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ОглавлениеEASTON
Le matin suivant, je me relaxais dans la cuisine devant une belle tasse de café fumant avec mes trois amis.
– Tu es certain qu’Alice se réveille à cette heure-ci ? me demanda Ryo entre deux bâillements.
– Oui, j’ai vu l’heure réglée sur son téléphone quand je l’avais.
– J’espère vraiment parce que là, j’ai juste envie d’aller dormir dans un lit confortable. Ton divan-lit m’a donné mal au dos.
– Au moins, tu as dormi. Je n’ai pas fermé l’œil parce que tu ronflais, se plaignit Logan.
– Tais-toi !
– Vous pouvez éviter de vous disputer maintenant ? Passer la nuit avec vous pour décider comment ruiner le dernier jour d’Alice dans cette maison m’a fichu un bon mal de tête, les arrêta Ant. Easton, je te trouve bien calme.
– J’ai planifié ce moment toute la nuit et ce matin, j’ai dû entrer en cachette dans la chambre d’Alice. Avec tout ce que je lui ai préparé, je me demande encore comment elle ne s’est pas réveillée je répondis tranquillement. C’était le calme avant la tempête. J’attendais de voir Alice passer le seuil de la cuisine pour soit exploser de bonheur parce que ma vengeance avait fonctionné, soit de nervosité pour n’avoir pas réussi à me venger comme je le voulais.
– De toute façon, si vous voulez partir, allez-y. Ce qui est fait est fait.
– Ah, non ! Après m’être cassé la tête sur tous les pièges possibles, je suis curieux de voir le résultat, s’agita Ryo, impatient de savourer la victoire.
J’allais répondre quand Alice arriva dans la cuisine.
Elle était horrible à voir et furieuse, les cheveux hérissés et couverts de crème, qui avait dégouliné sur son front, les joues rougissantes, les yeux brillants de colère et larmoyants, et les lèvres gonflées et rougies.
Pour couronner le tout, un faux rat en sang était attaché à son poignet gauche par un fil transparent et son short était mouillé entre ses cuisses.
On éclata tous de rire.
– Je devais m’y attendre. Vous êtes des enfoirés, s’exclama-t-elle rageuse. Mais elle avait dans le regard une étincelle d’amusement.
Je la provoquai.
– On n’a rien fait. Ne nous accuse pas si tu fais encore pipi au lit comme les enfants.
– Ce n’est pas de l’urine. J’ai vérifié, rit doucement Alice malgré ses lèvres enflammées.
– Tu devrais prendre plus soin de ton hygiène personnelle, renchérit Ant en ricanant.
– Laisse-moi deviner. C’est ta faute, siffla-t-elle en touchant ses cheveux collants.
– Non, j’ai juste eu l’idée, se justifia-t-il.
– Une idée que quelqu’un a transformée en réalité, vu que j’ai pris une douche hier soir avant d’aller dormir et que tout allait bien.
– Alice, que t’est-il arrivé ? intervint Helena, sa mère, choquée de trouver sa fille dans cet état.
– Je ne sais pas, répondit-elle en feignant l’indifférence pendant que sa mère courait se faire un café avant de filer au travail. Elle commença à raconter :
– Je me suis réveillée comme d’habitude, je me suis étirée, me suis frotté les yeux et puis j’ai touché mes cheveux. Et je me suis retrouvée avec une montagne de crème fouettée sur les mains, que j’ai étalée partout. Je me débattais avec la crème quand j’ai levé le bras et que j’ai trouvé ce faux rat attaché à mon poignet. Ce qui m’a fait bondir du lit tellement vite que je me suis froissée un muscle dans le dos.
Mais sa mère ne semblait même pas l’écouter. Elle buvait son café rapidement en écrivant un email sur son smartphone. J’avais envie de lui prendre le téléphone et de le jeter dans la piscine ! C’était si compliqué d’écouter sa fille cinq secondes ?
– Et puis ? j’insistai, vu qu’Alice s’était arrêtée en voyant sa mère la saluer et partir sans même commenter ce qu’elle avait entendu.
– Et puis j’ai remarqué que quelqu’un avait voulu me faire croire que je m’étais fait pipi dessus de peur, mais ce n’est pas vrai. J’allais courir te chercher quand j’ai vu le plateau d’Oreo, mes biscuits préférés, sur la commode avec un petit mot : “Maintenant nous sommes à égalité. Bonne journée, Easton”. Stupide comme je suis, je t’ai cru et j’ai mangé un biscuit, pour découvrir que tu avais remplacé la crème à la vanille avec quelque chose de dégoûtant.
– Dans certains, j’ai mis de la mayonnaise. Dans d’autres du dentifrice à la menthe je lui expliquai, fier de mon génie.
– Inutile de dire que j’ai couru à la salle de bain me rincer la bouche et me laver les dents mais…
Et ce moment-là, on explosa tous de rire.
– … mais quelqu’un a sûrement passé ma brosse à dents dans du piment ou un truc du même genre parce que j’ai la bouche en feu. J’ai encore les larmes aux yeux de douleur et mes lèvres me font un mal de chien ! conclut-elle. J’allais me laver avant de descendre mais les parois de la douche étaient recouvertes de ce que je pense être du colorant alimentaire rouge, sans parler de la vieille marionnette étendue dans le fond comme si on venait de l’assassiner. Je ne peux même pas imaginer ce que la femme de ménage va penser de moi quand elle ira nettoyer ma chambre.
– On a fait un beau travail d’équipe, s’exclama Ryo enthousiasmé par le résultat.
– Ant a eu l’idée de la crème, Logan celle du rat, Ryo celle du piment. Le reste, c’est mon œuvre, j’expliquai à Alice triomphant. Elle vint vers moi et me frappa au bras. J’en renversai presque mon café.
– Ça, c’est pour avoir détruit mon histoire d’amour avec les Oreo, dit-elle furieuse. Elle me prit le visage et m’embrassa légèrement sur les lèvres. J’étais tellement abasourdi par son geste que je ne bougeai pas.
L’instant d’après je sentis ma bouche piquer et s’enflammer. Alice avait encore du piment sur la bouche !
– Merde ! je grognai douloureusement.
– Ça t’apprendra ! Donnez-moi de la glace ! J’ai hyper mal aux lèvres ! nous supplia-t-elle les larmes aux yeux.
– Oui, de la glace. Tout de suite ! j’ordonnai furieusement, en me nettoyant la bouche.
Logan courut au congélateur prendre deux sachets de surgelés. Alice et moi pouvions enfin nous soulager un peu.
***
ALICE
Après ce réveil de cauchemar, j’allai me laver.
Entretemps, les amis d’Easton étaient partis et il nageait seul.
Je le rejoignis.
– C’est incroyable, chaque fois que je te vois, tu es dans la piscine je lançai.
– C’est le seul endroit où mon père ne viendra jamais. C’est ma zone de sécurité, où je suis tranquille.
– Il a peur de l’eau ?
– Oui.
– Alors pourquoi il a fait installer deux piscines ? Celle-ci et la petite avec l’hydromassage.
– Parce que la société l’exige. Mon père est plus attaché aux conventions sociales qu’à son propre bien-être.
– J’ai remarqué qu’entre ton père et toi non plus tout n’est pas rose.
– Il n’y a rien du tout entre lui et moi. On s’évite. Tu n’as pas remarqué qu’il n’était jamais là ces trois derniers jours ?
– Même chose pour ma mère. Je pensais qu’elle voulait rester avec moi. C’est elle qui m’a demandé de venir en Oregon trois jours avant le début des cours pour être un peu ensemble et rencontrer son compagnon. Et en fait, elle me traite comme un effet collatéral à cacher ou à éviter.
– Tu as ton père au moins.
– Oui. Et toi ? Ta mère ?
– Elle est morte, je ne veux pas en parler.
– Désolée. Je ne savais pas.
– J’étais petit. Je ne me souviens presque pas d’elle.
– Mais tu as un frère. Moi, je suis fille unique et j’aurais aimé avoir une sœur.
– Je te le donne si tu veux. Je ne le supporte pas. Il a quatre ans de plus que nous mais c’est un idiot qui joue à l’adulte responsable. En réalité, il est parti pour Stanford à la première occasion et je ne crois pas qu’il reviendra en Oregon.
– Peut-être qu’il souffre lui aussi.
– Je ne sais pas ce que souffrir veut dire. Il coupa court et m’envoya un regard glacial qui me fit frissonner. Quelque chose en Easton arrivait toujours à me troubler. Comme le souvenir de la veille au soir.
Je n’arrivais pas encore à croire ce que j’avais fait.
En un instant j’avais enfreint au moins une dizaine de mes règles personnelles, notamment de ne jamais laisser un garçon qui ne m’aimait pas m’embrasser. Encore moins mettre mes jambes autour de sa taille et sentir son érection sous ses vêtements ou celle de ne pas pleurer ou me confesser auprès d’un semi-inconnu. Ou pire encore, auprès de quelqu’un qui me détestait et ne me supportait pas.
Rien qu’à y penser, je rougissais comme un coquelicot. Heureusement, Easton était trop occupé à nager pour s’en rendre compte.
J’étais fascinée par ses mouvements, par ses brasses et sa respirations parfaitement coordonnées.
Il était beau à couper le souffle et possédait ce charme dangereux et insondable qui lui donnait une aura séduisante de mystère et aurait tourné la tête de n’importe quelle fille.
Un pouvoir qui fonctionnait aussi sur moi, comme je m’en rendis compte avec déception.
J’avais été stupide de me jeter dans l’eau chaude du jacuzzi avec lui.
Je continuais à me répéter que ce n’était qu’un moment de crise, de faiblesse, qui m’avait déstabilisée et fait perdre le contact avec la réalité. Au point de prendre goût à ses baisers et à ses mains sur mon corps. Mais plus j’y repensais, et plus je sentais sa bouche sur ma peau. Personne ne m’avait jamais touchée de façon aussi impudique, sans ce que j’appelais des préliminaires indispensables, comme un dîner ou un film au cinéma. Un premier baiser chaste, un gage d’amour et autres choses ringardes et romantiques qui me faisaient presque honte.
Ses mais sur mes seins, ses doigts sur mes tétons durcis, m’avaient réveillée. J’avais ressenti des contractions agréablement douloureuses entre mes jambes et fait prendre conscience de ce que je faisais.
J’avais été submergée d’embarras pour cette faiblesse, avec mon ennemi juré en plus.
À la gêne s’était ajoutée la colère et la rancœur envers ma mère qui m’avait encore une fois abandonnée pour aller à l’opéra avec Mitchell, me laissant seule avec Easton, et la crainte de ce qu’il avait trafiqué avec mon téléphone disparu depuis des heures. La culpabilité avait suivi, la sensation d’être incapable d’affronter la situation seule, surtout les comportements d’Easton, de ne pas être comprise, d’avoir commis une erreur en laissant mon père et Book…
Oui, j’avais pleuré. J’aurais préféré m’enfouir sous terre que de pleurnicher devant mon demi-frère mais il m’avait enlacée et consolée.
Je lui serais toujours reconnaissante de sa gentillesse. Je ne m’étais même pas fâchée pour ses blagues quelques heures avant, même si je pensais toujours que le choix le plus sage à l’avenir serait de garder mes distances avec lui.
Mais je l’ai embrassé ce matin ! Tu parles de prendre des distances !
Je voulais juste me venger pour le piment qui me brûlait les lèvres !
Je n’aurais jamais avoué qu’en fait, je voulais encore l’embrasser. Encore et encore.
J’avais vraiment aimé ça. Trop pour l’admettre.
Mais c’était décidé : à partir du lendemain, quand on serait à l’université, notre étrange relation s’arrêterait définitivement.
– À quoi tu penses ? me demanda Easton, me faisant sortir de mes pensées. Je le regardais pendant qu’il se séchait au bord de la piscine.
Quand mes yeux croisèrent les siens, puis descendirent sur sa bouche, le souvenir incessant de la veille m’atteignit comme une masse.
– À rien.
– Tu es toute rouge.
– C’est la chaleur. Il fait trop chaud pour un mois de septembre je mentis.
– Menteuse ! Avoue que tu pensais à hier soir et au fait que ça t’a excitée.
Sa manie de me provoquer et de m’énerver fonctionnait à merveille.
– Vraiment, je me demandais si ton quotient intellectuel était assez élevé pour en engagement aussi lourd que l’université. Plus je te regarde, et plus j’ai des doutes. Tu es sûr d’avoir un diplôme ? Un vrai je veux dire.
Cette fois, je ne me laissai pas avoir par son regard froid. Je savais que son calme apparent n'était qu’une fine couche de glace, prête à se briser en mille morceaux au premier faux pas.
Et c’était un énième faux pas.
Sans attendre sa réaction, je tournai les talons et courus vers ma chambre pour m’y enfermer, bien que je n’aie pas la clé.
– Tu penses vraiment que tu peux m’échapper ? hurla Easton derrière moi en me suivant.
Je ne me laissai pas distraire et continuai à courir mais à un pas de l’étage, je sentis ses bras m’attraper et me bloquer.
Je m’agrippai à la rampe des escaliers mais il prit mon poignet et me détacha.
– Allez, tu n’as quand pas mal pris ce que je t’ai dit ? Étant donné que je ne pouvais pas le chasser, je tentai de le raisonner. Je blaguais.
– Tes plaisanteries ont le don de réveiller mes envies de meurtre.
– Parce que tu ne sais pas te contrôler un minimum. Peut-être que le problème n’est pas ton quotient intellectuel mais ton incapacité à gérer…, allai-je répliquer. Mais il commença à me mordre dans le cou jusqu’à me faire mal et je me mis à rire et à hurler en même temps.
– Qu’est-ce que vais faire de toi ? me demanda-t-il sérieux, me tournant vers lui pour m’entraver d’un regard glacial.
– Aucune idée mais je sais déjà ce que moi je ferai. Je demanderai une ordonnance restrictive à ton encontre si tu n’ôtes pas tes tentacules de là.
– Je pourrais te tuer avant.
– Et finir en prison pour le restant de tes jours ? Mmh, laisse tomber. Ça n’en vaut pas la peine, homme de Neandertal.
– Tu crois ? J’en tirerais une satisfaction sans bornes.
J’éclatai de rire. C’était incroyable que tous nos échanges verbaux finissent toujours en menaces et insultes diverses.
Je m’étais toujours considérée comme une personne épineuse et difficile mais gentille et prête à faire des compromis. Mais avec Easton j’avais toujours envie de lui faire courber l’échine et lui prouver que je n’étais pas une pauvre imbécile, victime de ses caprices. Mon côté combattif et moins diplomate ressortait toujours.
– Ok, tu m’as convaincue. Je promets que je ne t’embêterai plus si tu fais pareil avec moi. Je cherchais un terrain d’entente mais au fond de moi, j’aurais voulu que cette dispute ne finisse jamais. Ces altercations étaient amusantes et stimulantes.
– On ne s’est pas compris. Je veux que tu me promettes d’arrêter même si moi je te cherche.
– Oublie ! Je ne vais pas me soumettre à un type au cerveau plus sous-développé que celui d’un hamster narcoleptique, je répondis d’un ton sans réplique. Quand arrêteras-tu de jouer les dominateurs ?
– Avec toi ? Jamais, tant que tu n’arrêteras pas de m’insulter et de me provoquer !
– C’est toujours toi qui commences !
– Et tu me suis. Au fond, peut-être que toutes ces attentions te plaisent ? murmura-t-il mielleux à mon oreille. Ses mains parcouraient mon corps comme dans le jacuzzi et sa bouche glissait dans mon cou.
Je me débarrassai de lui fâchée. Tu ramènes toujours tout au sexe. C’est insupportable.
– Ce que tu ne supportes pas je pense, c’est l’abstinence. Dis-moi, depuis combien de temps tu n’as plus couché avec quelqu’un ?
– Ça ne te regarde pas, je balbutiai. Je me demandais à quel point Easton pensait que j’étais experte dans ce domaine. S’il apprenait la vérité, il se moquerait de moi et la prochaine fois qu’il m’embrasserait, il comprendrait qu’il suffisait d’aller au-delà de mes réticences initiales pour m’emmener dans son lit et me faire vivre une expérience dont je rêvais depuis des années. Depuis que ma camarade de classe en secondaire m’avait avoué qu’elle n’était plus vierge.
– Quand tu veux, ma porte est toujours ouverte.
– Je préfère encore entrer au couvent.
– Tu n’y resterais pas un mois me dit-il, mais je fis mine de ne pas l’entendre et allai dans ma chambre.
J’avais un besoin urgent de rester seule. Je ne contrôlais plus le trouble provoqué par Easton.
Alice, calme-toi. Demain, tu pars pour l’université et tout sera terminé !