? Du moins elle a jusqu'ici échappé à toutes nos recherches[33].

Il est aussi fort vraisemblable qu'on aura peint plus d'une fois Mme de Longueville depuis sa conversion et pendant sa longue pénitence. Il serait étrange que Champagne, le peintre des Carmélites et de Port-Royal, n'ait jamais retracé l'image de leur illustre protectrice[34]. Il est certain qu'alors même elle avait conservé une grande partie de sa beauté. Nous avons vu comme Mlle de Vandy en parle en 1655; un gentilhomme qui l'avait rencontrée plus tard encore, chez son frère, le prince de Condé, après 1660, assurait que le progrès de l'âge ne paraissait presque pas en elle, que sa piété lui seyait bien, que sa candeur, sa modestie et sa douceur ennoblies par son air de dignité, la rendaient dans ces derniers temps aussi propre à plaire que jamais[35].

Madame de Longueville: La Jeunesse de Madame de Longueville

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