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VII

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MMM. à Vilhem.

«Je vous l’ai dit, cher monsieur Vilhem, je ne serai jamais pour vous rien autre chose qu’une affection; et j’ai regret au mouvement de coquetterie jalouse qui m’a fait vous dire la couleur de mes cheveux. Je veux être pour vous comme les anges du ciel, dont on ne sait pas le sexe, que l’on croit si beaux, sans savoir en quoi consiste leur beauté.

»Mais vous, je veux vous connaître, je veux vous voir et vous suivre en esprit; dites-moi si je me suis trompée dans l’idée que je me suis faite de votre aspect et de votre visage. Dites-moi tout ce qui peut vous rendre plus présent à ma pensée. Racontez-moi vos habitudes, les heures auxquelles vous travaillez. Faites-moi la description de votre cabinet de travail. Je veux savoir les couleurs et les fleurs que vous aimez; travaillez-vous le jour ou la nuit? quelques-uns des personnages que vous mettez en scène dans vos ouvrages sont-ils des portraits ou des fantaisies de votre imagination? Si vous ne me répondez pas bien clairement à toutes ces questions, je me fâche contre vous, et je ne vous aime plus. Il y a surtout une question que j’ai gardée pour la dernière, en forme de post-scriptum, pour deux raisons: d’abord, parce que je n’ose guère la faire; ensuite, parce que c’est peut-être celle dont la solution pique le plus vivement ma curiosité. Parlez-moi de la femme que vous aimez. Je ne comprends pas un poëte sans amour, et vous qui possédez à un si haut degré toutes les facultés du poëte, vous n’aurez pas négligé précisément ce point.

»Il faut encore que vous vous soumettiez à un caprice. Vous recevrez avec cette lettre des plumes que j’ai taillées pour vous. Il faut vous en servir; j’aurai un double plaisir à lire votre ouvrage. Mais, à propos, paresseux, votre dernier porte une date déjà vieille de trois ans. Que faites-vous donc? Vous êtes-vous laissé prendre au tourbillon du monde? Avez-vous oublié ce que vous dites dans un de vos livres: «Le poëte est comme l’aigle, qui ne descend dans la vallée que pour y saisir sa proie, et s’envole avec elle plus près du soleil et du ciel, sur les pics inaccessibles où il a placé son aire.»

Lorsque Roger reçut cette lettre, sa maison était tout entière en proie à la fabrication des confitures de coing; chaque cheminée avait un chaudron, chaque table était couverte de pots, et Marthe vint le prier de découper les ronds de papier destinés à les couvrir. La première pensée de Roger fut de rejeter bien loin cette occupation qui cadrait médiocrement avec l’exaltation actuelle de son esprit. Cependant il réfléchit qu’étendu dans un fauteuil et se livrant aux plus doux rêves en songeant à sa correspondance, il devait, aux yeux de Marthe, paraître le plus désœuvré des hommes, et que son refus aurait tout l’air d’une mauvaise humeur qu’il eût été fort embarrassé d’expliquer. Il se résigna donc, prit les ciseaux, le papier, et laissa agir ses mains selon les instructions reçues, tandis que son esprit franchissait l’espace qui sépare Honfleur du Havre de Grâce.

Quand il eut découpé un certain nombre de ronds, il pensa qu’il avait le temps d’écrire avant qu’ils fussent tous employés, et il répondit à MMM.

Midi à quatorze heures

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