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IX

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MMM. à Vilhem.

«Mon cher ami, pourquoi ne me disiez-vous pas que vous étiez Marié? Croyiez-vous que cela me chagrinerait? Mais cela m’enchante, au contraire. Vous avez disposé de la partie de vous dont je ne veux pas et dont je n’ai que faire. Ce que je vous demande, ce que je veux, ne fait tort à personne, et je le garde sans scrupule. Vous verrez, cher Vilhem, combien mon affection pour vous sera pour l’avenir plus tendre et moins craintive. J’avais encore peur de vous, quoique je fisse bien la brave et la résolue. J’avais peur que vous ne vous crussiez obligé de m’aimer d’amour. Disons tout: j’avais peur de finir par descendre de ce ciel d’où je vous aime saintement pour vous aimer comme une simple mortelle; je vous disais: «Oubliez que je suis femme;» et moi, je ne pouvais l’oublier, je le sentais par mes craintes et par ma réserve involontaire. Mais, aujourd’hui que j’apprends à quel point nous sommes séparés, quels invincibles et éternels obstacles s’élèvent entre nous, je vous puis aimer à mon aise, sans terreur, sans remords. Je ne redoute plus d’être sur une pente roide et glissante. Votre situation me marque des limites que, moi qui me connais, je suis certaine de ne pas franchir. Je ne passerai plus des demi-heures à relire mes lettres, à atténuer les expressions trop vraies de ma tendresse pour vous, maintenant que je suis sûre qu’elle ne peut m’entraîner. Nous ne parlerons jamais de votre femme. Vous ne me demanderez pas si je suis mariée. Voici encore une violette. Cette fois, ce sera la dernière. Je l’ai trouvée seule ce matin, sous les feuilles couvertes de givre et ridées par le froid; elle renferme le dernier rayon du soleil qui a à peine eu la force de l’épanouir et de la colorer.

»Il m’est venu une idée, une idée à laquelle je tiens beaucoup; mais, avant tout, écoutez-moi bien, mon ami: la révélation de votre mariage, tout en me tranquillisant par les bornes placées entre nous, me rendrait inflexible sur tout ce qui tiendrait le moins du monde à me les faire franchir. Vous serez obéissant, cher Vilhem; je n’exigerai de vous que ce qui servira à nous conserver le bonheur que nous nous sommes fait.

»Mon idée, du reste, n’a rien de tyrannique ni de répressif: je vous envoie des graines de fleurs qui ont embaumé mon jardin tout cet été. Vous les sèmerez dans votre jardin, si vous en avez un, ou sur votre terrasse; ensemble, au beau temps, par les belles soirées, au même instant, nous respirerons les mêmes parfums. Je suis sûre que votre femme ne serait pas jalouse de cela. Mais il est convenu que nous ne parlerons jamais d’elle.

»Je ne veux pas de votre portrait, cela lui appartient à elle. Je ne veux pas non plus que vous cherchiez jamais à vous rapprocher de moi.»

Midi à quatorze heures

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