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LES FRANCS

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Quatre siècles après la conquête, à voir les forêts défrichées, des routes ouvertes, des villes opulentes, des monuments magnifiques dont il reste de magnifiques débris, un peuple actif, enrichi, policé, parlant latin et rivalisant d'esprit, comme d'élégance, avec ses maîtres, on n'aurait pu reconnaître la Gaule. La religion même avait changé; vainqueurs et vaincus se rapprochaient, pour la plupart, dans le culte du vrai Dieu; la foi chrétienne, grâce à l'héroïsme des martyrs, avait fait reculer et le culte farouche des druides et le culte honteux des idoles païennes. Mais l'invasion barbare ne tarda pas, facilitée par les divisions de l'empire et l'affaiblissement des populations corrompues, à replonger notre pays dans les combats, les souffrances, la misère et l'ignorance. Des nuées de Germains, venus du centre de l'Europe, envahissent la Gaule, comme les autres parties de l'empire, et, à plusieurs reprises, la ravagent en tous sens. Au cinquième siècle après Jésus-Christ, la domination romaine a presque disparu dans notre pays. Les Francs dominent au nord; les Burgondes à l'est; les Wisigoths, venus par le midi, au midi. Puis une nouvelle invasion, plus terrible encore, menace ces barbares qui commencent à se fixer, c'est celle des Huns, sortis des steppes de l'Asie. Ils sont conduits au pillage du monde par un chef terrible, Attila, qui s'intitule lui-même le fléau de Dieu, et foule tellement la terre, «que l'herbe ne croît plus où son cheval a passé.» Vingt villes de la Gaule sont détruites. Mais Romains, Francs, Burgondes, Wisigoths, tous réunis contre l'ennemi de tous, arrivent, repoussent Attila et lui font essuyer un sanglant désastre dans les plaines de Méry-sur-Seine (451).

Les Huns vaincus s'enfermèrent dans leur camp derrière leurs nombreux chariots. Attila se tenait près d'un bûcher autour duquel les Huns se rangèrent, une torche à la main, prêts à mettre le feu si le camp était forcé. Mais les coalisés ne commencèrent point l'attaque. Attila partit, emmenant avec lui comme otage l'évêque de Troyes.

Deux ans après, le roi des Huns mourait, et ce peuple cessa d'être redoutable.

Parmi les peuples qui avaient combattu les Huns, on avait remarqué les Francs sous les ordres de Mérovée, chef de la tribu des Saliens, et qui seul de toute sa tribu portait une longue chevelure, signe distinctif de la royauté.

Les guerriers francs relevaient leurs cheveux sur le sommet du front en forme d'aigrette; leur visage était entièrement rasé, à l'exception de deux longues moustaches qui leur tombaient de chaque côté de la bouche. Grands, vigoureux, serrés dans leurs habits de toile, ils ressemblaient par leur visage et leur caractère aux anciens Gaulois, surtout à ceux des pays du Nord. Ils lançaient avec adresse leur francisque (hache à deux tranchants) et manquaient rarement l'endroit qu'ils avaient mesuré de l'œil; ils se servaient aussi d'une pique, armée de plusieurs crochets recourbés comme des hameçons.

Idolâtres comme les anciens Gaulois, les Francs se faisaient des images des arbres, des oiseaux, des bêtes sauvages, et les adoraient. Ils croyaient que les braves allaient dans les palais de leur grand dieu Odin goûter les joies d'un éternel banquet, et cette croyance les poussait à braver la mort avec une audace extraordinaire.

Clovis (481-511).—Clovis, fils de Childéric, fut, à l'âge de quinze ans, promené sur un bouclier suivant la coutume des Francs et proclamé roi (481). Animé d'une ardeur guerrière, il entraîna son peuple à la conquête de la Gaule. Il attaqua les troupes romaines qui occupaient encore une partie de la Gaule et les défit avec leur général Syagrius, près de Soissons (486). Cette ville devint des lors sa capitale.

Clovis n'était guère le maître de ses soldats que pendant le combat. Les Francs ayant pillé une église de la ville de Reims et emporté un vase très précieux, l'évêque Remi fit réclamer ce vase. «Suivez-moi jusqu'à Soissons, dit Clovis aux envoyés, parce que là sera partagé tout ce qui a été gagné; lorsque ce vase sera tombé dans mon lot, je remplirai le désir de l'évêque.»

Tout le butin étant réuni, Clovis dit: «Je vous prie, mes braves guerriers, de ne pas me refuser ce vase en dehors de ma part.»

Les soldats consentaient, lorsque l'un d'eux, plus envieux, refusa et frappa le vase avec sa hache en disant: «Tu n'auras rien, ô roi, que ce que le sort t'accordera.» Clovis garda le silence et ne manifesta point sa colère.

L'année suivante, il passait une revue de ses guerriers et examinait leurs armes. Lorsqu'il arriva devant le soldat qui avait brisé le vase: «Nul, lui dit-il, n'a ici des armes aussi mal entretenues que les tiennes.» Puis, lui prenant sa hache, il la jeta par terre, et comme le soldat se baissait pour la ramasser, Clovis leva sa propre hache et lui fendit la tête, en s’écriant: «Qu'il te soit fait ainsi que tu as fait au vase, l'an passé, dans Soissons!» Il inspira ainsi une grande crainte.

Clovis épousa en 493 Clotilde, nièce de Gondebaud, roi des Burgondes. Or Clotilde était chrétienne. Elle s'appliqua à convertir à sa religion son époux, encore païen.

Clovis avait déjà, grâce à ce mariage, gagné plusieurs villes, entre autres Paris. Une victoire sur les Alamans le rendit encore plus docile aux exhortations de la reine et de l'évêque saint Remi. Les Alamans passaient le Rhin en grand nombre pour prendre aussi leur part de cette Gaule que les Francs semblaient vouloir s'attribuer tout entière. Toutes les tribus franques accoururent autour de Clovis, et la bataille s'engagea à Tolbiac, près de Cologne (496). Les Francs plient un instant. Clovis, qui avait laissé baptiser deux de ses enfants, invoque, dit-on, le Dieu de Clotilde et promet de se faire chrétien s'il est vainqueur. La victoire lui revient et les Alamans sont rejetés au delà du Rhin. Clovis alors se fit baptiser par saint Remi, avec 3000 de ses soldats.

Tous les évêques de la Gaule félicitèrent le nouveau converti, et tout le pays entre la Seine et la Loire se soumit au prince que l'Église appelait déjà «sa colonne de fer.» Clovis, excité par la reine Clotilde, toujours préoccupée de venger sa famille détruite par le cruel Gondebaud, battit ce roi près de Dijon et lui imposa un tribut. Des lors il domina sur les bords de la Saône.

Restaient les Wisigoths. Les évêques du Midi, que persécutait ce peuple, appelaient Clovis. Celui-ci réunit ses farouches guerriers et leur dit: «Je supporte avec grand chagrin que ces impies possèdent une partie des Gaules. Marchons avec l'aide de Dieu, et, après les avoir vaincus, réduisons leur pays en notre pouvoir.» Cette nouvelle expédition plut singulièrement aux guerriers francs: ils approuvèrent; on passa la Loire. Clovis avait surtout défendu de piller le territoire de Tours, placé sous la protection spéciale de saint Martin, alors vénéré comme le plus grand apôtre des Gaules. «Où sera l'espoir de la victoire si nous offensons saint Martin?» disait Clovis avec cette dévotion intéressée qui pouvait seule avoir action sur des barbares. Un soldat, ayant arraché une botte de foin à un pauvre homme, fut mis à mort. Les heureux augures, les merveilles même se multiplièrent, si l'on en croit la légende, sur les pas de celui qui se confiait en la protection de saint Martin.

Pour atteindre l'armée d’Alaric, Clovis remontait la rivière de Vienne et cherchait un gué: «une biche d'une merveilleuse grandeur» le lui montre en passant elle-même la rivière. Encore aujourd'hui cet endroit porte le nom populaire de Gué de la Biche. Lorsqu'elle approcha de Poitiers, l'armée des Francs vit un globe de feu qui paraissait sortir de l'église d'un autre saint célèbre, Hilaire de Poitiers, «sans doute, dit le chroniqueur, afin qu'aidés par la lumière du bien heureux confesseur, ils assaillissent plus hardiment les bataillons de ces hérétiques contre lesquels le saint évêque avait souvent combattu pour la foi.» Alaric, roi des Wisigoths, hésitait à engager l'action contre les Francs; il temporisait, espérant un prompt secours d'autres barbares d’Italie, les Ostrogoths; mais les chefs n'étaient point maîtres de leurs armées: «Nous valons bien les Francs en force et en courage!» s'écrièrent les soldats d’Alaric, et la bataille s'engagea a Voulon (4 lieues de Poitiers). Alaric était prudent, mais non lâche; il le prouva en demeurant sur le champ de bataille même après que ses lignes eurent été enfoncées. Il fut tué de la main même de Clovis. Celui-ci toutefois courut un grand danger: deux soldats Goths le frappèrent ensemble de leurs lances; mais les lances ne purent entamer la cuirasse du chef des Francs qui fut sauvé. En quelques heures la victoire fut complète et le carnage affreux. «Les cadavres, dit le chroniqueur, étaient amoncelés en tel nombre, qu'on eût dit des montagnes de morts.» Tout le midi de la Gaule, avec ses opulentes cités, tomba au pouvoir des Francs qui, pendant plusieurs mois, ne cessèrent de ravager le pays.

Les Francs dominèrent alors jusqu'aux Pyrénées. Cependant toutes les tribus franques ne reconnaissaient pas l'autorité de Clovis. Toujours rusé et cruel, il se délivra de leurs rois, qu'il fit tuer en secret les uns après les autres. Il devint ainsi le seul chef des Francs.

Clovis avait fondé un État qui est le plus ancien de tous les États de l'Europe, et fait de la Gaule la France. Il mourut en l'année 511, dans la cité de Lutèce, qu'on appelait déjà Paris, et dont il avait fait sa capitale.

Les fils de Clovis; partage de la Gaule.—L’égalité des partages entre les enfants étant la règle des successions chez les Francs, les quatre fils de Clovis se divisèrent toutes ses conquêtes comme un simple butin. Chacun eut sa part de territoire et de trésors, de villes et d'étoffes précieuses. Il y eut un roi de Paris, Childebert; un roi de Soissons, Clotaire; un roi d'Orléans, Clodomir; un roi de Metz, Thierry. Et, de même que Clovis, en vrai barbare, avait dépouillé ses parents, de même ses fils cherchèrent à se dépouiller les uns les autres. Les enfants de Clodomir furent massacrés par leurs oncles Clotaire et Childebert.

Quelques années plus tard, Clotaire et Childebert reprirent contre la Bourgogne la guerre et soumirent ce royaume (533-534).

Clotaire Ier (558-561).—Clotaire, d'abord roi de Soissons, puis de Paris, survécut à ses frères et se trouva en 558 seul possesseur des pays soumis par les Francs. Cruel, il n'hésita pas à faire périr son fils Chramne qui s'était révolté contre lui avec l'aide du roi des Bretons. Chramne, vaincu, fut brûlé dans une cabane où il s'était réfugié. Clotaire mourut lui-même en 561.

Quatre fils lui restaient. Après sa mort il y eut encore quatre royaumes. Caribert eut le royaume de Paris; Sigebert, celui de Metz; Chilpéric, celui de Soissons; Gontran, le royaume de Bourgogne. Plus violents encore que les fils de Clovis, ces princes, réduits bientôt à trois par la mort de Caribert (567), se firent bientôt des guerres acharnées. Au milieu de cette confusion on distingua surtout la rivalité des deux royaumes de Chilpéric et de Sigebert.

La Neustrie et l'Austrasie.—Les Francs du royaume de Chilpéric (Soissons) et tous ceux qui habitaient de la Somme à la Loire se mêlaient de plus en plus avec les populations gallo-romaines, prenaient leurs mœurs et leurs usages. Ils devenaient ainsi de jour en jour plus différents des Francs du royaume de Sigebert (Metz), de ceux qui habitaient les pays de l'est, les bords de la Meuse, de la Moselle et du Rhin. Ceux-ci furent désignés sous le nom d’Austrasiens, les autres sous le nom de Neustriens. L'animosité de ces deux peuples se manifesta d'abord par la guerre qu'excita la rivalité de deux femmes tristement célèbres, Brunehaut, femme de Sigebert, et Frédégonde, femme de Chilpéric.

Brunehaut, fille d'un roi des Wisigoths et élevée en Espagne dans des idées toutes romaines, avait voulu imposer ces idées aux guerriers francs de l'Austrasie. Elle voulait faire disparaître les coutumes barbares, réparait les voies que les Romains avaient construites et qu'on laissait tomber en ruine. Mais elle était emportée, avide. Elle faisait mettre à mort sans jugement les leudes[1] dont elle convoitait les trésors. Elle persécutait les évêques qui lui reprochaient ses violences. Elle arma même l'un contre l'autre ses deux petits-fils, Thierry II, roi de Bourgogne, et Théodebert II, roi d'Austrasie. Théodebert fut saisi et peu après mis à mort. Thierry II régna alors avec Brunehaut sur l'Austrasie et sur la Bourgogne. Mais Thierry, que Brunehaut avait laissé s'énerver dans les plaisirs, mourut tout à coup en 613, et Brunehaut demeura seule avec quatre arrière-petits-enfants en bas âge. Les leudes pensèrent alors que le moment était venu de se venger de cette femme ambitieuse et altière. De son côté, le fils de la cruelle Frédégonde, Clotaire II, trouva le moment favorable pour attaquer Brunehaut. Celle-ci fut abandonnée par son armée et bientôt livrée à Clotaire II.

Le roi de Neustrie se montra le digne fils de Frédégonde par le supplice auquel il soumit la reine vaincue. Pendant trois jours elle fut exposée aux insultes des soldats, promenée honteusement sur un chameau, puis attachée à la queue d'un cheval fougueux qui lui brisa le crane et traîna son cadavre mutilé sur les pierres des chemins. Ce fut ainsi que mourut, en 613, Brunehaut, fille de roi, épouse de roi, mère de roi, aïeule et bisaïeule de rois.

Clotaire II (586-628).—Le roi de Neustrie, Clotaire II, le fils de Frédégonde, réunit sous son autorité les deux royaumes et régna jusqu'en 628, seul maître de toute la Gaule comme l'avaient été Clotaire Ier et Clovis.

Dagobert Ier (628-638); grandeur du royaume franc.—Son fils, Dagobert Ier, le plus puissant des rois de la famille ou dynastie de Mérovée, ne fut nullement le prince débonnaire que nous représente la légende: il avait au contraire forcé les grands à l'obéissance et se montrait terrible aux méchants. A peine prenait-il le temps de manger et de dormir, tant le zèle de la justice l'animait. Il était maître d'un vaste empire qui débordait bien au delà du Rhin. Il recevait en effet tribut des Alamans, des Thuringiens, des Bavarois et porta ses armes jusque dans la vallée du Danube où il eut à soutenir de rudes guerres.

C'était dans sa villa de Clichy, près de Paris, que Dagobert aimait à résider et à déployer ses richesses. Assis sur un trône d'or, la couronne sur la tête, il donnait audience comme un véritable empereur.

Décadence des Mérovingiens; les rois fainéants.—A la mort de Dagobert les partages se renouvelèrent ainsi que les guerres civiles. La famille de Mérovée alla sans cesse en dégénérant, et alors commença la série des souverains appelés rois fainéants: reproche injuste, car beaucoup n’arrivèrent pas à l'âge d'hommes, et ceux qui y arrivaient étaient relégués dans quelque villa au fond des forêts. De loin en loin un chariot traîné par des bœufs les amenait à l'assemblée générale des guerriers, puis, lorsqu'on leur avait rendu de vains honneurs, on les renvoyait à leurs chasses et a leurs plaisirs. Les maires du palais gouvernaient à leur place.

Les maires du palais avaient d'abord été de simples officiers du roi, juges des querelles qui éclataient dans les villas royales ou entre les compagnons du roi. Élus par les leudes qu'ils conduisaient aux combats, ils devinrent les tuteurs des rois enfants, puis les maîtres de ceux qu'ils avaient élevés. Il y avait un maire du palais dans chaque royaume. Et les maires combattirent entre eux comme avaient combattu les rois.

Les maires du palais prenaient si bien la place des rois qu'il n'y avait même déjà plus, depuis l'année 679, de rois en Austrasie. La famille de Pépin de Landen, dans laquelle depuis longtemps les leudes choisissaient les maires du palais, commandait seule aux Austrasiens. Sous la conduite de guerriers remarquables sortis de cette vaillante famille, les Austrasiens devinrent de jour en jour plus forts. Une victoire décisive de leur chef Pépin d'Héristal, remportée à Testry (en 687), sur les Neustriens, assura aux Austrasiens la domination de la Gaule.

Il y eut sans doute encore des fantômes de rois en Neustrie, mais de fait la famille de Pépin d'Héristal remplaçait déjà celle de Clovis.

De cette famille, en réalité maîtresse de la Gaule, sortit le fameux Charles Martel, l'un des plus grands guerriers de l'époque, qui renouvela les exploits de Clovis et annonçait ceux de Charlemagne.

Du fond de l'Arabie, péninsule qui tient à l'Asie et à l'Afrique, un peuple ardent se précipitait à la conquête du monde, poussé par le fanatisme et la volonté d'imposer partout la religion de son prophète Mahomet. Celui-ci avait prêché et combattu de 622 à 632; il avait rompu avec le culte des idoles païennes, mais ne voyait en Jésus-Christ qu'un grand prophète et dans les Chrétiens que des infidèles adorant plusieurs dieux. Avec la Bible, l’Évangile, les poésies arabes, ses propres maximes et des préceptes matériels dictés par l'intelligence du climat de l'Orient, il avait composé un livre pour ses disciples, le Coran, où ceux-ci lurent surtout la doctrine du fatalisme, c'est-à-dire la résignation complète à tout ce qui peut arriver. Le zèle qui leur était recommandé pour la propagation de la croyance au vrai Dieu et a son prophète Mahomet, transportait les Arabes d'un enthousiasme qui excitait encore leur nature mobile et impétueuse. En moins d'un siècle, ils s'étaient emparés de la Syrie et de la Perse en Asie; de l'Égypte, de toutes les côtes de l'Afrique le long de la Méditerranée, enfin de l'Espagne (711). Bientôt ils convoitèrent la Gaule. Déjà, en 721, ils avaient attaqué l'Aquitaine et assailli Toulouse. Le duc Eudes, avec les Aquitains et les Gascons levés en masse, avait défendu sa capitale et gagné une sanglante bataille. En 732, une invasion plus redoutable se prépare sous un chef vaillant, Abdérame. Bientôt Abdérame s'empare de Bordeaux qu'il saccage. Le duc Eudes, qui jusqu'alors n'avait pas voulu faire soumission au duc des Francs, voyant ce torrent dévastateur se répandre par toute l'Aquitaine, et ses sujets épouvantés en présence de ces cavaliers rapides qu'on trouvait partout à la fois, implora le secours de Charles.

Charles arriva avec les Francs du nord. Les Arabes se trouvaient en face du dernier rempart de la chrétienté. Cette armée, qu'un chroniqueur appelle avec raison «l’armée des Européens,» une fois détruite, la religion de Mahomet (ou autrement l'islamisme), dominera sur la terre.

Bataille de Poitiers (732).—Les Francs n'abordèrent pas sans étonnement les Arabes, ces ennemis nouveaux, au teint basané, qui, enveloppés dans des burnous blancs, montaient des chevaux vifs et ardents. Les cavaliers arabes soulevaient des tourbillons de poussière, paraissaient et disparaissaient, se repliaient, se reformaient, pour revenir, avec la rapidité de l'ouragan, frapper en courant avec leurs cimeterres ou sabres recourbés. Les Arabes, à leur tour, s'étonnèrent de voir ces hommes du Nord, blonds, grands, protégés par des casques et des cottes de mailles ou des casaques de peaux, munis de longues épées, de piques, maniant habilement la hache et la lançant au loin. Les Francs demeuraient unis, disciplinés, présentant une forêt de piques comme un mur de fer, et résistaient, inébranlables, à tous les assauts.

Une habile diversion organisée par Charles contre le camp arabe, décida le succès de la journée en faveur des Chrétiens. Ne songeant plus qu'à leurs richesses, les Arabes quittèrent leurs rangs. La nuit empêcha les Francs de poursuivre leur avantage.

Le lendemain matin, ceux-ci revirent à la même place les tentes arabes et craignaient une nouvelle bataille; mais les ennemis avaient disparu; les Francs purent se jeter en toute liberté sur le prodigieux butin que les ennemis avaient abandonné.

Charles avait frappé si fort qu'il reçut le surnom de Martel (marteau). A son retour à Paris, il fut accueilli avec enthousiasme et fit une entrée vraiment triomphale. Les Francs venaient de décider une grande querelle: ils avaient sauvé la chrétienté et la vraie civilisation, bien que les vainqueurs parussent moins civilisés et plus grossiers que les vaincus.

Pépin le Bref (741-768).—Charles Martel laissa deux fils, Pépin et Carloman, qui commandèrent d'abord ensemble aux Francs. Carloman, en 747, se fit moine et Pépin gouverna seul. Il se trouva bientôt assez puissant pour écarter le fantôme de roi mérovingien que sa famille avait maintenu. Il fit couper la chevelure du dernier Mérovingien, Childéric III, qui fut tonsuré comme un clerc et relégué dans un monastère à Saint-Omer (752 après Jésus-Christ).

Proclamé roi à Soissons, Pépin se fit sacrer par Boniface, archevêque de Mayence. Il se fit même couronner une seconde fois, à Saint-Denis, par le pape Étienne II.

Or les Lombards menaçaient Rome. Pépin, reconnaissant de l'appui que lui avait donné le pape, marcha à son secours et triompha des Lombards. Il concéda au Saint-Siège la province de Ravenne, et le pape eut alors une puissance temporelle. Pépin ensuite soumit définitivement la grande province du Midi, l'Aquitaine. La Gaule entière obéit dès lors aux Francs.

Pépin était surnommé le Bref à cause de sa petite taille. Mais il prouva que la force et le courage ne dépendaient pas de la taille. Un jour il assistait, dans un cirque, avec ses leudes à un combat d'animaux: un taureau se défendait contre un lion; mais le lion sauta au cou du taureau et allait le déchirer. Pépin demanda si quelqu'un oserait porter secours au taureau. Personne n'ayant répondu, Pépin s’élança dans l'arène et, d'un coup d’épée, abattit la tête du lion. Les leudes admirèrent la vigueur de leur chef, et nul ne fut mieux obéi, malgré sa petite taille.

Histoire de France - Tirée de Ducoudray

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