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CHAPITRE CINQ.

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Table des matières

Des Miroirs, des Telescopes: des Raisons que les Mathématiques donnent des mystères de la vision; que ces raisons ne sont point du tout suffisantes.

LES RAYONS qu'une Puissance, jusqu'à nos jours inconnue, fait rejaillir à vos yeux de dessus la surface d'un Miroir, sans toucher à cette surface, & des pores de ce Miroir, sans toucher aux parties solides; ces rayons, dis-je, retournent à vos yeux dans le même sens qu'ils sont arrivés à ce Miroir. Si c'est votre visage que vous regardez, les rayons partis de votre visage parallèlement & en perpendiculaire sur le Miroir, y retournent de même qu'une balle qui rebondit perpendiculairement sur le plancher.

Miroir plan.

Si vous regardez dans ce Miroir M. un objet qui est à côté de vous comme A. il arrive aux rayons partis de cet objet la même chose qu'à une balle, qui rebondiroit en B. où est votre œil. C'est ce qu'on appelle l'angle d'incidence égal à l'angle de réflexion.

La ligne A. C. est la ligne d'incidence, la ligne C. B. est la ligne de réflexion. On sait assez, & le seul énoncé le démontre, que ces lignes forment des angles égaux sur la surface de la glace; maintenant pourquoi ne vois-je l'objet ni en A. où il est, ni dans C. dont viennent à mes yeux les rayons, mais en D. derriere le Miroir même?

La Géométrie vous dira: c'est que l'angle d'incidence est égal à l'angle de réflexion: c'est que votre œil en B. rapporte l'objet en D.; c'est que les objets ne peuvent agir sur vous qu'en ligne droite, & que la ligne droite continuée dans votre œil B. jusques derriere le miroir en D. est aussi longue que la ligne A C. & la ligne C B. prises ensemble.

Enfin elle vous dira encore: vous ne voyez jamais les objets que du point où les rayons commencent à diverger. Soit ce Miroir M. I.

Miroir plan.

Les faisceaux de rayons qui partent de chaque point de l'objet A, commencent à diverger dès l'instant qu'ils partent de l'objet; ils arrivent sur la surface du Miroir: là chacun de ces rayons tombe, s'écarte, & se réflechit vers l'œil. Cet œil les rapporte aux points D. D. au bout des lignes droites, où ces mêmes rayons se rencontreroient; mais en se rencontrant aux points D. D. ces rayons feroient la même chose qu'aux points A. A. ils commenceroient à diverger; donc vous voyez l'objet A. A. aux points D. D.

Ces angles & ces lignes servent, sans doute, à vous donner une intelligence de cet artifice de la Nature; mais il s'en faut beaucoup qu'elles puissent vous apprendre, la raison Physique efficiente, pourquoi votre ame rapporte sans hésiter l'objet au-delà du Miroir à la même distance qu'il est au deçà. Ces lignes vous représentent ce qui arrive, mais elles ne vous apprennent point pourquoi cela arrive.

Si vous voulez savoir comment un Miroir convexe diminue les objets, & comment un Miroir concave les augmente, ces lignes d'incidence & de réflexion vous en rendront la même raison.

Miroir convexe.

On vous dit: Ce cone de rayons qui diverge du point A. & qui tombe sur ce Miroir convexe, y fait des angles d'incidence égaux aux angles de réflexion, dont les lignes vont dans notre œil. Or ces angles sont plus petits que s'ils étoient tombés sur une surface plane, donc s'ils sont supposés passer en B. ils y convergeront bien plutôt, donc l'objet qui seroit en B. B. seroit plus petit.

Or votre œil rapporte l'objet en B. B. aux points d'où les rayons commenceroient à diverger, donc l'objet doit vous paraitre plus petit, comme il l'est en effet dans cette figure. Par la même raison qu'il parait plus petit, il vous parait plus près, puisqu'en effet les points où aboutiroient les rayons B. B. sont plus près du Miroir que ne le sont les rayons A. A.

Par la raison des contraires, vous devez voir les objets plus grands & plus éloignés dans un Miroir concave, en plaçant l'objet assez près du Miroir.

Car les cones des rayons A. A. venant à diverger sur le Miroir aux points où ces rayons tombent, s'ils se réflechissoient à travers ce Miroir, ils ne se réuniroient qu'en B. B. donc c'est en B. B. que vous les voyez. Or B. B. est plus grand & plus éloigné du Miroir que n'est A. A. donc vous verrez l'objet plus grand, & plus loin.

Voilà en général ce qui se passe dans les rayons réflechis à vos yeux, & ce seul Principe, que l'angle d'incidence est toujours égal à l'angle de réflexion, est le premier fondement de tous les mystères de la Catoptrique.

MAINTENANT il s'agit de savoir, comment les lunettes augmentent ces grandeurs & raprochent ces distances. Enfin pourquoi les objets se peignant renversés dans vos yeux, vous les voyez cependant comme ils sont.

Explications géométriques de la vision.

A l'égard des grandeurs & des distances, voici ce que les Mathématiques vous en apprendront. Plus un objet fera dans votre œil un grand angle, plus l'objet vous paraitra grand: rien n'est plus simple. Cette ligne H. K. que vous voyez, à cent pas, trace un angle dans l'œil A. (figure premiere); à deux cens pas, elle trace un angle la moitié plus petit dans l'œil B. (figure seconde). Or l'angle qui se forme dans votre rétine & dont votre rétine est la baze, est comme l'angle dont l'objet est la baze. Ce sont des angles opposez au sommet: donc par les premieres notions des Elémens de la Géométrie ils sont égaux; donc si l'angle formé dans l'œil A. est double de l'angle formé dans l'œil B., cet objet paraitra une fois plus grand à l'œil A. qu'à l'œil B.

Maintenant pour que l'œil étant en B. voye l'objet aussi grand, que le voit l'œil en A., il faut faire en sorte que cet œil B. reçoive un angle aussi grand que celui de l'œil A. qui est une fois plus près. Les verres d'un télescope feront cet effet.

Ne mettons ici qu'un seul verre pour plus de facilité, & faisons abstraction des autres effets de plusieurs verres. L'objet H. K. (troisième figure) envoye ses rayons à ce verre. Ils se réunissent à quelque distance du verre. Concevons un verre taillé de sorte, que ces rayons se croisent pour aller former dans l'œil en C. un angle aussi grand que celui de l'œil en A. alors l'œil, nous dit-on, juge par cet angle. Il voit donc alors l'objet de la même grandeur, que le voit l'œil en A. Mais en A. il le voit à cent pas de distance: donc en C. recevant le même angle, il le verra encore à cent pas de distance. Tout l'effet des verres de lunettes multipliez, & des télescopes divers, & des microscopes qui agrandissent les objets, consiste donc à faire voir les choses sous un plus grand angle. L'objet A. B. est vu par le moyen de ce verre sous l'angle D, C, D. qui est bien plus grand que l'angle A, C, B.

Vous demandez encore aux règles d'optique, pourquoi vous voyez les objets dans leur situation, quoiqu'ils se peignent renversez sur notre rétine?

Le rayon qui part de la tête de cet homme A., vient au point inférieur de votre rétine A. ses pied B. sont vus par les rayons B. B. au point supérieur de votre rétine B. Ainsi cet homme est peint réellement la tête en bas & les pieds en haut au fond de vos yeux. Pourquoi donc ne voyez-vous pas cet homme renversé, mais droit, & tel qu'il est?

Pour résoudre cette question, on se sert de la comparaison de l'aveugle, qui tient dans ses mains deux bâtons croisez avec lesquels il devine très-bien la position des objets.

Car le point A., qui est à gauche, étant senti par la main droite à l'aide du bâton, il le juge aussi-tôt à gauche; & le point B. que sa main gauche a senti par l'entremise de l'autre bâton, il le juge à droite sans se tromper.

Tous les Maîtres d'optique nous disent donc, que la partie inférieure de l'œil rapporte tout d'un coup sa sensation à la partie supérieure A. de l'objet, & que la partie supérieure de la rétine rapporte aussi naturellement la sensation à la partie inférieure B.; ainsi on voit l'objet dans sa situation véritable.

Nul rapport immédiat entre les règles d'optique & nos sensations.

Quand vous aurez connu parfaitement tous ces angles, & toutes ces lignes Mathématiques, par lesquelles on suit le chemin de la lumiere jusqu'au fond de l'œil, ne croyez pas pour cela savoir comment vous appercevez les grandeurs, les distances, les situations des choses. Les proportions géométriques de ces angles & de ces lignes sont justes, il est vrai; mais il n'y a pas plus de rapport entr'elles & nos sensations, qu'entre le son que nous entendons & la grandeur, la distance, la situation de la chose entendue. Par le son, mon oreille est frappée; j'entends des tons & rien de plus. Par la vûe, mon œil est ébranlé; je vois des couleurs & rien de plus. Non-seulement les proportions de ces angles, & de ces lignes, ne peuvent en aucune maniere être la cause immédiate du jugement que je forme des objets; mais en plusieurs cas ces proportions ne s'accordent point du tout avec la façon dont nous voyons les objets.

Exemple en preuve.

Par exemple, un homme vu à quatre pas, & à huit pas, est vu de même grandeur. Cependant l'image de cet homme, à quatre pas, est précisément double dans votre œil, de celle qu'il y trace à huit pas. Les angles sont différens, & vous voyez l'objet toujours également grand; donc il est évident par ce seul exemple, choisi entre plusieurs, que ces angles & ces lignes ne sont point du tout la cause immédiate de la maniere dont nous voyons.

Avant donc de continuer les recherches que nous avons commencées sur la lumiere, & sur les loix mécaniques de la Nature, vous m'ordonnez de dire ici comment les idées des distances, des grandeurs, des situations, des objets, sont reçues dans notre ame. Cet examen nous fournira quelque chose de nouveau & de vrai, c'est la seule excuse d'un Livre.

Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde

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