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AVANT-PROPOS.

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Table des matières

La beauté a été de tout temps chantée par les poètes. Si elle a toujours été l’objet du culte passionné des artistes, les observateurs, les philosophes, les savants, en ont fait, à toutes les époques aussi, un sujet d’études sérieuses. Des hommes considérables par leur mérite ont donné à cette question une large place dans leurs écrits; et ils ne se sont pas bornés seulement à définir cette qualité un des dons les plus précieux que le ciel ait faits à l’homme, ils ont souvent recherché quels moyens pouvaient le mieux conserver la beauté corporelle, la rendre plus complète, la suppléer même dans quelques cas.

Aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire, on trouve des traces de ce culte de la beauté, espèce d’alchimie cosmétique qui a compté une foule d’adeptes très-célèbres.

La mythologie nous raconte les aventures de Circé, cette fille du Soleil, si habile dans l’art de modifier l’extérieur humain par ses artifices qu’elle a passé pour une enchanteresse; de Médée, qui avait des secrets si merveilleux pour rétablir ou simuler la beauté qu’on a pu dire d’elle qu’elle avait rajeuni le père de Jason.

Les temps héroïques nous fournissent encore d’autres noms célèbres dans cet art qui, il y a vingt siècles, était déjà poussé aux limites du raffinement le plus exagéré. Ces noms appartiennent plutôt à des femmes qui ont joué un rôle brillant dans les vieilles sociétés de la Grèce et de Rome. C’est ainsi que l’on cite Aspasie, un des plus charmants modèles de la grâce attique. Cette belle Phocéenne avait réuni, dans un livre cité par Aëtius, un certain nombre de préceptes dédiés aux femmes curieuses d’augmenter ou de conserver leur beauté, et dont quelques-uns, inspirés par une connaissance exacte de l’hygiène, ont mérité d’être conservés par la tradition. Ils ont surtout rapport à l’usage des lotions et des bains, au choix des vêtements, à certaines habitudes de la vie domestique. Après Aspasie, il faut placer Cléopâtre, à laquelle on attribue un petit ouvrage dédié aux femmes et qui contient un assez grand nombre de formules de cosmétiques.

Les pères de la médecine n’ont pas dédaigné de donner dans leurs écrits une place à cette science, si souvent déshonorée par le charlatanisme. On signale, çà et là, quelques données curieuses dans Moschion, dans Héraclite de Tarente, dans Aëtius, dans Galien.

Cependant on a souvent agité la question de savoir si l’art de conserver la beauté était essentiellement et exclusivement du domaine de l’empirisme, ou si, au contraire, il pouvait, compris dans certaines limites, toucher à la médecine, y prendre même une place importante. Le doute ne semble pas possible sur ce point, si l’on consulte les autorités très-sérieuses qui se sont prononcées pour établir le côté rationnel et la valeur scientifique de ce que l’on pourrait appeler le traitement de la beauté.

Sans doute, un grand nombre de compilations qui ont été élaborées sur cette matière n’ont été qu’une occasion de préconiser l’emploi de drogues, le plus souvent inutiles, quand elles n’étaient pas dangereuses. C’est là une circonstance très-regrettable, qui tient à la facilité qu’a offerte dans tous les temps, au débit de ces recettes, le désir de relever des charmes compromis ou de pallier des éléments de laideur naturelle. Ce besoin est aussi vieux que le monde civilisé ; il a dû, à toutes les époques, provoquer les entreprises de l’empirisme; aussi ne faut-il pas s’étonner si, malgré le blâme des hommes animés de l’amour de la morale et de l’humanité, l’usage des cosmétiques et des postiches exagérés a prévalu jusqu’ici.

Les Pères de l’Église sont pleins d’anathèmes fulminés contre l’abus des artifices de toilette dont les femmes se servaient alors avec une véritable passion. Tertullien traitait de pratiques diaboliques les procédés à l’aide desquels certaines matrones étaient fort habiles à se rougir les lèvres, à blanchir leur peau, à animer l’éclat de leurs yeux en les entourant de noir. On retrouve les mêmes colères dans la Règle des jeunes filles de Cyprien, dans Basile le Grand, dans saint Jérôme. Mais c’est surtout dans le Pédagogique de Clément d’Alexandrie qu’il faut lire tout ce qu’inspiraient alors d’honnêtes emportements, les exagérations de l’emploi des cosmétiques. Et, si l’on réfléchit à la composition de la plupart des eaux ou des pommades confectionnées pour la toilette, on comprend combien étaient justes, si elles restaient souvent sans effet, des protestations qui pourraient trouver aujourd’hui leur application, comme elles seraient probablement aussi peu efficaces.

Quoi qu’il en soit, il serait presque impossible d’énumérer tous les formulaires étranges où se trouvent recueillies les drogues, plus ou moins malsaines, imaginées et reproduites depuis des siècles. C’est à cette source intarissable qu’a puisé de tout temps un charlatanisme effréné ; mais c’est là aussi qu’il faut chercher la cause du renom équivoque qui s’est attaché à la plupart de ces productions. Sans parler des difficultés qu’apportait à leur emploi la composition diffuse, compliquée, quelquefois vraiment monstrueuse, des formules, il est bien évident que l’abus de ces préparations indigestes, que leurs dangers aussi, ont pu rejaillir jusque sur le culte de la beauté lui-même, et faire rejeter à un rang tout à fait inférieur l’enseignement des moyens qui peuvent concourir à l’embellissement du corps humain. Et pourtant, malgré toutes ces causes de déchéance, il n’est pas douteux que l’art cosmétique, comme l’appelait Mercuriali, ne soit une partie importante de l’hygiène.

En effet, la beauté véritable ne saurait, en aucun cas, exister sans la santé. Si celle-ci s’altère, celle-là s’amoindrit ou se dénature. Un écart de régime, les excès, etc.., apportent à la beauté une atteinte que tous les artifices de la toilette sont moins aptes à détruire que le retour à des conditions hygiéniques meilleures. Et quand on parle de ces cosmétiques qui signifient ornement, beauté, il s’agit moins encore de formules à suivre que de pratiques à éviter, que de règles hygiéniques à observer. Il y a donc réellement place pour une œuvre du médecin sérieux dans cette science compromise, mais qui peut, bien appliquée, avoir une mission aussi honorable qu’utile.

C’est en se plaçant dans ces conditions, c’est en poursuivant ce but, que des observateurs très-distingués, très-instruits, d’une autorité médicale incontestable, ont pu donner leurs soins à un art qu’ils ont relevé de toute la hauteur de leur talent. Nous avons cité déjà quelques noms parmi les anciens; mais c’est surtout chez les auteurs plus modernes que l’on trouve des études plus complètes, plus positives sur ce point.

Parmi les spécialistes qui se sont occupés de l’embellissement du corps humain, il faut citer en première ligne Mercuriali. A ce propos, nous devons faire remarquer que la langue latine, plus heureuse que la nôtre, a trouvé, pour définir cet art charmant, un mot qui n’a pas de synonyme exact dans notre vocabulaire. Ainsi, l’ensemble des données qui concourent à la conservation ou au postiche même de la beauté était désigné par le mot decoratio, expression simple, claire, précise, qui avait le mérite précieux d’avoir une signification à part, parfaitement distincte. Quoi qu’il en soit, le livre de Mercuriali a été très-sérieusement pensé ; il a un cachet remarquable, et il a bien évidemment servi de modèle à la plupart de ceux qui se sont produits à la même époque, comme les traités spéciaux de Fallope, d’Arnaud de Villeneuve, de Fioramenti, d’Argelata, de Furnerius, etc.

Pour la plupart de ces auteurs, l’art cosmétique n’était qu’un détail de la pathologie générale; aussi est il le plus souvent enclavé dans l’ensemble de leurs études médicales. Mais il en est d’autres qui, comme Guyon, ont rattaché toute l’histoire des maladies à la beauté corporelle; qui, ainsi que Liébaut, ont cru devoir faire un traité spécial de l’embellissement du corps humain; qui, comme de Blagny, ont dressé une sorte d’inventaire officiel de toutes les recettes reconnues pour concourir au maintien ou à la simulation de la beauté. Plus près de nous, il faudrait citer un petit livre très-curieux, intitulé : Abdeker, où, sous forme d’étrennes aux dames, l’auteur présumé leur conte l’histoire romanesque d’un médecin qui enseigne à une sultane, dont il est aimé, le moyen de conserver ses charmes. On pourrait aussi signaler quelques thèses intéressantes sur les cosmétiques, et, entre autres, celles de Bender, de Stephan, de Triller, de Wogt, de Wedel. La plupart de ces opuscules, empreints d’une érudition minutieuse, traitent du danger, de l’abus des artifices de la toilette.

Pour nous, quand même nous n’aurions pas l’autorité des noms scientifiques qui sont attachés à l’étude des soins de la beauté, nous resterions convaincu, par les résultats de notre pratique personnelle, que l’on peut, dans la recherche de ces soins, rendre des services très-réels, très-sérieux. Ce but est assez digne pour mériter d’être poursuivi; et, quand nous ne ferions que faire justice des erreurs, des fraudes, ou des énormités empiriques qui abondent sur notre chemin, nous croirions déjà avoir fait une bonne action médicale. Mais nous croyons qu’il y a quelque chose de mieux à faire; qu’on peut, qu’on doit même, pour assurer le succès de l’art cosmétique, le ramener et le maintenir dans des limites purement rationnelles et scientifiques; qu’il est possible enfin d’écrire, sur l’embellissement et la conservation du corps humain, une œuvre qui soit utile, et qui ait en même temps un cachet médical.

C’est là le double but que nous nous sommes proposé d’atteindre. Il convient d’ajouter que tous les traités sur cette matière ne sont plus en rapport avec les progrès qu’ont faits nos connaissances en chimie, en physiologie, en thérapeutique. La pratique sérieuse n’a plus rien à attendre de ces compilations de formules surannées, ridicules ou même repoussantes. Le nouveau livre de la Décoration humaine est donc destiné à combler une lacune importante dans une science qui s’adresse à tant d’intérêts, tant de besoins, tant de désirs légitimes. Il vient, sous une forme simple, méthodique, facile à consulter, mettre à la portée de tout le monde les moyens d’embellir le corps humain, avec cette réserve que nous avons eu soin de n’admettre, de ne proposer que ceux dont une longue expérience nous a permis de reconnaître et d’affirmer l’utilité.

Les auteurs qui ont écrit les ouvrages les plus complets sur l’embellissement humain ont tous suivi à peu près le même plan. Ainsi, ils ont étudié les unes après les autres toutes les parties du corps, en commençant par la tête, qui est le siége principal de la beauté.

Cette division, toute naturelle, est fondée sur cette donnée pratique, que les soins de la beauté varient nécessairement selon qu’ils s’appliquent à telle ou telle partie. Elle a, de plus, l’avantage de rendre plus simple, plus facile l’exposition des divers moyens auxquels il convient de recourir. J’ai cru devoir la conserver en la ramenant à des termes plus généraux, qui permettent de réunir dans un même cadre tous les points qui se rapportent à un même ordre d’idées, et d’éviter ainsi des redites inutiles.

Après les considérations générales sur la beauté, notre série d’aperçus sur l’embellissement commencera par la tête, que nous décomposerons au point de vue de ses diverses parties, ainsi: du teint, des cheveux, du front, des oreilles, des yeux, du nez, de la bouche, du menton.

Nous étudierons ensuite le tronc, qui comprendra le col, les épaules, la poitrine, les aisselles, le dos, la taille, etc.

Les membres, qui viendront après, comprendront les bras et les avant-bras, les mains, les ongles, les cuisses, les jambes, les pieds et les orteils.

Nous nous proposons enfin d’exposer dans des chapitres spéciaux ce qui touche: à l’embellissement DE LA PEAU EN GÉNÉRAL; AUX EXHALAISONS NATURELLES; à L’OBÉSITÉ ET à LA MAIGREUR et aux moyens d’y remédier; et de dire quelques mots sur la COSMÉTIQUE, c’est-à-dire sur L’HYGIÈNE, LES PARFUMS et LES COSMÉTIQUES proprement dits.

Les anciens formulaires méritent en général le reproche de pécher par la multiplicité des recettes et leur affectation; sous ce rapport, ils avaient au moins l’inconvénient de jeter le trouble dans l’esprit de celui qui les consultait. Il y avait là un écueil que nous avons tenu à éviter; et, convaincu que ce livre serait d’autant plus utile qu’il serait plus simple, nous nous sommes attaché à maintenir le nombre des formules dans des limites qui nous permissent de répondre à toutes les indications de notre sujet, sans imposer d’embarras ou de fatigue au lecteur.

En résumé, la Décoration humaine est à la fois du domaine de la pratique médicale et des habitudes de la famille. Elle s’adresse en même temps aux médecins et aux gens du monde.

Les praticiens peuvent y trouver un guide pour rechercher les moyens de prévenir ou de réparer les atteintes faites à la beauté corporelle par toutes les influences morbides; de rétablir, de suppléer même, d’après les principes d’une pratique rationnelle, les éléments disparus ou obscurcis d’un des plus précieux attributs de l’espèce Humaine.

Les gens du monde auront à lui demander des conseils utiles pour le choix du régime, pour l’emploi des moyens hygiéniques, auxquels il convient de demander l’entretien et la conservation de la beauté. Ils y trouveront aussi des indications pour les soins particuliers qui peuvent concourir à l’embellissement de chaque partie du corps. Ce livre leur dira de quel topique il est utile de se servir dans tel ou tel cas; il leur recommandera, sous la forme la plus simple et la plus agréable possible, les cosmétiques auxquels toute personne soigneuse de sa toilette pourra recourir d’elle-même, sans inconvénients et surtout sans périls pour sa santé. Mais, en même temps, il signalera aux personnes du monde ce dont elles doivent s’abstenir; car, s’il n’arrive pas toujours que des désordres irréparables soient le résultat de l’emploi irrationnel de certains topiques, il est malheureusement très-fréquent de voir leur usage produire un tout autre effet que celui que l’on s’en était promis.

La donnée générale de la Décoration humaine est donc avant tout une pensée d’utilité pratique. Son but est d’offrir une satisfaction sérieuse à des besoins naturels, à des nécessités intimes qu’exploitent trop souvent la routine, l’empirisme et l’esprit mercantile. Nous espérons que cet ouvrage aura résolu cette question de manière à mériter la confiance, nous allions dire la gratitude, de toutes les personnes auxquelles il est destiné, sans perdre aux yeux de personne le cachet d’un travail sérieux.

De la décoration humaine : hygiène de la beauté

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