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Table des matières

Avant d’aller plus loin, avant d’analyser les diverses appréciations portées sur JEAN GUILLERMIN et sur la Confrérie pour laquelle il sculpta son Christ d’ivoire, il nous a semblé logique de placer tout d’abord, en première ligne, le texte authentique du procès-verbal dressé par les Recteurs de ladite Confrérie, à l’occasion de la commande de ce travail faite à l’habile ivoirier, texte que M. P. Achard a, ainsi que nous l’avons déjà dit, trouvé dans le registre des délibérations de la Confrérie de la Miséricorde d’Avignon, et dont il a bien voulu nous laisser prendre copie.

Nous verrons après ce qui reste encore des légendes poétiques dont on nous a bercés jusqu’à ce jour, et ce qu’il faut prendre ou laisser de ces prétendues révélations historiques, qui ne sont souvent que trop funestes à la crédulité de ceux qui y ajoutent foi et qui les propagent.

CONCLUSION POUR LE CRUCIFIX D’IVOYRE.

L’an 1659 et le 16 d’avril estants assemblez Messieurs le Recteur et confrères dans la Chapelle de la dite compagnie (de la Miséricorde) frère Paul Guichard, vice recteur d’icelle a remontré que puisque le dessein de ladite Compagnie est despuis longtemps de faire faire un beau Crucifix pour porter aux processions solennelles; attandu que celuy que nous avons a present est mal faict l’occasion s’en presante fort belle qu’il y a en ceste ville un excellent sculpteur estranger, qui travaillé merveilleusement bien en Ivoire, et surtout en figure de crucifix (Et comme l’œuvre loüe le maistre) il a faict dans ceste ville de crucifix d’Ivoire excellemment beaux: et si bien son dessein est de s’en aller en Italie, toutefois ledit sieur Paul Guichard l’ayant pressanti s’il se voudrait arrester pour faire un gros crucifix pour notre dite Compagnie, il luy aurait promis, que si l’on pouvait trouver promptement une dent d’Ivoire nette, et saine de la longueur et grosseur nécessaire, il s’arresteroit, et se fait bon de nous faire un Crucifix parfaict et accompli, plus long et plus gros que celuy que nous portons à présent, et y employer tout son sçavoir et industrie.

Sur quoi ledit sieur Guichard vice recteur auroit prié ledit sieur recteur (César Barnioli, notaire) et compagnie d’y vouloir délibérer, et de ne laisser perdre une occasion si favorable.

Lors ledit sieur Barnioli Recteur informé de la capacité dudit sculpteur a trouvé tres a propos de faire faire de sa main un crucifix d’Ivoire, et pour donner bon commencement à ceste œuvre s’est offert de donner tout presentement six pistoles d’Espagne.

Allors toute l’assemblée a remercié ledit sieur Barnioli Recteur de son donatif et a esté unanimement conclu de faire faire un Crucifix d’Ivoire le plus beau qu’il se pourra, et pour cet effect d’achepter le plus promptement et a la meilleure condition qu’il sera possible, la dent d’Ivoire sur ce nécessaire.

Et parceque il ne s’en trouve point en ceste ville, et que monsieur du Moustier notre confrère a dit en avoir veu à Marseille, ladite assemblée a député ledit sieur Pol Guichard pour aller dez desmain en diligence au dit Marseille achepter ladite dent de la grosseur, poids et qualité que ledit sculpteur luy designera aux despans de ladite compagnie.

Ledit sieur Guichard a accepté ladite députation s’offrant de faire ledit voyage a ses propres despans sans, qu’il couste rien à ladite compagnie.

Et la même ledit sieur recteur a rémis et consigné audit sieur Paul Guichard les six pistoles d’Espagne effectives pour les employer audit achat.

Ledict frere Pol Guichard ayant faist le voyage de Marceille et ayant rapporté comme il n’avait treuvé audit Marceille aucune dent assez grosse et propre pour le dessain du Crucifix dont est question, ayant appris que assurement il y en avait à Montpeiller, par ordre dudit sieur Recteur escrivit et fist escrire Monsieur Palasse nostre confrère à de marchands dudict Montpeiller avec lesquels il a commerce et correspondance par moyens desquels on nous auroit faict venir une belle et grosse dent d’Ivoire du poids de septante trois livres au prix de trente-huict sols la livre monnoye du Roy a condition que si elle nestoit propre, le marchand qui la vendoit la reprendroit, mais l’ayant faicle voir a Monsieur Jean Guilhermin maître sculpteur l’auroit trouvee fort belle et propre pour notre dessain, si bien que de l’advis de plousieurs conseilliers et notables confreres et de l’ordre dudit sieur Recteur nous aurions gardé ladite dent, et comme ledit sieur Palasse s’estoit rendu responsable du prix d’icelle, ledit frere Pol Guichard luy bailla les six pistolles que ledit sieur Barnioli luy avait données et consignées et le surplus fust payé par le thresorier de la Compagnie.

Le marché de la façon dudit Crucifix fust faict avec ledit sieur Guilhermin sculpteur ensuite de pleusieurs conferences a quarante escus blancs effectifs ou bien luy payer le change si on luy donnoit de patas. Et pour occasioner ledict ouvrier de se pener et employer toute son industrie, on luy promist que si le Crucifix qui feroit estoit trouvé beau a la perfection on le recognoistroit d’une pistolle par dessus ledit prix.

Et comme ledit sculpteur travailloit audit ouvrage au plus gros des chaleurs des mois de juillet et aoust, il arriva que ayant esbauché les deux bras dudit Crucifix il arriva qu’ils se rayèrent un peu, si bien qu’il fust trouvé bon puisque il avoit d’ivoire de reste de fere deux autres bras qui ne fussent pas rayés, et d’achever les uns et les autres ce qui fust faict si bien que nous avons doubles bras qu’il fault sognousement garder.

Enfin par la grâce de Dieu ledit sieur Guilhermin sculpteur nous rendist nostre Crucifix parfaict et accompli quelques jours avant nostre feste de la décollation de Saint Jean-Baptiste, si beau et si bien faict que non seulement tout le peuple mais les plus excellans et experts hommes l’on tenu et le tiennent pour une merveille et des plus rares pièces qui soit en le pais.

Il y eust un honest homme qui l’ayant veu s’offrit d’en donner cent louis d’or si on luy vouloit vendre.

Le jour et feste de la décollation de notre glorieux patron Saint Jean-Baptiste Monseigneur l’archevecque de ceste ville vint celebrer la Sainte Messe a noire chapelle, apres laquelle revestu de ses habits pontificaux il bénit solennellement ledit Crucifix et puis sestant humblement prosterné a genoux l’adora et luy baisa les pieds et ensuitte tout le peuple luy alla baiser les pieds, pendant tout ledict jour et pendant l’octave que nous eumes l’estation du Saint Sacrement et que la chapelle et antichapelle estoint bien tapissée et ornée. Il y eust touts les jours cinq ou six messes avec la benediction, le inonde ne se pouvoit souler de voir ledict Crucifix.

Attendu que ledict Crucifix a esté trouve beau et bien faict a esté délibéré et conclud par ledict sieur Recteur, conseilliers et notables confreres de payer audit Guilhermin la pistolle qu’on luy avoit promise par dessus son marché, attendu principallement qu’il y a faict une belle corone d’espines et un escriteau d’ivoire, comme aussy de luy donner une autre pistolle pour les doubles bras qu’il a faict et achevés à sa perfection.

Et d’aultant que ledict Crucifix, mérite bien d’estre conservé a esté conclud qu’on ne le pourtera que aux processions solennelles et que on fera fere une niche dans la muraille mestresse de la chapelle proche du balustre et du costé gauche en entrant et a esté donné pouvoir et charge audit frère Pol Guichard vice recteur de fere fere ladicte niche avec l’embellissement convenable laquelle niche se puisse fermer à deux ou trois clefs et qu’on ne pourra prester ledict Crucifix a qui que ce soit.

Essai historique sur le Christ d'ivoire de Jean Guillermin

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