Читать книгу La confession d'un enfant du siècle - Альфред де Мюссе - Страница 12

Deuxieme Partie

Оглавление

Chapitre I

Je sentis, en m’éveillant le lendemain, un si profond dégoût de moi-même, je me trouvai si avili, si dégradé à mes propres yeux, qu’une tentation horrible s’empara de moi au premier mouvement. Je m’élançai hors du lit, j’ordonnai à la créature de s’habiller et de partir le plus vite possible; puis je m’assis, et comme je promenais des regards désolés sur les murs de la chambre, je les arrêtai machinalement vers l’angle où étaient suspendus mes pistolets.

Lors même que la pensée souffrante s’avance pour ainsi dire les bras tendus vers l’anéantissement, lorsque notre âme prend un parti violent, il semble que, dans l’action physique de décrocher une arme, de l’apprêter, dans le froid même du fer, il semble qu’il y ait une horreur matérielle, indépendante de la volonté; les doigts se préparent avec angoisse, le bras se raidit. Quiconque marche à la mort, la nature entière recule en lui. Ainsi je ne puis exprimer ce que j’éprouvai tandis que cette fille s’habillait, si ce n’est que ce fut comme si mon pistolet m’eût dit: Pense à ce que tu vas faire.

J’ai, en effet, pensé souvent depuis à ce qui me serait arrivé si, comme je le voulais, la créature se fût habillée à la hâte et aussitôt retirée. Sans doute le premier effet de la honte se serait calmé; la tristesse n’est pas le désespoir, et Dieu les a unis comme des frères, afin que l’un ne nous laissât jamais seul avec l’autre. Une fois l’air de ma chambre vide de cette femme, mon cœur eût été soulagé. Il ne serait resté auprès de moi que le repentir, à qui l’ange du pardon céleste a défendu de tuer personne. Mais sans doute, du moins, j’étais guéri pour la vie; la débauche était pour toujours chassée du seuil de ma porte, et je ne serais jamais revenu sur le sentiment d’horreur que sa première visite m’avait inspiré.

Mais il en arriva tout autrement. La lutte qui se faisait en moi, les réflexions poignantes qui m’accablaient, le dégoût, la crainte, la colère même (car je ressentais mille choses à la fois), toutes ces puissances fatales me clouaient sur mon fauteuil; et tandis que j’étais ainsi en proie au plus dangereux délire, la créature, penchée devant le miroir, ne pensait qu’à ajuster de son mieux sa robe, et se coiffait en souriant le plus tranquillement du monde. Tout ce manège de coquetterie dura plus d’un quart d’heure, durant lequel j’avais presque fini par l’oublier. Enfin, à quelque bruit qu’elle fit, m’étant retourné avec impatience, je la priai de me laisser seul avec un accent de colère si marqué qu’elle fut prête en un moment, et tourna le bouton de la porte en m’envoyant un baiser.

Au même instant, on sonna à la porte extérieure. Je me levai précipitamment, et n’eus que le temps d’ouvrir à la créature un cabinet où elle se jeta. Desgenais entra presque aussitôt avec deux jeunes gens du voisinage.

Ces grands courants d’eau que l’on rencontre au milieu des mers ressemblent à certains événements de la vie.

Fatalité, hasard, providence, qu’importe le nom? Ceux qui croient nier l’un en lui opposant l’autre, ne font qu’abuser de la parole. Il n’en est pourtant pas un de ceux-là mêmes qui, en parlant de César ou de Napoléon, ne dise naturellement: «C’était l’homme de la providence.» Ils croient apparemment que les héros méritent seuls que le ciel s’en occupe, et que la couleur de la pourpre attire les dieux comme les taureaux.

La confession d'un enfant du siècle

Подняться наверх