Читать книгу Liaisons Interdites - Victory Storm - Страница 6
Chapitre 2 GINEVRA
ОглавлениеMon cœur battait à tout rompre.
C’était la première fois que je faisais quelque chose de dingue et j’étais morte de trouille.
Je suivis Maya en silence, malgré mes hauts talons.
Tout le monde était parti se coucher et la maison était déserte.
Nous sortîmes par la porte de derrière et nous nous dirigeâmes vers la voiture garée à proximité immédiate, d’après les ordres donnés par mon amie.
Nous montâmes à bord d’une vieille Toyota Corolla et, l’instant d’après, nous démarrions.
Lorsque la voiture franchit la grille d’entrée je me cachai afin de ne pas me faire remarquer des occupants du véhicule garé à proximité. C’était dans cette voiture qu’on m’avait amenée ici et elle ne serait pas repartie sans moi.
Je détestais ce contrôle permanent de tous mes faits et gestes mais je ne savais pas comment me libérer de cette prison sans barreaux.
Le fait d’être une Rinaldi était ma croix et je la porterais jusqu’à ma mort.
Je commençai à me détendre lorsque nous empruntâmes la voie rapide. Mais à peine entrevis‑je la Safe River que ma respiration s’arrêta : c’était la première fois que je la voyais réellement.
Aussitot la peur pénétra toutes les cellules de mon corps.
Je m’agitai nerveusement, voyant que mon amie franchissait le pont qui reliait les quartiers est et ouest de Rockart City : “Maya, où allons-nous ?”
“Nous nous rendons dans un endroit où ta famille ne viendra jamais nous chercher.”
“Es‑tu devenue folle ?! Il est interdit aux Rinaldi de s’approcher du fleuve ! Si un membre de la famille Orlando découvre ma présence dans cette partie de la ville, il me descend !”, m’écriai-je terrorisée. Je haïssais toutes les règles et limitations imposées par mon père, sauf une : celle de ne pas traverser le fleuve. Je l’avais acceptée de mon plein gré, promettant de ne jamais l’enfreindre si je ne souhaitais pas mourir prématurément.
“Je suis parfaitement au courant. C’est la raison pour laquelle nous avons de faux documents d’identité.”
“Ceci ne me rassure pas beaucoup, Maya.”
“Chelsea ! Rappelle-toi que je m’appelle Chelsea et toi Mia ! Ne te trompe pas ou nous sommes fichues !”
Le voyage se poursuivit, moi enfoncée dans le siège du passager, les battements de cœur qui me martelaient les tempes, incapable de profiter du panorama de cette partie de la ville que je n’avais jamais vue.
“Tout ira bien, tu verras”, me répétait Maya alors que j’étais prête à m’enfuir à l’instant‑même pour revenir sur mes pas en jurant de ne jamais renouveler l’expérience.
C’est à peine si je me rendis compte que Maya venait de couper le contact à proximité d’une autre voiture garée sur le bas‑côté, avec deux charmants garçons à son bord.
“Le conducteur s’appelle Lucky Molan. C’est celui qui m’a tourné la tête et dont je t’ai beaucoup parlé ces derniers temps. Je l’ai connu grâce au site Privatelessons.com. C’est lui qui me donne des cours particuliers d’économie via internet, en cachette de ma mère qui me prend pour un génie. Cela fait deux ans que je me morfonds après lui et ce n’est que maintenant, après avoir décroché mon master, qu’il a consenti à sortir avec moi. Toutefois, lorsqu’il a proposé une sortie en groupe avec son frère qui vient de rompre d’avec sa copine, je n’ai pas pu refuser.”
“C’est la raison de ma présence ici, pas vrai, pour occuper le petit frère pendant que toi tu te la coules douce avec l’amour de ta vie ?”
“Je ne dirais pas les choses comme ça mais... oui c’est vrai. Je t’en prie Gin... Mia, il est vital que tout se passe bien parce que je n’ai pas l’intention de m’arrêter à une seule sortie à quatre.”
“Il y quelque chose qui m’échappe. Sait‑il que tu es Maya Gerber ?”
“Absolument pas. Tu sais que je ne tiens pas à dévoiler ma véritable identité. Je ne tiens pas à ce que l’on sache que je prends des cours particuliers.”
“Donc votre relation est basée sur le mensonge. Comment crois‑tu qu’il soit possible de construire quelque chose de durable en agissant ainsi ?”
“Pour l’instant je m’amuse, vu ? J’ai envie de sortir avec Lucky et peut‑être de coucher avec lui. Je n’ai pas dit que je vais l’épouser !”
“Je pense que ton père ne le permettrait pas.”
“Lucky habite à l’ouest du fleuve, donc c’est zone interdite. Même si je ne m’appelle pas Rinaldi, Papa ne veut pas que je fréquente ces quartiers.”
“Si on tient compte de tout ce que ton père sait de ma famille et ce qu’il gère pour elle, je pense que tu es autant en danger que moi par ici.”
“C’est possible mais je m’en fiche ! Je suis trop jeune pour penser à ces choses‑là.”
“Ou trop stupide”, murmurai-je, ce à quoi elle répondit par une grimace.
En silence, comme si j’avais peur qu’on m’entendît, je sortis de la voiture et me dirigeai avec Maya en direction des deux garçons.
Ils étaient tous les deux blonds aux yeux bleus.
De la chaleureuse embrassade que Maya échangea avec le plus grand et plus mince des deux, je devinai qu’il s’agissait de Lucky.
L’autre s’approcha de moi : “Enchanté, je m’appelle Mike”, l’air déprimé et d’une taille de quelques centimètres supérieure à la mienne.
“Mia”, me présentai-je, m’efforçant d’étouffer un soupir, de crainte de révéler mon nom véritable.
Combien aurais‑je voulu être aussi souple et désinvolte que Maya !
“J’ai réservé au Bridge. Sachez que j’ai dû solliciter un ami pour la faveur d’obtenir un pass de cette boîte. C’est un lieu très exclusif, inapprochable pour nous autres simples mortels”, dit Lucky en rigolant et nous indiquant un édifice à quelques pas de nous.
“Écoutez, je pensais que nous aurions pu nous rendre au Lux... J’y suis déjà allée et j’ai bien aimé l’endroit”, intervint Maya dont la pointe d’anxiété dans la voix me préoccupa. Ce n’était pas son genre d’avoir peur et la crainte resurgit en moi de plus belle.
“Chelsea, l’occasion ne se représentera pas et le pass n’est valable que ce soir. En outre c’est l’occasion d’entendre la fameuse pianiste Folkner”, l’interrompit Lucky.
Je regardai Maya et lus une forte indécision dans ses yeux sombres, jusqu’à ce qu’elle acquiesçât faiblement.
“Tout ira bien”, me glissa‑t‑elle à l’oreille, saisissant ma main avec trop de force pour qu’elle ne m’effrayât point.
Je ne sais pas où je trouvai le courage de placer un pied devant l’autre pour me diriger vers ce qui me semblait être un nid de vipères.
Ce n’est qu’à deux pas de l’entrée que, levant les yeux, je lus l’enseigne ; pour la enième fois ce soir, je sentis la terre s’affaisser sous mes pas : “ The Bridge. Orlando’s Night”.
Comme s’il avait lu dans mes pensées, Mike m’expliqua que cet établissement appartenait à la puissante famille italienne des Orlando, les premiers arrivés à Rockart City (même si certains soutenaient que les Rinaldi fussent les premiers installés), qui avaient transformé cette vallée désolée en pôle d’attraction pour les migrants, donnant naissance à ce qui était l’une des villes historiques les plus prospères des États-Unis.
Cet établissement avait été la première activité commerciale au cœur de Rockart City, à l’ouest du fleuve.
Mike me fournit quelques informations : “Après le décès du grand Giacomo Orlando, la gestion de l’établissement est passée aux mains de son petit‑fils Lorenzo, la brebis galeuse de la famille. Il s’est chamaillé avec tous et a refusé de prendre la succession de son père Salvatore. Il a échappé à l’ire des Orlando parce qu’il était l’aîné, fils unique et le préféré de son grand‑père : sur son lit de mort, ce dernier l’avait prié de ne pas abandonner la ville et de poursuivre l’activité de l’établissement, pierre angulaire de la famille Orlando. Par amour pour son grand‑père, Lorenzo a accepté et a transformé cet établissement en lieu le plus exclusif et prestigieux de Rockart City.”
“Ce doit être un type génial.”
“Oui, et il n’a que vingt-neuf ans. Mais ne t’attends pas à un chevalier dans une brillante armure ; c’est un requin comme tous les Orlando et il ne pardonne pas le moindre écart. Un seul faux‑pas avec lui et on risque de faire une triste fin. Je me souviens d’une bagarre que deux types avaient déclenché l’an dernier, bagarre qui avait entraîné une intervention de la police. Eh bien, depuis ce jour on se demande bien la fin qu’on faite ces deux abrutis. Si la famille Orlando dirige tout le monde et tout ce qui bouge à l’ouest de Rockart City, au Bridge l’unique loi en vigueur est celle de Lorenzo. Tout ce qui gravite autour de lui est archi‑blindé et le rend inaccessible s’il n’y consent pas. La ville était convaincue qu’en renonçant à l’héritage de la famille, il aurait perdu tout pouvoir ; et malgré tout Lorenzo a démontré qu’il s’en sortait très bien tout seul. Il dispose aujourd’hui d’un pouvoir comparable à celui de sa famille, chose d’autant plus remarquable qu’il se l’est construit tout seul.”
“Bof, le nom de sa famille l’aura aidé.”
“À présent, oui. Pas au moment où il avait coupé les ponts avec sa famille. La moitié des parents voulait sa tête lorsqu’il les a envoyés balader. Son grand‑père, chef de tous les Orlando, l’aurait protégé mais, après son décès, Lorenzo s’est retrouvé tout seul.”
“Il doit avoir un sacré courage pour défier aussi ouvertement sa famille”, m’exclamai-je avec une pointe d’envie. Combien aurais‑je voulu être comme lui ou avoir un grand‑père qui me soutînt. Mais mes grands‑parents étaient tous morts ou retournés en Italie.