Читать книгу Собор Парижской Богоматери / Notre-Dame de Paris - Виктор Гюго, Clara Inés Bravo Villarreal - Страница 4
Livre premier
III
Monsieur le cardinal
ОглавлениеPauvre Gringoire!
Il n’y avait ni haine du cardinal, ni dédain de sa présence, dans l’impression désagréable qu’elle fit à Pierre Gringoire. Bien au contraire; notre poète avait trop de bon sens et une souquenille trop râpée pour ne pas attacher un prix particulier à ce que mainte allusion de son prologue, et en particulier la glorification du dauphin fils du lion de France, fût recueillie par une oreille éminentissime. Mais ce n’est pas l’intérêt qui domine dans la noble nature des poètes. Je suppose que l’entité du poète soit représentée par le nombre dix, il est certain qu’un chimiste, en l’analysant et pharmacopolisant, comme dit Rabelais, la trouverait composée d’une partie d’intérêt contre neuf parties d’amour-propre.
L’entrée de son éminence bouleversa l’auditoire. Toutes les têtes se tournèrent vers l’estrade. Ce fut à ne plus s’entendre. « Le cardinal! Le cardinal! » répétèrent toutes les bouches. Le malheureux prologue resta court une seconde fois.
Le cardinal s’arrêta un moment sur le seuil de l’estrade. Tandis qu’il promenait un regard assez indifférent sur l’auditoire, le tumulte redoublait. Chacun voulait le mieux voir. C’était à qui mettrait sa tête sur les épaules de son voisin.
C’était en effet un haut personnage et dont le spectacle valait bien toute autre comédie. Charles, cardinal de Bourbon, archevêque et comte de Lyon, primat des Gaules, était à la fois allié à Louis XI par son frère, Pierre, seigneur de Beaujeu, qui avait épousé la fille aînée du roi, et allié à Charles le Téméraire par sa mère Agnès de Bourgogne. Or le trait dominant, le trait caractéristique et distinctif du caractère du primat des Gaules, c’était l’esprit de courtisan et la dévotion aux puissances. Du reste, c’était un bon homme. Il menait joyeuse vie de cardinal, s’égayait volontiers avec du cru royal de Challuau, ne haïssait pas Richarde la Garmoise et Thomasse la Saillarde, faisait l’aumône aux jolies filles plutôt qu’aux vieilles femmes, et pour toutes ces raisons était fort agréable au populaire de Paris.
Il entra donc, salua l’assistance avec ce sourire héréditaire des grands pour le peuple, et se dirigea à pas lents vers son fauteuil de velours écarlate, en ayant l’air de songer à tout autre chose. Son cortège, ce que nous appellerions aujourd’hui son état-major d’évêques et d’abbés, fit irruption à sa suite dans l’estrade, non sans redoublement de tumulte et de curiosité au parterre. Quant aux écoliers, ils juraient. C’était leur jour, leur fête des fous, leur saturnale, l’orgie annuelle de la basoche et de l’école. Chacun d’eux, dans les nouveaux venus de l’estrade, avait pris à partie une soutane noire, ou grise, ou blanche, ou violette. Quant à Joannes Frollo de Molendino, en sa qualité de frère d’un archidiacre, c’était à la rouge qu’il s’était hardiment attaqué, et il chantait à tue-tête, en fixant ses yeux effrontés sur le cardinal: Cappa repleta mero[11]!
D’ailleurs le cardinal s’en fût peu ému, tant les libertés de ce jour-là étaient dans les mœurs. Il avait du reste, et sa mine en était toute préoccupée, un autre souci qui le suivait de près. C’était l’ambassade de Flandre.
Il se fit dans l’assemblée un grand silence accompagné de rires étouffés pour écouter tous les noms saugrenus et toutes les qualifications bourgeoises que chacun de ces personnages transmettait imperturbablement à l’huissier, qui jetait ensuite noms et qualités pêle-mêle et tout estropiés à travers la foule. Ces personnages portaient tous écrit sur le front que Maximilien d’Autriche avait eu raison de se confier à plain, comme disait son manifeste, en leur sens, vaillance, expérience, loyaultez et bonnes preudomies.
Un excepté pourtant. C’était un visage fin, intelligent, rusé, une espèce de museau de singe et de diplomate, au-devant duquel le cardinal fit trois pas et une profonde révérence, et qui ne s’appelait pourtant que Guillaume Rym, conseiller et pensionnaire de la ville de Gand.
Peu de personnes savaient alors ce que c’était que Guillaume Rym. Rare génie qui dans un temps de révolution eût paru avec éclat à la surface des événements, mais qui au quinzième siècle était réduit aux caverneuses intrigues et à vivre dans les sapes[12], comme dit le duc de Saint-Simon. Du reste, il était apprécié du premier sapeur de l’Europe, il machinait familièrement avec Louis XI, et mettait souvent la main aux secrètes besognes du roi.
11
Cappa repleta mero! – (лат.) Ряса, напитанная вином!
12
était réduit aux caverneuses intrigues et à vivre dans les sapes – был обречён на подпольные интриги и «существование в подкопах»