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Chapitre 2 IL Y A UNE SOLUTION

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Chez les AA, il y a des milliers d’hommes et de femmes qui ont connu un jour le même désespoir que Bill. Presque tous se sont rétablis. Ils ont trouvé une solution à leur problème d’alcool.

Nous sommes des Américains moyens. Toutes les régions de ce pays et plusieurs métiers et professions sont représentés, de même que plusieurs milieux, dont les milieux politiques, économiques, sociaux et religieux. Nous sommes des gens qui normalement, ne nous fréquenterions pas. Cependant, il règne parmi nous un esprit d’appartenance, une amitié et une compréhension merveilleuses difficiles à décrire. Nous sommes comme les passagers d’un paquebot immédiatement après avoir été sauvés d’un naufrage, alors que de la troisième classe à la table du capitaine, il règne un esprit de camaraderie, de joie et de démocratie. Contrairement aux émotions des rescapés du navire, notre joie d’avoir évité la catastrophe ne s’éteint toutefois pas après que chacun a repris sa route. Le sentiment d’avoir traversé la même épreuve est un des éléments du lien puissant qui nous unit. Mais, à lui seul, ce sentiment ne nous aurait pas rapprochés les uns des autres comme nous le sommes maintenant.

Ce qu’il y a d’extraordinaire pour chacun de nous, c’est que nous avons découvert une solution commune. Nous avons une façon de nous en sortir sur laquelle nous sommes absolument d’accord et qui nous unit dans une action amicale et harmonieuse. C’est là la grande nouvelle que ce livre annonce à ceux qui souffrent d’alcoolisme.

Une maladie de ce genre – nous en sommes venus à tenir l’alcoolisme pour une maladie – affecte notre entourage comme aucune autre maladie ne peut le faire. Un malade atteint du cancer attire la sympathie de tous, mais personne d’autre n’en est irrité ou blessé. Il n’en est pas ainsi de l’alcoolisme, car cette maladie entraîne l’anéantissement de tout ce qui compte dans la vie. Elle affecte tous ceux qui entretiennent des relations avec la personne atteinte. Source de mésentente et de ressentiment féroce, l’alcoolisme est cause d’insécurité financière, dégoûte employeurs et amis, compromet le bonheur d’enfants innocents, de conjoints et de parents, sème la tristesse dans les familles. On pourrait allonger la liste.

Nous espérons que notre livre renseignera et réconfortera ceux qui sont ou qui pourraient être atteints par ce mal. Il y en a beaucoup.

Des psychiatres très compétents qui ont été en contact avec nous n’ont pu réussir à convaincre un alcoolique de discuter de son cas sans réserve. Chose étrange, nos femmes, nos parents et nos amis intimes trouvent généralement encore plus difficile d’établir un contact avec nous.

En revanche, l’ex-buveur qui a trouvé notre solution et qui connaît bien les faits en ce qui le concerne peut généralement gagner l’entière confiance d’un autre alcoolique en quelques heures. Tant qu’il n’y a pas cette compréhension mutuelle, rien, ou presque rien, ne peut être accompli.

Le fait d’être abordé par une personne qui a déjà rencontré la même difficulté, d’entendre cette personne parler indéniablement de ce qu’elle connaît, de voir dans son comportement même qu’elle détient la vraie réponse, de constater qu’elle ne se pose pas en être moralement supérieur et qu’elle est mue par le désir sincère d’aider, le fait aussi qu’il n’y ait aucuns frais à payer, personne à flatter, aucune remontrance à subir, voilà les conditions que nous avons trouvées les plus efficaces. Nombreux sont ceux qui ont pris leur grabat et se sont mis à marcher après avoir fait une telle démarche.

Aucun d’entre nous ne consacre tout son temps à ce travail et nous ne croyons pas que nous serions plus efficaces si nous le faisions. Nous croyons que d’arrêter de boire n’est que le début. Il est encore plus important de mettre nos principes à l’œuvre dans nos propres foyers, dans nos activités et notre travail. Nous consacrons tous une grande partie de nos loisirs à fournir les efforts que nous décrivons plus loin dans ce livre. Certains ont la chance de pouvoir y consacrer presque tout leur temps.

À agir comme nous le faisons, il est certain qu’un grand bien résultera de nos efforts, mais le problème aura été à peine effleuré. Ceux d’entre nous qui vivent dans une grande ville sont ébranlés à l’idée que, tout près, des centaines tombent dans l’oubli chaque jour. Plusieurs d’entre eux pourraient se rétablir s’ils avaient la chance que nous avons eue. Alors comment leur offrir ce qui nous a été donné si gratuitement ?

Nous avons donc décidé de publier un livre anonyme qui expliquerait le problème tel que nous le percevons et dans lequel toute notre expérience et toutes nos connaissances seraient mises à contribution. Toute personne aux prises avec un problème d’alcool devrait y trouver un programme d’action efficace.

Il était nécessaire d’inclure dans notre livre des questions d’ordre médical, psychiatrique, social et religieux. Nous sommes conscients que ces sujets peuvent soulever des controverses. Rien ne nous plairait autant que d’écrire un ouvrage qui ne contienne ni matière à débat ou à dispute. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour atteindre cet objectif. Nous croyons, pour la plupart, que la tolérance des travers et des points de vue d’autrui, et le respect des opinions de chacun sont des attitudes qui permettent d’être d’un plus grand secours aux autres. Notre vie même, parce que nous sommes des ex-buveurs, dépend de notre souci constant des autres et de la façon dont nous pouvons leur venir en aide.

Peut-être vous demandez-vous déjà comment nous sommes arrivés à nous rendre malades à ce point en buvant. Sans doute aimeriez-vous savoir pourquoi et comment, en dépit de l’avis contraire d’experts en la matière, nous nous sommes tirés d’une condition physique et mentale désespérée. Si vous êtes alcoolique et que vous voulez vous en sortir, il se peut que, déjà, vous soyez en train de vous demander : « Que dois-je faire ? »

L’objectif de ce livre est d’apporter des réponses précises à ce genre de questions. Toutefois, avant de vous dire ce que nous avons fait et d’entrer dans des explications détaillées, il nous semble indiqué de vous faire connaître succinctement notre point de vue sur certaines choses.

Combien de fois ne nous a-t-on pas dit : « Moi, je peux cesser de boire quand je veux. Pourquoi pas lui ? » ; « Si tu ne peux pas boire raisonnablement, tu ferais mieux d’arrêter. » ; « Celui-là est incapable de se maîtriser quand il s’agit d’alcool. » ; « Pourquoi n’essaies-tu pas la bière ou le vin ? » ; « Laisse les boissons alcoolisées. » ; « Il manque sûrement de volonté. » ; « Il pourrait cesser s’il le voulait. » ; « Elle est tellement gentille que par égard pour elle il devrait cesser de boire. » ; « Le médecin lui a dit qu’il mourrait s’il continuait de boire, mais il est toujours rond comme un œuf. »

Ce sont là des lieux communs que nous entendons souvent. Ils dénotent un monde d’ignorance et de malentendus, et sont le fait de personnes qui réagissent fort différemment de nous face à l’alcool.

Le buveur modéré abandonne facilement l’alcool s’il a une bonne raison pour le faire. Dans son cas, cesser de boire ne pose aucun problème.

Il y a également le cas du gros buveur. Il peut avoir développé cette habitude au point d’en avoir affecté progressivement sa santé physique et mentale. Sa vie peut même en être écourtée. Cependant, s’il est motivé par une raison suffisamment sérieuse comme une santé défaillante, une nouvelle relation amoureuse, un changement d’environnement ou encore une sévère mise en garde de son médecin, ce buveur parviendra, sinon à couper l’alcool complètement, du moins à modérer sa consommation, même s’il trouve cela difficile ou contrariant. Il pourrait même avoir besoin d’une assistance médicale.

Mais que dire du véritable alcoolique ? Il a d’abord pu être un buveur modéré ; il peut par la suite devenir ou non un gros buveur, mais il vient un temps où dès qu’il commence à boire, il ne peut plus s’arrêter.

Son comportement vous rend perplexe, en particulier par son manque de contrôle. Il a des gestes absurdes, inexplicables et tragiques lorsqu’il boit. Il fait alors penser au Dr Jekyll et M. Hyde. Il est rarement à moitié ivre. Il est plutôt, en tout temps, plus ou moins ivre à en perdre la raison. Quand il boit, son comportement n’est pas normal. C’est peut-être la personne la plus agréable au monde mais une journée à boire le rendra souvent exécrable et même dangereusement antisocial. Il a le don de s’enivrer quand précisément il ne le faudrait pas, particulièrement lorsqu’il doit prendre une décision importante ou tenir un engagement. Souvent, c’est un être parfaitement sensé et bien équilibré en tout, sauf en ce qui concerne l’alcool ; sur ce point, il est incroyablement égoïste et malhonnête. Souvent aussi, c’est un sujet talentueux et doué, qui possède des aptitudes particulières et qui a devant lui une carrière prometteuse. Il utilise ses talents pour assurer à lui-même et aux siens un avenir brillant. Puis, par une série de cuites insensées, il détruit ce qu’il a édifié. On croirait que dans l’état d’ivresse où il se trouve lorsqu’il se couche, il devrait dormir au moins douze heures d’affilée. Pourtant, dès son réveil le lendemain matin, il cherche avidement la bouteille qu’il a égarée la veille. Lorsqu’il en a les moyens, il dissimule des bouteilles dans toute la maison, de crainte qu’on ne lui prenne ses provisions pour les jeter à l’évier. À mesure que les choses s’aggravent, il se tourne progressivement vers des sédatifs puissants qu’il mêle à l’alcool pour se calmer et être en état de se rendre à son travail. Vient un jour où il est incapable de continuer et il reste chez lui et s’enivre de nouveau. Peut-être ira-t-il voir le médecin qui lui donnera de la morphine ou un autre calmant pour qu’il se remette. Puis, c’est le début des visites à l’hôpital ou à la clinique.

Ce portrait que nous venons de brosser du véritable alcoolique est loin d’être complet ; les comportements varient d’un sujet à un autre. Cependant, il en présente une description générale.

Pourquoi se conduit-il ainsi ? Si des centaines d’expériences lui ont prouvé qu’un seul verre peut déclencher la débâcle avec toute la souffrance et l’humiliation qu’elle entraîne, pourquoi le prend-il ? Pourquoi ne peut-il pas s’abstenir de boire ? Qu’est-il advenu du bon sens et de la volonté qu’il montre parfois encore dans d’autres domaines ?

Peut-être n’y aura-t-il jamais de réponse définitive à ces questions. Les opinions sont grandement partagées quant aux facteurs qui expliquent pourquoi l’alcoolique réagit différemment des gens normaux. On ne peut encore expliquer pourquoi, passé un certain stade, il n’y a presque rien que l’on puisse faire pour lui. Cela demeure une énigme.

Nous savons que l’alcoolique qui s’abstient de boire – et cette abstinence peut durer des mois, voire des années – a un comportement semblable à celui d’un homme normal. Nous sommes aussi certains que s’il touche de nouveau à l’alcool, il se produit un phénomène physique et mental qui le rend virtuellement incapable de s’arrêter. Tous les alcooliques qui ont fait cette expérience ne pourront que la confirmer.

Les observations précédentes resteraient vaines et purement théoriques si notre homme ne prenait jamais ce premier verre qui déclenche le cycle infernal. Cela nous amène à croire que le problème est d’ordre psychique plutôt que physique. Si on lui demande pourquoi il a commencé à prendre cette dernière cuite, il est probable qu’il donnera toutes sortes d’excuses. Bien que certains arguments et justifications puissent être plausibles, aucun ne fait le poids devant les ravages d’une cuite. Les raisons invoquées par l’alcoolique s’apparentent à celles de l’homme qui se frapperait le crâne à coups de marteau pour ne pas sentir son mal de tête. Si vous faites observer à un alcoolique l’absurdité de son raisonnement, ou il s’en moquera, ou il s’en irritera et refusera de parler.

Parfois, l’alcoolique répondra franchement ; cependant, si étrange que cela puisse sembler, il ne sait pas plus que vous ce qui l’a poussé à prendre ce premier verre. Certains buveurs ont des excuses dont ils sont assez contents, mais au fond d’eux-mêmes, ils ne savent pas pourquoi ils agissent de la sorte. Une fois qu’ils sont dominés par ce mal, ils deviennent confus. D’une part, ils sont obsédés par l’idée qu’un jour ils réussiront à s’en sortir et d’autre part, ils se doutent bien que la partie est perdue.

Peu de gens sont capables de mesurer à quel point cela est vrai. La famille et les amis de l’alcoolique sentent vaguement que celui-ci est anormal, mais chacun attend le jour où il sortira de sa léthargie et retrouvera sa force de volonté.

La vérité tragique est que s’il s’agit d’un véritable alcoolique, ce jour peut ne jamais arriver. Il a perdu tout contrôle. Tout alcoolique atteint le stade où même la plus grande volonté de cesser de boire n’est plus d’aucun secours. Dans presque tous les cas, ce moment tragique survient bien avant qu’on ne l’ait soupçonné.

Nous sommes forcés de reconnaître que la plupart d’entre nous, alcooliques, pour une raison inconnue, avons perdu notre liberté de choix devant l’alcool ; notre prétendue volonté n’existe à peu près plus. Parfois, nous sommes incapables de nous rappeler suffisamment les souffrances et les humiliations subies un mois ou même une semaine plus tôt. Nous sommes sans défense devant le premier verre.

Les conséquences presque certaines qu’un seul verre de bière va entraîner ne nous viennent pas à l’idée afin de nous en dissuader. Si ces pensées nous arrivent, elles sont floues et vite chassées par cette idée tenace que cette fois, nous allons nous comporter comme les autres. Nos mécanismes de défense sont totalement mis en échec, comme celui qui nous retient de mettre la main sur un poêle brûlant.

« Cette fois, je ne me brûlerai pas, et voici comment je vais m’y prendre ! » se convainc l’alcoolique, le plus naturellement du monde. Parfois, aussi, il ne réfléchit pas du tout. Combien de fois, après un premier verre pris distraitement, ne nous sommes-nous pas demandé, au troisième ou au quatrième : « Pour l’amour de Dieu, comment ai-je bien pu recommencer ? » Puis, nous nous sommes tout de suite dit : « J’arrêterai après le sixième » ou encore, « De toute façon, à quoi bon essayer ? »

Lorsque cette manière de penser s’est bien installée dans l’esprit du buveur alcoolique, tout secours humain est déjà probablement devenu inutile et le malade en mourra ou perdra totalement la raison, à moins qu’il ne soit enfermé avant. Ces faits choquants et brutaux ont été confirmés par une foule d’alcooliques au cours de l’histoire. Cependant, n’eût été la grâce de Dieu, nous compterions des milliers d’autres exemples de ce genre. Il y a tant de buveurs qui veulent arrêter de boire, mais qui ne le peuvent pas.

Il y a une solution. La plupart d’entre nous n’aimions pas l’idée de faire notre inventaire, de marcher sur notre amour-propre, d’admettre nos défauts, toutes choses nécessaires pour que le processus de rétablissement réussisse pleinement. Cependant, nous avons vu que cela avait réellement marché pour d’autres et nous en étions venus à croire que la vie, telle que nous la vivions, était futile et sans espoir. C’est pourquoi, lorsque nous avons été abordés par ceux qui avaient réglé leur problème d’alcool, il ne nous restait rien d’autre à faire que de prendre le simple coffre d’outils spirituel qui nous était offert. Nous avons découvert un coin du paradis et nous avons été propulsés dans une quatrième dimension de l’existence que jamais nous n’aurions pu imaginer.

C’est un fait évident, et rien de moins : nous avons fait une expérience spirituelle4 profonde et réelle, qui a complètement transformé notre attitude devant la vie, envers les autres ainsi qu’envers Dieu et son univers. Notre vie est maintenant centrée sur la certitude absolue que le Créateur est entré dans nos cœurs et dans nos vies par miracle. Il a commencé à faire pour nous des choses que nous n’aurions jamais pu réussir par nous-mêmes.

Si vous êtes un alcoolique aussi gravement atteint que nous l’étions, nous croyons qu’il n’y a pas de demi-mesure si vous voulez régler votre problème. Nous en étions au point où la vie devenait impossible à vivre et si nous étions parvenus au stade où toute aide humaine est inutile, il ne nous restait que deux solutions : continuer jusqu’au bout en faisant taire, du mieux que nous aurions pu, la conscience que nous avions de notre intolérable situation ou accepter une aide spirituelle. Nous avons choisi la deuxième solution parce que nous désirions sincèrement nous rétablir et que nous étions prêts à fournir les efforts nécessaires.

Voici l’histoire d’un homme d’affaires américain qui, bien que connu pour son talent, son jugement et sa forte personnalité, errait d’une clinique à l’autre. Après avoir consulté les plus grands psychiatres des États-Unis, il était allé en Europe pour rencontrer un médecin réputé, (le Dr Jung, psychiatre) qui l’a traité. Bien que les expériences passées de cet homme d’affaires l’ait rendu sceptique, il montrait une confiance peu commune à la fin du traitement. Sa forme physique et mentale était exceptionnellement bonne. Surtout, croyait-il, il avait acquis une telle connaissance des mécanismes de son esprit et de ses moindres ressorts qu’il était impensable qu’il puisse rechuter. Néanmoins, peu de temps après, il était de nouveau ivre. Le plus déconcertant était qu’il ne trouvait aucune explication satisfaisante à sa rechute.

Il est retourné voir le célèbre médecin qu’il admirait grandement, et il lui a demandé de but en blanc de lui dire clairement pourquoi il ne pouvait pas se rétablir. Il désirait par-dessus tout redevenir maître de lui-même. Il semblait plutôt rationnel et bien équilibré face à d’autres problèmes. Pourtant, il ne parvenait pas à se maîtriser devant l’alcool. Comment expliquer cela ?

Il a supplié le médecin de lui dire toute la vérité, et il l’a entendue. Selon le médecin, son cas était absolument désespéré ; jamais il ne retrouverait sa place dans la société et, s’il tenait à vivre longtemps, il allait devoir s’enfermer ou avoir recours aux services d’un garde du corps. Ainsi parlait un médecin renommé.

Mais cet homme vit encore et de plus, il est libre ; il n’est pas enfermé et n’a pas besoin d’un garde du corps. Sur la planète, il peut aller sans danger partout où vont les hommes libres, à la condition qu’il accepte d’adopter une certaine conduite toute simple.

Certains parmi les alcooliques qui lisent ce livre peuvent croire qu’ils sont capables de s’en sortir sans une aide spirituelle. Voici, pour vous, la suite de la conversation entre notre ami et son médecin.

« Vous avez l’état d’esprit d’un alcoolique chronique, lui a déclaré le médecin. À ma connaissance, aucune personne atteinte comme vous l’êtes ne s’est jamais rétablie. » Notre ami a eu l’impression que les portes de l’enfer se refermaient brusquement sur lui.

« N’y a-t-il pas d’exception ? » demanda-t-il au médecin.

« Oui, répliqua celui-ci, il y en a. Des exceptions à des cas comme le vôtre existent depuis les temps anciens. De temps à autre, des alcooliques ont parfois vécu ce qu’on appelle une expérience spirituelle vitale. Je considère ces événements comme des phénomènes. On pourrait les assimiler à de grands transferts et réaménagements d’ordre émotionnel. Les idées, les émotions et les attitudes qui dictaient jadis à ces hommes leur conduite sont soudainement mises de côté et ils deviennent dominés par un ensemble de conceptions et de principes entièrement nouveaux. J’ai tenté de provoquer ce genre de réaménagement émotionnel en vous. Mes méthodes ont réussi avec beaucoup de personnes mais n’ont jamais donné de résultats dans un cas comme le vôtre. »5

Ces paroles ont eu pour effet de rassurer un peu notre ami, qui était tout de même, se disait-il, un membre fidèle de l’Église. Cependant, son espoir s’est évanoui lorsque le médecin lui a affirmé qu’en dépit de la qualité de ses convictions religieuses, celles-ci ne pouvaient dans son cas donner lieu à l’expérience spirituelle vitale nécessaire.

Voilà dans quelle terrible situation se trouvait notre ami lorsqu’il a vécu l’expérience extraordinaire qui, comme nous l’avons dit, a fait de lui un homme libre.

Nous avons, à notre tour, cherché la même issue, avec l’énergie désespérée de celui qui se noie. Ce qui semblait d’abord être un mince roseau s’est révélé être la main forte et secourable de Dieu. Une nouvelle vie ou plutôt un « mode de vie » vraiment efficace nous a été offert.

Dans son livre Varieties of Religious Experience, l’éminent psychologue américain William James expose une multitude de démarches qui ont mené les hommes à Dieu. Notre intention n’est pas de convaincre qui que ce soit qu’il n’y a qu’une façon d’acquérir la foi. Si ce que nous avons vu, appris et senti a un sens, nous tous, de quelque race, croyance ou couleur que nous soyons, sommes les enfants d’un Créateur vivant avec qui nous pouvons établir une relation faite de simplicité et de compréhension dès que nous sommes prêts et assez honnêtes pour essayer. Ceux qui appartiennent à une religion n’y trouveront rien de contraire à leurs convictions ou à leur culte. Aucune friction n’existe entre nous sur ces questions.

Nous croyons que l’appartenance de nos membres à quelque groupe religieux que ce soit ne nous concerne pas. Pour nous, la pratique religieuse est une affaire entièrement personnelle que chacun doit régler à la lumière de ses affiliations passées ou de son choix présent. D’ailleurs, nos membres ne font pas tous partie de groupes religieux mais la plupart d’entre nous sommes en faveur d’une telle appartenance.

Dans le chapitre suivant, nous décrivons l’alcoolisme tel que nous le comprenons. Suit un chapitre destiné aux agnostiques. Nous comptons parmi nos membres plusieurs personnes qui jadis étaient de ceux-là. Il est pour le moins étonnant de constater que ce n’est pas là un obstacle sérieux à une expérience spirituelle.

Plus loin dans le livre, nous expliquons très clairement comment nous nous sommes rétablis. Viennent ensuite quarante-deux témoignages.

Chaque alcoolique y relate, dans ses propres mots et selon son propre point de vue, la façon dont il s’est mis en contact avec Dieu. Les auteurs de ces récits sont représentatifs de nos membres et donnent une description fidèle de ce qui s’est produit dans leur vie.

Nous espérons que ces révélations intimes ne seront pas jugées de mauvais goût. Nous voudrions que nombre d’alcooliques, hommes et femmes, qui ont désespérément besoin d’aide, lisent ces pages, et nous croyons que c’est seulement en nous ouvrant complètement et en dévoilant nos problèmes que nous les amènerons à dire : « Oui, je suis comme eux, moi aussi ; il faut que j’aie ce qu’ils ont. »

4 Pour plus de détails, voir l’annexe II.

5 Ce point est traité plus en profondeur à l’annexe II.

Les Alcooliques anonymes, Quatrième édition

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