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IV

Table des matières

DU TRAVAIL DE LA FORGE

Ce qui rend le travail de la forge particulièrement intéressant pour ceux qui en ont pénétré les secrets, c’est que rien ne s’y fait au hasard et mécaniquement. L’intelligence toujours en éveil de l’artisan doit être constamment servie non seulement par une main singulièrement habile et par un œil à la fois exercé et attentif, mais encore par une expérience longuement éprouvée.

Les verges et les barres, quand le fer est froid, ont cette qualité d’être très peu ductiles, et c’est grâce à cela que l’on peut les employer pour les ouvrages de grande résistance. Lorsqu’on les veut travailler, il faut augmenter leur ductilité, et pour cela les amener à une température relativement élevée. Mais cette première opération ne laisse pas que de présenter déjà un certain nombre de difficultés. Le forgeron, tout d’abord, doit reconnaître exactement la qualité du métal qu’il met en œuvre. Un fer aigre ou acerain demande à être moins chauffé qu’un fer doux; un gros barreau ne doit point l’être comme un petit. Il faut, en effet, que lorsqu’on le place entre le marteau et l’enclume, le métal soit amolli par le feu, mais non pas qu’il soit brûlé. Le forgeron doit aussi choisir avec soin le charbon qu’il emploie, car la valeur calorique de celui-ci varie suivant les provenances. En outre, il s’en trouve parfois qui, étant chargé de soufre, ronge et grésille le fer en un instant. Et ce n’est point tout.

La façon dont la pièce qu’on soumet à l’action de la forge est présentée au feu n’est pas indifférente. On la fait pénétrer dans le charbon pour qu’elle soit chauffée dans toutes ses parties à la fois, mais il faut avoir soin qu’elle se trouve un peu au-dessus du courant d’air qu’envoie le soufflet; car si elle était immédiatement à l’embouchure de la tuyère, le vent qui sort de celle-ci, la frappant directement, refroidirait un côté pendant que les trois autres seraient portés au rouge, et si le fer était assez éloigné pour qu’il y eût du charbon entre la tuyère et lui, le feu qui serait lancé par le courant d’air sur une portion du barreau le brûlerait pendant que ses autres parties ne seraient point assez chauffées. Il importe donc de rie pas trop enfoncer le fer, de le placer un peu au-dessus de l’embouchure de la tuyère, de disposer le charbon comme une voûte par-dessus, de manière à former une espèce de petit fourneau à réverbère dans lequel le feu, activé par les soufflets, enveloppe, en circulant, le fer de tous les côtés. Puis, quand la forme de la pièce le permet, il faut avoir soin de la retourner dans la forge, de façon que la chaleur la pénètre partout. Toutes ces précautions ont une extrême importance, parce qu’il est à peu près impossible de bien forger un fer qui a été mal chauffé. Elles exigent, en outre, chez l’artisan une attention extrêmement soutenue, dont tous les ouvriers ne sont pas capables, et c’est ce qui explique comment certains d’entre eux échouent toujours dans cette première préparation.

Une fois le fer convenablement chauffé, si la barre à forger est relativement petite et assez longue cependant pour qu’il puisse la manier sans se brûler, le serrurier la saisit de sa main gauche. Si elle est trop courte, il la prend avec des tenailles, et, de la main droite armée d’un marteau, il donne un premier coup pour faire tomber le fraisil ; puis il pose la pièce sur l’enclume et commence à la battre d’abord à petits coups pour détacher l’écaillé du fer, puis en frappant de plus en plus ferme, et il continue jusqu’à ce que le métal ait cessé d’être assez chaud pour pouvoir encore s’étendre. Il s’arrête alors, car s’il persistait à frapper de grands coups, non seulement il perdrait son temps, mais il risquerait encore de rompre le fer ou de le rendre pailleux.

à 11. — Diverses sortes de tenailles employées à la forge. — Tenailles droites. — Tenailles croches. — Tenailles à bouton et tenailles à rouleau.


Quand il s’agit de gros fers, le maître forgeron se fait aider par un, deux ou trois compagnons, et le travail revêt alors une allure plus magistrale. C’est toujours lui qui tient de sa main gauche la pièce qu’on forge et qui la présente sur l’enclume, l’avance, la recule, la retourne et lui fait prendre toutes les positions convenables pour la bonne conduite et l’achèvement du travail. En même temps, de sa main droite armée d’un marteau à panne droite dit marteau à main (voir la fig. ci-dessous), il bat le fer à l’endroit précis où il veut que les compagnons frappent à leur tour, et par la force des coups qu’il donne, il leur indique s’il faut frapper plus ou moins fort. Quant aux compagnons, armés de longs et lourds marteaux nommés marteaux à devant ou à traverse, ils se conforment scrupuleusement à ses indications, battant le fer en mesure et de manière à produire cette cadence si particulière qui dénonce de très loin et aux oreilles les moins expérimentées le voisinage d’une forge. Lorsque le fer a été suffisamment battu, le maître forgeron apprend aux compagnons qu’il faut discontinuer de frapper, en laissant tomber son marteau à côté du fer sur l’enclume. Et il leur commande de reprendre le travail en faisant de nouveau porter le marteau sur la pièce forgée.

Fig. 12 à 17. — Marteau à main pour forgeron. — Marteau à devant panne en long. — Petit marteau à devant panne en travers. — Marteau à main à bigorne. — Marteau rivoire pour ajusteur. — Grand marteau à devant panne en travers.


On voit que, durant l’opération, c’est le maître forgeron qui conduit tout l’ouvrage, qui en a l’entière direction et la responsabilité. Aussi a-t-il besoin, pour réussir les pièces qu’on lui demande, non seulement d’une force peu commune et d’une grande habileté de main, mais aussi d’une parfaite connaissance du fer, de son traitement et des ressources qu’il présente. Façonne-t-il un barreau carré : il lui faut posséder un coup d’œil assez juste pour que, tout en donnant à son fer la largeur et l’épaisseur convenables et une égalité parfaite d’un bout à l’autre, il conserve à celui-ci les arêtes bien vives et son même calibre dans toute sa longueur. Le barreau doit-il, au contraire, aller en s’amincissant: il lui faut obtenir cette diminution progressive sans que le fer gauchisse, et sans que ses faces cessent de se couper à angle droit. Il en est de même lorsque les fers doivent être forgés de grosseur inégale et de façon à former des enroulements. Enfin s’agit-il de fers ronds: c’est tout le contraire, on n’y doit découvrir aucune arête, et il faut que la circonférence en soit parfaitement circulaire. Or les très habiles forgerons satisfont si bien à toutes ces conditions, que la pièce sortant de leurs mains ne porte aucune trace visible des coups de marteau qui l’ont façonnée, et qu’on la croirait achevée à la lime. On comprend, après cela, que si le travail des compagnons s’apprend assez facilement, il n’en saurait être de même du travail du maître forgeron, et que l’éducation de celui-ci, pour être parfaite, réclame un temps considérable.

Fig. 18. — Atelier de serrurerie au XVIIIe siècle, d’après la gravure de Bénard.


Ajoutons que le matériel qui sert à fabriquer ces ouvrages est extrêmement simple. Il se compose d’une forge activée par un ou plusieurs soufflets, d’une enclume (fig. 19) se terminant par une ou deux bigornes, dont la forme bien connue n’a pas varié depuis près de cinq siècles; de tenailles et de marteaux de différentes grosseurs.

Les principaux ouvrages qui se font à chaud sont, avec la préparation des barreaux, les soudures et l’étampage, dont il nous faut dire de suite quelques mots.

Fig. 19. — Enclume.


Les arts de l'ameublement. La serrurerie

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