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CHAPITRE QUATRE.

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Table des matières

De la conformation de nos yeux, comment la lumiere entre & agit dans cet organe.

Description de l'œil.

POur connaitre l'œil de l'homme en physicien qui ne considere que la vision, il faut d'abord savoir que la premiere enveloppe blanche, le rempart & l'ornement de l'œil, ne transmet aucun rayon. Plus ce blanc de l'œil est fort & uni, plus il réflechit de lumiere; & lorsque quelque passion vive porte au visage de nouveaux esprits, qui viennent encore tendre & ébranler cette tunique, alors des étincelles semblent en sortir.

Au milieu de cette membrane s'éleve un peu la cornée, mince, dure & transparente, telle précisément que le verre de votre montre que vous placeriéz en cette façon sur une boule.

Sous cette cornée, est l'iris, autre membrane, qui, colorée par elle-même, répand ses couleurs sur cette cornée transparente qui la couvre; c'est cette iris tantôt brune, tantôt bleue, qui rend les yeux bleus ou noirs. Elle est percée dans son milieu, qui ainsi paroît toujours noir; & ce milieu est la prunelle de l'œil. C'est par cette ouverture que sont introduits les rayons de la lumiere: elle s'agrandit par un mouvement involontaire dans les endroits obscurs, pour recevoir plus de rayons; elle se resserre ensuite, lorsqu'une grande clarté l'offense.

Les rayons admis par cette prunelle ont déja souffert une réfraction assez forte en passant à travers la cornée dont elle est couverte. Imaginez cette cornée comme le verre de votre montre, il est convexe en dehors, & concave en dedans: tous les rayons obliques se sont brisés dans l'épaisseur de ce verre; mais ensuite sa concavité rétablit ce que sa convéxité a brisé. La même chose arrive dans notre cornée. Les rayons ainsi rompus & brisés, trouvent après avoir franchi la cornée, une humeur transparente dans laquelle ils passent. Cette eau est nommée l'humeur aqueuse. Les Anatomistes ne s'accordent point encore entr'eux sur la forme de ce petit réservoir. Mais, quelle que soit sa figure, la Nature semble avoir placé là cette humeur claire & limpide, pour opérer des réfractions, pour transmettre purement la lumiere, pour que le cristallin, qui est derriere, puisse s'avancer sans effort, & changer librement de figure, pour que l'humidité nécessaire s'entretienne, &c.

Enfin, les rayons étant sortis de cette eau trouvent une espèce de diamant liquide, taillé en lentille, & enchassé dans une membrane déliée & diaphane elle-même. Ce diamant est le cristallin, c'est lui qui rompt tous les rayons obliques, c'est un principal organe de la réfraction & de la vûe; parfaitement semblable en cela à un Verre lenticulaire de Lunette. Soit ce cristallin ou ce Verre lenticulaire.

Le rayon perpendiculaire A. le pénétre, sans se détourner; mais les rayons obliques B & C. se détournent dans l'épaisseur du Verre en s'approchant des perpendiculaires, qu'on tireroit sur les endroits où ils tombent. Ensuite quand ils sortent du Verre pour passer dans l'air, ils se brisent encore en s'éloignant du perpendicule; ce nouveau brisement est précisément ce qui les fait converger en D. foyer du Verre lenticulaire.

Or la rétine, cette membrane legére, cette expansion du nerf optique, qui tapisse le fond de notre œil, est le foyer du cristallin: c'est à cette rétine que les rayons aboutissent: mais avant d'y parvenir, ils rencontrent encore un nouveau milieu qu'ils traversent; ce nouveau milieu est l'humeur vitrée, moins solide que le cristallin, moins fluide que l'humeur aqueuse.

C'est dans cette humeur vitrée que les rayons ont le tems de s'assembler, avant de venir faire leur derniere réunion sur les points du fond de notre œil. Figurez-vous donc sous cette lentille du cristallin, cette humeur vitrée sur laquelle le cristallin s'appuye; cette humeur tient le cristallin dans sa concavité, & est arondie vers la rétine.

Les rayons en s'échapant de cette derniere humeur achevent donc de converger. Chaque faisceau de rayons parti d'un point de l'objet vient fraper un point de notre rétine.

Une figure, où chaque partie de l'œil se voit sous son propre nom, expliquera mieux tout cet artifice, que ne pourroient faire des lignes, des A. & des B. La structure des yeux ainsi développée, on peut connaitre aisément pourquoi on a si souvent besoin du secours d'un Verre, & quel est l'usage des Lunettes.

Oeil presbite.

Souvent un œil sera trop plat, soit par la conformation de sa cornée, soit par son cristallin, que l'âge ou la maladie aura desseché; alors les réfractions seront plus faibles & en moindre quantité, les rayons ne se rassembleront plus sur la rétine. Considérez cet œil trop plat que l'on nomme œil de presbite.

Ne regardons, pour plus de facilité, que trois faisceaux, trois cones des rayons, qui de l'objet tombent sur cet œil, ils se réuniront aux points A. A. A. par delà la rétine, il verra les objets confus.

La Nature a fourni un secours contre cet inconvénient, par la force qu'elle a donnée aux muscles de l'œil d'allonger, ou d'aplatir l'œil, de l'approcher ou de le reculer de la rétine. Ainsi dans cet œil de Vieillard, ou dans cet œil malade, le cristallin a la faculté de s'avancer un peu, & d'aller en D. D.: alors l'espace entre le cristallin & le fond de la rétine deviennent plus grands, les rayons ont le tems de venir se réunir sur la rétine, au lieu d'aller au-delà; mais lorsque cette force est perdue, l'industrie humaine y supplée, un verre lenticulaire est mis entre l'objet & l'œil affaibli. L'effet de ce verre est de rapprocher les rayons qu'il a reçus, l'œil les reçoit donc & plus rassemblés & en plus grand nombre: ils viennent aboutir à un point de la rétine comme il le faut; alors la vûe est nette & distincte.

Oeil myope.

Regardez cet autre œil, qui a une maladie contraire, il est trop rond: les rayons se réunissent trop tôt, comme vous le voyez au point B. ils se croisent trop vîte, ils se séparent en B. & vont faire une tache sur la rétine. C'est-là ce qu'on appelle un œil myope. Cet inconvénient diminue à mesure que l'âge en amene d'autres, qui sont la sécheresse & la faiblesse: elles aplatissent insensiblement cet œil trop rond; & voilà pourquoi on dit que les vûes courtes durent plus long-tems. Ce n'est pas qu'en effet elles durent plus que les autres, mais c'est qu'à un certain âge, l'œil desseché s'aplatit: alors celui qui étoit obligé auparavant d'approcher son Livre à trois ou quatre pouces de son œil, peut lire quelquefois à un pied de distance: mais aussi sa vûe devient bien-tôt trouble & confuse, il ne peut voir les objets éloignés; telle est notre condition, qu'un défaut ne se répare presque jamais que par un autre.

Or, tandis que cet œil est trop rond, il lui faut un Verre qui empêche les rayons de se réunir si vîte. Ce Verre fera le contraire du premier, au lieu d'être convexe des deux côtés, il sera un peu concave des deux côtés, & les rayons divergeront dans celui-ci, au lieu qu'ils convergeroient dans l'autre. Ils viendront par conséquent se réunir plus loin, qu'ils ne faisoient auparavant dans l'œil, & alors cet œil jouïra d'une vûe parfaite. On proportionne la convéxité & la concavité des Verres aux défauts de nos yeux: c'est ce qui fait que les mêmes Lunettes qui rendent la vûe nette à un Vieillard, ne seront d'aucun secours à un autre; car il n'y a ni deux maladies, ni deux hommes, ni deux choses au monde égales.

L'Antiquité ne connaissoit point ces Lunettes. Cependant elle connaissoit les Miroirs ardents; une vérité découverte n'est pas toujours une raison pour qu'on découvre les autres véritéz qui y tiennent. L'attraction de l'Aimant étoit connue, & sa direction échapoit aux yeux. La démonstration de la circulation du sang étoit dans la saignée même que pratiquoient tous les Médecins Grecs, & cependant personne ne se doutoit que le sang circulât.

Il y a grande apparence que c'est du tems de Roger Bacon au XIII. Siècle que l'on trouva ces lunettes appellées besicles, & les loupes qui donnent de nouveaux yeux aux Vieillards; car il est le premier qui en parle.

Vous venez de voir les effets que la réfraction fait dans vos yeux, soit que les rayons arrivent sans secours intermédiaire, soit qu'ils ayent traversé des cristaux: vous concevez que sans cette réfraction opérée dans nos yeux, & sans cette réflexion des rayons de dessus les surfaces des corps vers nous, les organes de la vûe nous seroient inutiles. Les moyens que la Nature employe pour faire cette réfraction, les loix qu'elle suit, sont des mystères que nous allons déveloper. Il faut auparavant achever ce que nous avons à dire touchant la vûe, il faut satisfaire à ces questions si naturelles: Pourquoi nous voyons les objets au-delà d'un Miroir, & non sur le Miroir même? Pourquoi un Miroir concave rend l'objet plus grand? Pourquoi le Miroir convexe rend l'objet plus petit? Pourquoi les Telescopes rapprochent & agrandissent les choses? Par quel artifice la Nature nous fait connaitre les grandeurs, les distances, les situations? Quelle est enfin la véritable raison, qui fait que nous voyons les objets tels qu'ils sont, quoique dans nos yeux ils se peignent renversez? Il n'y a rien là qui ne mérite la curiosité de tout Etre pensant; mais nous ne nous étendrions pas sur ces sujets que tant d'illustres Ecrivains ont traités, & nous renverrions à eux, si nous n'avions pas à faire connaitre quelques vérités assez nouvelles, & curieuses pour un petit nombre de Lecteurs.

Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde

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