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VI

Table des matières

L’ÉTAMPAGE

Les soudures, si elles comptent parmi les opérations les plus importantes de la forge, ne sont pas, nous l’avons dit, les seules façons délicates qu’on exécute à chaud. Dans un grand nombre d’ouvrages, le fer est orné de profils plus ou moins compliqués. Ainsi les montants et traverses qui forment les châssis, les tiges des longs verrous, des espagnolettes et des crémones sont le plus souvent enrichis de quarts de rond ou de moulures. Les plates-bandes qui surmontent les appuis de balcon et les balustrades, aussi bien que les mains courantes des rampes, sont également moulurées. Enfin on remplit ordinairement les vides des panneaux avec des fleurons, des tiges ou des jets qu’on décore de boules et qu’on charge de graines. On peut, il est vrai, façonner ces divers ornements au marteau, au burin, à la lime, mais l’opération serait longue, pénible, coûteuse par conséquent. Aussi a-t-on de tout temps recouru à un moyen plus expéditif, qui est l’emploi de l’étampe.

Ce procédé, quoi qu’aient pu dire certains auteurs, paraît extrêmement ancien. Les curieuses ferrures dont sont garnis les quelques coffres du XIIIe siècle qui nous ont été conservés, ceux notamment de l’église de Noyon, de la collection Peyre et du musée de la ville de Paris, ont été certainement travaillées à l’étampe. Il en est de même pour les admirables pentures qui décorent les portes de l’église de Vézelay, de l’abbaye de Saint-Denis, des cathédrales de Sens, de Rouen, etc. Toutes ces belles ferrures ont été cannelées et fleuronnées par ce procédé. C’est également à l’étampe que dut recourir un serrurier contemporain, M. Boulanger, lorsqu’il fut chargé de restaurer et de compléter les pentures de Notre-Dame de Paris. Ainsi, bien loin de s’être développé avec le temps, il semble, au contraire, que l’étampage soit moins employé aujourd’hui qu’au Moyen Age. Ajoutons que la débordante richesse d’ornementation de la serrurerie à cette époque s’accommodait admirablement de ce genre de travail. Voici, du reste, en quoi il consiste.

L’étampe dont on fait usage se compose d’une pièce de fer très épaisse, aciérée au moins dans sa partie supérieure, que l’on nomme semelle, où sont gravés en creux tous les profils ou dessins qu’on souhaite d’obtenir en relief, et en relief tous les ornements que l’on veut obtenir en creux C’est, en résumé, une sorte de cachet ou de matrice. L’étampe — lorsqu’elle est simple — est assujettie sur la table d’une forte enclume et de façon qu’elle ne puisse bouger. On fait ensuite chauffer la barre de fer que l’on veut travailler, et qui a été préalablement dégrossie et amenée aussi près que possible de la forme désirée. Quand cette barre se trouve à une température convenable, on la pose sur les cannelures ou dessins de l’étampe, et on la frappe à grands coups de marteau jusqu’à ce qu’on l’ait forcée de pénétrer dans la matrice et d’en épouser la forme. En chauffant de cette façon et en forgeant successivement sur l’étampe toutes les parties d’une barre, on arrive à la revêtir d’un bout à l’autre du même ornement, à moins que, variant les étampes, on ne varie aussi les profils. Lorsque les ouvrages qu’on exécute de cette manière comportent un certain soin, on en répare après coup les endroits défectueux au burin et à la lime droite ou courbe. C’est de la sorte que sont obtenus les appuis de balcon, les mains courantes et, au surplus, toutes les grandes parties de fer qui sont moulurées seulement sur une de leurs faces.

Pour façonner celles qui sont décorées sur leurs différents côtés ou sur toute leur circonférence, on emploie deux semelles au lieu d’une. Supposons que l’on veuille confectionner le genre d’ornements extrêmement usité dans les ouvrages de la serrurerie que l’on nomme des graines . Pour faciliter le travail, on commence par entailler la barre de fer, entre chaque graine, avec un ciseau spécial dont le taillant affecte la forme d’un fragment de cercle; puis, la séparation marquée, on fait chauffer le fer et on le place sur la semelle inférieure. On met alors sur la barre la seconde étampe, faite également d’une pièce de fer très épaisse, mais emmanchée d’un long morceau de bois qui permet de la manier aisément, et l’on frappe à tour de bras sur la semelle supérieure, et par contre-coup sur le fer prisonnier entre les deux étampes.

Fig. 22. — Penture de Notre-Dame exécutée à l’étampe par M. Boulanger.


Le résultat de ces chocs violents est facile à deviner. Nos deux étampes creusées en gouttière offrent chacune, gravées plus ou moins profondément, la suite de graines qu’on veut obtenir. Lorsque la barre est appliquée sur l’étampe, les arêtes qui séparent ces cavités successives pénètrent dans les entailles pratiquées au ciseau, et le marteau, par ses coups répétés, force le fer rougi à prendre la forme arrondie que lui impose cette double matrice. Ajoutons que, pour rendre l’ouvrage plus régulier, au cours du travail, on tourne et on retourne la barre entre les deux étampes, frappant dessus chaque fois et très fermement; et de la sorte on obtient rapidement une suite de graines exécutées avec autant de propreté, de netteté et plus de régularité que celles qu’on pourrait façonner à la lime.

Fig. 23 et 24. — Étampe ouverte.


Il demeure bien entendu que ce mode d’opérer n’est pas spécial à un genre unique d’ornements. Tous les autres peuvent être obtenus par ce procédé, depuis les plus artistiques jusqu’aux plus ordinaires. Veut-on étamper un fleuron? Nos figures 23 à 32 montrent le détail des matrices qu’il faut employer, en même temps que la marche du travail. On y voit l’étampe ouverte d’abord, après cela fermée; puis la masse forgée, en second lieu dégrossie, en troisième lien façonnée sur l’enclume et prête à être introduite dans l’étampe; ensuite telle qu’elle en sort après chacun de ses divers passages, et finalement découpée, ébarbée, ayant reçu en un mot son aspect définitif. Pour confectionner un anneau de clef, ou tout autre objet, on ne procède pas différemment. De tout temps, on s’est même servi des étampes pour fabriquer un grand nombre de pièces de serrurerie courante et de grosse quincaillerie; et l’on en fait encore usage pour donner aux têtes de vis des formes variées, pour confectionner les vases qui surmontent et décorent certaines fiches servant pour les armoires, pour les boutons, rosaces, etc. En un mot, le serrurier emploie l’étampage toutes les fois qu’il n’a pas un procédé plus perfectionné à sa disposition, ou un moyen d’exécution plus rapide.

Fig. 25. — Étampe fermée.


Les machines-outils, en effet, dans la serrurerie comme dans la plupart des autres professions de l’ameublement, ont pris depuis quelques années une importance considérable. Pour les mains courantes, les rampes de balcon, les appuis de balustrades dont nous parlions tout à l’heure, on n’a pas manqué de les utiliser. Dès la fin du siècle dernier, un serrurier parisien, nommé Chopitel, avait trouvé le moyen de substituer à l’action de l’étampe et du marteau la pression du laminoir. Le fer, dressé en barres d’un calibre convenable et porté à la température du rouge blanc, était introduit entre deux rouleaux sur l’un desquels les moulures étaient tournées en creux, et il sortait orné de profils très bien détachés. Aujourd’hui le laminoir est presque partout abandonné pour ce genre de travail, et on lui a substitué le rabot à vapeur, qui, à l’aide d’un mouvement de va et-vient, entame le fer, et détachant d’énormes copeaux, abat les angles, creuse les cannelures et donne à la barre, avec une régularité parfaite, la forme que l’on souhaite d’avoir. Mais cette opération s’exécute à froid, et il nous reste encore à mentionner une dernière application de l’étampe.

Fig. 26 à 31. — Passes successives d’un fleuron étampé. — La masse forgée. — La masse dégrossie. — Premier passage à l’étampe. — Le fleuron ébarbé. — Le fleuron découpé. — Le fleuron dégagé et terminé à la lime.


Nous voulons parler de son emploi dans la fabrication des feuillages, branchages, lambrequins, etc. Ici ce n’est plus le fer en barre qui est soumis à son action, mais la tôle rougie. On applique cette tôle sur des matrices de dimensions convenables et qui portent gravées en creux, avec l’indication des contours, les nervures ou dessins qui doivent figurer en relief. On bat au marteau, et quand la tôle a pris convenablement l’empreinte de ces dessins ou nervures, on la découpe et on la relève. Ces quelques indications, croyons-nous, suffisent à faire comprendre les services aussi nombreux que variés rendus par l’étampage à la serrurerie d’art.

Les deux seuls inconvénients que présente ce procédé, c’est en premier lieu que toutes les pièces fabriquées par ce moyen doivent être de dépouille (voir dans notre vol. de l’Orfèvrerie, p. 59, la signification de ce mot); et en second lieu, c’est qu’il ne peut être employé avec avantage que pour les ouvrages répétés à un grand nombre d’exemplaires. Sans quoi, l’établissement des matrices, qui est toujours fort coûteux, le rendrait d’un prix inabordable.

Fig. 32. — Fleuron achevé et prêt à être soudé.


Les arts de l'ameublement. La serrurerie

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