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DE LA BEAUTÉ EN GÉNÉRAL.

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Ses définitions, ses différences, sa valeur. — La beauté chez la femme. — Ses rapports avec la santé.

Je ne puis trop répéter combien j’estime la beauté, qualité puissante et avantageuse. Socrate l’appelait une courte tyrannie et Platon le privilège de nature. Nous n’en avons point qui le surpasse en crédit. Elle tient le premier rang au commerce des hommes. Elle se présente au devant, séduit et préoccupe nostre jugement avec grande authorité et merveilleuse impression.

(MONTAIGNE. Essais, vol. III, p. 470-471.)

La beauté absolue, la seule qu’il semble possible de définir, a été l’objet d’un certain nombre de formules qui rendent plus ou moins heureusement l’idée qui y est attachée.

Platon, qui envisageait la beauté au triple point de vue de la forme, de l’âme et de l’harmonie, en faisait une grâce réjouissant à la fois l’esprit, la vue, l’ouïe, et portant chacun à admirer, désirer, respecter, aimer l’être qui est doué de cet avantage.

Aristote la plaçait dans l’ordre uni à une certaine grandeur. C’est le type de la beauté abstraite et idéale.

Galien, plus explicite et plus matériel, cherchait la beauté dans une bonne conformité des membres, unie à un coloris agréable, à une chair congrue, à une certaine ampleur de formes, à l’harmonie des traits.

La plupart des philosophes de l’antiquité ont essayé de ramener la formule de la beauté physique à des règles exactes. On voit que, si l’esthétique est une science nouvelle, elle est au moins une aspiration très-ancienne. Ainsi, ils ont admis à peu près généralement que la beauté est le rapport du tout avec les parties, et des parties entre elles, joint au charme du coloris.

Cela était vague sans doute; mais il faut bien reconnaître qu’il est au moins très-difficile de donner de la beauté, même absolue, une définition axiomatique qui ne laisse rien à désirer.

Chez les auteurs plus modernes qui se sont occupés de cette matière ardue, on ne trouve le plus souvent que des formules tout aussi peu explicites. Ainsi Albert Durer et Mercuriali , un artiste et un médecin, ont défini la beauté : «Une disposition générale

«résultant d’une constitution corporelle

«parfaite, agréable au sens.» Fallope semble serrer la question de plus près. Pour lui, la beauté est: «Un état naturel du corps, une habitude consistant

«dans l’harmonie de la substance, de la

«quantité, de la disposition, de la forme, de la

«couleur.»

L’Abdeker , qui semble voué surtout au culte de la beauté sensuelle, la définit: «La forme d’un

«tout, qui plaît à chacun de nos sens.»

Si les poëtes ont pu dire de la beauté qu’elle est d’essence divine, on comprend que, comme tout ce qui relève de la genèse surnaturelle, elle échappe à toute description humaine. Les Baumgarten, les Winckelmann et les adeptes de l’esthétisme ont bien pu prétendre soumettre le sentiment du beau à des lois mathématiques; mais la beauté, surtout celle de la femme, ne saurait être exactement exprimée par une formule paradoxale.

Ce serait possible tout au plus si la beauté était réellement une, la même partout et pour tous. Mais tant d’éléments divers concourent à former ce charmant attribut de l’espèce humaine qu’il est presque impossible d’en donner une définition absolue. Ainsi les uns la placent dans une sorte de perfection convenue, qui tient de la statuaire; les autres la cherchent dans la forme unie à l’expression; quelques-uns voudraient la faire résider exclusivement dans les reflets physionomiques d’une belle âme. D’après ces inspirations très-variables, on a pu décrire diverses espèces de beauté. Tantôt elle résulte d’un ensemble de traits réguliers et nobles, joints à l’élévation de la taille, à la pureté du galbe. Tantôt, au contraire, elle est un mélange de grâce extérieure, de finesse et de perfection de la forme, uni à la vivacité, au charme de l’expression. Tantôt, enfin, elle consiste dans un je ne sais quoi qui donne un attrait indescriptible même à des traits irréguliers.

Le sentiment de la beauté peut varier suivant le génie, les goûts, les préjugés même de chaque peuple. Les Orientaux, chez lesquels la vie oisive est en honneur, mettent l’embonpoint au rang des premiers charmes de la femme. Au contraire, les nations occidentales préfèrent généralement des formes sveltes, dégagées; pour elles, la suavité et la délicatesse des lignes passent avant leur ampleur et leur relief; mais ce qui a surtout du prix pour elles, c’est la grâce, c’est l’expression.

Il faut considérer, en outre, que la beauté varie selon l’âge et le sexe. Ainsi elle revêt, dans l’enfance, des caractères tout particuliers de fraîcheur, d’ingénuité, de gentillesse, que l’on ne retrouve plus dans l’âge adulte. Ici la beauté a des attraits qui parlent surtout aux sens; dans la vieillesse, au contraire, elle s’adresse plutôt à l’esprit, auquel elle impose par son air de gravité et de noblesse.

«Des lèvres vermeilles et bien bordées, une bouche

«entr’ouverte et riante, de belles dents blanches,

«une démarche libre, le regard assuré, une gorge

«presque découverte, de belles grandes joues larges,

«me charmaient à dix-huit ans, dit le philosophe

«Diderot. Aujourd’hui, c’est une jeune fille qui a

«l’air décent, le regard timide, et qui marche en silence

«à côté de sa mère, qui m’arrête et me charme.

«Qui est-ce qui a le bon goût? Est-ce moi à dix-huit

«ans? Est-ce moi à cinquante? Belle demande!

«— A dix-huit ans, ce n’était pas l’image de la

«beauté, mais la physionomie du plaisir, qui me

«faisait courir.»

Les différences de la beauté sont plus tranchées et plus remarquables encore, sous le rapport de la différence des sexes. Ainsi, chez l’homme, la beauté comporte un caractère de dignité, de force, de mâle fierté. Les traits sont plus fermes, plus accentués. Chez la femme, c’est surtout la grâce qui domine. Ses formes sont plus fines, plus délicates; les traits se distinguent par la suave harmonie des lignes, par la douceur des contours. Ce qui est un attrait chez celle-ci peut devenir une anomalie choquante chez celui-là. L’homme beau comme une femme est flétri du nom d’efféminé. Il en est de même pour la femme qui serait affligée de charmes trop virils.

Certains philosophes ont, au point de vue de la différence des sexes, cherché à établir une corrélation entre la constitution corporelle propre à chacun d’eux et les dispositions naturelles de l’âme. Ainsi la femme a le corps arrondi, mou, flexible, poli, sans poils; sa musculature est peu apparente, les gestes sont déliés, souples, contenus. Elle a, par contre, un esprit léger, timide, enclin surtout aux sentiments intimes; ses mœurs sont faciles, douces, agréables.

L’homme au contraire est robuste, anguleux, rigide; son système pileux est largement développé ; sa peau est rude, épaisse, ses muscles sont saillants, ses mouvements sont plus roides, plus brusques. Sous le rapport moral, il a de la gravité, de la résolution, de la ténacité ; il se distingue par l’aptitude aux travaux sérieux ou pénibles; il est propre aux conseils qui exigent de la maturité ; il résiste énergiquement aux fatigues soit du corps, soit de l’âme.

Il ne faut pas s’étonner, d’après ces considérations, si la formule de la beauté, prise dans un sens absolu, présente des difficultés assez grandes pour avoir fait douter qu’elle fût possible. «On peut appliquer à la beauté, dit Winckelmann, le mot de Cicéron sur la Divinité... Qu’il est plus aisé de dire ce qui n’est pas elle... que de dire ce qu’elle est avec précision. »

Outre que l’appréciation de la beauté elle-même doit varier selon les temps, selon les peuples, selon les habitudes générales, elle est soumise aux diversités de goûts, de vues, de préjugés même, inhérentes aux individus qui la recherchent ou s’en occupent; mais surtout les langues les plus parfaites manquent d’expressions qui puissent rendre complétement et d’une manière aphoristique les idées abstraites que doit renfermer une définition exacte du plus charmant attribut de la nature humaine. Pour trouver une formule qui satisfît toutes les opinions, il faudrait la composer de tous les instincts, de tous les sentiments, de toutes les passions que suscite le culte de la beauté. Cela est tout simplement impossible.

En effet, la beauté à un point de vue général est un ensemble harmonieux auquel concourent et dans lequel viennent se fondre toutes les perfections de détail dont sont susceptibles les diverses parties du corps humain. Les éléments principaux qui servent à la former sont: une juste proportion de ces parties entre elles et avec le tout, un embonpoint moyen qui donne aux contours la suavité des lignes qui en fait le charme, la régularité des traits du visage, l’heureuse disposition des membres, la distinction des extrémités, la finesse et la transparence de la peau, la fraîcheur du coloris. Mais ces qualités ne font qu’une belle statue. Pour trouver le feu céleste qui l’anime, il faut ajouter le sentiment expressif, reflet de l’âme qui éclate dans le regard, dans le sourire, dans le geste, dans le maintien, jusque dans l’accent. Il n’y a pas de vraie beauté sans ce rayonnement de la vie dont l’expression n’est pas plus absolue d’ailleurs que la perfection plastique. Très-variable, au contraire, elle est, sous les formes les plus diverses, un des éléments lus plus précieux de la beauté, qu’elle soit enjouée ou touchante, fine ou naïve, imposante ou modeste, pudique ou voluptueuse. Mais ce qui caractérise surtout la beauté, ce qui lui donne l’irrésistible puissance dont elle est douée, c’est la grâce, ce charme indéfinissable, qui est tout et qui n’est rien, qui échappe à toute analyse, et qui, si l’on pouvait comparer la beauté à une fleur, en serait le parfum.

S’il est aussi difficile de trouver une définition exacte de la beauté, si, sur ce point, les opinions diffèrent, il n’en est plus de même quant à la valeur qu’il faut attacher à ce don de la nature, quant à l’influence qu’il exerce dans tous les rapports sociaux.

Le sentiment du prix qui s’attache à cette question de forme n’est pas seulement le propre des civilisations avancées. C’est une aspiration instinctive dont, au besoin, on retrouverait des traces dans les sociétés les plus primitives. Il a été quelquefois poussé si loin qu’il a pu faire dire à Xénophon, entre autres, que la possession de la beauté devait être mise au-dessus de celle de la science, de la vertu, de la fortune, de tous les autres avantages enfin, dont l’homme peut être favorisé. Il y a là une exagération évidente qu’il faut laisser aux poëtes et aux artistes; mais, pour le philosophe, pour l’observateur sérieux, il n’en est pas moins vrai que la beauté est un des plus beaux présents que le ciel ait faits à l’homme. Sans doute les qualités de l’esprit et du cœur ont une excellence incontestable; mais, au point de vue de la perfection humaine, elles n’ont qu’une valeur incomplète sans la beauté. Au contraire, on ne saurait rien imaginer de plus parfait, rien qui donne mieux une idée de la divine essence de l’homme, que la beauté du corps unie à la bonté du cœur, à l’élévation de l’esprit, à la pureté de l’âme.

C’est à ce titre, et comme un des types de la perfection idéale, que la beauté a été de tout temps l’apanage de la Divinité. Si dans la mythologie Junon, Minerve et Vénus se disputent, ce n’est pas pour une question de pouvoir, c’est pour une préséance d’attraits. Tous les grands héros ont été des types de beauté surhumaine. Homère épuise toutes les ressources de sa muse épique pour revêtir Hector et Achille de charmes presque divins. Ainsi, l’antiquité nous représente le Bacchus indien, Alexandre; ainsi, à toutes les époques, quand la flatterie a voulu diviniser un roi, elle lui a donné une auréole de beauté majestueueuse et fière. Dans certains pays où la royauté était élective, comme à Sparte, en Éthiopie, dans l’Inde, la beauté physique était un titre essentiel au choix de la nation. L’histoire nous a transmis le fait de cet Archidamus, roi de Lacédémone, qui fut condamné par son peuple à une grosse amende, pour avoir épousé une laide et petite femme, qui ne pouvait que lui donner des enfants chétifs ou difformes, au lieu de ces hommes grands et beaux, comme il en fallait pour commander aux républiques et aux empires.

Mais, en dehors de ces grands exemples, l’influence de la beauté corporelle dans tous les rapports de la vie sociale se révèle à chaque pas d’une manière irrécusable. Nul ne saurait nier, en effet, l’attrait sympathique qui lui concilie toutes les attentions, qui lui donne la douce autorité qu’elle exerce sur les esprits et sur les cœurs. Elle est le plus sûr moyen de plaire, une recommandation aux plus hautes et plus brillantes faveurs; elle inspire l’amour, l’admiration, le respect. Aussi est-elle un juste titre d’orgueil pour la personne qui en est douée; aussi excite-t-elle à bon droit l’envie ou le regret de celle qui en est dépossédée.

Les Grecs avaient bien raison de l’appeler ϰάλλoς du verbe ϰαλεɩ̃ν, qui veut dire appeler. En effet, elle appelle, elle attire insensiblement tout ce qui est accessible au sentiment du beau; et cette influence est d’autant plus grande, plus sûre, que les charmes extérieurs s’allient à la beauté de l’âme.

C’est surtout quand elle existe chez la femme que la beauté corporelle a le privilège d’exercer une influence sur tout ce qui est soumis à son action. Non-seulement alors elle résume au plus haut point toutes les perfections de détail, mais elle resplendit d’une auréole de grâce, mise en jeu par l’organisation expressive et fine de l’individu, et résultant de la délicatesse des traits, de la suavité des formes, de l’harmonie générale des lignes et des teintes.

La beauté est, pour la femme, la plus précieuse de toutes les parures; elle lui donne une force morale qui rachète sa faiblesse physique. On a pu dire d’elle qu’elle persuade mieux que l’éloquence; qu’elle partage, avec la morale, le pouvoir d’inspirer le sentiment; qu’elle a pour faire comprendre la Divinité une logique plus sûre que celle de la philosophie. Aussi, est-ce exclusivement de la beauté féminine que je veux m’occuper ici. La nature, en dotant la femme des attraits dont elle est heureuse et fière, lui a donné, si l’on peut dire ainsi, un sens particulier pour comprendre, aimer tout ce qui touche au culte de sa beauté. Elle apporte instinctivement aux soins de sa toilette une intelligence, une assiduité, une passion même, qui ne permettent pas de révoquer en doute la destination toute spéciale de la beauté féminine. C’est presque un devoir, pour la science, de favoriser ce penchant naturel en mettant à son service les ressources médicales dont l’expérience a montré l’efficacité et surtout l’innocuité.

C’est donc principalement aux femmes que s’adressent nos conseils. Notre tâche est grande, car nous avons non-seulement à leur dire ce qu’il convient de faire pour conserver et entretenir la beauté, ce qu’il y a à éviter pour ne pas la détruire chez celles qui en sont douées, mais encore à faire connaître, s’il est possible, quelques moyens de la suppléer ou de la faire revivre chez celles à qui la nature l’a refusée ou qui l’ont perdue par une cause quelconque, notamment par maladie. Pour arriver plus sûrement à ce but, il faut s’inspirer surtout de cette vérité première: que le plus sûr élément de la beauté corporelle est la santé. En effet, ôtez celle-ci, celle-là s’altère, se flétrit, disparaît. Le devoir du médecin est donc de rechercher les états pathologiques qui sont si souvent pour la beauté une source d’effacement et de ruine, de combattre, de faire disparaître ces causes de trouble, de demander ainsi à un traitement rationnel le plus sûr moyen de rétablir des charmes dont la perte ou l’amoindrissement est toujours si pénible.

Les soins particuliers ne viennent qu’ensuite; mais ils ont une très-grande importance au double point de vue, et de ce qu’il faut faire, et de ce dont il est utile de s’abstenir. Sous ce rapport, je me propose d’étudier la conservation et l’embellissement du corps dans les points qui touchent aux traits les plus saillants de la beauté, ainsi de m’occuper surtout des parties qui sont habituellement en vue, et qui, à ce titre, exigent des soins plus particulièrement assidus.

De la décoration humaine : hygiène de la beauté

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