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TÉLÉGRAPHIE ACOUSTIQUE.

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Système des anciens. — Tubes acoustiques. — Télégraphe à ficelle. — Téléphones. — Compagnies téléphoniques.

Et j’entendis.....

................

Me parler à l’oreille une voix, dont mes yeux

Ne voyaient pas la bouche.

V. HUGO.

L’historien Diodore rapporte qu’un roi de Perse communiquait de Suze à Athènes par la voix des sentinelles qu’il avait placées de distance en distance. Les dépêches parcouraient en un jour trente journées de marche.

Kircher en 1550 et Schwenter en 163G, ont fait des traités sur les signes auriculaires, et proposaient de traduire en notes de musique les lettres de l’alphabet.

Bernouilli raconte, dans ses Voyages, qu’il a vu à Berlin un instrument formé de cinq cloches, pouvant exprimer toutes les lettres de l’alphabet.

On raconte aussi qu’Alexandre le Grand avait trouvé le moyen de se faire entendre par toute son armée, à quatre lieues de distance, au moyen d’un porte-voix (tuba stentorophonica). La figure de cet appareil aurait été conservée au Vatican.

Le chevalier de Morland avait inventé des trompettes parlantes donnant au son beaucoup d’intensité. Une d’elles fut présentée au roi d’Angleterre, en 1670, qui permit l’audition de paroles prononcées à un mille et demi de distance, malgré le vent contraire. Deux ou trois autres de ces trompes avaient été perfectionnées à ce point par Morland, que le gouverneur de Deale écrivit au ministre de la marine que l’on pouvait s’entendre avec des bâtiments situés à trois milles anglais du rivage. Morland n’a laissé que des descriptions incomplètes de ses trompes acoustiques. Il établit pourtant que les tuyaux doivent être élargis graduellement et le son augmente en avançant vers l’extrémité du tube.

Dom Gantey a fait, en 1782, des essais sur la propagation du son avec les tuyaux qui conduisent l’eau de la pompe de Chaillot, et il assurait qu’avec trois cents tuyaux de mille toises chacun, on ferait passer, en cinquante minutes, les dépêches à cent cinquante lieues.

Dom Gantey, fit paraître, en 1783, un prospectus imprimé à Philadelphie, dans lequel on voit qu’il avait proposé à l’Académie des sciences deux moyens absolument nouveaux «pour

» faire parvenir une dépêche avec la plus grande célérité.»

Ces deux découvertes furent soumises à l’examen de l’Académie des sciences, et MM. de Condorcet et de Milly, commissaires nommés pour les examiner, insérèrent dans leur Rapport du 15 juin 1782, sur la première découverte, que le moyen présenté leur avait paru praticable, ingénieux et nouveau; «qu’il

» n’avait aucune analogie avec les moyens connus, et qu’on

» pouvait donner, par ce moyen, un signal à trente lieues en

» quelques secondes, sans stations intermédiaires; que l’appareil

» ne serait ni cher, ni incommode; qu’ils avaient mis au bas du

» Mémoire de dom Gantey les raisons de leur opinion sur la possibilité

» de ce moyen dont l’auteur voulait garder le secret.» Ce secret a été, en effet, enfermé sous un cachet, sous lequel il repose sans doute encore dans les archives de l’Académie des Sciences.

Les mêmes commissaires furent nommés pour faire un Rapport sur le second moyen; mais Gantey les pria d’en suspendre l’examen jusqu’à ce qu’il se fût procuré l’argent nécessaire pour faire des expériences en leur présence, Il ouvrit une souscription, qui fut insuffisante pour subvenir aux frais que devait occasionner l’épreuve qu’il voulait faire, et le Rapport ne fut pas présenté.

M. Biot s’est occupé de quelques-unes des recherches que dom Gantey se proposait de faire. Il a lu à l’Académie des sciences un Mémoire, qui contient le récit de plusieurs belles expériences sur la propagation du son à travers les corps solides et à travers l’air dans des tuyaux très allongés. Il y fait connaître que la propagation du son est plus rapide à travers les corps opaques qu’à travers l’air, et il apprécie la différence de cette vitesse avec une sagacité et une précision qui prouvent combien nos modernes physiciens mettent de soin et d’exactitude dans leurs observations.

Le son peut rendre de très grands services à la télégraphie. C’est un fait bien connu des agents du télégraphe, que le bruit de la clef Morse ou de l’appareil de réception permet la lecture des dépêches en cours de transmission par l’effet seul de l’audition. Il y a même là un moyen de contrôle et de surveillance pour les chefs des bureaux télégraphiques qui ne le négligent pas. M. Neale, électricien de la Compagnie des chemins de fer du North Staffordshire, perfectionnant les appareils américains, qui tous permettent la lecture au son, a récemment inventé un appareil télégraphique, à l’usage des chemins de fer, dans lequel l’audition de la dépêche se trouve ainsi substituée à la lecture. Il s’est naturellement préoccupé de renforcer et de rendre plus net le son produit. A cet effet, il a transmis le mouvement à une lame de fer qui vient frapper d’un côté une pointe métallique, et de l’autre côté un pivot en bois, donnant lieu ainsi à deux sons distincts. Le tout est renfermé dans une caisse qui renforce le son. Un employé, placé en un point quelconque du bureau où se trouve l’appareil, écrit la dépêche à mesure qu’il l’entend, et cela sans même lever les yeux sur l’instrument. Le signal d’appel peut être entendu de l’extérieur du bureau, les portes étant fermées, ce qui dispense de l’emploi d’une sonnerie d’appel et présente des avantages marqués pour les petites stations.

Tous les moyens imaginés par les hommes pour correspondre au moyen de la transmission du son n’ont pas été mis en pratique. Il existe un petit appareil, le Téléphone à ficelle, que le physicien Robert Hooke paraît avoir imaginé dès 1667.

Il dit à ce propos: «En employant un fil tendu, j’ai pu

» transmettre instantanément le son à une grande distance et

» avec une vitesse aussi rapide que celle de la lumière, du

» moins incomparablement plus grande que celle du son dans

» l’air. Cette transmission peut être effectuée non-seulement

» avec le fil tendu en ligne droite, mais encore quand ce fil

» présente plusieurs coudes.»

Cet appareil simple pouvait rendre de grands services à l’humanité, depuis l’époque de son invention; il n’a servi que de jouet aux enfants et de moyen de correspondance aux amoureux, et encore n’est-ce que tout récemment qu’on l’a mis en usage en Europe. Il parait toutefois avoir été utilisé même par des peuples sans grande civilisation, et on en retrouve la trace parmi les sauvages de l’Amérique et dans l’extrême Orient.

Nous en avons vu faire, dans les Pyrénées, une application qui mérite d’être rapportée. Deux chasseurs à l’isard, éloignés l’un de l’autre par une élévation à pic, étaient à l’affût et communiquaient entre eux au moyen d’un téléphone à ficelle, dont le fil conducteur avait environ 120 mètres. Le guetteur placé en bas pouvait aisément surveiller les isards sans éveiller leur défiance, et communiquait leurs mouvements à son correspondant jusqu’à ce qu’il pût lui indiquer le moment où sa proie serait à sa portée. Il paraîtrait que ces montagnards se servaient du téléphone à ficelle depuis le jour où, l’ayant vu en opération à Tarbes, l’idée leur était venue de l’appliquer à leur chasse.

Le téléphone à ficelle a-t-il donné l’idée du téléphone électro-magnétique? cela est incertain, et ce n’est qu’en 1854 que M. Bourseul pensa que la parole pourrait être transmise électriquement. Mais avant d’aborder le téléphone, il nous revient que, depuis longtemps, les employés du télégraphe chargés de la construction et de la réparation des lignes, peuvent correspondre entre eux, à distance, au moyen des poteaux plantés sur la voie. En frappant, un de ces poteaux avec une pierre et en espaçant les coups de façon à reproduire les signaux du Morse, il nous a été souvent permis de transmettre des ordres à des distances de plusieurs kilomètres.

C’est un fait bien connu des surveillants du télégraphe; et les poteaux étant fréquemment accessibles à nos lecteurs, ils pourront aisément se procurer ce moyen de correspondre. Les vibrations sonores se propagent à la vitesse d’environ 5127 mètres par seconde dans le fil de fer qui sert à la construction des lignes télégraphiques, tandis qu’elles se traînent misérablement à une vitesse de 333 mètres par seconde dans l’air.

Les tuyaux acoustiques, tels qu’on les emploie dans presque tous les grands établissements, sont à proprement parler des. téléphones. On les construit généralement en métal, et, lorsque les distances ne sont pas très grandes, la voix se porte d’une extrémité à l’autre avec toutes ses inflexions et ses nuances. On peut toujours distinguer et reconnaître la voix des personnes qu’on a déjà fréquemment entendues.

Le diamètre des tuyaux est ordinairement de 3 centimètres pour les longueurs moyennes; mais à mesure que la longueur augmente ou que les coudes se multiplient, la voix s’entend moins bien. De plus, par les tassements continuels des maisons, les tubes subissent des déplacements, des disjonctions, et souvent, au bout d’un certain temps, ils ne laissent plus rien entendre.

En augmentant le diamètre des tubes avec la longueur, on rend la communication possible à grande distance, mais il y a dès lors une question de dépense à considérer.

M. Casanova a établi, pendant le siège de Paris, un tuyau acoustique de 600 mètres entre l’avancée de Billancourt et la porte de Versailles (fortifications de Paris). C’était un tuyau de laiton enterré dans le sol; les ordres se transmettaient sur le ton ordinaire de la conversation, tout à fait comme si les deux correspondants avaient été en présence l’un de l’autre. Nous ne savons malheureusement pas quel était le diamètre de ce tube .

En général, un porte-voix ne peut être entendu que par un seul auditeur qui applique son oreille au cornet par lequel se termine le tube acoustique.

M. Niaudet, dans son ouvrage intitulé : Téléphones et Phonographes, auquel nous faisons de nombreux emprunts, rapporte avoir vu, dans son enfance, de grands entonnoirs de 30 centimètres à leur grand diamètre, servant d’embouchures à des porte-voix établis chez M. Bréguet; ces entonnoirs étaient attachés au plafond d’une pièce, dans toute laquelle on pouvait entendre les sons amenés par le tuyau. Quand on voulait répondre, on n’avait qu’à se tourner dans la direction de cette embouchure et à parler plus ou moins haut suivant les cas. Dans la journée, les bruits extérieurs rendaient cet appareil quelque peu confus; mais, dans le silence de la nuit, le moindre bruit fait dans la pièce en question était reçu à l’autre bout du porte-voix; celui des pages d’un livre tournées, celui de la plume grinçant sur le papier, étaient entendus.

On voit par là qu’il faut se défier des porte-voix, car ils permettent souvent à une personne indiscrète d’entendre ce qui se dit dans une pièce où ils aboutissent.

Les porte-voix sont toujours accompagnés d’un sifflet avertisseur qui permet d’appeler le correspondant. Presque toutes les combinaisons télégraphiques doivent être complétées par un système d’appel préalable. Les télégraphes optiques seuls n’ont pas ce moyen d’avertissement préliminaire, et demandent par conséquent une attention soutenue sur le point d’où partent les signaux.

Les téléphones électriques ont été décrits magistralement par M. le comte Dumoncel, dans son ouvrage intitulé : le Téléphone , et par M. Alfred Niaudet dans son livre: Téléphones et Phonographes. Nous ne voulons pas récapituler ici ces ouvrages; il nous suffira d’exposer le principe des appareils téléphoniques, et de décrire les systèmes pratiques employés dès à présent par les compagnies des téléphones, à New-York, Londres et Paris.

Comme historique, c’est en 1844 que Page découvrit qu’un son musical accompagne toujours le changement des forces magnétiques, dans une barre d’acier balancée ou suspendue de manière à pouvoir rendre des vibrations acoustiques.

En 1861, M. Phil. Reis de Friedrichsdorf, près de Hombourg, découvrit qu’un diaphragme vibrant peut être mis en mouvement par la voix humaine de manière à transmettre à distance, par un électro-aimant, le rythme et la hauteur des sons vocaux.

En 1874, Elisha Gray inventa une méthode de transmission électrique au moyen de laquelle l’intensité des sons, aussi bien que leur hauteur et leur rythme, pouvaient être reproduits à distance. Il conçut plus tard l’idée de contrôler la formation des ondes électriques au moyen des vibrations d’un diaphragme susceptible de se prêter à toutes les modifications de la voix humaine. Il résolut ainsi le problème de la transmission et de la reproduction de la parole articulée par un conducteur électrique.

En 1876, le professeur A.-G. Bell inventa la forme du téléphone si connu, dans lequel la transmission et la reproduction de la voix articulée se forment au moyen de courants magnéto-électriques superposés. Dans la même année, Dolbear conçut l’idée de substituer des aimants permanents aux électro-aimants et aux piles précédemment employés, et d’utiliser le même appareil pour la transmission et l’audition des sons au lieu de deux instruments de construction différente.

En 1877, Edison appliqua au téléphone la découverte qu’il avait faite, quelques années avant, de la variation de résistance qu’éprouvent le charbon et autres conducteurs inférieurs lorsqu’on les soumet à un changement de pression. Par ce moyen, il put non seulement varier la force du courant de pile en unisson avec l’élévation ou l’abaissement des émissions vocales, mais aussi obtenir une articulation plus distincte et plus élevée.

Depuis, MM. Gower, Pollard, Hughes, A. Bréguet, Crossley, Paul Lacour, Preece, Blake, et tant d’autres, ont contribué au développement de cette invention que sir William Thomson n’a pas hésité à appeler la merveille des merveilles.

Dans ce petit instrument, à peine plus gros que le cornet d’un porte-voix ordinaire, l’interlocuteur parle à son correspondant en faisant vibrer une plaque de fer solide. Cette voix opérant sur l’électro-aimant engendre un courant d’électricité qui, parcourant la ligne jusqu’à la station correspondante, excite le magnétisme d’un aimant fixé dans le circuit, et met en vibration une plaque de fer semblable à celle contre laquelle on parle. Cette plaque parle à celui qui écoute, elle parle si nettement que si trois personnes parlent ou chantent ensemble à un bout, chacune de leurs voix peut être distinguée à l’autre extrémité, et l’on peut les entendre comme si elles étaient présentes. N’est-ce pas là le couronnement de l’édifice? et n’est-on pas forcé d’admirer le génie des inventeurs qui nous permet de parler ainsi à un ami, malgré des distances considérables, et d’entendre le son d’une voix familière ou les accents aimés d’une personne avec laquelle nous pouvons désormais nous entretenir en dépit de l’éloignement?

Et pourtant que ne devons-nous pas attendre encore du télégraphe et des applications de la physique, et surtout de l’électricité, ce merveilleux agent dont la nature entière est imprégnée? Si, au lieu de plaisanter Charles Bourseul, en 1854, alors qu’il démontrait la possibilité d’un moyen de correspondance aujourd’hui réalisé, on eût encouragé ce jeune inventeur, dont l’idée fût appliquée par Rcis cinq ans à peine plus tard, nous devrions sans doute à un Français l’invention du téléphone. L’avenir nous apportera bien d’autres surprises auxquelles nous sommes d’ailleurs préparés. Déjà l’électro-motographe ou motophone d’Edison, mettant en jeu une force supplémentaire au moyen d’artifices convenables, amplifie le son de la voix humaine et augmente son intensité de manière à la rendre perceptible à toute une audience.

Les compagnies de téléphones n’en sont encore qu’à leur période d’installation en France, et les progrès qu’elles apportent ne pénètrent que lentement et difficilement dans la masse du public qui ne voit pas toujours clairement son intérêt. Le monopole des gouvernements européens tend à disparaître, et il ne faudra pas le regretter, car il a été souvent un obstacle au développement des grandes inventions, et il a opprimé les inventeurs. Le développement considérable des inventions télégraphiques en Amérique et en Angleterre est dû entièrement à l’absence de ce monopole, et si l’Angleterre a fait récemment la faute d’annexer le réseau intérieur et le service des télégraphes à celui des postes, en rachetant les grandes compagnies du Royaume-Uni, elle n’a pu songer à retirer des mains des compagnies privées l’immense réseau du télégraphe sous-marin qui reste, à l’éternel honneur de l’Angleterre, le type accompli de ce que peut créer l’industrie humaine quand on ne lui met pas d’entraves.

Deux compagnies recherchent en ce moment les faveurs du public français pour les correspondances téléphoniques dans les grands centres.

La première de ces compagnies a englobé avec le téléphone Gower le transmetteur microphonique de Blake qui, avec le téléphone Bell, devait au début servir de base à une troisième entreprise.

Les deux compagnies qui subsistent ont commencé leur service et poursuivent rapidement l’achèvement de leur réseau . La compagnie générale des téléphones a, la première, livré des communications à ses abonnés au moyen du téléphone Gower, et c’est par elle que nous allons entamer la revue de ce genre d’établissements électriques.

Le téléphone Gower ne présente, en fait, rien de nouveau comme principe, mais les conditions de l’instrument ont été si bien étudiées que ce système a pu permettre à un téléphone Bell, sans pile, de parler assez haut pour se faire entendre dans toute une salle; et, de plus, il renferme lui-même son avertisseur. Ces résultats avantageux sont dûs à ce que M. Gower s’est affranchi un peu des premières idées théoriques que l’on a émises sur le téléphone, et qui ont paralysé ses progrès pendant quelque temps. En effet, au lieu d’étouffer les vibrations fondamentales de la plaque vibrante d’un téléphone Bell, comme on avait cherché à le faire jusque-là, M. Gower s’est efforcé, au contraire, de les augmenter en fixant assez solidement cette lame vibrante sur le couvercle de l’embouchure, pour qu’étant frappée elle puisse émettre un son. Il a rendu cette lame plus épaisse, et a renfermé le tout dans une boîte cylindrique, sonore, en métal. Il a donné également à l’aimant une forme particulière dans laquelle les deux pôles se trouvent placés l’un vis à vis de l’autre, et à très petite distance, comme dans le système d’électro-aimants de Faraday.

Cet aimant a été construit avec beaucoup de soins, et possède une force assez considérable pour porter cinq kilogrammes. Il est disposé au fond de la boîte cylindrique, et ses pôles, terminés par des noyaux de fer oblongs entourés d’hélices de fil très fin, se trouvent placés au centre du diaphragme.

On verra dans la figure 8 la disposition de cet aimant, dont les pôles nord-sud contiennent les bobines. La figure M représente le diaphragme.

L’avertisseur est constitué, du moins pour le poste de transmission, par une ouverture pratiquée dans le diaphragme, et derrière laquelle se trouve fixée une anche d’harmonium. Pour le faire fonctionner, on adapte à l’embouchure de l’appareil un tube acoustique: quand on souffle dans ce tube, l’anche est mise en vibration, et cette vibration, étant communiquée directement au diaphragme du téléphone, lui fait produire des courants induits, assez énergiques pour fournir sur l’appareil récepteur un son relativement fort qui ressemble assez à l’appel des cors des tramways. Pour obtenir la transmission de la parole, il suffit de parler devant l’embouchure du cornet acoustique, comme on le fait dans les systèmes ordinaires.

La figure 8 représente cette disposition, et la figure T montre l’ouverture de l’anche s’adaptant sur le diaphragme, ainsi que l’anche elle-même L. Cette figure s’adapte sur le système du diaphragme M, comme il est indiqué en A.

L’appareil peut, du reste, être combiné de manière à reproduire la parole à haute voix, ou simplement à voix basse, comme dans les systèmes ordinaires. Quand il doit reproduire la parole à haute voix, l’embouchure de l’appareil récepteur doit être munie d’un porte-voix, comme dans le phonographe d’Edison, et il faut parler dans le transmetteur en appliquant la bouche contre l’embouchure du tuyau acoustique; naturellement la parole doit être alors exprimée sur un ton très élevé.

Quand l’appareil doit servir de téléphone ordinaire, on substitue au porte-voix du récepteur un tuyau acoustique que l’on place contre l’oreille; alors les paroles prononcées à voix très basse dans le transmetteur sont entendues avec une grande amplification; on peut même, si l’appareil transmetteur est muni du porte-voix dont il a été question, entendre les paroles prononcées à voix ordinaire à plus de douze mètres de l’appareil transmetteur. Ces effets sont réellement très intéressants, et on peut arriver à ce résultat incroyable d’échanger une conversation sans se déranger de son fauteuil, l’appareil étant placé à plusieurs mètres. Dans ce cas, par exemple, il faut que le correspondant parle et écoute dans le tube acoustique adapté à l’appareil (fig. 7).

Fig. 7. — Communication téléphonique.


La compagnie générale des téléphones n’a en rien modifié cet appareil pour l’exploitation publique. Chaque abonné possède naturellement un téléphone installé dans une pièce choisie, où il se trouve constamment quelqu’un, ou du moins à une place pas trop éloignée de l’endroit où l’on se tient, afin que l’appareil soit toujours entendu. Je dirai tout à l’heure comment, dans les cas difficiles, dans les endroits bruyants ou peu fréquentés, on a résolu la difficulté.

Fig. 8


A Paris, où le réseau est établi , l’abonné est relié par un fil conducteur isolé au poste central qui se trouve 66, rue Neuve-des-Petits-Champs. Le réseau est en partie aérien (provisoirement), l’autre partie est souterraine et passe dans les égouts. L’installation est faite par les soins des agents de l’État. Cette opération s’est trouvée très retardée par les conditions climatériques de l’affreux hiver que nous venons de subir.

Le choix des fils est une question très importante; on sait, en effet, que deux lignes placées l’une à côté de l’autre sans précaution s’influencent mutuellement, de façon que l’on entend dans la seconde les mots qui passent sur la première, inconvénient extrêmement grave. Les enveloppes de plomb et autres procédés jusqu’ici employés ne suffisent point à surmonter l’obstacle. M. Gower y est, paraît-il, arrivé par un mode d’isolation particulier, qui semble devoir être solide et peu coûteux. Par mesure d’ordre, les fils sont tous de couleur différente dans des câbles différents eux-mêmes, en sorte que, si un accident survient à une communication, on peut sur tout son parcours retrouver, par exemple, le fil bleu du câble noir et rouge.

Arrivés au poste central, les faisceaux s’épanouissent, les câbles se déroulent, les fils se distribuent chacun à leur place, et c’est ici que les difficultés commencent.

Pour nous en rendre compte, supposons le système en action. Afin de simplifier, chaque abonné est désigné par un numéro d’ordre; c’est, si vous voulez, le numéro 5 qui désire parler. Il prend son téléphone et souffle afin de faire résonner le signal; il faut qu’au poste central on l’entende.

La première idée est de munir le fil de chaque abonné au poste central d’un signal téléphonique; l’un d’eux souffle, l’employé du poste l’entend et lui répond. On l’entend, c’est fort bien; mais cela ne suffit pas, il faut le reconnaître. Supposons l’employé à son bureau, au milieu de trente, cent téléphones: l’un d’eux parle, lequel est-ce? Il faudrait supposer que chacun donne une note spéciale, et que l’employé a l’oreille assez fine pour le reconnaître au son. On ne peut exiger une pareille sagacité musicale. De plus, si l’employé n’a pas bien entendu, s’il s’est trompé, le signal fini, il n’y a plus de trace; il faut qu’il attende qu’on le renouvelle, n’ayant aucun indice permettant de reconnaître le numéro qui vient d’appeler. Il faut évidemment que, lorsque l’abonné numéro 5 appelle, il produise au bureau central un signal visible et durable qui dise clairement et constamment: «Le numéro 5 attend.»

Avec la pile, cela est simple, et nous verrons, en parlant du téléphone Édison, comment on opère; mais le téléphone Gower n’en a point et n’en veut point avoir, il doit garder sa simplicité. C’est qu’en effet, si l’emploi de la pile a des avantages, il a de gros inconvénients. Une pile renforce le son transmis; elle simplifie les signaux, dit-on. Cela est vrai; mais, d’autre part, la pile est coûteuse; on a beau la choisir durable, elle ne peut l’être que si le courant est suspendu à propos. Que l’abonné oublie de tourner son commutateur, sa pile est usée en une nuit; le lendemain, silence inexpliqué, recherches, etc. Quand on peut s’en passer, cela vaut mieux à bien des égards. Mais la difficulté qui nous occupe devient alors sérieuse. C’est à M. Ader que l’on en doit la solution, et c’est par un signe visible que l’appel des corpondants se manifeste.

Un signe visible, c’est le déplacement d’une pièce, la chute de quelque chose, un changement de couleur. En tout cas, c’est un mouvement, c’est ce qu’il fallait obtenir du téléphone. Or, en fait de mouvement, celui-ci ne peut fournir que des vibrations, il fallait les transformer. La figure 9 fera voir comment on y arrive. A est l’aimant d’un téléphone, et le fil qui vient de l’abonné s’enroule sur ses bobines BB. La plaque vibrante du téléphone est réduite à la petite languette R fixée contre S. Le disque blanc, qui porte le mot Répondez, est le signal. Dans sa position figurée, il est caché ; mais son poids tend à le faire tomber, et s’il tombe, il apparaîtra par une fenêtre percée dans le couvercle de la boite, qui a été enlevé sur la figure pour laisser voir le mécanisme.

Dans l’état figuré, il ne peut pas tomber; en effet, il est attaché en haut à un levier L, et celui-ci est muni d’un petit crochet pendant C engagé dans un trou carré 0 percé dans la languette R (voir la coupe figurée à droite). Il importe de remarquer la forme de ce petit crochet. En regardant l’extrémité où se trouve la lettre C, on verra qu’elle a la figure d’un petit triangle formant une sorte de plan incliné tiré en haut par le poids du disque, et tendant constamment à se dégager pour peu que la languette R s’éloigne. Naturellement, le signal porte le numéro de l’abonné dont il reçoit le fil. Si c’est notre abonné numéro 5, resté depuis si longtemps dans l’attente, il peut appeler maintenant, tout est prêt. Il souffle, en effet, dans son signal. Qu’arrive-t-il? Par suite des courants électriques relativement énergiques qui passent dans les bobines B, la languette R entre en vibration; à chacune de ses pulsations elle quitte le crochet C, et celui-ci en profite pour remonter un peu. Au bout de quelques vibrations il est complètement libre, le disque Répondez, qui n’est plus retenu, tombe, et, paraissant devant la fenêtre, fait voir que l’abonné numéro 5 vient d’appeler et attend.

Fig. 9.


Cela n’est-il pas remarquablement ingénieux? Et, notez ceci, le disque ne se montre que si l’on fait marcher le cornet; il ne tombe pas si l’on parle, les vibrations produites par la parole sont insuffisantes. Il met ainsi en lumière la différence des vibrations plus spécialement moléculaires qui proviennent de la parole articulée, avec les vibrations plus sensibles qui naissent du son musical.

Au reste, la forme définitive de l’appareil n’est pas tout à fait celle qu’indique la figure. Ainsi fait, il est tellement sensible qu’un choc suffirait à le déclancher .

Le crochet C, au lieu de la disposition indiquée ci-dessus, et qui est reproduite dans la figure de gauche du diagramme ci-contre (fig. 10), présente en réalité la disposition indiquée par la figure de droite du même diagramme. Il faut, pour qu’il se dégage, que les vibrations de la plaque R, qui est inclinée, le chassent en quelque sorte, ce qui a parfaitement lieu. De plus, entre autres modifications, l’aimant n’a qu’une bobine, l’autre bout, au lieu de bobine, porte la plaque R elle-même, dont les vibrations sont ainsi amplifiées. Tel qu’il est, l’appareil fonctionne très bien. Il est un peu délicat, peut-être, mais on ne pouvait sans doute rien chercher de bien robuste, étant donnée la faible amplitude des mouvements qu’il s’agissait d’utiliser. On lui a ajouté comme accessoire une sonnette électrique qui peut lui être facultativement adjointe, en sorte que si l’employé est obligé de quitter son bureau, il met ses signaux en circuit local avec la sonnerie, et si l’un des disques tombe il la fait partir, et, bien que hors de vue, l’agent est prévenu qu’on a appelé et vient voir qui demande la communication. Dans la pratique, on réunit ces signaux par six dans une boîte dont l’ensemble présente la forme de la figure 11.

Ainsi, grâce au joli appareil de M. Ader, l’abonné numéro 5 n’attendra pas indéfiniment, l’oreille à son téléphone. Un employé s’occupera sans délai de lui répondre. Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. Ce n’est pas avec l’employé que le numéro 5 veut s’entretenir, c’est avec un abonné de sa connaissance, qui porte le numéro 9. Il faut prévenir ce correspondant, et enfin les mettre en relation. Cette opération, si facile à énoncer, ne l’est pas tant à réaliser. Les difficultés augmentent en même temps que le nombre des abonnés s’accroît. Voici comment ces difficultés disparaissent dans le système de la Compagnie générale des téléphones.

Fig. 10.


Fig. 11.


On commence par diviser les abonnés en groupes de trente au plus. Dans chaque groupe sont réunies les personnes qui ont entre elles les plus fréquentes relations. Un employé est spécialement attaché à chaque groupe. C’est évidemment une disposition rassurante, bien qu’elle puisse paraître dispendieuse. Les systèmes américains ont des switch-men qui desservent de nombreuses lignes, ce qui est sans doute plus économique, mais par contre offre moins de garanties.

L’employé chargé d’un groupe a devant lui un système de commutateur suisse semblable à celui qui est figuré ci-dessous. La figure 12 suppose qu’il n’y a que dix correspondants rattachés au système. En réalité, il y en a de vingt à trente. La partie supérieure au commutateur est une boite renfermant autant de signaux du système Ader qu’il y a de lignes et portant leurs numéros; les cercles sont les petites fenêtres où le disque d’appel se montre. Au-dessus est la sonnerie électrique, qui peut être rattachée au déclanchement et établir le court circuit d’un pile locale. Le commutateur I établit cette communication quand cela est utile. Mais notre employé est présent; il a vu le signal fait par l’abonné numéro 5. Il se sert alors de la partie inférieure du système, le commutateur suisse. Comme on le voit, chaque abonné y est représenté par une bande de métal portant son numéro. Derrière la tablette de bois qui porte en dessus ces bandes verticales, d’autres bandes horizontales, figurées légèrement, croisent les premières sans les toucher; mais il suffira d’enfoncer une cheville métallique dans un des trous de la bande de dessus pour la relier à la bande de dessous. Chaque bande a sa cheville. Pour le moment, elles sont toutes au bas du tableau sur la ligne marquée terre. L’employé détache la cheville du numéro 5, et, l’élevant d’un rang, il l’enfonce dans la bande 5 sur la ligne horizontale marquée tél., ou téléphone. Il est alors en communication avec l’abonné numéro 5, et, prenant lui-même son instrument, figuré à droite, il demande: «Vous avez appelé, Monsieur? A quel numéro désirez-vous parler? — Au numéro 9, répond l’abonné. — Bien, Monsieur, je vais le prévenir.» L’employé, ayant effacé le signal du numéro 5, déplace maintenant la cheville de la bande 9 et la porte de la terre à la bande tel., comme il avait fait pour le numéro 5. Il est alors en communication avec le second abonné, et, faisant retentir son signal, il l’appelle.

Fig. 12.


Si cet abonné n’est pas trop loin de son téléphone, cet appel suffira; sinon, s’il se fait beaucoup de bruit chez lui, il conviendra d’y établir un signal Ader, muni, s’il le faut, d’une sonnerie. Dans presque tous les cas, un signal téléphonique est suffisant. Par l’un ou l’autre moyen, l’abonné numéro 9 est prévenu, il répond: «Qui m’appelle? — Monsieur, dit l’employé, le numéro 5 vous demande; je vous mets en communication avec lui.» Puis, revenant au numéro 5: «Monsieur, dit-il, le numéro 9 a répondu: vous êtes en communication.» Prenant alors les deux chevilles des numéros 5 et 9, il les enfonce chacune sur sa ligne verticale dans une même ligne horizontale, la première, par exemple. A partir de ce moment, 5 et 9 communiquent ensemble, et le bureau central ne communique plus avec eux. Remarquez que les signaux des numéros 5 et 9 sont effacés au tableau d’appel, et que, la parole ne suffisant pas à les mettre en mouvement, ils resteront ainsi tant qu’on ne fera que parler. Lorsque les uuméros 5 et 9 ont terminé, ils soufflent tous les deux. Leurs deux signaux apparaissent, ce qui montre à l’employé qu’ils n’ont plus besoin de leurs lignes; celui - ci ôte les chevilles, les remet à la ligne Terre, et l’opération est terminée.

On conçoit pourquoi le commutateur, à travers toutes ses lignes verticales, a reçu plusieurs lignes horizontales. Supposons, en effet, que pendant la conversation de 5 et 9, 3 et 7 veuillent aussi parler entre eux. Les chevilles de 5 et 9 sont sur la première ligne horizontale; si l’on y mettait aussi celles de 3 et 7, les quatre téléphones seraient réunis, ce qui amènerait la plus complète confusion. Mais en plaçant 3 et 7 sur une autre ligne, la seconde, par exemple, l’inconvénient disparaît. Aucune erreur n’est possible, toute ligne qui porte une cheville est occupée.

Toute cette description suppose que les correspondants sont dans le même groupe. S’ils n’y sont pas, l’opération, un peu plus compliquée, sera pourtant analogue. Reprenons. L’abonné 5 appelle et dit qu’il désire parler au numéro 83. L’employé ne l’a pas dans son groupe A qui ne va que jusqu’à 30; le second groupe B s’arrête à 60. C’est donc le groupe C qui contient le numéro demandé. L’employé du premier groupe répond qu’il va faire appeler le numéro 83; puis il choisit parmi les lignes horizontales de son commutateur placées vers le bas (elles ne sont pas figurées au dessin, mais elle seraient entre la ligne D et la ligne tel.) une ligne qui soit libre, par exemple la ligne horizontale 6, et il y place la cheville. Il prend alors une fiche, y inscrit ceci: «L’abonné 5, groupe A, ligne 6, demande abonné 83, groupe C», et l’envoie à l’employé du groupe C. Celui-ci appelle l’abonné 83, et, après sa réponse, place aussi sa cheville sur la ligne 6; puis il envoie la fiche à un troisième employé, chargé d’un commutateur spécial appelé grand commutateur. Celui - ci fait pour les groupes ce que les autres font pour les lignes. Au reçu de la fiche, il met en communication les groupes A et C, par la ligne 6, et les deux abonnés peuvent causer; quand ils ont fini, ils en donnent le signal, et on enlève toutes les fiches pour les remettre à la ligne terre.

Voilà sans doute un ensemble d’appareils et de dispositions qui offre toutes garanties. L’expérience seule peut nous apprendre s’il répondra à ce qu’on en attend.

On trouvera ci-contre, figure 13, une vue d’ensemble du bureau central qui contient ces appareils. On voit les petites cases où se trouvent les employés chargés de chaque groupe et les mécanismes qui lui appartiennent. Vers le fond est le grand commutateur.

Il y a en ce moment à Paris cinquante lignes en exercice, et la Compagnie générale des téléphones est en instance pour établir des lignes dans d’autres grands centres.

Alors qu’en France le service des communications téléphoniques se limite à Paris, en ce moment on compte actuellement dans le nouveau monde quatre-vingt-cinq villes qui se servent de ces installations. A Chicago, il y a 3000 abonnés, 600 à Philadelphie, autant à Cincinnati, un nombre sans cesse croissant à New-York, et le chiffre des personnes abonnées aux compagnies téléphoniques en Amérique dépasse 70 000.

Voici comment fonctionne le service du téléphone à New-York .

Si nous pénétrons dans la grande salle du Merchant’s Telephone Exchange, établi 198, Broadway, nous verrons une série de switchmen (fig. 14) occupés à établir les communications entre les abonnés. Là, c’est un switchman correspondant avec un des abonnés qui a appelé (fig. 15); plus loin, c’est un autre employé occupé à relever le signal d’avertissement (fig 17). Dans la ville, chez l’abonné, est le téléphone de bureau, tel qu’on l’installe dans un grand nombre de maisons (fig. 16); ce modèle est commode pour les affaires, car il permet de parler dans l’embouchure placée à gauche, d’écouter avec le téléphone, qu’on décroche pour l’appliquer à son oreille, et en même temps de prendre des notes sur le pupitre avec la main restée libre.

Fig 13.


Fig. 15.


Avant de suivre la série des opérations qui constituent un appel complet, examinons le système de téléphones employés dans le bureau de Broadway. Ce système appartient à la classe des téléphones à pile, ce qui permet d’utiliser ces piles pour faire les appels chez les abonnés, à l’aide de sonneries ordinaires, sonneries représentées sur le pupitre du téléphone de bureau (fig. 16).

Fig. 16.


Fig. 14.


Le transmetteur est le téléphone à charbon d’Edison, fondé sur les variations de résistance électrique produites par les variations de pression qu’exerce la plaque, lorsqu’on parle devant l’embouchure. Il eu résulte des variations d’intensité du courant, suivant les inflexions de la voix dont les mouvements vibratoires sur la membrane traduisent fidèlement l’élévation ou l’abaissement du son. Le circuit est formé par la pile (deux éléments au bichromate de potasse), le transmetteur et une petite bobine de Ruhmkorff sans trembleur. Il constitue le courant primaire de la bobine. La ligne et le récepteur de l’autre poste sont reliés au fil secondaire de la bobine, fil dont l’autre extrémité est reliée au récepteur du poste et à la terre. Il en résulte que les courants de ligne sont les courants induits par les variations d’intensité du courant qui traverse le fil primaire de la bobine. Cette disposition a pour effet de transformer en courants de tension les courants ondulatoires du transmetteur, de les rendre moins sensibles aux variations de résistance de la ligne, de faciliter les montages et de supprimer une partie des commutateurs, dont le maniement pourrait causer des erreurs.

Le récepteur est un téléphone Phelps, analogue au téléphone Bell, mais dont l’aimant est retourné en forme d’anneau; ce qui rend son maniement très facile.

Dans la position de repos, ou d’attente, le téléphone est pendu à son crochet, et, par ce fait seul, il fait basculer une pièce formant commutateur, qui supprime toute la partie téléphonique du circuit pour n’y intercaler que la sonnerie. On est donc prêt pour un appel.

En prenant le téléphone à la main, la pièce, en basculant de nouveau, remet automatiquement toutes les communications sur téléphone.

Les téléphones des employés du poste central, parleur et récepteur, sont analogues à ceux des abonnés; mais, pour faciliter le maniement de ces appareils, le parleur et le récepteur sont montés snr une même tige un peu recourbée qui sert de poignée, comme cela est représenté dans la figure 15 (page 57), et forme en même temps l’aimant du récepteur.

Nous allons pouvoir suivre maintenant toute la série des opérations. Supposons que l’abonné 411, que nous nommerons Édouard, veuille correspondre avec l’abonné 131, que nous appellerons Léon: Édouard, commence par appuyer plusieurs fois sur un petit bouton placé sur le côté droit du pupitre.

Comme le téléphone est suspendu, il en résulte que, dans cette position, le courant de la pile d’Édouard traverse la ligne et un petit électro-aimant placé au poste central; l’électro-aimant, devenant actif, a pour effet de détacher, par déclanchement, un petit guichet (fig. 17), qui tombe avec un petit bruit sec suffisant pour appeler l’attention de l’employé, et fait apparaître le numéro 411. L’employé ainsi prévenu se met alors en communication avec Édouard. La conversation s’engage alors, en commençant par ce cri bizarre, mais, parait-il, très commode: Hallo! hallo!

Édouard demande à l’employé de le mettre en correspondance avec le numéro 131. Si ce numéro est libre en ce moment, l’employé appuie sur un bouton, après avoir relié le fil du 131 à -ce bouton. La sonnerie de Léon fonctionne, et, lorsque Léon l’entend, il appuie à son tour sur son bouton de sonnerie; ce qui a pour effet de faire tomber le guichet correspondant à son numéro. En mettant alors un fil de communication directe entre les deux barres horizontales qui correspondent aux fils de ligne d’Édouard et de Léon, la communication directe entre ces deux correspondants est établie. Si, à ce moment, on oblige l’employé à retirer son téléphone, la communication entre Édouard et Léon devient secrète. Si, pendant que Léon et Édouard sont en conversation, le numéro 42, que nous nommerons Jules, veut correspondre avec Léon, par exemple, l’employé peut se mêler à la conversation des deux interlocuteurs, comme le ferait un domestique venant annoncer un visiteur.

La personne interpellée par l’employé peut donc répondre tout de suite ou faire annoncer à Jules dans combien de temps elle sera à ses ordres. S’il n’y a aucun inconvénient à ce que la conversation se fasse entre Édouard, Léon et Jules, on peut, en avisant l’employé, établir immédiatement une communication simultanée entre ces trois personnes. Cette manœuvre équivaut au Faites entrer de la vie ordinaire.

Les communications téléphoniques, conçues et utilisées comme nous venons de le décrire pour les deux systèmes, peuvent rendre les plus grands services; car elles suppriment les distances et établissent une note de présence réelle entre les interlocuteurs, qui peuvent s’entendre comme s’ils étaient réunis dans la même pièce, bien que séparés souvent par des distances considérables.

Fig. 17.


Signalons encore quelques dispositions de détail fort ingénieuses. Lorsque la conversation entre Édouard et Léon est terminée, ils accrochent chacun leur téléphone et appuient sur leurs boutons. Il en résulte que le numéro de chacun réapparaît au poste central. L’employé sait alors que la conversation est finie entre les deux interlocuteurs. Il relève les guichets, supprime la communication directe entre Léon et Édouard, et tout est prêt pour un nouvel appel.

Dans les postes où il y a 500 à 600 abonnés, on doit disposer les numéros par ordre dans des tableaux renfermant chacun 50 à 100 guichets. On emploie alors des commutateurs spéciaux pour faire communiquer les séries entre elles.

A New-York, le bureau central ne fait pas moins de G 000 communications par jour, et tout se passe à la plus grande satisfaction des clients. Le téléphone est devenu pour ceux-ci aussi indispensable que les omnibus ou les tramways pour nous.

Tous les mois, on distribue aux abonnés la liste des souscripteurs par ordre alphabétique et par professions. Les listes de Philadelphie sont imprimées sous forme de répertoire, et il n’y manque même pas le petit trou à œillet nécessaire pour les suspendre au-dessous du téléphone. A Chicago, la liste forme déjà un petit volume.

L’American district Telegraph Company a beaucoup étendu son service, et voici ce que l’on peut lire sur son dernier livre d’adresses. Nous traduisons littéralement:

AVIS AUX ABONNÉS

Un domestique en livrée sera à votre porte, trois minutes après votre appel, pour distribuer vos notes, invitations, circulaires, porter des petits paquets, etc..... accompagner une dame ou un enfant à un endroit quelconque ou pour aller les reprendre. Il ira chercher vos enfants à l’école; pendant un orage il apportera les ombrelles, les parapluies, etc..... à l’église ou ailleurs lorsque cela sera nécessaire; il ira chercher un médecin, une nourrice, un remède, un ami, une voiture, etc., à toute heure.

N’est-ce pas là l’esprit pratique poussé à ses dernières limites? La réalisation de ce qu’on annonce là n’a rien d’impossible, car les télégraphes de district sont si bien répartis sur la ville entière, qu’on n’est certainement jamais à plus de cinq minutes de distance d’un bureau. La même compagnie a installé aussi un service de surveillance de gardes de nuit, service dont on ne parlera en France que dans vingt ans peut-être. Mais tenons-nous-en pour le moment aux communications téléphoniques qui deviennent chaque jour un besoin plus pressant. Elles entreront rapidement dans nos usages, et tout porte à croire que leur nombre s’accroîtra rapidement.

Les télégraphes

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