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Chapitre 7 AU SECOURS DES AUTRES

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L’expérience démontre que rien n’immunise mieux contre l’alcool que de travailler intensivement auprès d’autres alcooliques. Cette méthode fonctionne là où d’autres sont inefficaces. C’est notre douzième suggestion : transmettez ce message à d’autres alcooliques ! Vous pouvez être utile là où personne d’autre ne peut réussir. Vous pouvez gagner leur confiance quand d’autres n’y parviennent pas. N’oubliez pas qu’il s’agit de grands malades.

Vous trouverez un sens nouveau à la vie. Voir des gens se rétablir et apporter de l’aide aux autres, ne plus connaître la solitude, voir grandir un groupe autour de vous, avoir une foule d’amis, voilà une expérience à ne pas manquer. Nous croyons que vous ne voudrez pas laisser passer cette chance. Le contact fréquent avec les nouveaux et les autres, c’est ce qui illumine notre vie.

Peut-être ne connaissez-vous pas de buveur désireux de se rétablir ? Vous pourrez sûrement en contacter un par l’entremise d’un médecin, d’un pasteur ou d’un prêtre, ou en vous adressant aux hôpitaux. Ils ne seront que trop heureux de vous épauler. Ne vous présentez pas à la manière d’un évangéliste ou d’un réformateur. Il existe malheureusement de nombreux préjugés et vous nuiriez à votre cause en les éveillant. Les ministres du culte et les médecins sont compétents, et vous pouvez apprendre beaucoup d’eux si vous le désirez, mais grâce à votre expérience de buveur, vous êtes dans une position privilégiée pour aider d’autres alcooliques à s’en sortir. Alors misez sur la coopération, jamais sur la critique. Notre seul but est de nous rendre utiles.

Lorsque vous découvrez un candidat pour les Alcooliques anonymes, tâchez d’en savoir le plus possible à son sujet. S’il n’a pas l’intention de cesser de boire, ne perdez pas votre temps à essayer de le convaincre. Vous pourriez ruiner une chance éventuelle d’y parvenir. Ce conseil vaut également pour les familles de ces alcooliques. La famille doit faire preuve de patience en ne perdant pas de vue qu’elle a affaire à un être malade.

S’il manifeste une quelconque intention de cesser de boire, ayez un entretien sérieux avec la personne qui s’intéresse le plus à lui, généralement sa femme. Tâchez d’avoir une idée de son comportement, de ses problèmes, de son passé, de la gravité de sa condition et de ses penchants religieux. Ces renseignements vous seront nécessaires si vous voulez vous mettre à sa place et voir comment vous aimeriez qu’il vous aborde si les rôles étaient inversés.

Il est parfois préférable d’attendre qu’il prenne une autre cuite. La famille peut s’y opposer mais à moins qu’il ne soit dans une condition physique dangereuse, il vaut mieux prendre ce risque. Ne vous occupez pas de lui s’il est très ivre, sauf s’il devient agressif et que sa famille a besoin de vous. Attendez la fin de la cuite ou du moins jusqu’à ce qu’il ait un moment de lucidité. Laissez alors un membre de sa famille ou un ami lui demander s’il désire renoncer à boire pour de bon et s’il est prêt à tout pour y arriver. S’il répond oui, on devrait alors lui parler de vous, à titre d’alcoolique qui s’est rétabli. Vous devriez lui être décrit comme l’un des membres d’une association, qui, pour son propre rétablissement, se porte au secours des autres, et qui serait très content de lui parler s’il le voulait.

S’il ne veut pas vous rencontrer, ne vous imposez pas. De la même manière, la famille doit s’abstenir de crier et de le supplier de faire quelque chose et doit éviter de trop le renseigner sur vous. La famille devra attendre la fin de sa prochaine cuite. Vous pourriez placer ce livre de sorte qu’il puisse le voir d’ici à ce que vous le rencontriez. Sur ce point, nous ne donnons aucune règle précise ; c’est à la famille de décider. Néanmoins, vous devez insister pour qu’elle ne se montre pas trop pressée, ce qui pourrait gâter les choses.

D’ordinaire, la famille ne devrait pas tenter de raconter votre histoire. Évitez si possible de rencontrer un individu par le biais de sa famille. Vous avez plus de chance de réussir en l’abordant par l’intermédiaire d’un médecin ou d’un établissement spécialisé. Si votre candidat a besoin d’être hospitalisé, il devrait l’être, mais pas contre son gré, sauf s’il est violent. Si le médecin est d’accord, laissez ce dernier annoncer au patient qu’il croit avoir trouvé la solution à son problème.

Lorsque le malade ira mieux, le médecin pourra lui proposer que vous lui rendiez visite. Même si vous vous êtes déjà entretenu avec la famille, il vaut mieux qu’il ne soit pas question d’elle au cours de ce premier entretien. Ainsi, votre candidat se sentira-t-il libre de toute pression extérieure. Il pourra discuter avec vous sans être harcelé par sa famille. Tâchez d’établir le contact avec lui alors qu’il est encore ébranlé. Déprimé, il sera plus réceptif.

Si possible, faites en sorte d’être seul avec lui. Au début, vous pouvez parler de sujets généraux. Après un moment, amenez la conversation sur un aspect particulier de l’alcoolisme. Parlez-lui suffisamment de vos habitudes de buveur, des symptômes que vous aviez, de vos expériences, pour l’encourager à parler de lui. S’il veut se confier, laissez-le faire. Vous aurez ainsi une meilleure idée sur la méthode à adopter dans son cas. S’il se montre peu communicatif, donnez-lui un aperçu de ce qu’était votre vie d’alcoolique jusqu’au moment où vous avez cessé de boire. Mais pour l’instant, ne dites rien sur la façon dont cela s’est produit. S’il est d’humeur sérieuse, insistez sur les ennuis que l’alcool vous a causés en prenant bien garde de ne pas le sermonner ni de discourir. S’il est d’humeur légère, racontez-lui des histoires drôles rattachées à vos escapades. Tâchez de l’amener lui aussi à raconter certaines de ses aventures.

Une fois qu’il se sera rendu compte que l’alcool n’a pas de secret pour vous, commencez à vous décrire comme alcoolique. Dites-lui combien vous avez été déconcerté et comment vous avez finalement appris que vous étiez malade. Décrivez-lui les luttes que vous avez menées pour arrêter de boire. Montrez-lui quelles contorsions mentales nous conduisent à ce premier verre qui débouche sur une cuite. Nous vous suggérons de procéder comme nous l’indiquons dans le chapitre sur l’alcoolisme. S’il est alcoolique, il comprendra immédiatement. Il reconnaîtra ses illogismes dans les vôtres.

Si vous avez la certitude que c’est un véritable alcoolique, insistez sur la nature incurable de cette maladie. Démontrez-lui comment, en puisant dans votre propre expérience, l’étrange condition mentale qui précède le premier verre empêche la volonté de fonctionner normalement. À ce stade, évitez de faire allusion à ce livre, à moins qu’il ne l’ait déjà vu et qu’il désire en parler. Prenez garde de ne pas le qualifier d’alcoolique. Laissez-le tirer ses propres conclusions. S’il s’accroche à l’idée qu’il peut encore maîtriser sa consommation d’alcool, dites-lui que c’est possible s’il n’est pas trop alcoolique. Mais essayez de lui faire comprendre que s’il est gravement atteint, il a peu de chance de s’en sortir seul.

Continuez de parler de l’alcoolisme comme d’une maladie, une maladie fatale. Parlez des conditions physiques et mentales qui l’accompagnent. Dirigez continuellement son attention sur votre expérience personnelle. Expliquez-lui que plusieurs seront condamnés sans jamais s’être rendu compte de la gravité de leur misérable état. On comprend que les médecins répugnent à exposer aux patients alcooliques le fond du problème, à moins qu’ils n’aient de bonnes raisons pour le faire. Mais vous, vous pouvez parler de l’aspect irrémédiable de l’alcoolisme parce que vous proposez une solution. En peu de temps, votre ami aura reconnu qu’il présente plusieurs, sinon toutes les caractéristiques de l’alcoolique. Si son médecin est d’accord pour lui apprendre qu’il est alcoolique, tant mieux. Même si votre protégé n’a pas reconnu sa condition, il peut toutefois se montrer curieux de savoir comment vous vous êtes rétabli. Laissez-le vous poser la question s’il le désire. Dites-lui exactement ce qui vous est arrivé. Insistez en toute liberté sur l’aspect spirituel. Si votre candidat est athée ou agnostique, expliquez-lui clairement qu’il n’est pas obligé d’être d’accord avec votre conception de Dieu. Il peut concevoir Dieu comme il lui plaît, à la condition que cette conception ait une signification pour lui. L’important est qu’il veuille croire en une Puissance supérieure à lui-même et qu’il vive selon des principes spirituels.

Lorsque vous traitez avec une telle personne, vous avez intérêt à utiliser le langage de tous les jours pour décrire les principes spirituels. Il est inutile de soulever les préjugés qu’il pourrait avoir contre certaines conceptions ou terminologies théologiques qui sèment peut-être déjà la confusion dans son esprit. Évitez d’aborder ces sujets, quelles que soient vos propres convictions.

Il se peut que votre candidat appartienne à une religion et que son éducation et sa formation religieuses soient supérieures aux vôtres. Si c’est le cas, il ne verra pas ce que vous pourriez ajouter à ses connaissances. Cependant, il sera intrigué de savoir pourquoi ses propres convictions ne l’ont pas aidé alors que les vôtres semblent si efficaces. Il peut être un exemple que la foi seule est insuffisante. Pour que la foi soit vivante, elle doit s’accompagner du don de soi, d’une action constructive et désintéressée. Faites-lui comprendre que vous n’êtes pas là pour l’instruire sur la religion. Tout en admettant qu’il en sait sans doute plus long que vous sur ce sujet, attirez son attention sur le fait suivant : si profondes que soient sa foi et ses connaissances, il ne les a sûrement pas mises en pratique, sinon il ne boirait pas. Le récit de votre expérience pourrait l’aider à découvrir où il n’a pas mis en œuvre les préceptes qu’il connaît si bien. Nous ne représentons aucune croyance ni confession religieuse particulière. Nous ne faisons qu’exposer des principes généraux communs à la plupart des religions.

Exposez-lui le programme d’action en lui expliquant comment vous avez effectué votre auto-critique, comment vous avez redressé les torts de votre passé et pourquoi, maintenant, vous cherchez à lui venir en aide. C’est important pour lui de bien comprendre que vos efforts pour lui communiquer le message sont un élément vital de votre propre rétablissement et que, en fait, il peut vous aider plus que vous ne l’aidez. Expliquez-lui clairement qu’il n’a aucune obligation envers vous et que vous espérez seulement qu’il tentera de venir en aide à d’autres alcooliques quand il se sera sorti de ses difficultés. Tâchez de lui faire voir à quel point il se doit de placer le bien-être des autres avant le sien. Donnez-lui l’assurance que vous n’exercez aucune pression sur lui et que vous ne le reverrez plus si tel est son désir. Ajoutez que vous ne serez pas offusqué s’il ne veut plus entendre parler de vous, car il vous a aidé plus que vous ne l’avez aidé vous-même. Si vous avez parlé avec calme et bon sens et que vous vous êtes montré humain et compréhensif, vous vous êtes probablement fait un ami. Il se peut que la question de l’alcoolisme l’ait dérangé. Tant mieux ! Plus il se sentira désespéré, mieux cela vaudra. Il y a ainsi davantage de chance qu’il suive vos suggestions.

Votre candidat peut trouver des raisons pour lesquelles il pense n’avoir pas besoin de suivre le programme au complet. Il peut se rebeller à l’idée de faire un examen de conscience qui requiert une discussion avec d’autres personnes. Il vaut mieux ne pas le contredire. Dites-lui au contraire que vous avez ressenti la même chose, mais que vous doutez aujourd’hui que vous auriez fait autant de progrès si vous n’aviez pas consenti à passer à l’action. Lors de votre première visite, entretenez-le du mouvement des Alcooliques anonymes. S’il montre quelque intérêt, laissez-lui votre exemplaire de ce livre.

À moins que votre ami ne veuille parler davantage de lui, ne mettez pas sa patience à l’épreuve. Donnez-lui la chance de réfléchir. Si vous restez, laissez-le orienter la conversation. Il peut arriver qu’un nouveau, empressé, veuille s’engager tout de suite et que vous soyez tenté de le laisser faire. C’est parfois une erreur. S’il éprouvait des difficultés par la suite, il pourrait vous reprocher de l’avoir bousculé. Vous réussirez mieux auprès des alcooliques en évitant de vous présenter comme un croisé ou un réformateur passionné. Ne parlez jamais à un alcoolique du haut de votre grandeur morale ou spirituelle ; contentez-vous de lui présenter les outils spirituels pour qu’il les examine. Démontrez-lui comment ils vous ont servi. Offrez-lui l’amitié et la fraternité. Dites-lui que s’il désire se rétablir, vous ferez n’importe quoi pour l’aider.

Si votre solution ne l’intéresse pas, s’il attend de vous seulement que vous le sortiez de ses difficultés financières comme un banquier, ou si tout ce qu’il cherche est une infirmière pour l’aider dans ses moments de cuite, il vaut mieux renoncer à l’aider jusqu’à ce qu’il ait changé d’idée. Ce changement d’attitude se produira lorsqu’il aura souffert davantage.

Si votre candidat démontre un intérêt sincère et qu’il veut vous revoir, demandez-lui de lire ce livre avant votre prochaine visite. Ensuite, il décidera de lui-même s’il veut poursuivre sa démarche. Il ne doit jamais être pressé ni bousculé ni par vous ni par sa femme ou ses amis. S’il doit trouver Dieu, le désir doit lui venir du fond de lui-même.

S’il croit qu’il y a une autre façon de s’en sortir ou s’il préfère une approche spirituelle différente, encouragez-le à écouter sa conscience. Nous ne détenons pas l’exclusivité des liens avec Dieu ; nous avons seulement une méthode qui nous a réussi. Cependant, insistez sur le fait que les alcooliques ont beaucoup en commun et que de toute façon, vous aimeriez garder un lien amical avec lui. Puis, laissez les choses comme elles sont.

Ne vous découragez pas si votre candidat ne répond pas immédiatement. Partez à la recherche d’un autre alcoolique et essayez encore. Vous trouverez certainement un malade assez désespéré pour accepter sans hésiter ce que vous avez à offrir. Insister auprès de quelqu’un qui ne peut ou ne veut pas travailler avec vous, c’est, à notre avis, une perte de temps. Laissé à lui-même, il pourrait, en peu de temps, découvrir qu’il ne peut se rétablir par ses propres moyens. Passer trop de temps sur un cas prive un autre alcoolique de l’occasion de vivre normalement et d’être heureux. Un de nos membres a échoué complètement dans ses six premières tentatives. Il aime répéter que s’il avait poursuivi son action auprès de ces alcooliques, il en aurait peut-être privé beaucoup d’autres, sauvés depuis, de leur chance de se rétablir.

Supposons maintenant que vous rendez une deuxième visite à votre candidat. Il a lu ce livre et se dit prêt à faire les Douze Étapes du programme de rétablissement. Ayant vous-même vécu cette expérience, vous êtes en mesure de lui donner des conseils pratiques. Laissez-lui savoir que vous êtes disposé à recevoir ses confidences lorsqu’il aura décidé de raconter son histoire, mais n’insistez pas s’il préfère consulter une autre personne.

Il peut être sans argent et sans abri. Si c’est le cas, vous pourriez l’aider à se trouver du travail ou lui offrir une petite aide financière. Néanmoins, vous ne devez pas priver votre famille ou vos créanciers de l’argent qui leur revient. Vous aimeriez peut-être le loger chez vous durant quelques jours. Mais agissez toujours avec discernement. Assurez-vous qu’il sera accepté par votre famille et qu’il n’est pas là pour profiter indûment de votre argent, de vos contacts ou de votre hospitalité. Ses abus ne pourraient que lui causer du tort. Vous lui donneriez l’occasion d’être malhonnête et ainsi, vous contribueriez à sa destruction plutôt qu’à son rétablissement.

Ne fuyez jamais devant vos responsabilités mais assurez-vous que vous agissez sagement en les assumant. L’aide aux autres est la pierre angulaire de votre rétablissement. Une bonne action de temps en temps n’est pas suffisante. Vous devez agir en bon Samaritain tous les jours s’il le faut. Cela peut signifier que vous passerez plusieurs nuits blanches et que vos loisirs et vos affaires seront souvent interrompus. Peut-être devrez-vous partager votre argent et votre foyer, conseiller les conjoints et les parents pris de panique, vous présenter de nombreuses fois au poste de police, dans les cliniques, les hôpitaux, les prisons et les centres de soins psychiatriques. Votre téléphone pourra sonner à toute heure du jour et de la nuit. Votre femme se plaindra peut-être que vous la négligez. Un alcoolique soûl peut briser votre mobilier ou brûler un matelas. Vous pourriez devoir vous battre avec lui s’il est violent. Parfois vous devrez appeler un médecin et suivre ses directives pour administrer un sédatif à votre protégé. À d’autres moments, vous pourriez être dans l’obligation d’avoir recours à la police ou d’appeler une ambulance. Occasionnellement, vous ferez face à des situations comme celles-là.

Il est rare que nous permettions à un alcoolique de vivre longtemps chez nous parce que ce n’est pas bon pour lui et que cela entraîne parfois de graves complications dans la famille.

Le refus d’un alcoolique de collaborer à son rétablissement n’est pas une raison pour négliger ses proches. Vous devriez maintenir des liens amicaux avec eux et leur offrir d’adopter votre mode de vie. S’ils acceptaient de mettre en pratique vos principes spirituels, le chef de famille aurait de bien meilleures chances de se rétablir. Et même s’il devait continuer de boire, sa famille trouverait la vie plus supportable.

Quant à l’alcoolique qui peut et veut se rétablir, il n’a guère besoin de charité, au sens ordinaire du mot, ou du moins il n’en demandera pas beaucoup. Les alcooliques qui réclament de l’argent et un abri avant de surmonter leur problème d’alcool font fausse route. Cependant, nous sommes prêts à de grands sacrifices lorsque cette action est justifiée pour nous aider les uns les autres. Cela peut sembler contradictoire mais pour nous, ce ne l’est pas.

Nous ne remettons pas en cause le don lui-même, mais plutôt le moment et la manière de donner. C’est souvent là qu’est la différence entre la réussite et l’échec. À partir du moment où notre action est essentiellement d’ordre matériel, l’alcoolique commence à compter sur notre assistance plutôt que sur celle de Dieu. Il réclame ceci et cela, prétextant son incapacité à maîtriser l’alcool si ses besoins matériels ne sont pas satisfaits. C’est un non-sens. Certains d’entre nous ont dû encaisser de rudes coups avant de comprendre ceci : avec ou sans emploi, avec ou sans conjoint, nous ne cessons tout simplement pas de boire tant que nous faisons passer notre dépendance des autres avant notre dépendance envers Dieu.

Il faut graver dans l’esprit de chaque alcoolique qu’il peut se rétablir indépendamment de qui que ce soit. La seule condition est de mettre sa confiance en Dieu et de mettre de l’ordre dans sa vie.

Voyons maintenant les problèmes au foyer. Il se peut qu’il y ait divorce, séparation ou simplement des relations tendues. Lorsque votre candidat aura redressé, autant qu’il le peut, les torts causés aux siens et qu’il leur aura bien expliqué les nouveaux principes selon lesquels il vit, il devra commencer à mettre ceux-ci en pratique à la maison. Nous parlons évidemment de ceux qui ont la chance d’avoir un foyer. Il ne doit pas tenir compte du fait que sa famille puisse avoir de nombreux torts. Il doit se concentrer sur sa propre spiritualité. Les discussions et les réprimandes doivent être évitées à tout prix. Cela est difficile à faire dans nombre de foyers, mais c’est indispensable si l’on veut obtenir des résultats. Si la famille persiste dans ses efforts pendant quelques mois, elle en retirera un grand bienfait. Les personnalités moins compatibles finissent par découvrir des terrains d’entente. Avec le temps, chaque membre de la famille peut en venir à voir ses propres défauts et à les admettre. Tous sont alors davantage en mesure d’en discuter dans une atmosphère d’entraide amicale.

Lorsque la famille aura constaté les résultats tangibles de la méthode, elle se montrera peut-être disposée à faire de même. Cela se fera naturellement et en temps voulu, pourvu que l’alcoolique continue, quoi que l’on fasse et quoi que l’on dise, de démontrer qu’il peut demeurer abstinent, serviable et attentif envers les autres. Bien sûr, il nous arrive à tous, et même souvent, de nous écarter de ces règles de conduite. Nous devons alors tenter de réparer immédiatement le tort causé, sinon nous le paierons par une rechute.

Dans une situation de divorce ou de séparation, le couple ne devrait pas montrer une hâte excessive à se retrouver. L’alcoolique doit être sûr de son rétablissement. De son côté, la femme doit parfaitement comprendre son nouveau mode de vie. Si la relation doit reprendre, les bases de cette nouvelle union devront être différentes puisque les précédentes n’ont pas tenu. Cela exige un changement total d’esprit et d’attitude. Parfois, il vaut mieux pour tous les intéressés que le couple demeure séparé. De toute évidence, aucune règle ne peut être établie à ce sujet. Il faut laisser l’alcoolique poursuivre son programme jour après jour et quand le temps des retrouvailles sera venu, ce sera clair pour les deux personnes en cause.

Il faut détromper l’alcoolique qui dit ne pouvoir se rétablir sans avoir retrouvé sa famille. C’est faux. Dans certains cas, pour une raison ou pour une autre, le conjoint ne revient jamais. Il faut rappeler à ce candidat que son rétablissement ne dépend pas des autres. Il dépend de sa relation avec Dieu. Nous connaissons des hommes qui se sont rétablis sans n’avoir jamais retrouvé leur famille. Par ailleurs, d’autres ont rechuté à cause de leur retour prématuré.

Il faut que, jour après jour, votre protégé et vous marchiez ensemble sur le chemin du progrès spirituel. Si vous persistez, des choses remarquables se produiront. En jetant un regard sur le passé, nous constatons que ce qui nous est arrivé au moment où nous avons remis notre sort entre les mains de Dieu était mieux que tout ce que nous avions escompté. Si vous suivez les directives d’une Puissance supérieure, vous finirez par vivre dans un monde nouveau et merveilleux, quelles que soient les circonstances actuelles !

Lorsque vous vous occupez d’un homme et de sa famille, vous devez prendre soin de ne pas vous mêler de leurs querelles pour éviter de ruiner vos chances de leur être utile. Insistez cependant auprès des proches sur le fait que l’alcoolique a été très malade et qu’ils devraient en tenir compte dans leurs rapports avec lui. Mettez-les en garde contre le ressentiment et la jalousie, et prévenez-les qu’il ne pourra pas se corriger de ses défauts en un jour. Faites comprendre à la famille que votre protégé est entré dans une période de croissance et demandez à ses proches, lorsqu’ils se sentent impatients, de penser plutôt au bonheur de le voir abstinent.

Si vous avez réussi à régler vos propres problèmes familiaux, racontez à la famille du nouveau comment vous vous y êtes pris. C’est une façon de la mettre sur une bonne piste sans devenir critique à son sujet. Dire comment vous et votre conjoint avez surmonté vos difficultés vaut mieux que toutes les remontrances.

Si nous sommes spirituellement en forme, nous pouvons accomplir toutes sortes de choses qui, normalement, sont contre-indiquées pour les alcooliques. On a dit que nous ne devrions pas aller là où l’on sert de l’alcool, que nous ne devons pas garder d’alcool à la maison, que nous devons éviter les amis qui prennent un verre, que nous devons nous abstenir de regarder tout film où l’on voit des gens boire, que nous devons éviter les bars, que nos amis doivent cacher leurs bouteilles si nous allons chez eux, que nous ne devons pas penser à l’alcool et que rien ne doit nous y faire penser. L’expérience nous a démontré que ce n’est pas nécessairement vrai.

Tous les jours, nous nous retrouvons dans l’une ou l’autre de ces situations. L’alcoolique qui ne peut y faire face pense encore comme un alcoolique ; quelque chose ne va pas dans son état spirituel. Le seul endroit où il aurait une chance de demeurer sobre serait, par exemple, la calotte du Groenland ; et même là, un Inuit pourrait se présenter avec une bouteille de scotch à la main : ce serait le désastre ! Toute femme qui a envoyé son mari au loin pour qu’il échappe à l’alcool peut en parler.

À notre avis, toute méthode de lutte contre l’alcoolisme qui propose de garder le malade à l’abri des tentations est vouée à l’échec. L’alcoolique qui essaie de se protéger peut réussir pendant un certain temps mais cela se termine généralement par une rechute plus dure que toutes les autres. Nous avons essayé ces méthodes-là. Mais ces tentatives pour réaliser l’impossible ont toujours échoué.

Nous avons comme principe de ne pas éviter la fréquentation de lieux où l’on sert de l’alcool si nous avons une bonne raison de nous trouver là. Ces endroits peuvent être des bars, des boîtes de nuit, des soirées dansantes, des réceptions de mariage ou autres, et même les joyeuses réunions mondaines courantes. Si vous avez déjà travaillé auprès d’un alcoolique, vous aurez peut-être l’impression que c’est là tenter le diable, mais il n’en est rien.

Vous remarquerez que nous avons apporté une importante restriction. Par conséquent, à chaque occasion, posez-vous la question : « Ai-je une bonne raison, sociale, professionnelle ou personnelle, d’aller à cet endroit ? » ; « Est-ce que j’espère trouver une espèce de substitution du plaisir d’autrefois dans l’ambiance qui règne là ? » Si vous êtes à l’aise avec votre réponse, vous n’avez pas à vous inquiéter. Allez-y ou n’y allez pas, comme bon vous semble. Assurez-vous toutefois que vous êtes spirituellement solide et que vos motifs sont vraiment valables. Ne pensez pas à ce que vous allez retirer de l’événement ; pensez plutôt à ce que vous pouvez y apporter. Mais si vous ne vous sentez pas sûr de vous, vous feriez mieux plutôt d’aller porter secours à un autre alcoolique !

Pourquoi fréquenter les lieux où l’on boit si c’est pour afficher une triste mine en regrettant le bon vieux temps ? Si l’occasion est heureuse, tâchez de contribuer au plaisir des gens ; si c’est une réunion d’affaires, mettez-vous à la besogne avec enthousiasme. Si vous êtes avec quelqu’un qui veut manger dans une brasserie, n’hésitez pas à l’accompagner. Dites à vos amis qu’ils ne doivent pas changer leurs habitudes à cause de vous. Lorsque l’occasion sera propice, expliquez-leur pourquoi vous devez vous abstenir de boire. Si vous présentez bien la chose, il y a peu de chance que l’on vous incite à consommer. Au temps où vous buviez, vous vous retiriez de la vie, petit à petit. Aujourd’hui, vous retrouvez votre place dans la société. Vous ne devez pas vous retirer à nouveau du simple fait que vos amis prennent un verre.

Désormais, votre devoir est de vous trouver là où vous pouvez le plus rendre service ; alors n’hésitez pas à aller partout où vous pouvez être utile. Même l’endroit le plus sordide au monde ne doit pas vous faire reculer lorsque le désir de servir vous motive. Dans cet état d’esprit, vous pouvez vous tenir sur la ligne de front et Dieu vous protégera de tout danger.

Beaucoup d’entre nous gardons de l’alcool à la maison. Nous en avons souvent besoin pour aider une recrue à traverser les durs lendemains de cuites. Quelques-uns servent de l’alcool à leurs amis qui ne sont pas alcooliques. Cependant, certains d’entre nous croient que nous ne devrions pas en servir. Nous ne discutons jamais de cette question. C’est à chaque famille de décider, en fonction des circonstances, de la conduite à suivre.

Nous prenons garde de ne jamais démontrer d’intolérance ou de mépris envers l’habitude sociale qu’est la consommation d’alcool. L’expérience a prouvé qu’une attitude de ce genre n’apporte rien à personne. Tous les alcooliques nouvellement arrivés dans notre groupe s’attendent à nous voir critiquer et juger, puis sont grandement soulagés lorsqu’ils découvrent que nous ne faisons pas la chasse aux sorcières. L’esprit d’intolérance pourrait rebuter des alcooliques qui, sans cette étroitesse d’esprit, seraient peut-être sauvés. En étant intransigeant, nous n’aiderions même pas la cause de la tempérance car pas un buveur sur mille n’accepterait d’entendre parler de son problème par quelqu’un qui a l’alcool en aversion.

Un jour viendra, nous l’espérons, où grâce aux Alcooliques anonymes, la population se rendra mieux compte de l’ampleur et de la gravité du problème de l’alcoolisme. Cependant, si nous adoptons une attitude amère et hostile, notre action restera sans grand effet. Les buveurs ne le supporteraient pas.

Après tout, c’est nous qui sommes responsables de nos problèmes. La bouteille n’est qu’un symbole. D’ailleurs, nous ne combattons plus qui que ce soit ou quoi que ce soit. Il le faut !

Les Alcooliques anonymes, Quatrième édition

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