Читать книгу Une Lueur Au Cœur Des Ténèbres - Amy Blankenship, Amy Blankenship - Страница 4
Chapitre 1
ОглавлениеPendant des siècles, la lune rouge avait toujours été signe du porteur de mort. Ceux qui voyaient ce signe de mauvais augure se terraient de peur de perdre la vie emportés par la puissante mélopée du sommeil sans fin qu'il promettait.
Dans la distance, un cri à vous glacer le sang pouvait être entendu des milles à la ronde alors que trônait haut dans le ciel de minuit ce funeste symbole.
Dans la clairière, deux silhouettes solitaires se dressaient, l'une blessée, respirant avec difficulté, des dagues jumelles serrées au creux de la main ; l'autre telle une ombre dominante et menaçante au dessus d'elle, un sourire mauvais illuminant son visage à la beauté venue d'ailleurs. Un regard de prédateur couleur rubis scintillait à la pleine lune en attendant de voir ce que sa proie ferait ensuite. La peau à la pâleur surnaturelle de Hyakuhei semblait briller dans la nuit, lui donnant l'apparence d'une faucheuse angélique.
— Tu nous as tué sans mort ! aboya Toya, laissant apparaître ses longues canines.
Ses yeux couleur de poussière d'or brûlaient de haine pour l'homme se tenant devant lui. Jadis son ami... Le propre frère de son père... À présent son ennemi mortel.
— Espèce de salopard !
— Tu dis cela maintenant avec tant de conviction mais je t'ai donné la vie éternelle, je t'ai formé et je me suis occupé de toi. Je vous ai aimé ton frère et toi comme si vous étiez miens.
— Pour toi nous transformer en monstres... C'est de l'amour ? Tu nous as confisqué nos vies ! Tu m'as manipulé afin que j'essaie de forcer mon frère à te rejoindre ! Tu nous as menti, en disant que tu pourrais annuler le sort si seulement nous voulions bien nous joindre à toi.
Il perdit le souffle devenu sifflement de colère alors qu'il continuait.
— Sans ta fascination perverse pour mon frère, nous serions des hommes normaux, vivant des vies normales comme une vraie famille, et non les créatures nocturnes sanguinaires que tu as fait de nous !
Des larmes amères de colère face à la trahison s'écoulèrent des yeux de Toya... leur donnant une étrange nuance argentée.
— Tu es un sot si tu as un jour cru que vous ayez jamais été normaux !
Hyakuhei avait une trace malveillante d'amertume dans la voix.
— Ton frère et toi avez eu le tort de pleurer une chose qui n'a jamais été votre pour commencer.
Sa voix s'adoucit l'espace d'un instant alors qu'il ravalait les souvenirs de son frère jumeau... leur père.
Peu importe.
Ses yeux brûlaient lorsqu'il concentra à nouveau son attention sur Toya.
— Tu es exactement comme ton père... Égoïste.
— La mort de ton père t'as placé sous ma responsabilité ! Ton frère et toi êtes miens et j'ai toujours pris ce qui était à moi. J'aurais votre obéissance lorsque j'en aurais terminé avec vous.
Hyakuhei desserra le poing par anticipation, pressé qu'il était de sentir le sang de l'homme plus jeune dégouliner de ses doigts meurtriers.
— C'est toi qui a trahis ta chair et ton sang !
Toya pivota sur lui-même en écoutant la voix tant détestée comme Hyakuhei scintillait et disparaissait juste le temps de réapparaître du côté opposé. Il savait que le vampire meurtrier s'amusait seulement avec lui mais Toya ne le craignait plus. Cette peur était morte avec elle.
— Pourquoi la tuer ? demanda Toya d'une voix douce dont le sifflement était empreint de colère et de désespoir.
— Pensais-tu qu'en la tuant tu obtiendrais le Cristal ? Jamais ! Elle a refusé de te donner ce pouvoir et tu ne l'as pas supporté. N'est-ce pas, Hyakuhei ?
Il hurla et pivota en essayant de suivre son ennemi car Hyakuhei le contournait dans un but meurtrier.
— Ce n'était pas un secret que tu la voulais pour toi seul.
La main de Toya se resserra sur la dague, de fureur alors qu'il se remémorait l'aspect hanté... La filature... La vue de son corps sans vie.
— N'importe qui avec les yeux en face des trous pouvait voir de quelle manière tu la regardait quand tu pensais que ni moi ni Kotaro ne faisions attention.
Son souffle s'éteignit dans un sanglot alors qu'il se balançait quelques instants, sachant que Kotaro et lui l'avaient tous deux aimé... Ils avaient combattu Hyakuhei puis s'étaient affronté pour elle. Nul n'avait gagné.
— Nous t'avons vu.
— Kyoko était mienne et sera toujours mienne ! hurla Toya de colère face à la perte de celle qu'il avait aimée plus que l'air...
Elle n'était plus là. Elle avait été la lueur au cœur des ténèbres qui constituaient désormais son monde. Elle était la raison pour laquelle il avait défié Hyakuhei. À présent cette raison n'était plus et Toya senti le feu de son âme monter à une température mortelle. Il l'avait trouvée étendue sans vie avec un petit poignard planté dans le cœur. Tout au fond de lui il savait... Kotaro et lui savaient tous les deux... Hyakuhei était parvenu d'une façon ou d'une autre à lui ôter la vie.
Le regard d'Hyakuhei devint un ton plus sombre alors qu'il contemplait avec dédain le benjamin de son frère.
— Ah oui, l'introuvable Cristal du Cœur du Gardien... Un tel pouvoir n'a rien à faire entre les mains d'un fol enfant tel que toi. Les êtres les plus puissants ont cherché le Cristal du Cœur du Gardien... T'imaginais-tu être le seul cher petit ? Les vampires mais également les immortels, les sorciers et même les loups-garous partagent ce désir de réunir un tel pouvoir. Comprends-tu ce qui ce serait produit si le Lycan avait été le premier à prendre possession d'elle ?
Les yeux d'Hyakuhei laissèrent s'écouler des larmes écarlates à la pensée d'un tel pouvoir se retrouvant entre les mains de Kotaro, maître des tribus Lycan.
Sa fureur ne fit qu'un bond alors que lui revenait le souvenir du parfum du Lycan sur sa chair cette même nuit-là. Il n’avait pas rester là et permettre à des choses aussi dangereuses de se produire.
— Non, petit inconscient... Je me suis déjà occupé de la prêtresse qui portait en elle le cristal.
Le regard d’Hyakuhei se durcit alors qu’il songeait à ce petit mensonge.
En vérité, il n’avait pas assassiné la fille. Elle s’était suicidée, pensant ainsi l’empêcher d’obtenir le cristal. Il l’avait tenue entre ses mains, il avait été prêt à s’approprier le pouvoir qui reposait en elle. Le pouvoir dont parlait la légende, si l’on pouvait s’y fier... aurait donné la capacité à son obscurité d’arpenter la lumière et de s’en nourrir.
Il sentait encore le fourmillement dans ses doigts d'avoir brièvement effleuré sa peau. Il s'était tenu derrière elle... Percevant la chaleur de son corps de sa main glacée. Ses yeux émeraude s'étaient tournés vers lui et l'avaient défié pendant à peine une seconde. Il avait seulement voulu goûter. Trop tard, il avait vu la dague dans sa main alors qu'elle disparaissait prestement dans sa poitrine. Il aurait pu la transformer et tout partager avec elle mais... Elle avait refusé son offre généreuse. La brave femme pourtant sotte avait cru qu'en se tuant elle le tiendrai isolé du pouvoir du cristal pour toujours. Toujours, ça faisait long comme durée pendant laquelle il faudrait tenter d'échapper à sa détection.
— Elle renaîtra ! hurla Toya avec angoisse, conscient d'avoir échoué à la protéger de la colère d'Hyakuhei.
Il était rongé par le remord de n'avoir pas été là pour la sauver. Elle avait su qu'il était vampire... Une créature de la nuit... Pourtant, elle ne lui avait pas tourné le dos. Au lieu de cela, elle était devenue son amie. Kyoko lui avait fait confiance, même pour sa vie. L'esprit de Toya le renvoya à ce moment où il l'avait connue... Son corps s’affaissant, agenouillé alors qu'il s'accrochait au sol en regardant couler ses propres larmes.
Cela n'avait pas fait assez longtemps ! hurla-t-il mentalement, comme un refus de la réalité.
Il ne l'avait connue que durant une si courte période ; six cycles lunaires. Lorsqu'il l'avait rencontrée pour la première fois... Tout ce qu'il voulait c'était le cristal... Le cristal qu'elle ignorait porter en elle dans un premier temps. Mais il pouvait le voir briller en elle, qui l’appelait. Puis quelque chose avait changé. Toya s’était retrouvé malgré lui à essayer de la protéger au lieu de tenter de lui enlever le cristal.
Depuis qu’elle était entrée en collision avec son monde obscur, Toya avait découvert la vérité derrière la légende du Cœur du Cristal du Gardien, des choses dont Hyakuhei lui-même n’avait aucune idée. Il avait partager ces secrets avec son frère mais Hyakuhei l’avait empêché de trouver Kyou à temps... Désormais, il était trop tard.
— Tu ne pourras jamais avoir sa lumière dans tes ténèbres... Je retrouverais Kyoko et garderais le cristal hors de ta portée !
Dans la voix de Toya, résonnaient les durs accents de la soif de vengeance.
— Elle revivra, et je serais là en train de l’attendre.
Une larme d'argent solitaire glissa le long de sa joue, inaperçue alors qu'il criait :
— Ensemble ! Elle et moi trouverons un autre moyen de libérer Kyou de toi !
Hyakuhei se rapprocha de Toya, un gloussement sinistre s'élevant du plus profond de son torse.
— Mais oui, mon cher Toya, elle revivra. Le cristal reviendra en ce monde et je serais celui qui saura s'approprier son pouvoir, mais également la fille. Et pour ce qui sera de mon précieux Kyou... Je suis certain de pouvoir trouver quelque chose pour occuper le temps libre de ton frère jusqu'à ce que ce jour arrive.
Toya émit un sourd grondement de gorge, conscient d'avoir là une épée à double tranchant.
— Garde donc tes idées de malade pour toi. Je trouverais le moyen de nous ramener à la normale. Et toi... Je t'amènerais à la mort !
Il termina dans un cri alors que le vent commençait à se lever, hurlant férocement à travers la clairière. La dague dans sa main fusa dans un éclair de lumière argentée, effleurant à peine la tunique noire qui habillait gracieusement le corps d’Hyakuhei. Toya avait du mal à croire à quel point son adversaire était rapide mais l’expression de détermination se lisait sur le haut de son visage. Une seconde lui apparut dans l’autre main et il la balança vers sa cible, faisant de même avec la première immédiatement après.
Hyakuhei esquiva les lames mortelles grâce aux siècles d'entraînement qu'il avait subi. Les humains étaient si faciles à vaincre comme créatures et Toya, bien que changé, était encore très humain dans sa manière de penser... Il était encore tel un enfant aux yeux du vampire. Il lui fallait bien admettre, malgré tout, qu'étrange ment, d'avoir protégé la prêtresse avait fait mûrir son pouvoir au point de le rendre presque égal à celui d'un ancien. Lui enlever la prêtresse avait servi à deux choses. Sans sa raison de lutter, le pouvoir de Toya avait grandement faibli. D'un mouvement violent de la main gauche, Hyakuhei s'arrangea pour emprisonner les deux poignets de Toya en une étreinte écrasante. Total n'avait aucun moyen de défense au moment où les griffes droites du vampire tailladèrent cruellement sa joue. Il y eût une confrontation entre yeux d'argent et yeux écarlates l'espace d'un instant suspendu dans le temps alors qu'Hyakuhei rétractait ses griffes. Ses lèvres esquissèrent un sourire pervers alors qu'il tendait la main pour caresser doucement la blessure qu'il venait juste d'infliger si méchamment.
— Quel tristesse, gâcher une telle perfection... Tu es si semblable à ton frère.
Il se lécha …
Sentant ses poignets en train d'être relâchés, Toya fit un pas en arrière et tenta de parer l'attaque suivante visant son torse. Il poussa un grognement de douleur lorsque le sang gicla des trous laissés sur sa poitrine. Pressant un bras contre les blessures, il tituba à reculons, ses yeux dorés écarquillés et cette fois, Hyakuhei le laissa faire. Toya pu sentir les os brisés de ses poignets se frotter les uns contre les autres et il lui fallut se concentrer pour empêcher seulement ses dagues de tomber au sol. Relevant les yeux vers l'homme qu'il détestait plus que la mort, Toya tenta de faire abstraction de la douleur conscient du fait qu'il ne s'agissait pas d'un jeu... Même les non-morts pouvaient périr.
— Petit sot, tu pensais pouvoir sauver ton frère en me tuant ? Tu parviens à peine à tenir tes lames à présent, alors m'ôter la vie... railla Hyakuhei puis son visage devint placide,, sa colère subitement envolée.
La brise nocturne releva les pointes de sa longue chevelure d'ébène lui donnant l'apparence d'être vivante.
— Tu n'avais pas la moindre chance dès le départ, petit. Je vais t'aider à trouver le repos afin que tu ne souffres plus, murmura Hyakuhei, posant un regard qui était en train de se radoucir sur le blessé tel celui d'un père qui gronde son enfant indiscipliné.
Un éclair rougeoyant de colère passa dans le regard argent à ces mots.
— Tu n'auras jamais mon frère, espèce de fils de pute ! Aussi longtemps qu'il lui restera un souffle de vie, Kyou ne te laissera pas gagner, et moi non plus ! hurla Toya en fonçant vers la silhouette vêtue de noir dans une dernière tentative de sauvetage de son âme immortelle.
Hyakuhei disparut en un clin d'œil avant que la dague de Toya ne puisse pénétrer le cœur froid caché profondément dans son corps sans âge. Les globes rouges brillèrent, assoiffés du sang du jeune homme qui pensait le défier. Sa forme sombre en lévitation en haute altitude marqua une pause pendant quelques instants avant de redescendre pour attaquer sa proie.
Les sens de Toya criaient au danger alors qu'il percevait la menace envers son existence mais il n'était pas encore assez chevronné pour localiser exactement l'origine de l'attaquant. Il chercha autour de lui frénétiquement mais à présent, avec des sens émoussés par la perte de sang due à ses plaies... En plus de la blessure cachée à l'intérieur de son cœur, Toya sentit sa peur décupler. Son cœur était blessé par les paroles jetées à la figure par son soit-disant «père».
— Je ne saurais te laisser gagner, monstre. La vie de mon frère en dépend. murmura Toya dans un souffle laborieux, provoquant un écho tonitruant dans ses propres oreilles.
Un éclat de peur fulgurant traversa sa colonne vertébrale alors que son regard était levé vers le ciel nocturne. Ses yeux s'agrandirent de terreur à la vue de ce qu'il ne connaissait que pour l'avoir donné... Jamais pour l'avoir reçu.
Alors... C'est cela que ça fait.
Les pensées s'égrenaient dans son esprit tourmenté.
Il tenta de bouger mais fut maintenu immobile par une force inconnue. Leurs regards étaient verrouillés dans une intensité meurtrière. Les yeux rouges perçaient le cœur de son âme et Toya su que la mort arrivait.
Le cri logé dans sa gorge fut remplacé par un gargouillement. La lueur argentée de son regard pâlit pour laisser place à l'or d'origine de ses yeux qui rencontrèrent ceux de son assassin, alors que le temps sembla s’arrêter. Il commença à sentir son corps s'engourdir en regardant lentement le sol entre leurs deux corps.
Des larmes tombèrent des yeux de Toya alors que la couleur vive dorée commençait à pâlir.
J'ai failli, pardonnez-moi je vous en prie... Kyoko... Kyou. furent ses dernières pensées alors qu'il expirait.
Il pouvait sentir les battement de son cœur s'éloigner de plus en plus alors que la douleur disparaissait. Des mystères se révélèrent à ses derniers battements de cœur alors qu'il murmura avec un émerveillement tourmenté,
— Kyoko... Depuis combien de temps es-tu là ?
Regardant avec un plaisir tordu, la silhouette vêtue de noir avec ses yeux rouges étincelants sourit de satisfaction. Lentement il les fit tous deux redescendre au sol dur et compacte. Sa main griffue incrustée profondément dans la poitrine du jeune homme au yeux comme le soleil. Hyakuhei arracha sauvagement le cœur qui avait cessé de battre.
En regardant les yeux sans vie de Toya, il murmura :
— Je me suis toujours demandé de quoi auraient l'air les yeux de Kyou quand il pleurerait... Je parierai qu'ils seront beaux.
Il se pencha et déposa un baiser sur le front de Toya avant de se relever et de se tourner pour faire face à l'homme qui venait de se poser à une courte distance derrière lui.
Un sourire sadique embellit ses lèvres alors qu'il tendit le cœur sanglant et attendit que Kyou réduise la distance qui les séparait.
— Pour toi mon trésor, à présent plus rien ne pourra se mettre entre nous.
Sa voix était portée par la brise du soir.
Les yeux de Kyou rétrécirent de dégoût lorsqu'il regarda le cœur fraîchement arraché qui lui était tendu. Serait-ce qu’Hyakuhei avait été un mort-vivant si longtemps que pour lui la mort était un cadeau ?
Dégoûté, Kyou se détourna de cette vision perturbante. Il avait senti l'angoisse de son frère et était venu en chercher la cause. A la place il avait trouvé son soit-disant "père" et il ne pouvait plus percevoir l'aura de son frère.
Quelque chose de terriblement mauvais s'était produit et Kyou pouvait sentir les nerfs de tout son corps picoter sa peau comme un avertissement.
Il ne pouvait voir le propriétaire du cœur dont la vie dégoulinait encore de la main du vieux vampire puisque Hyakuhei obstruait sa vue. Cela l'ennuyait d’être retardé et empêché de chercher son jeune frère. Il n'avait pas vu son frère depuis plus d'un an mais cette nuit... Il savait que Toya avait eu besoin de lui. Cela avait dé être important pour que Kyou ressente son appel aussi intensément.
Sentant l'impatience de l'homme face à lui, le regard doré de Kyou se fixa sur celui d'Hyakuhei.
— De qui as-tu volé l’âme cette fois ? demanda-t'il avec mépris.
— Pourquoi ne viens-tu pas voir par toi même, mon trésor ? Je suis certain que tu seras réellement étonné. C'est mon présent pour toi.
Alors qu'Hyakuhei faisait un pas de côté, révélant clairement la scène au milieu de laquelle gisait sa victime, un sourire fourbe illumina ses traits dans l'ombre. Tendant la main négligemment vers Toya, il se tourna pour regarder le cadavre sur le sol.
Le regard de Kyou suivit celui d'Hyakuhei alors qu'il faisait quelques pas de plus pour se rapprocher, ne saisissant pas bien l'importance de l'identité de cette victime. Ses yeux dorés s'élargirent de stupeur devant la forme ratatinée étendue dans la poussière alors qu'un mauvais pressentiment fit tressaillir d'alarme toute sa colonne vertébrale. Les battements de son cœur s’accélérèrent lorsqu'il vit les familières mèches argentées brillantes parsemant la chevelure couleur nuit profonde, à présent mêlée de sang et de poussière, à travers le visage de l'homme comme pour dissimuler sa véritable identité.
Il sentit dans son être tout entier un cri de rage et de déni devant l'évidence du spectacle offert à lui de la silhouette de son frère qu'il cherchait, assassiné.
— Non !
Kyou envoya sa tête en arrière et rugit. Des larmes envahirent ses yeux comme il se retournait pour faire face au responsable.
— Qu'as-tu fais ? dit-il dans un grondement menaçant en fusant en direction du meurtrier de son frère, s’arrêtant net à quelques millimètres de lui.
De ses yeux or comme le soleil, s'échappaient des larmes de sang... Les canines allongées étaient à nu comme celles d'un chien enragé. Il contracta sa main griffue avec une rage à peine contenue, dans l'attente d'une confession.
— Rien de plus que ce que j'aurai du faire dés le début... me débarrasser de celui qui ne t'appréciait pas comme je le fais.
L'expression d'Hyakuhei s'adoucit pendant un bref instant alors qu'il regardait son enfant favori. Il avait dispensé à Kyou toute son attention et son affection depuis qu'il lui avait fait le don de l'obscure immortalité... Mais en dépit de cela Kyou n'avait jamais été heureux. C'était cette mélancolie dans le regard d'or de Kyou qui l'avait tant attiré... La solitude en lui était belle et était la parfaite copie de la propre mélancolie d'Hyakuhei. Il avait ensuite transformé le frère de Kyou, Toya, dans l'espoir que cela lui vaudrait le dévouement de son précieux fils. Mais... Cela n'avait servit qu'à rendre Kyou plus malheureux.
Hyakuhei observait les larmes douces amères se former dans les yeux de Kyou et su qu'il ne s'était pas trompé... Kyou était des plus divins quand il pleurait.
À cet instant, quelque chose au plus profond de Kyou se brisa alors qu'un cri de désolation à fendre les montagnes explosa en quittant son corps. Dans une rage aveugle, il attaqua l'assassin de son frère, canines en avant et griffes déchaînées.
— Je vais t'arracher le cœur et laisser ton cadavre en pâture aux créatures de la nuit pour ce que tu as fait !
Avec agilité, l'homme diabolique esquiva l'attaque et dans un nuage flou de noir vint visser Kyou au sol. Avec un calme qui ne se reflétait pas dans les profondeurs de son regard rubis, Hyakuhei se rapprocha en se penchant, son regard fixé sur le visage qui le hantait tant... Celui de son propre frère.
— J'ai fait ce qui était nécessaire pour nous.Toya ne voulait pas que tu possèdes mon don et essayait de te le retirer. Tu comprendras avec le temps, murmura-t-il en effleurant une seconde de ses lèvres douces les lèvres grondantes qui lui faisaient face comme il disait ces mots.
Avec une force qu'il ne savait pas qu'il avait, Kyou rejeta par la force l'homme à environs 6 mètres de son corps tremblant. Il essuya sa bouche de son avant-bras, submergé par le dégoût alors qu'il grondait dangereusement.
— Maintenant, petit, calme-toi, roucoula l'homme en se levant et en s'époussetant.
Ses yeux brillaient de promesse alors que son corps scintillait légèrement, puis s'estompa en arrière dans la nuit.
— Je vais regarder… t’attendre… mon petit chat.
Le monde de Kyou vola en éclats autour de lui alors qu'il baissait les yeux sur le corps sans vie de son frère.
Je vengerai la mort de mon frère et passerai l'éternité à te pourchasser si je le dois. Quand je te trouverai, tu paieras pour ça… Hyakuhei ...
Il se mit à genoux en tremblant et souleva doucement le corps de Toya contre sa poitrine… berçant doucement sa tête. Les cheveux de son petit frère étaient tombés de son visage, rendant la vision de Kyou floue alors qu'il tentait de retenir le flot de larmes sans succès. Il semblait que Toya était simplement endormi… paisible pour la première fois depuis bien trop longtemps.
Il regarda ses larmes couler sur la joue de Toya et Kyou sentit son cœur se briser. Serrant fermement son frère bien-aimé contre lui, Kyou chuchota d'une voix instable :
— Toya, s'il te plait, pardonne-moi… de ne pas être arrivé à temps.
Son souffle frissonna de lui alors qu'il fermait les yeux de douleur.
— Je savais que tu avais besoin de moi… J'aurais dû te sauver.
L'esprit de Kyou revint au jour où Hyakuhei l'avait transformé en ce qu'il était maintenant… le lendemain de la mort de son père. Kyou savait que Hyakuhei ne voulait que de lui… et Toya n'était qu'un petit enfant. Donc pour protéger Toya… Kyou était parti avec son oncle alors même que son petit frère avait pleuré pour qu'il ne parte pas.
Il se souvenait encore de la méfiance qui brillait dans les grands yeux dorés de Toya alors qu'il regardait Hyakuhei pour avoir osé éloigner son grand frère de lui. C'était le souvenir de ce regard hanté qui avait aidé Kyou à rester loin de son frère pendant plusieurs années… pour le protéger.
Pendant que Toya grandissait, Kyou avait eu envie de le voir… lui rendre visite secrètement et l'observer de loin… regarder son frère vivre la vie qu'il ne pouvait pas. Regarder Toya dans l'ombre avait été le seul bonheur de Kyou pendant ces jours sombres. Il s'était souvent glissé dans la chambre de Toya… pour le regarder dormir.
S'il avait su que Hyakuhei le suivait et le regardait regarder Toya… il n'aurait jamais mis Toya en danger comme ça. Son oncle avait transformé Toya parce qu'il avait pensé que c'était ce que Kyou voulait. C'était sa faute si Toya était mort la première fois.
Toya avait combattu leur oncle, pendant le processus de transformation et après. Alors que leurs disputes devenaient plus violentes, Kyou avait essayé de garder l'attention de Hyakuhei loin de son frère. Ensuite, Toya avait commencé à parler d'un remède contre les vampires… le cristal du cœur du gardien. Il avait juré de le trouver et de les guérir tous les deux. Toya avait trouvé son remède… dans la mort.
Faisant de son mieux pour éviter de regarder la cavité désormais vide où le cœur de son frère avait autrefois résidé, Kyou se leva et transporta le corps de Toya loin de la scène pour lui donner un enterrement approprié.
Il ne pouvait plus sentir la présence de Hyakuhei mais savait qu'il était proche, le regardant d'une manière ou d'une autre… le regardant toujours. Kyou comprenait maintenant qu'il devrait partir, se cacher jusqu'à ce qu'il soit assez fort pour vaincre le mal qui avait volé la seule chose qui lui était chère… son petit frère. Il passa devant l'obscurité, quittant la clairière dans un silence total.
Kamui poussa un léger soupir de soulagement quand les frères furent partis et abaissa sa barrière d'invisibilité qui entourait la forme battue de Kotaro. Baissant les yeux vers le Lycan, Kamui savait que cela prendrait un certain temps aux blessures de Kotaro pour guérir… non seulement les blessures de son corps, mais aussi les blessures qui étaient profondément ancrées dans son cœur.
— Allez, murmura Kamui en tirant l'un des bras de Kotaro sur ses épaules et en l'aidant à se lever.
— Hyakuhei n'est pas allé loin et je dois vous faire sortir de cet espace découvert.
Ses yeux miroitèrent de la couleur de la poussière arc-en-ciel alors qu'il tentait de retenir ses propres larmes. C'était en vain car il pouvait les sentir glisser le long de ses joues dans des sentiers chauds. Tant de choses avaient été perdues en seulement quelques heures mortelles… il savait maintenant ce qui était vraiment plus sombre que sombre. Il ne perdrait pas Kotaro également.
— Je ne le détestais pas tant que ça, murmura Kotaro, regardant d'un air découragé l'endroit où le corps de Toya était étendu quelques instants auparavant.
Ils avaient tous les deux aimé Kyoko et elle avait à son tour eu de l'affection pour eux deux… ne choisissant jamais l'un plutôt que l'autre quand ils se battaient… jusqu'à ce soir. Les Parques ne lui avaient donné que quelques heures… au moins Toya ne savait pas.
Sa main se serra en un poing et se resserra un peu plus fort Toya aurait été fou… mais il aurait été vivant.
— J'aurai préféré affronter sa colère… mais pas ça… pas ça. Sa voix vacilla.
Ils avaient tous les deux essayé de la protéger mais maintenant Toya… Les yeux bleu glacier de Kotaro étaient embués de larmes non versées,
— Je ne l'ai jamais détesté.
— Il sait bien que non, déclara Kamui en conduisant Kotaro en direction du seul endroit sûr qu'il connaissait ... la maison de Shinbe, le sorcier.
Il lui fallait faire connaître à leur ami le sort de Toya… et celui de Kyoko. Shinbe saurait en quelque sorte quoi faire, il savait toujours.
— Je vais tuer ce bâtard Hyakuhei, gronda Kotaro en luttant contre Kamui qui le retenait, sa nature Lycan remontant à la surface.
— Il l'a tuée, il a tué Toya à cause d'elle. Quand je le retrouverai, il va regretter de ne pas être né humain.
Comme s'il avait eu le souffle coupé, le corps de Kotaro frissonna. Il savait que Toya était beaucoup plus fort qu'il ne l'avait jamais reconnu, mais sans Kyoko à protéger… Toya avait perdu sa volonté de se battre. Hyakuhei l'avait su avant même que le combat ne commence. Le chagrin de Toya l'avait rendu impétueux… impatient.
— Si seulement il avait attendu… encore quelques instants. Kyou aurait pu le sauver.
La tristesse planait sur chaque syllabe alors que Kotaro essuyait avec colère les larmes qui laissaient silencieusement des traces sur ses joues.
— Je voulais les sauver tous les deux ...
— Kyoko, la douleur de son corps affaibli était trop forte alors qu'il fermait ses yeux bleu glacial brillant et cédait au néant qui apaiserait la douleur pendant un court moment.
Kamui acquiesça en soulevant le corps mou de Kotaro et le porta.
— Tu en as assez fait. Repose-toi pour le moment. murmura-t-il.
— C'est à mon tour d'être le sauveur.