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AVERTISSEMENT AU LECTEUR.

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La vie n’est-elle pas utile, si elle est heureuse? dit l’égoïste.–N’est-elle pas assez heureuse, s elle est utile? dit l’homme de bien,

(Mme SWETCHINE.)

Il y a quelques années, un illustre conférencier de Notre-Dame écrivait:

«J’appelle bons livres, non-seulement des «livres directement religieux et pieux par leur «objet, mais tous ceux qui font resplendir le «vrai et triompher le bien.»

Les bons livres sont en même temps de généreux consolateurs, qui empêchent les âmes de trop s’apitoyer sur leurs impressions chagrines; ce sont des amis dévoués, dont les conseils précieux et efficaces, sans nous blesser jamais, nous aident à remplir plus dignement nos destinées.

Celui-ci n’est pas un roman, bien qu’il en ait tout l’air; c’est un simple récit de la vie réelle, où la nature est prise sur le fait. En ce qui concerne le romanesque, d’ailleurs, le vrai l’emporte de beaucoup sur l’invention: le romancier ne veut atteindre que le probable, mais l’historien peint ce qu’il voit; et que de drames dans la vie, que de sujets de romans cachés dans l’ombre!

Sincère ami de la vérité, dont je soutiendrai toujours les droits, je désire exprimer ici ce que beaucoup d’âmes ont pensé, ont senti comme moi, afin d’éclairer les autres et de faire du bien à toutes.

Narrateur sans prévention et sans prétention, je vous présenterai, cher lecteur, quelques types choisis: à vous de les juger suivant l’analogie plus ou moins grande qu’ils auront avec vous-même.

Dans ce siècle de mollesse et d’égoïsme, il m’a semblé utile de mettre sous vos yeux l’exemple d’une belle âme persécutée par la malice humaine et s’élevant au-dessus par son courage, comme un spectacle digne d’étude autant que d’admiration. La vertu de Roseline nous réconcilie avec notre nature, nous entraîne vers les biens solides, nous fait aimer le sacrifice et pratiquer l’abnégation, en un mot, nous rend meilleurs; et n’est-ce pas là le plus désirable de tous les progrès?

Cette jeune fille a existé; je l’ai connue, ainsi que les autres personnages mis en scène, et qui vivent encore. C’est pourquoi je couvrirai tous les noms d’un voile charitable, refusant de livrer à la curiosité ce que j’écris pour l’instruction et l’édification du public.

En retraçant le caractère de la veuve Barnabas, j’ai voulu démasquer l’hypocrisie de ces fausses bonnes femmes dont la médiocrité jalouse et méhante produit dans le monde des effets si déplorables. Jeune fille, ne vous liez pas avec une Barnabas; jeune femme, fermez-lui l’entrée de votre maison, elle y porterait le trouble et la discorde; et vous, mère de famille, vous qui l’avez rencontrée sur le chemin de la vie, que de fois n’avez-vous pas redouté son contact pour tous les êtres qui vous sont chers!

Cependant une objection m’a été faite à propos de Madame Barnabas. «Vous devriez au moins, me disait un homme d’esprit, lui donner quelques qualités physiques, pour justifier la préférence dont elle est l’objet. J’admets avec vous que la figure soit le miroir de l’âme, et qu’il n’y ait de beauté que celle qui reflète la vertu. Toutefois il y en a une autre, qui est à la vraie ce que le ruolz est à l’or. Que Madame Barnabas soit donc ce ruolz, un ruolz bien brillant, auquel se laisse prendre la cécité morale de Lucien. Alors sa coquetterie devient autorisée, et l’on comprend qu’elle l’emporte sur l’ingénuité de sa rivale.»

Ma réponse sera bien simple: j’ai voulu peindre Madame Barnabas d’après nature, et c’est uniquement à son adresse, à ses calomnies qu’elle dut ses succès. Je ne l’ignore point:

Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.

Mais, réservant au romancier l’imagination créatrice, je préfère me borner au modeste rôle de l’historien.

Si ces pages ne vous intéressent pas, si vous ne vous sentez au cœur un peu de compassion pour une jeune fille vertueuse, et beaucoup d’éloignement pour celle qui empoisonna son existence, c’est que j’aurai été l’inhabile interprète de leurs sentiments à toutes les deux.

Un autre enseignement plus grave ressort des réflexions que nous ferons ensemble. C’est que Dieu permet souvent, ici-bas, le triomphe du méchant et l’oppression du juste, pour prouver aux sceptiques la nécessité d’une autre vie, où chacun recevra selon ses œuvres. Alors toutes les fictions trompeuses s’évanouiront, toutes les discordances qui troublent notre harmonie disparaîtront dans un monde supérieur où Dieu, justice et bonté suprêmes, nous dira le dernier mot de toutes choses.

Oui, nous autres chrétiens, nous croyons qu’après la mort toutes les injustices sont réparées, trop tard, sans doute, à notre point de vue, mais non pas trop tard à celui de Dieu: ce qui est encore préférable, dans l’intérêt de nos mérites.

En attendant, je plains les âmes qui n’ont plus, pour subir les épreuves de cette vie, la foi qui sauve, l’espérance qui console et la charité qui guérit.

Quand on les possède, on ne s’étonne nullement des phénomènes moraux dont nous sommes les témoins attristés, et parfois aussi les victimes. Le Christ lui-même, ne l’oublions pas, n’a recueilli pour ses bienfaits que l’ingratitude, pour ses miracles que des blasphèmes, pour sa doctrine que des censures. Et nous, pauvres petites créatures, nous voudrions être invulnérables?

Soyons patients: l’éternité nous dédommagera. Supportons sans rancune les attaques des Barnabas; et un jour Dieu se lèvera, et il fera entendre sa grande voix pour la justifica-– tion de ses serviteurs, qui seront glorifiés hautement et solennellement réhabilités, tandis que leurs ennemis seront publiquement confondus.

La Providence n’est pas aveugle; et, si elle est lente à punir, elle atteint plus sûrement. Il n’est pas du tout nécessaire que la vertu soit récompensée en ce monde: son triomphe, réservé au ciel, n’en sera que plus éclatant.

Puisse ce récit fortifier, consoler et encourager spécialement les personnes qui ont à souffrir de l’injustice et de la méchanceté humaines! Mais, au fait, nous en sommes à peu près tous là. Je n’aurai donc pas perdu mon temps, cher lecteur, si vous profitez à votre tour de mes observations psychologiques.

Paris, 2Novembre1882.

Roseline

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