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HISTOIRE

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Table des matières

1° TEMPS PRÉHISTORIQUES

M. Clouet, ancien instituteur au Douhet, qui s’est particulièrement occupé de cette question, connaît peu d’endroits, dans cette commune et dans les environs, où l’on ne trouve pas des silex taillés en forme de hache qu’on appelle «instruments chelléens». Il y en a très peu relativement de taillés en pointes amygdaloïdes; l’homme de cette époque cherche surtout à faire des instruments tranchants. Le biseau tend à remplacer la pointe.

Il y a des instruments qui pèsent jusqu’à quatre kilos. Ils paraissent appartenir à la période de transition entre le Chelléen et le Moustérien.

La grotte du Gros-Roc en a fourni quelques-uns de bien caractérisés, trouvés à l’est, dans le bois; d’autres étaient disséminés un peu partout dans la grotte. Il a été trouvé plus d’une trentaine de pièces chelléennes. M. Clouet en a recueilli dans la grotte, mais surtout dans les stations en plein air: Chez Barré, à la Glandinerie, commune d’Ecoyeux; chez Turpeau, à la Métairie et aussi à Etray, commune de Juicq; etc..

M. Clouet dit que les silex, les os et les dents de la couche moustérienne la plus ancienne du Gros-Roc, ont été mis de côté. N’y ayant pas trouvé trace du feu, il conclut que l’homme, au commencement de l’époque moustérienne, ne connaissait pas encore le feu et qu’il ne l’a connu qu’à la fin de cette très longue époque.

L’homme moustérien, dit-il, ne chasse pas seulement les chevaux; il chasse aussi les bœufs et les cerfs. La Grotte n’était habitée qu’accidentellement durant les époques excessivement froides. Aussitôt que la période du froid excessif était passée, on stationnait en plein air. Sur le territoire de la commune du Douhet, il n’y a pas de champs où l’on ne trouve du silex moustérien.

Il est difficile de concevoir la misère épouvantable qu’ont subie les habitants du Gros Roc vers le milieu de l’époque moustérienne. L’homme tuait son semblable et s’en nourrissait. Des familles entières ont dû disparaître et subir aussi la loi du plus fort.

Vers la fin de cette longue époque, le climat est devenu un peu moins froid et les habitants du Gros-Roc, que la misère a dû rendre ingénieux, commencent à utiliser le feu pour faire éclater leurs silex. Les familles se sont groupées et ne vivent plus isolées. Elles font la chasse en commun et, pour se rallier, dans les grands bois, elles ont de grossiers sifflets en pierre creuse.

La grotte du Gros-Roc ne paraît pas avoir été habitée à l’époque qui a succédé le moustérien; mais l’homme s’y réfugie de nouveau, plus tard, pour échapper au froid sec qui revient.

L’homme magdalénien, le dernier qui a habité la Grotte du Gros-Roc se peignait avec un mélange de moelle et de sanguine, comme les Peaux-Rouges de l’Amérique du Nord. Il se décorait de colliers, de bracelets, de dents de renne, de cheval, de loutre, d’hyène, de lamelles; de dents de mammouth sculptées, d’os d’oiseaux ornés d’encoches, enfilés comme des perles. Il était habillé de peaux de renne. Son arc et ses flèches, artistement travaillés, étaient identiques à ceux que fabriquent et dont se servent les sauvages de l’Amérique du Sud.

Au froid sec de l’époque magdalénienne succède une température plus douce se rapprochant de celle de notre époque. Les habitants du Groc-Roc ne viendront plus désormais y séjourner. Ils sont même chassés vers les Pyrénées et le massif central par d’autres peuplades venues de l’Orient qui établissent leurs maisons sur pilotis, sur les bords des marais. Elles vont vivre sur le bord du cours d’eau qui prend sa source au Gros-Roc. Les marais de Juicq et d’Annepont sont couverts de leurs habitations. C’est l’époque de la pierre polie. Les nouveaux venus ensevelissent leurs morts dans les dolmens, ou marquent leurs sépultures d’un monolithe, comme à Carnac, (Morbihan), ou de plusieurs pierres disposées en rond. Les idées religieuses, dans nos contrées, commencent à l’arrivée de ces peuples, c’est-à-dire avec le culte des morts.

Les habitants de la Grotte du Gros-Roc vivaient de chasse et de pêche; les hommes de la pierre polie ont des troupeaux de bœufs, de moutons, de chèvres, de porcs sauvages et des chiens pour les garder. Ils cultivent les céréales et font le pain.

Pour travailler le bois, construire leurs pilotis et leurs maisons et creuser leurs pirogues, ils ont des haches et des. herminettes polies en silex, admirablement bien façonnées. Au Douhet, le silex qui a servi à faire ces haches se trouve à la surface du sol. C’est un silex rubané facile à reconnaître. Les communes du Douhet, Ecoyeux et Taillebourg possédaient les vastes ateliers de haches de tout le Sud-Ouest. Dans tout le bassin de la Charente, on trouve des tronçons de haches polies en silex rubané provenant de ces ateliers.

Les habitants du Douhet et des environs faisaient un véritable commerce de haches.

Ces populations ne connurent le bronze que plus tard et continuèrent pendant longtemps à se servir à la fois de la hache en silex et de la hache de bronze.

Le Douhet est donc un des centres du Sud-Ouest le plus favorable aux études préhistoriques. A ce point de vue, les environs de Saintes n’ont rien à envier aux contrées les plus favorisées de la France et de l’Europe entière.

Dans une brochure intéressante, publiée en 1908, M. Bonneau, l’excellent et bienveillant inspecteur primaire de Saintes, raconte les recherches qui furent faites, à cette époque, sous sa direction et avec le concours de MM. Clouet père, instituteur à Saint-Hilaire, Clouet fils, instituteur à Saintes et Saisy, instituteur au Douhet, à la station du Gros-Roc. Ces recherches firent constater, dit M. Bonneau, l’existence d’une belle station nettement moustérienne.

Marche de la Civilisation

Les premières sociétés civilisées se développèrent dans les vallées des grands fleuves comme le Tigre, l’Euphrate, le Nil, etc., régions favorisées par un climat chaud, un sol fertile, des eaux abondantes, etc. Il convient d’y ajouter le peuple de la vallée du Jourdain, les Hébreux et celui de la Syrie, les Phéniciens.

Les nations de l’Europe n’arrivèrent que plus tard à constituer des états organisés; mais ils marchèrent plus vite vers la perfection. C’est la civilisation grecque qui se répand dans tout l’Orient; puis la civilisation romaine qui embrasse à la fois l’Orient et l’Occident.

Quatre siècles après l’ère chrétienne, l’empire romain tombe à son tour et de nouveaux peuples se précipitent du nord de l’Europe.

La lumière est venue de l’Orient; l’Occident la lui rend aujourd’hui plus brillante qu’elle n’a jamais été.

Les Gaulois forcèrent les habitants sur pilotis à émigrer vers les Pyrénées où ils avaient eux-mêmes chassé les derniers hommes de l’époque magdalénienne.

Ils ont d’autres mœurs; ils ne vivent pas en plein air ou dans des grottes, ou dans ces habitations sur pilotis.

Ils construisent leurs demeures ici et là, partout où les dirigent leurs intérêts ou leurs préférences.

Le Douhet a conservé le goût de cet isolement; puisque, de nos jours, le système des agglomérations n’a pas prévalu.

Si, comme dans certaines régions, le château féodal avait existé, on comprendrait le sentiment qui aurait poussé les populations d’alors à s’en éloigner; car le tyran qui l’habitait pouvait leur inspirer de la terreur et les éloigner de son entourage. Mais le château du Douhet n’a que deux cents ans d’existence environ; or, si les habitants ne se sont pas groupés antérieurement, en se rapprochant de la fontaine d’où part l’aqueduc, c’est qu’ils ont accepté et préféré les habitudes des ancêtres, sans en comprendre les inconvénients et sans apprécier les avantages d’une existence commune, tant au point de vue de leurs intérêts directs qu’au point de vue moral et social: le rapprochement facilite les relations; il crée des tendances à s’entr’aider, à se tolérer, à s’aimer.

Je ne rechercherai pas davantage les motifs qui conduisirent les uns à édifier leurs habitations ici, les autres là ; je me contenterai de penser qu’il y a, dans ce fait, une entrave au développement de l’esprit de sociabilité et d’union.

Après la conquête de la Gaule par les Romains, il est surtout difficile de se l’expliquer; car ceux-ci laissèrent dans ce pays, en même temps qu’un témoignage de leur génie, une preuve incontestable de leur union dans le travail: ce sont eux, ne l’oublions pas, qui découvrirent la source qui fournit, pendant longtemps, aux populations fixées entre le Douhet et Saintes, l’eau limpide et pure que conduisait à Saintes le canal dont il reste encore, de nos jours, de nombreux vestiges — ce canal connu et classé comme monument historique, sous le nom d’ «Aqueduc romain».

Il est surprenant que les générations nouvelles ne se soient pas établies auprès de cette source qui leur fournissait, à différents points de vue, un élément de bien-être. Cela surprend d’autant plus, que presque partout des agglomérations se sont formées sur les fleuves, ou autres cours d’eau, pour les commodités de la vie ou le développement du commerce et de l’industrie.

Je n’ai trouvé aucun document historique pour me renseigner sur la fondation des nombreux villages dont j’ai fait connaître les noms.

Quant aux habitudes de vie, elles ont dû suivre le cours des événements et subir les mêmes mouvements de recul ou de progrès que celles des autres populations de l’Ouest.

Il y a quatre-vingts ans, disent les plus anciens, il y avait plus de cordialité qu’aujourd’hui.

Les hommes se réunissaient le dimanche; on jouait aux quilles, à la courte-boule, etc. La jeunesse dansait le jour en plein air; mais on ne connaissait pas le rafraîchissement actuel, après chaque quadrille, et on ne s’en portait pas plus mal. Quelle laide habitude!

A la veillée, les plus âgés jouaient aux cartes, les jeunes faisaient des jeux. A la Maisonneuve, il y avait des réunions de vingt-cinq personnes le dimanche.

Aujourd’hui, chacun reste chez soi et si l’on s’aperçoit que quelques voisins se réunissent les soirs d’hiver, pour faire une partie en causant, on les critique.

Les jeunes vont chacun de leur côté et à moins de circonstances particulières, on ne voit plus de belles et bonnes réunions de garçons et de filles, où chacun a le sentiment de sa dignité, où chacun grandit au contact de sa génération, d’où naissent une affection et un respect fraternels qui fortifient la moralité et font le charme de l’existence.

Dans nos bals d’autrefois, on dansait posément; aujourd’hui, on saute à se démolir le corps; ce sont bien des «sauteries», comme on les nomme. Le goût de l’art et la décence y semblent inconnus.

Mais ces habitudes ne sont pas spéciales au Douhet; le goût des courses et des sports nous entraîne; l’humanité a un besoin de jouissance excessif qui se calmera lorsque l’éducation sera complète; lorsque nous aurons atteint le maximum de mieux-être vers lequel tendent les aspirations humaines; lorsque l’esprit de fraternelle solidarité remplacera l’individualisme méchant qui nous corrompt.

Il y a quatre-vingts ans, me dit-on encore, on s’habillait d’étoffes fabriquées avec la laine des moutons qu’on élevait; avec le chanvre que l’on cultivait, on faisait des toiles qui servaient à confectionner des pantalons; on mangeait du pain de méteil, de maïs, de pommes de terre.

Aujourd’hui, le veston a remplacé la blouse bleue, et au bonnet de laine a succédé le chapeau de feutre ou de paille, etc. Quelques rares vieillards ont conservé le bonnet qui disparaîtra avec eux.

Il n’y a plus que du bon pain blanc de froment sur la table de famille. On ne fait même plus son pain; des boulangers de Vénérand, de Bussac, d’Ecoyeux, l’apportent tout préparé dans chaque ménage.

Une société de panification fut organisée au Douhet en 1909; elle allait fonctionner lorsque des décisions que je n’apprécie pas, mais que la noblesse du dévouement ne dicta point, firent échouer cette heureuse et utile entreprise.

En 1910, des continuateurs, mieux qualifiés sans doute que les promoteurs de l’idée, réussirent à trouver ce qui avait manqué au Douhet: un Président, et la panification fonctionna le 1er septembre, mais à Vénérand.

Le Douhet s’installait à Vénérand, effet d’un ridicule esprit de parti. Qu’importe, pourvu que les idées généreuses et sages fassent leur chemin! Les hommes passent, les institutions restent.

Et je souhaite de tout cœur que l’œuvre si utile que j’avais voulu créer reste longtemps, le plus longtemps possible, sous la sage et intelligente direction de son fondateur réel M. Bédin, l’honorable maire de Vénérand.

La légende rapporte que Le Douhet a eu aussi ses hommes extraordinaires et je ne résiste pas au plaisir de raconter ici quelques prouesses d’un de ces braves: M. Merzeau, Pierre.

1° Il se trouvait un jour à la Richardière, commune de Thenac. On était à table et il manquait du dessert. «Cré million» ! (c’est le terme dont il se servait) dit-il, je partis sans rien dire; je courus Chez Lanté avec deux sacs. En arrivant à la «Charente» (il fallait la passer), je fis un pas en arrière et je la sautai d’un bond! Arrivé Chez Lanté, je mis un boisseau de pommes dans un sac, un boisseau de marrons dans l’autre et je m’en retournai à la «Richardière». Tout le monde était encore à table; on ne m’avait pas trouvé absent.

Il y a 20 kilomètres de Thenac à «Chez Lanté »...

Franchirla «Charente» d’un bond; parcourir quarante kilomètres en si peu de temps qu’on ne s’en aperçut pas, et avec sa charge de marrons et de pommes, n’est-ce pas que c’est là l’exploit d’un homme extraordinaire.

2° Une autre fois, il était à la chasse nu-pieds; un gendarme l’ayant vu se mit à sa poursuite. En courant, Merzeau mit le pied sur une «laisse» ; il allait si vite qu’il la fendit en deux. «Cré million, dit-il, un peu plus loin, je me sentis une piqûre au pied; c’était un «écot» (éclat) de brande qui me traversait le pied. Cré million, je saisis le bout de bois par dessus le pied, je l’arrachai et le jetai à côté. C’était temps; le gendarme arrivait, mais pour me voir repartir.»

3° C’était aussi un rude faucheur. Il fauchait un jour dans la «prée» et comme il faisait autant de travail que trois hommes ordinaires, les autres faucheurs, pour lui jouer un tour, piquèrent une barre de fer sur sa «route» pour faire casser son «dail». «Cré million, en arrivant à la barre, je la coupe sans m’en apercevoir et je continue mon travail devant mes compagnons penauds.»

4° Un jour, il se baignait dans la «Charente» avec un autre gars aussi fort que lui. Ils plongeaient. «Cré million, dit Merzeau, je me retourne et n’aperçois plus l’autre; je replonge et je vois mon gars qui fumait sa pipe sur un bout de rocher!»

Monographie de Le Douhet et ses environs

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