Читать книгу Abrégé de l'Histoire universelle depuis Charlemagne jusques à Charlequint (Tome 1) - Voltaire, Вольтер - Страница 5
ORIGINE DE LA PUISSANCE DES PAPES
ОглавлениеLe Pape Grégoire III fut le premier qui imagina de se servir du bras des Français pour ôter l'Italie aux Empereurs et aux Lombards. Son Successeur Zacharie reconnut Pépin usurpateur du Royaume de France pour Roi légitime. On a prétendu que Pépin, qui n'était que premier Ministre, fit demander d'abord au Pape, quel était le vrai Roi, ou de celui qui n'en avait que le droit et le nom, ou de celui qui en avait l'autorité et le mérite? Et que le Pape décida que le Ministre devait être Roi. Il n'a jamais été prouvé qu'on ait joué cette Comédie; mais ce qui est vrai, c'est que le Pape Étienne III appela Pépin à son secours, qu'il feignit une Lettre de St. Pierre, adressée du Ciel à Pépin et à ses fils, qu'il vint en France, qu'il donna dans St. Denis l'Onction Royale à Pépin, premier Roi sacré en Europe. Non seulement ce premier usurpateur reçut l'Onction Sacrée du Pape, après l'avoir reçue de St. Boniface, qu'on appelait l'Apôtre d'Allemagne, mais Étienne III défendit sous peine d'excommunication aux Français de se donner jamais des Rois d'une autre race. Tandis que cet Évêque chassé de sa patrie et suppliant dans une terre étrangère, avait le courage de donner des Lois, sa politique prenait une autorité qui assurait celle de Pépin, et ce Prince pour mieux jouir de ce qui ne lui était pas dû, laissait au Pape des droits qui ne lui appartenaient pas.
Hugues Capet fit voir depuis ce que valait une telle défense et une telle excommunication. Les fruits de cette union avec Pépin furent l'anéantissement du pouvoir des Empereurs dans Rome, la révolution de l'Occident, et la puissance de l'Église Romaine.
Les Lombards venaient de s'emparer de l'Exarcat de Ravenne. Pépin après les avoir vaincus et leur avoir ôté le reste du domaine des Empereurs, fit présent au Pape d'une partie des biens qu'il avait conquis. Il donna Ravenne, Boulogne, Incola, Fuenza, Forli, Ferrare, Rimini, Pezaro, Ancone, Urbin; Rome n'y fut pas comprise, et l'Évêque n'osa pas s'emparer de la Capitale de son Souverain. Le peuple alors ne l'eût pas souffert, tant le nom de Rome et ses débris imprimaient encore de respect à ses citoyens.
Cet Évêque fut le premier Prêtre Chrétien qui devint Seigneur temporel, et qu'on pût mettre au rang des Princes; aucun ne le fut jamais en Orient. Sous les yeux du Maître les sujets restent sujets; mais loin du Souverain et dans le temps de trouble, il fallait bien que de nouvelles Puissances s'établissent dans un Pays abandonné; mais il ne faut pas croire que les Papes jouirent paisiblement de cette donation; non seulement les Terres furent bientôt reprises par les Lombards, mais lorsqu'ensuite Charlemagne eut confirmé cette Donation, et ajouté encore tant de nouveaux domaines au Patrimoine de St. Pierre, les Seigneurs de ces Patrimoines, ou ceux qui les envahirent, ne regardèrent pas la Donation de Charlemagne comme un droit incontestable. L'autorité spirituelle des Papes, déjà grande dans l'Occident qui tenait d'eux la Religion Chrétienne, ne dominait point ainsi en Orient. Les Papes ne convoquèrent point les six premiers Conciles Œcuméniques, et dès le VIe Siècle on voit que Jean le Jeûneur, Patriarche de Constantinople, reconnu pour Saint chez les Grecs, prenait le titre d'Évêque universel; titre qui semblait permis au Pasteur de la Ville Impériale. On voit au VIIIe Siècle ce Patriarche se nommer Pape dans un Acte public. Au IIe Concile de Nicée on appelait ce Patriarche Très-Saint Père. Le Pape était toujours nommé le premier, excepté dans quelques Actes passés entre lui et le Patriarche à Constantinople; mais cette primauté purement spirituelle n'avait rien de la Souveraineté; le Pape était le premier des Évêques, et n'était le maître d'aucun Évêque.