Читать книгу Abrégé de l'Histoire universelle depuis Charlemagne jusques à Charlequint (Tome 1) - Voltaire, Вольтер - Страница 6
ÉTAT DE L'ÉGLISE EN ORIENT AVANT CHARLEMAGNE
ОглавлениеEn Orient les Chefs de la Religion ne pouvant se faire une domination temporelle, y excitèrent d'autres troubles par ces querelles interminables, fruit de l'esprit sophistique des Grecs et de leurs Disciples.
Depuis que Constantin eut donné une liberté entière aux Chrétiens auxquels on ne pouvait plus l'ôter, et dont le parti l'avait mis sur le Trône, cette liberté était devenue une source intarissable de querelles; car le Fondateur de la Religion n'ayant rien écrit, et les hommes voulant tout savoir, chaque mystère fit naître des opinions, et chaque opinion coûta du sang.
Fallut-il décider si le Fils était consubstantiel au Père? le Monde Chrétien fut partagé, et la moitié persécuta l'autre. Voulut-on savoir si la Mère de Jésus-Christ était la Mère de Dieu, ou de Jésus? si le Christ avait deux natures et deux volontés dans une même personne, ou deux personnes et une volonté, ou une volonté et une personne? Toutes ces disputes nées dans Constantinople, dans Antioche, dans Alexandrie, excitèrent des séditions. Un parti anathématisait l'autre, la faction dominante condamnait à l'exil, à la prison, à la mort, et aux peines éternelles après la mort l'autre faction qui se vengeait à son tour par les mêmes armes.
De pareils troubles n'avaient point été connus dans le Paganisme, la raison en est que les Païens dans leurs erreurs grossières, n'avaient point de dogmes, et que les Prêtres des Idoles, encore moins les Séculiers, ne s'assemblèrent jamais juridiquement pour disputer.
Dans le VIIIe Siècle on agita dans les Églises d'Orient s'il fallait rendre un culte aux Images. La Loi de Moïse les avait expressément défendues, cette Loi n'avait jamais été révoquée, et les premiers Chrétiens pendant plus de 200 ans n'en avaient jamais souffert dans leurs assemblées.
Peu à peu la coutume s'introduisit partout d'avoir chez soi des Crucifix. Ensuite on eut les portraits vrais ou faux des Martyrs ou des Confesseurs. Il n'y avait point encore d'Autels érigés pour les Saints, point de Messes célébrées en leur nom seulement à la vue d'un Crucifix et de l'image d'un homme de bien. Le cœur qui surtout dans ces climats a besoin d'objets sensibles, s'excitait à la vertu.
Cet usage s'introduisit dans les Églises. Quelques Évêques ne l'adoptèrent pas. On voit qu'en 393 St. Épiphane arracha d'une Église de Syrie une Image devant laquelle on priait. Il déclara que la Religion Chrétienne ne permettait pas ce culte, et la sévérité ne causa point de Schisme.
Enfin cette pratique pieuse dégénéra en abus, comme toutes les choses humaines. Le Peuple toujours grossier ne distingua point Dieu et les Images. Bientôt on en vint jusqu'à leur attribuer des vertus et des miracles. Chaque Image guérissait une maladie. On les mêla même aux Sortilèges, qui ont presque toujours séduit la crédulité du Vulgaire. Je dis non seulement le vulgaire du Peuple, mais celui des Princes et des Savants.
En 727 l'Empereur Léon l'Isaurien voulut, à la persuasion de quelques Évêques, déraciner l'abus; mais par un abus encore plus grand, il fit effacer toutes les peintures. Il abattit les statues et les représentations de JÉSUS-CHRIST et des Saints, en ôtant ainsi tout d'un coup aux Peuples les objets de leur culte; il les révolta, on désobéit, il persécuta, il devint Tyran, parce qu'il avait été imprudent.
Son Fils Constantin Copronime fit passer en Loi Civile et Ecclésiastique l'abolition des Images. Il tint à Constantinople un Concile de 338 Évêques; ils proscrivirent d'une commune voix ce culte reçu dans plusieurs Églises, et surtout à Rome.
Cet Empereur eût voulu abolir aussi aisément les Moines, qu'il avait en horreur, et qu'il n'appelait que les abominables; mais il ne put y réussir: ces Moines déjà fort riches défendirent plus habilement leurs biens, que les Images de leurs Saints.
Le Pape Grégoire III et ses successeurs, ennemis secrets des Empereurs, et opposés ouvertement à leur doctrine, ne lancèrent pourtant point ces sortes d'excommunications, depuis si fréquemment et si légèrement employées. Mais soit que ce vieux respect pour les successeurs des Césars contînt encore les Métropolitains de Rome, soit plutôt qu'ils vissent combien ces excommunications, ces interdits et dispenses du serment de fidélité seraient méprisés dans Constantinople, où l'Église Patriarcale s'égalait au moins à celle de Rome, les Papes se contentèrent d'un Concile en 732, où l'on décida que tout ennemi des Images serait excommunié, sans rien de plus, et sans parler de l'Empereur. Il paraît que les Papes songèrent plutôt à négocier qu'à disputer, et qu'en agissant aux dehors en Évêques fermes, mais modérés, ils se conduisirent en vrais politiques, et préparèrent la révolution d'Occident.