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II

Table des matières

OPÉRATIONS PRÉLIMINAIRES. — LA PRÉPARATION DU MINERAI. — LE HAUT FOURNEAU. — LA COULÉE. — LA GUEUSE. — LES DIFFÉRENTES SORTES DE FONTES. — LA FONTE MALLÉABLE.

Le fer se rencontre dans la nature à l’état de minerai. Presque tous les pays en produisent. Ceux du Berry ont joui pendant longtemps d’une grande réputation, et les nombreux ouvrages qu’ils ont permis d’exécuter montrent combien cette réputation était méritée. Ceux de Suède, aujourd’hui, sont considérés comme étant les meilleurs. Ne pouvant nous étendre longuement sur les préparations préliminaires et sur le traitement métallurgique qu’on leur fait subir, — ce qui sortirait du cadre de ce livre, — nous nous bornerons à expliquer que ces minerais sont divisés en deux sortes principales: 1° les mines terreuses, comprenant toutes les variétés de fers qu’on rencontre mélangés à des terres argileuses ou calcaires; 2° les minerais en roche, renfermant toutes les espèces qui sont accompagnées d’une gangue dure, spathique ou quartzeuse.

Les minerais de la première catégorie sont purifiés par un lavage préalable. On débarrasse ainsi le fer brun et granuleux des argiles et des calcaires qui l’enveloppent, et on l’amène au degré de pureté indispensable pour qu’il puisse être fondu avec économie. Lorsque le lavage ordinaire ne suffit pas, on bocarde la masse terreuse, c’est-à-dire qu’on la fait passer sous les pilons d’une machine appelée bocard, qui la pulvérisent, en même temps qu’un fort courant d’eau entraîne les argiles et les matières calcaires qui se trouvaient mêlées au fer.

Les minerais de roche ne sont point bocardés ni lavés. On les grille. Ce traitement préliminaire varie suivant les sortes de minerais. Il a pour but de rendre ces derniers plus friables, en séparant le soufre ou l’arsenic ou encore l’eau de cristallisation du fer spathique, etc. Mais comme ces minerais ne possèdent pas par eux-mêmes les qualités combustibles qui permettraient au grillage de se continuer jusqu’à ce que le fer puisse être entièrement dégagé, on les associe pour cette opération avec du bois ou de la houille, qu’on dispose en lits alternatifs.

Après avoir subi ce premier traitement, les minerais, débarrassés à peu près complètement des matières avec lesquelles ils étaient mélangés, sont fondus. Les fourneaux qu’on emploie à cet usage affectent une forme particulière. La plupart sont très élevés; quelques-uns même mesurent jusqu’à 14 mètres de haut et présentent une vague apparence de puits élargis en leur milieu. A cause de cette disposition, on leur donne le nom de hauts fourneaux. Leur orifice supérieur porte la dénomination assez peu euphonique de gueulard. La combustion, à l’intérieur, est activée par une ou plusieurs tuyères. A leur partie inférieure se trouve un récipient qu’on nomme le creuset.

C’est par le gueulard qu’on charge le haut fourneau. On y verse un mélange composé de minerai, de charbon et quelquefois d’un fondant terreux. Suivant la nature du minerai, ce fondant est argileux ou calcaire. Le charbon qu’on emploie de préférence est le charbon de bois et, s’il est possible, celui qui est produit par la combustion de chênes ayant une vingtaine d’années. Le résultat de cette combustion donne environ 20 pour 100 de fonte et 15 pour 100 de fer.

La houille, dont on fait usage à défaut de charbon de bois, est employée sous forme de coke. Lorsque le coke est de bonne qualité et a été préparé avec soin, le résultat final est des plus satisfaisants. Ainsi que l’écrivait fort bien M. Le Normand, «de la bonne qualité du coke dépend celle du métal. Mêlé à des substances hétérogènes, il détériore la valeur du métal et détruit sa fusibilité.» Malheureusement il n’est pas toujours facile de se procurer du bon coke, et le propriétaire d’un haut fourneau n’a que rarement le moyen de s’assurer de la composition chimique de celui qui lui est fourni. Un autre facteur dont le métallurgiste instruit et expérimenté doit se préoccuper, c’est la nature des argiles qui, au moment de l’introduction dans le haut fourneau, demeurent mélangées avec le minerai, et surtout les proportions de chaux et de silice qu’elles contiennent. Il lui faut, en outre, calculer quelle diminution de combustible pourra en résulter, de façon à obtenir, par un arrangement judicieux, le plus de métal et le meilleur, avec la moindre dépense.

Une fois ces précautions prises, — et aucune d’elles ne doit être négligée, car elles exercent une grande influence sur la qualité du fer produit, — le fourneau est chargé et allumé. A mesure que le charbon se consume, le minerai et ses mélanges terreux entrent en fusion; la masse s’affaisse, et si le travail va bien, elle descend d’une façon lente, régulière, égale. Quand il arrive devant la tuyère, le minerai, qui avait été progressivement chauffé et comme préparé dans la partie supérieure du haut fourneau, se trouve en complète fusion. L’oxyde de fer, en partie vitrifié, se combine avec une certaine quantité de carbone et passe à l’état de fonte. Devenu alors d’une pesanteur spécifique beaucoup plus considérable que les substances étrangères auxquelles il est mélangé, il les abandonne, coule et se rassemble au fond du creuset. Quant aux argiles, à la silice, à la chaux, au manganèse des gangues liquéfiées par la chaleur, ils forment une sorte de vitrification opaque et brune, désignée sous le nom de laitier, qui nage sur la fonte, gagne les bords du creuset et s’écoule le long d’une plaque inclinée qu’on nomme la dame. La charge d’un fourneau de 14 à 15 mètres de haut met environ trois jours à descendre dans le creuset; mais les ouvriers ne laissent pas le fourneau se vider. A mesure que le niveau s’abaisse, ils remplacent la matière consommée par de nouvelles charges jetées dans le gueulard.

Lorsque le nombre des charges successivement versées et l’abondance du laitier qui s’est écoulé permettent de supposer que le creuset doit être plein, il s’agit de le vider. Pour cela on procède à une opération très importante qui s’appelle la coulée, et qui consiste à conduire la fonte en fusion dans des moules spéciaux pouvant contenir 500 à 600 kilogrammes de métal, et qu’on a préalablement creusés dans le sol même de la fonderie. Les lingots ainsi obtenus présentent la forme d’un long prisme rectangulaire effilé à ses deux extrémités, et qui porte le nom de gueuse. Ordinairement on procède pour chaque haut fourneau à deux ou trois coulées par jour, et le haut fourneau continue de marcher pendant plusieurs mois de suite et tant qu’il n’a besoin d’aucune réparation.

La fonte qui vient ainsi se mouler dans les gueuses, soit qu’on l’ait obtenue avec de la houille carbonisée (coke) ou avec du charbon de bois, est une combinaison de fer allié à une petite quantité d’oxygène et de carbone, et dont la qualité varie suivant la proportion de chacun de ces trois éléments. On distingue deux sortes principales de fonte: la grise et la blanche. Cette dernière contient plus d’oxygène et moins de carbone que sa rivale. Elle est d’une couleur plus claire; elle est aussi plus dure, plus cassante. Sa cassure est lamelleuse, sa surface irrégulière, et le retrait qu’elle prend en refroidissant assez considérable. La fonte grise, dont la couleur tire sur le noir, contient, au contraire, plus de carbone et moins d’oxygène que la précédente. Elle a le grain fin et brillant; elle est moins dure et moins friable; sa surface est plus unie, et son retrait moins grand. En outre, elle pèse plus lourd. Cette fonte grise elle-même comporte deux qualités: l’une aigre, qui, cassante, sans souplesse, sans lien, occasionne beaucoup de déchet à l’affinage, et somme toute donne du mauvais fer; et l’autre douce, plus difficile à affiner, mais qui fournit un fer bien meilleur.

La facilité qu’on a de mouler la fonte fait qu’on l’emploie pour un nombre assez considérable d’ustensiles de ménage. On en fabrique des contre-cœurs ou plaques de cheminée, des poêles, des tuyaux de conduite, des grilles de balcon, des rampes, des marmites, etc. Malheureusement sa fragilité relative et surtout sa dureté empêchent qu’on en fasse usage pour les objets ou les ornements qui réclament du fini et une certaine délicatesse de contours. Les formes qu’elle présente au sortir du moule sont toujours émoussées, obtuses, et nécessiteraient, pour être réparées et prendre quelque accent, l’intervention du ciseau et de la lime. Mais pour que ceux-ci puissent agir utilement, il est indispensable que la surface au moins de la fonte soit attendrie ou, pour employer l’expression usitée, soit rendue malléable.

Cet attendrissement de la fonte, cette possibilité de la rendre malléable est d’invention française. En 1722, l’illustre Réaumur publia un ouvrage très important sur l’Art d’adoucir la fonte. S’appuyant de cette constatation que celle-ci est d’autant plus douce qu’elle contient plus de carbone et moins d’oxygène, Réaumur démontra qu’il suffit d’enlever à la fonte grise, et même à la fonte blanche, l’oxygène qu’elles ont en excédent et de leur donner le carbone qui leur fait défaut, pour les rendre l’une et l’autre malléables. Bien mieux, il enseigna divers procédés pour obtenir ce résultat et rendit compte dans leur moindre détail de ses propres expériences. Il est impossible de décrire un art avec plus de soin, et lorsqu’on a lu les dix-huit mémoires dont il se compose, on se demande comment ce beau travail a pu passer inaperçu et tomber dans un complet oubli.

Il fallut, cependant, qu’au commencement de ce siècle, un de nos compatriotes, M. Baradelle, allât surprendre en Angleterre les procédés employés depuis quarante ans et les réimportât chez nous, pour que cette industrie prît un certain essor sur le continent, et pour que l’on découvrît que nos voisins d’Outre-Manche s’étaient bornés à mettre en pratique des formules et des principes exactement calqués sur les découvertes de l’illustre savant français.

Mais la fonte malléable, bien que rendant de nombreux services au serrurier, — soit qu’elle lui permette d’obtenir quelques petites pièces fines et délicates, comme les anneaux de clef, les palâtres de serrure décorés d’ornements en léger relief, soit qu’elle lui fournisse des entrelacs, des rinceaux imitant en massif les ouvrages en tôle relevée, — la fonte malléable ne joue qu’un rôle secondaire dans la serrurerie proprement dite, et surtout dans la serrurerie d’art. Cette dernière n’emploie guère que du fer forgé, et c’est de celui-ci qu’il va être question dans notre prochain chapitre.

Fig. 7. — Palâtre de serrure exécuté en fonte malléable. (XVIIIe siècle.)


Les arts de l'ameublement. La serrurerie

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