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Anapanasati

La pratique qui va être expliquée maintenant est appelée en sanskrit Anapanasati: l’attention à la respiration.

Nous adopterons une position qui nous soit confortable, mais si nous n’éprouvons pas trop de difficultés, la posture la plus appropriée sera celle du lotus, telle que décrite ci-dessus, et ce, pour les raisons déjà citées. Chaque détail a sa raison d’être. Notamment le fait d’entourer le nombril en joignant les pouces au-dessus des paumes de mains sera d’une utilité particulière lors de méditations futures. Le tronc doit être droit de manière à étirer les canaux qui le parcourent et à faciliter le passage de l’air à travers ces derniers. Si notre respiration se fait aisément et que l’air emprunte les circuits adéquats, nous aurons l’esprit plus clair et donc une meilleure méditation. En inclinant légèrement la tête, on évite l’intensification de l’élément chaleur dans l’organisme, ce qui entraînerait un assèchement de la bouche et la soif. L’augmentation de l’élément chaleur peut également occasionner des maux des yeux, des migraines ou des douleurs dans la nuque. En gardant les yeux mi-clos, le regard dirigé devant soi, on empêche la dispersion naturelle de l’esprit vers les objets qui l’entourent. On évitera de fermer complètement les yeux car l’obscurité ainsi produite risquerait de provoquer la somnolence. Il est toutefois plus facile pour certains de méditer les yeux fermés et chacun choisira ce qui lui convient le mieux. La langue doit toucher légèrement le palais afin d’éviter le dessèchement de la gorge. La bouche conserve sa position naturelle. Qu’elle soit légèrement ouverte ou fermée, elle devra être complètement détendue.

Les avantages de cette posture particulièrement appropriée à la méditation n’ont été évoqués ici que de façon très succincte. Sa raison d’être nécessiterait des explications beaucoup plus amples. Une fois installés dans cette position, nous allons nous consacrer à la pratique d’Anapanassati, l’attention à la respiration. Cette dernière se décompose en six parties : compter, suivre, placer, analyser, changer, pureté parfaite.

Compter

Assis dans la posture décrite ci-dessus, nous allons procéder au comptage de nos respirations. Pour ce faire, notre esprit devra être totalement concentré sur le va-et-vient du souffle et compter mentalement de 1 à 10 à chaque couple expiration/inspiration, en commençant par l’expiration; soit :

– une expiration/une inspiration = 1, puis

– une expiration/une inspiration = 2...

et ainsi de suite jusqu’à 10 qui est ici un chiffre commode. Il ne s’agit pas de compter à haute voix et encore moins par écrit.

Nous devons être particulièrement attentifs aux phases d’expiration et d’inspiration, être conscients que nous expirons à l’expiration et que nous inspirons à l’inspiration, sans aucune confusion entre les séquences d’absorption et d’expulsion de l’air. Au cours de cet exercice, nous nous efforcerons de ne pas penser à autre chose qu’à la respiration. Nous ne pourrons pas en tirer profit si notre esprit vagabonde et songe à la montagne, au lac... Durant cette pratique, nous suivrons le rythme naturel de notre respiration qui progressivement s’allongera d’elle-même. Lorsque l’esprit parvient à suivre complètement, sans aucune distraction, le mouvement de nos expirations/inspirations dix fois de suite et que notre respiration peut se prolonger avec une plus grande amplitude, nous aurons accompli la première phase de la pratique d’Anapanassati. A ce moment- là seulement, nous pourrons entamer la seconde.

Suivre

Nous allons maintenant suivre avec précision le parcours de la respiration. D’abord à l’inspiration, nous allons suivre l’air inspiré jusqu’au cou, par exemple. Puis à l’expiration, nous le suivrons à l’extérieur, à une distance équivalente. Puis nous suivrons l’inspiration de plus en plus loin à l’intérieur et l’expiration de plus en plus loin à l’extérieur, un peu à l’image d’un jet d’eau propulsé à une certaine hauteur qui retombe ensuite d’une distance équivalente. Il n’est évidemment pas question de respirer ici avec la force d’un jet d’eau; cette image illustre seulement le trajet de la respiration qui doit être souple et naturelle.

Nous accompagnerons mentalement l’air inspiré jusqu’au niveau de la poitrine et l’air expiré jusqu’à une même distance à l’extérieur, et ainsi de suite, sans forcer. Lorsque la respiration s’allongera d’elle-même, nous la suivrons progressivement jusqu’au niveau du nombril, des genoux puis jusqu’au bout des orteils. Il peut être plus facile pour certains de visualiser l’air sous forme d’une légère fumée d’encens. Il est également possible de suivre l’inspiration au-delà des orteils, à l’extérieur de soi. Mais ceci n’est mentionné que pour information.

Cette pratique est exposée ici très brièvement. Mais il est évident que, dans ses applications, elle doit être effectuée beaucoup plus lentement, chaque étape nécessitant un entraînement répété. Notre travail est pareil à celui d’un maçon construisant une maison. Il n’achève pas l’édifice d’un seul coup mais pose les briques une à une, jour après jour, inlassablement, jusqu’à voir finalement surgir le résultat de sa peine. Si nous voulons progresser, il nous faudra cette même persévérance qui, à force d’opiniâtreté, petit à petit, engendre les résultats. Lorsque l’esprit suivra jusqu’à la pointe des pieds le parcours de l’inspiration sans aucune distraction et qu’il accompagnera de même l’expiration à l’extérieur, nous pourrons passer au stade suivant.

Placer

Lorsque nous maîtriserons correctement les premiers degrés de cette pratique, il nous sera désormais possible de fixer la respiration comme s’il s’agissait d’une légère fumée d’encens ou d’une mince ficelle blanche, immobile, tendue entre les narines et la pointe des pieds. Il n’y aura à ce stade ni inspiration, ni expiration, ni blocage forcé, mais une simple suspension momentanée de la respiration découlant naturellement des pratiques précédentes. L’essentiel de la conscience sera fixé sur cette image immobile du souffle. Simultanément, une autre partie de la conscience analysera ce qui se passe dans notre corps, sera attentive aux diverses sensations susceptibles de s’y produire. Aucune contrainte ne devra être exercée pour prolonger l’apnée. A la moindre fatigue, nous respirerons de nouveau avant de poursuivre notre absorption en méditation. Le but de cet entraînement n’est pas de nous pousser au maximum de nos capacités. Au contraire, il doit se faire dans le confort, la quiétude et l’aisance. Si nous le forçons, l’esprit se trouble et les tensions issues des contraintes qui lui sont imposées rendent vaines nos pratiques. Par une accoutumance progressive, notre respiration s’allongera naturellement, de même que notre capacité à demeurer en apnée tout en maintenant la concentration de l’esprit. Si nous nous exerçons de manière appropriée, au bout d’un certain temps, l’esprit n’aura plus d’autre objet que la respiration qu’il suivra de lui-même, et dont plus rien ne pourra le distraire.

La maîtrise de la respiration ainsi acquise aura pour corollaires l’apaisement de l’esprit et une plus grande aptitude à le contrôler. La quiétude physique et mentale qui s’ensuivra s’accompagnera d’un sentiment de bien-être intérieur. Devenus ainsi maîtres de notre respiration et par là, de notre esprit, nous n’aurons plus besoin de nous forcer à la méditation ni d’y être poussés par une tierce personne. Nous aurons dorénavant une inclination spontanée pour la méditation. Il y a par exemple des personnes qui, par propension naturelle, adorent dormir. Il n’est nullement besoin, pour qu’elles se laissent aller aux douceurs du sommeil, de leur en donner l’ordre, ni de leur dire quand elles doivent dormir. Elles dorment parce qu’elles y trouvent du plaisir. Il arrivera un moment où nous aurons développé une même propension naturelle à méditer.

Les débutants ne pourront évidemment pas s’entraîner dans l’immédiat à ce troisième niveau dénommé placer. Mais, par la régularité et la persévérance, vous y parviendrez tous sans aucun doute.

Bien que chacun de ces stades doive être pratiqué l’un après l’autre, il sera utile de visualiser occasionnellement les étapes suivantes. Par exemple, lorsque nous nous exercerons essentiellement à la première, de temps à autre, nous entamerons la deuxième puis la troisième, etc. Nous ne concrétiserons pas à proprement parler les niveaux suivants de la pratique, mais par cet entraînement préalable, nous nous familiariserons avec eux. Mais si dès maintenant vous renoncez en vous répétant que vous n’y arriverez jamais, vous n’avez évidemment aucune chance d’obtenir le moindre résultat.

Lorsque nous aurons acquis la maîtrise de ce troisième stade, nous passerons au suivant.

Analyser

Ici, tout en conservant l’essentiel de la conscience centré sur la respiration, nous analyserons la nature de l’air qui entre et sort. Pour ce faire, nous devons comprendre qu’il possède huit propriétés : il est constitué d’un élément de solidité (terre), d’un élément de fluidité (eau), d’un élément de chaleur (feu), d’un élément de mobilité (air), d’une part. Il a une forme, une odeur, un goût et peut être touché, d’autre part. Ce quatrième stade et les deux suivants sont simplement cités. Ils ne concernent pas la pratique des débutants et nécessiteraient des explications trop complexes pour l’instant. Lorsque le méditant aura développé ce quatrième stade à la perfection, il pourra passer au cinquième.

Changement

Ceci s’adresse à des disciples ayant une grande expérience de la méditation, chez qui la pratique a déjà fait naître d’importantes réalisations spirituelles. Pour ceux qui sont déjà familiarisés avec les enseignements du Dharma, il peut être utile de préciser que ce cinquième niveau appelé changement peut être atteint uniquement par ceux qui sont entrés sur le chemin et qu’il inclut les pratiques du chemin de l’Accumulation et du chemin de la Préparation. Après avoir mené à bien les méditations propres au cinquième stade, le disciple passera à la sixième et dernière phase de cette pratique.

Pureté parfaite

Ce stade est constitué par les pratiques de ce qu’on appelle le Noble chemin (Skrt. Arya Marga), le chemin des Arya. Il se décompose ainsi :

– chemin de la vision,

– chemin de la méditation,

– chemin de la perfection.

Pour l’immédiat, nous nous contenterons des trois premiers stades. Les autres ont été mentionnés simplement pour que vous en connaissiez l’existence. Toutefois, n’oubliez pas que c’est l’expérience des trois premiers niveaux qui, progressivement, conduit aux suivants. Vous voyez ainsi que la pratique d’Anapanassati va beaucoup plus loin qu’une simple attention à la respiration.

Par de telles méthodes, nous nous doterons d’une parfaite maîtrise de l’esprit. Quel que soit notre âge, il est capital de commencer dès maintenant. Les plus jeunes pourront certes y consacrer beaucoup plus d’énergie et obtenir de meilleurs résultats car la vigueur physique de la jeunesse est associée à un mental plus fort.

Si nous souffrons aujourd’hui, si nous sommes confrontés à toutes sortes d’expériences et de situations pénibles, c’est faute d’avoir contrôlé notre esprit. Nous lui avons donné toute liberté, nous l’avons laissé aller là où bon lui semblait; il s’est égaré dans des directions multiples. A présent, nous devons en devenir les maîtres. Sur cette terre, beaucoup de gens pensent. Mais ils sont, pour la plupart, préoccupés par ce qui se passe à l’extérieur. Rares sont ceux qui se soucient de leur monde intérieur, qui observent leur esprit et analysent son fonctionnement. Pendant ce cours, nous allons nous tourner vers l’intérieur car c’est notre esprit qui fera l’objet de nos réflexions et nous en parlerons à maintes reprises.

Ce n’est pas par hasard que nous avons appris à méditer sur la respiration, et non sur des arbres, des fleurs, des objets extérieurs. En effet, lorsque nous regardons à l’extérieur, toutes sortes de choses apparaissent à notre esprit et suscitent des pensées très diverses qui jaillissent, pêle-mêle, sans aucune cohésion, du fait de la grande variété de notre environnement. Mais si nous nous concentrons sur notre respiration, l’esprit se fixe sur un objet constant et une pensée stable s’y établit. Pour que l’esprit puisse se fixer, il faut lui fournir un objet bien défini.

En tout premier lieu, nous avons vu de quelle manière nous devions procéder à la méditation alternée associant le souffle et les canaux. Il sera souhaitable de commencer par là notre séance de méditation. En effet, ces canaux interviennent dans de nombreuses autres méditations plus avancées et l’entraînement que nous aurons acquis par cette pratique initiale constituera une sorte de préparation aux stades futurs. Toutefois, si certains d’entre vous n’arrivent pas à méditer sur les canaux ou qu’ils n’en ont pas envie, ils peuvent s’en abstenir et commencer directement par le compte de la respiration. Prenez en considération vos dispositions personnelles. Les uns tireront davantage de profit à se concentrer sur le comptage de la respiration. Pour d’autres, c’est au contraire la méditation sur les canaux qui s’avérera la plus bénéfique. Nous n’avons pas à nous contraindre à ce qui ne nous convient pas. Si telle méthode nous réussit mieux, c’est celle-là que nous devons adopter. Lorsque nous sommes malades, nous prenons le médicament qui convient à notre maladie, et pas n’importe lequel, sous prétexte que la finalité d’un remède est de guérir.

Lorsque nous entamons les exercices sur les canaux ou le comptage de la respiration, nous commençons à méditer. Il s’agit alors de méditation analytique. De fait, il existe deux types de méditation : la méditation analytique et la méditation de fixation.

Lors des sessions de méditation qui vont suivre, vous pourrez alterner l’attention au comptage de la respiration et la méditation analytique sur les sujets philosophiques exposés lors de l’enseignement. Vous réfléchirez notamment sur la nature de la souffrance et du bonheur, sur les trois sortes de souffrances et vous vous demanderez si vos observations personnelles sont en accord avec le contenu des enseignements ? S’il vous semble qu’il en est ainsi, interrogez-vous sur la raison d’être de toutes ces expériences et de toutes ces situations. Dans tous les cas, vous demeurerez en position de méditation et garderez l’esprit aussi concentré que possible.

Lorsque nous sommes gravement malades, nous consultons un médecin ou nous allons à l’hôpital pour suivre un traitement. Nous acceptons ce traitement parce que nous souffrons, parce que nous sommes conscients de la douleur et que nous voulons nous en débarrasser. Par vos réflexions sur les enseignements reçus, vous devrez aboutir à un état d’esprit semblable : comprendre quelle est la nature de votre souffrance, ce qui naturellement fera naître en vous l’aspiration à la pratique du Dharma. La souffrance est en nous et le remède aussi. Les antidotes de la souffrance, les agents de notre libération se trouvent à l’intérieur de nous-mêmes. Or, c’est en consacrant le maximum de notre temps et de notre énergie à la pratique du Dharma que nous les rendrons opérants. Le Dharma n’est pas un domaine réservé; il est pour tout le monde, moines, laïcs, jeunes ou vieux... Si nous sommes malades et tenons dans la main le remède à notre mal, le mieux que nous puissions faire, c’est de l’ingérer. Si nous nous plaignons d’être malades et que nous nous contentons de regarder le médicament sans le prendre, il ne nous sera d’aucune utilité et ne pourra en aucun cas nous soulager. Si nous avons besoin de fer pour fabriquer des articles de ferronnerie et que nous possédons une grande quantité de ce minerai, il sera possible de le traiter, de le purifier, de le travailler pour en obtenir ce que nous voulons. Mais si nous jetons le minerai et passons notre temps à nous lamenter de ne pas avoir de fer, notre situation sera effectivement désespérée. Il s’agit, bien sûr, d’un exemple ordinaire. Ici, ce qui est important, c’est l’esprit. Il est semblable au matériau de base dont on peut faire tout ce qu’on veut. Par la pratique du Dharma, nous pouvons appliquer notre esprit à l’élimination complète et définitive de la souffrance.

Repensez souvent au contenu des enseignements. A la fin de la journée, revoyez vos notes, réfléchissez à leur signification et demandez-vous si vous avez bien compris. Si vous procédez ainsi, vous vous apercevrez que ce qui vous a été dit en peu de temps aura en vous un retentissement très profond et prendra tout son sens. Si nous nous interrogeons sur notre condition, nous voyons qu’il n’est pas de réel bonheur possible sans le contrôle de l’esprit. Si nous n’avons aucun pouvoir sur son fonctionnement, nous continuerons à être écrasés par la souffrance. Soyons donc conscients des souffrances auxquelles nous sommes assujettis et observons les réactions et les comportements qu’elles provoquent en nous. De toute évidence, nous ne les voulons pas, nous les fuyons. Humain ou animal, tout être fuit la souffrance. Or, répéter sans cesse que nous voulons y échapper ne suffira pas. Il faut pour cela appliquer une méthode qui ait pour effet de nous en délivrer. Si nous nous obstinons à dire : “Je ne veux pas souffrir... je ne veux pas souffrir”... sans employer le moyen approprié, nous nous fatiguerons pour rien.

Ces explications sur la souffrance sont extrêmement succinctes. Toutefois, si vous y réfléchissez, si vous méditez sur leur signification, vous progresserez dans votre compréhension.

Trésor du Dharma

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