Читать книгу Une Lueur Au Cœur Des Ténèbres - Amy Blankenship, Amy Blankenship - Страница 5

Chapitre 2

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Au cours de la dernière heure précédant l'aube, Kamui demeura en suspend au dessus de la tombe anonyme. Les deux hommes dont il était flanqué étaient tout ce qu'il lui restait. Il avait regardé Shinbe utiliser ses pouvoirs de télékinésie pour déplacer la terre de la tombe de Toya afin de l'agrandir suffisamment pour y placer deux corps.

Shinbe et Kotaro avaient à présent tous deux la même expression... Celle d'une tristesse mêlée de force entêtée. Kamui savait qu'ils essayaient de rester forts pour lui mais il pouvait voir au delà de la mélancolie qu'ils dissimulaient tous deux. Ils baissèrent tous les yeux vers la tombe... la douloureuse réalité de tout ça s'imposant à eux. Les choses n'étant pas supposées finir de la sorte... Les gentils n'étaient pas censés perdre... ou mourir. Shinbe les avait aidé à prendre une décision concernant la marche à suivre. Récupérant le cadavre de Kyoko, ils l'avaient amenée vers la tombe où Kyou avait déposé son frère et ils les enterrèrent ensemble. Toya l'aurait voulu ainsi... C'était la seule chose qui paraissait juste.

Kamui avait semblé incapable de porter le corps de Kyoko jusqu'à la sépulture une fois qu'ils l'avaient retrouvée. Ce n'était pas le sang autour d'elle qui l'avait perturbé. C'était juste à vous fendre le cœur de voir quelqu'un de si bon et pur, en possession d'une telle luminescence qu'on en attrapait mal aux yeux à la regarder... Étendue là dans l'obscurité, les yeux grands ouverts, éteints.

Ressentant le choc de Kamui et voyant ses mains tremblantes, Kotaro était intervenu et l'avait soulevée avec amour dans ses bras, en tentant de toutes ses forces d'ignorer la rigidité de ses membres alors qu'il la portait. Il ne pouvait s'autoriser à ressentir autre chose que de la colère et de la tristesse à cet instant. s'il avait laissé le reste se manifester... combien il l'avait aimée, ses genoux auraient lâché sous son poids... le chagrin étant un fardeau bien trop lourd pour lui.

Voir l'expression sur le visage de Kamui était suffisant pour l'aider à contrôler ses propres émotions... Cela faisait également une différence concernant cet engourdissement qui s'était installé. Kamui n'était pas humain mais n'était pas non plus une créature... Quelque soit sa nature, son cœur était en train de se briser.

Kotaro décida de prendre la responsabilité de veiller sur lui à partir de cet instant, même si le garçon n'en avait probablement pas besoin.

Kamui essuya les traces de larmes de ses yeux, une tentative de se montrer fort comme Kotaro et Shinbe. Sa chevelure violette rebelle s’ébouriffait au gré du vent alors qu'il baissait les yeux vers la terre fraîchement retournée. Il avait retiré sa propre tunique et les en avait doucement enveloppés afin d'augmenter la puissance du sort qu'il s'apprêtait à jeter.

Fermant ses yeux scintillants, il garda les doigts entrelacés alors que des ailes illuminées émergeaient de son dos dans une pluie de plumes.

Elles émettaient des reflets intenses de couleurs inconnues de l’œil humain.

Shinbe et Kotaro, surpris, firent tout deux un pas en arrière, comprenant soudain ce qu'était véritablement Kamui. Le mot ange était sur le bout de leurs langues mais il semblait si triste. Tel un ange au cœur brisé... Un ange déchu.

D'un doigté doux, Kamui retira une plume de son aile droite et étendit la main , paume retournée vers le ciel.

L’expression triste et sereine de son visage demeura immuable. Ses yeux brillaient d’une lueur d’espoir alors qu’il glissait rapidement la plume désormais acérée sur la paume de sa main, provoquant une coupure peu profonde.

Le liquide cramoisi forma une flaque dans sa paume et Kamui referma lentement le poing sur elle avant de tendre la main au-dessus de la tombe non marquée. Les gouttes sacrées du sang de sa vie sont tombées sur la terre faisant briller le sol d’une puissance bleue électrique surnaturelle.

Shinbe et Kotaro ne pouvaient faire qu'une chose : se tenir dressés là, en état de choc, à le regarder faire. Ils n’osaient bouger de peur de perturber Kamui dans l'accomplissement de son rite. Tous deux comprirent qu’ils étaient en train d'assister à quelque chose d’incroyable et que, sans doute, ils ne reverraient jamais.

L’air même, autour de Kamui, tourbillonnait ; formant un vortex qui l’entourait d’une lumière bleue fluorescente. Sa voix résonnante quitta ses lèvres, leu semblant plus ancienne et plus sage qu’elle ne l'avait jamais été, de mémoire. Elle ricocha à travers le ciel, un son effrayant qui porta à des kilomètres provoquant l'immobilisation respectueuse de tout ce qui pouvait l’entendre par sa seule puissance.

Un millier d'années il faudra...

Nous plions par amour cette fois...

Quand d'un gardien coule le sang...

De la prophétie sonne le temps...

Alors seulement, deux âmes seront ranimées.

Par le sang, à la lumière retrouvée...

Destinées à affronter la sombre magie de la nuit...

Par ce serment, nous, immortels prendrons les armes...

Protégeant ceux qui renaissent contre d'autres larmes...

Entre les mains de roc et de marbre, délivrant de nôtre ennemi...

L'unique désir qu'il chérit... au cœur de la lumière, de vivre.

Alors que le vortex tournait autour de Kamui, une plume rougeoyante de chaque aile illuminée s’était détachée et avait jailli en avant dans le cyclone… tournant comme deux petites dagues pour foncer vers le sol, atterrissant sur la tombe. Les plumes scintillantes demeurèrent coincées dans la terre molle pendant quelques brefs instants avant de s'enfoncer dedans pour fusionner avec l'âme de ses amis.

Les genoux de Kamui touchaient le sol alors que le sort se dispersait, propageant une onde de choc dans toutes les directions.

— Jusqu'à ce que nous nous revoyions, Kyoko ... Toya, chuchota Kamui en sentant la solitude se refermer sur lui.

— Peut-être que la prochaine vie sera dans un temps meilleur et beaucoup plus lumineux.

Shinbe demeura silencieux à côté de lui, ne voulant rien de plus que de pleurer lui-même ... mais il ne pouvait pas se permettre ce luxe. Hyakuhei était toujours là-bas et il savait que le vampire au cœur noir finirait par venir le chercher. L'ennemi saurait ce qu'ils avaient fait. Il effacerait toutes les traces qu'il pouvait pour l'instant.

Enfonçant la main dans sa poche, Shinbe sortit une petite bouteille d'améthyste remplie de poudre magique sans âge. En répandant un peu de poudre sur le sol, il fit le tour de la tombe pour la protéger de tous regards indiscrets. Le sol devint instantanément solide pour cacher l'emplacement de la nouvelle tombe.

Les yeux de Shinbe s'illuminèrent de la même couleur améthyste lorsqu'il murmura des paroles que lui seul pouvait comprendre.

Il percevait un lien séculaire de fraternité, celui partagé par ceux qui avaient livré une bataille éternelle contre les ténèbres, traverser son âme pour devenir un symbole de protection sur la tombe. Au-dessus du lieu de repos de ses amis jaillissaient des fleurs sans qu'aucune graine ne fut plantée. Cinq couleurs de fleurs apparurent sur des vignes épineuses… argent… or… bleu glacier… améthyste… et une scintillante couleur de poussière d'arc-en-ciel.

— Je prends congé, déclara Shinbe après un long silence.

Il ne voulait pas que sa présence trahisse l'emplacement des autres et savait qu'il était temps de passer à autre chose. Son regard revint vers vers le buisson de fleurs étrangement colorées. Toya et Kyoko étaient maintenant protégés contre Hyakuhei et le sort ne serait pas perturbé. Pour l'instant… c'était tout ce qu'il pouvait leur offrir en plus du chagrin.

Kamui leva les yeux vers le sorcier, choqué par ce nouveau développement.

— Pardon ? Mais pourquoi ?

Ses yeux s'écarquillèrent dans un moment de panique… Est-ce que tout le monde allait le quitter maintenant ? La perte de Toya et Kyoko n'était-elle pas assez grave ?

Sentant croître la peur de Kamui, Shinbe plaça une main ferme sur l'épaule de son ami et tenta d'expliquer :

— Tu sais aussi bien que moi que Hyakuhei finira par apprendre ce que nous avons fait ici.

Il regarda Kotaro par-dessus l'épaule de Kamui sachant que le Lycan comprendrait son abandon.

— Tu pourras échapper à ses yeux toujours vigilants… mais je n'ai pas ce genre de pouvoir. Je pourrai cependant me cacher, mais je ne sais pas combien de temps.

Shinbe lâcha un long soupir et leva les yeux vers la lune suspendue bas dans le ciel.

— Mes jours sont désormais comptés ... un doux sourire déforma le coin de ses lèvres comme s'il connaissait un secret.

— Ainsi soit-il .

— Je monterai à bord du prochain vaisseau en direction de l’ouest, de l'autre côté de l'océan. Là, j'aurai une meilleure chance de garder mon identité à l'abri d'Hyakuhei et peut-être même trouver un moyen pour ma propre âme de se réincarner en même temps que nos chers amis.

Il espérait que ce qu'il disait était la vérité. Ils auraient besoin de lui le moment venu.

Kamui baissa les yeux vers la tombe en dessous de lui puis remonta vers son ami avec plus de calme qu'il ne l'avait ressenti depuis le début de cette soirée cauchemardesque. Il ne voulait pas que Shinbe soit la prochaine victime alors, oui, il comprenait. Il arracha doucement une plume arc-en-ciel de son aile droite et la pressa contre le cou de Shinbe.

Shinbe haleta quand elle commença à briller de mille feux avant d'être absorbée par sa peau. Il baissa les yeux et vit le contour le plus bref de la plume juste en dessous du col de sa tunique.

— Cela vous aidera le moment venu, avait déclaré Kamui avec un sourire et il serra très fort Shinbe dans ses bras en signe de compréhension. Il ne perdrait pas Shinbe pour longtemps… quoi qu'il arrive.

— Nous nous reverrons mon ami, chuchota Shinbe avant de se défaire de l'étreinte de Kamui.

Il hocha la tête vers Kotaro sachant que le Lycan s'occuperait de Kamui pour chacun d'eux. Shinbe regarda la tombe, puis détourna les yeux, laissant sa frange tomber pour cacher la tristesse.

— Qu'il en soit ainsi, murmura-t-il à nouveau en disparaissant dans l'obscurité environnante.

— Tu es prêt, petit ? demanda Kotaro doucement alors qu'il gardait le dos à la tombe.

Il savait qu'il ne pouvait pas rester. Shinbe avait raison… plus ils étaient loin, mieux le sort serait protégé.

Kamui voulait froncer les sourcils au surnom que Kotaro venait de lui donner mais n'avait pas le cœur. Son cœur était enfoui dans la poussière à ses pieds et, même si cela devait prendre jusqu'à la fin des temps, il verrait Hyakuhei payer pour ses crimes.

— Ouais, dit Kamui, en passant un bras sur ses yeux.

— Je suis prêt.

Kotaro passa un bras autour de ses épaules et l'emmena. Le Lycan découvrit qu'il ne pouvait plus verser de larmes pour la femme qu'il avait aimée de tout son être. Son âme avait l'impression que quelqu'un l'avait arraché à son corps, l'avait déchiré en lambeaux et n'en avait rendu que la moitié.

Si le sort que Kamui et Shinbe avaient trouvé fonctionnait, il reverrait sa bien-aimée Kyoko. Il ne pouvait s'empêcher de sourire à toutes les bouffonneries que lui et la réincarnation de Toya allaient forcément trouver pour gagner ses affections. Il se ferait un plaisir de se la disputer à nouveau si seulement Toya revenait. Après tout… il les aimait tous les deux.

Il résista à l'envie de regarder en arrière vers la tombe.

— Mille ans, c'est long à attendre mais je serai là pour toi ... Kyoko.

*****

Plus de mille ans dans le futur… Aujourd'hui.

Une silhouette solitaire se tenait sur le toit du plus haut bâtiment, surplombant la ville bondée en contrebas. Ses traits ne trahissaient jamais la mémoire déchirante du corps de son frère unique gisant seul et sans vie sur le sol froid et dur, il y a des siècles. Son cœur autrefois chaud et battant serrait dans les griffes du monstre sadique qui les avait créés tous les deux.

Il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour se séparer du mal qui l'entourait silencieusement. Tout comme les humains de ce monde, il ne se nourrissait que des animaux que la nature fournissait. Même si l'obscurité était tout ce qui lui était permis, tout comme la malédiction d'un vampire, il ne deviendrait jamais le démon que son oncle avait voulu.

Au cours des dernières années, quelque chose en lui remua… un désir qu'il ne pouvait pas comprendre et qu'il n'avait pas ressenti depuis plus de mille ans.

Des souvenirs jamais oubliés rejoués dans l'esprit de Kyou d'un jeune homme autrefois innocent qui avait rempli sa vie de bonheur, même dans un monde d'obscurité. Toya… Il avait été si plein de vie… avec des yeux d'or rieurs et l'ignorance d'un enfant. Une fois de plus, cela lui a fait ressentir de la culpabilité de ne pas pouvoir protéger son jeune frère.

Des yeux dorés qui avaient durci après des centaines d'années de solitude, saignèrent de rouge au souvenir d'une promesse qu'il n'avait pas encore tenue. Chaque décennie qui s'était écoulée, Kyou était devenue beaucoup plus fort. Plusieurs fois, il s'était approché, mais l'objet de sa haine et de sa colère lui échappait à chaque instant.

Il ne se reposait que lorsque la vile créature qu'il cherchait se tordait d'agonie à ses pieds et que son âme était jetée en enfer où elle appartenait. Le regard de Kyou était attiré par le seul endroit serein de toute la ville… le parc calme du centre.

— De tels endroits ne devraient pas être si proches de tant de mal, murmura-t-il dans la nuit.

Sautant du bâtiment, Kyou poursuivit ses recherches comme il l'avait fait pendant tant de siècles. Hyakuhei paierait de sa vie même pour avoir pris le seul qui lui importait ou le ferait. Son frère était à jamais perdu et ne reviendrait jamais.

—Toya ... chuchota Kyou alors qu'il disparaissait dans la nuit, laissant derrière lui l'image d'un ange vengeur ...

*****

Le parc était toujours paisible à cette heure de la journée. C'était encore l'après-midi et le soleil était haut dans le ciel. Kotaro se promenait paresseusement à travers les arbres près du centre où était assis un énorme bloc de marbre. Il n'avait aucune idée d'où cela venait… il était là depuis aussi longtemps qu'il se souvienne, c'était encore plus ancien que la ville elle-même. Tout ce qu'il savait avec certitude, c'était qu'il ressentait un sentiment écrasant de paix chaque fois qu'il était près d'elle.

— Qui aurait cru qu'un simple rocher carré provoquerait des pensées tranquilles? marmonna Kotaro.

Prenant un autre chemin entre les arbres, il se dirigea vers la pierre pour pouvoir la regarder. Même s'il avait été complètement heureux ce jour-là… le simple fait de s'assurer qu'il était toujours là le faisait se sentir mieux.

Kotaro s'arrêta sur ses traces quand il entra dans le centre où il se trouvait et fronça les sourcils en regardant l'individu assis en tailleur sur le dessus avec les coudes sur les genoux et le menton en coupe dans ses mains. De courts cheveux violets se balançaient dans la douce brise donnant au jeune homme un air très enfantin.

— Qu'est-ce que tu fous ici ?! demanda Kotaro.

Kamui grimaça sans le regarder. Au lieu de cela, il inclina la tête dans la direction de l'université au loin dans la distance.

— J'attends que les cours commencent.

Kotaro secoua la tête et se déplaça dessus avant de s'arrêter encore et tourbillonner autour au visage Kamui.

— De quoi parles-tu ? Tu n’es même pas inscrit ici.

Kamui fit un clin d'œil avant de disparaître lentement de son existence dans une rafale de poussière arc-en-ciel scintillante.

— Je sais.

Kotaro regarda fixement la poussière tourbillonner avant de disparaître complètement.

— Parfois, ce garçon est une telle énigme, lança-t-il à l'espace désormais vide, puis ses yeux glissèrent plus bas comme s'ils caressaient la pierre.

Il entendit le bruit des pieds qui couraient frapper le trottoir mais n'y prêta pas vraiment attention jusqu'à ce que quelqu'un lui tape sur l'épaule. Il sursauta littéralement et se retourna pour voir Hoto et Toki penchés, les mains posées sur les genoux en train d'essayer de reprendre leur souffle.

— Qu'est-ce qui vous a essoufflé de la sorte ? demanda Kotaro avec un sourire narquois alors qu'il retrouvait son calme.

Hoto agita un morceau de papier devant lui.

— Pour vous... de la part de la police ... important.

Kotaro prit le papier :

— De la part de la police, hein ? Ça doit être vraiment important pour vous faire courir le marathon tous les deux.

Toki hocha la tête avant de tomber sur le côté pour se reposer. Hoto tomba simplement à genoux et posa la tête sur l'herbe.

— Vous deux, vous êtes les plus grosses mauviettes que j'ai jamais vues, râla Kotaro avec bonhomie.

— Ça fait mal aux côtes, gémit Toki.

— Il faut que je rentre ... dans ... un bureau climatisé.

Kotaro soupira de résignation et les laissa cuire sous le chaud soleil avant d'ouvrir le billet. Sa main se ferma, froissant le papier qu'il venait de recevoir du poste de police non loin du campus. Une autre fille avait disparu sans laisser de trace. Il avait passé beaucoup de temps à enquêter sur les disparitions de nombreuses jeunes filles, ce qui l'avait finalement conduit à l'université où il était désormais chef de la sécurité.

Ses pensées se tournèrent instantanément vers sa bien-aimée Kyoko. Il l'avait retrouvée et comme il l'avait prévu… Toya n'était pas loin. Une chose qui l'avait surpris était le fait que Toya soit né de nouveau normal… humain, du moins c'est ce qu'il semblait. Parfois, il pouvait sentir le vrai Toya gisant juste sous la surface… inconscient de sa propre existence, mais jusqu'à présent cette partie de lui était restée endormie.

— Dieu merci pour les petites faveurs. Kotaro passa une main agitée dans ses cheveux au vent.

Cela lui convenait bien qu'aucun d'eux ne se souvienne du passé… c'était un souvenir qu'il valait mieux oublier. Il souhaitait avoir le même privilège d'oublier… mais pour lui, le souvenir restait… le réveillant souvent la nuit dans une sueur froide.

En quittant le parc, il se retrouva debout sur la promenade en pierre devant le campus. Kotaro leva ses yeux bleu glacial dans la direction où Kyoko vivait. Il fronça les sourcils tandis que l'inquiétude se gravait dans ses traits et il avait soudain l'envie de vérifier comment allait « sa femme ».

La partie longue de sa chevelure noire aux mèches effilées était tirée en arrière par un élastique placé bas. Le reste de ses cheveux, de la frange à la couronne, avait constamment l'air d'avoir été naturellement balayés par le vent; lui donnant l'apparence d'un mauvais garçon punk mais cela lui convenait très bien. Cette apparence lui avait servi plus d'une fois ces dernières années.

Son corps était grand avec des muscles minces… mais les regards pouvaient être trompeurs. Il n'avait pas une once de graisse à perdre et était plus fort que cinquante humains mâles réunis. Les seules personnes qui connaissaient sa force inhumaine étaient celles qui choisissaient de lui donner du fil à retordre ou osaient se mettre sur son chemin. Et ces quelques-uns avaient trop peur de dire un mot. Personne sur le campus ne connaissait le côté secret de Kotaro et il voulait qu'il en soit ainsi.

Kotaro était responsable de la sécurité de chaque personne qui marchait sur le campus, que ce soit un visiteur, un étudiant ou un membre du corps professoral. Les jeunes femmes avaient commencé à disparaître de cette zone il y avait environ un mois à un rythme alarmant et principalement à partir de la grille entourant les terrains de l'université.

Un grognement sourd se forma profondément dans sa poitrine alors qu'il inhalait les parfums autour de lui. L'air était soudain teinté d'une odeur ancienne… diabolique. Il se rapprochait de celui qui était responsable de bien plus que les filles disparues… il le sentait. Repoussant ces pensées pour l'instant, il commença à marcher rapidement vers les appartements environnants qui abritaient de nombreux étudiants innocents.

Il irait voir Kyoko et si elle le permettait... Ses yeux s'assombrirent de manière séduisante… il ne la quitterait pas pour le reste de la journée… ou de la nuit. Il espérait seulement que Toya ne traînerait plus avec elle aujourd'hui. Il la voulait pour lui tout seul. Après tout, elle était vraiment sa femme et il faudrait que ce «garçon» s'occupe d'avoir sa propre vie.

Ses pas ralentirent un moment alors que l'ironie de la situation le frappait … il était heureux que Toya ait au moins maintenant une vie. Un sourire presque amusé apparut alors qu'il menaçait mentalement cette vie s'il n'arrêtait pas de harceler Kyoko tout le temps.

La simple pensée d'elle assise à côté de lui sur son canapé confortable, mangeant du pop-corn et regardant un film ringard ressemblait à la soirée parfaite. Ils partageaient ce type d'instants au moins une fois par semaine et pour lui… c'était sa partie préférée de la semaine. Il avait ses moments ininterrompus avec la beauté aux cheveux auburn. Peu importait qu'ils soient en train de regarder un film ou qu'ils soient simplement assis sur son canapé à parler… il adorait juste la sensation d'elle blottie à côté de lui.

Kotaro eut un sourire narquois satisfait en se demandant ce que ce serait de toujours être à ses côtés… jour et nuit.

Son sourire s'évanouit avec sa prochaine pensée… Kyoko ne l'avait pas encore choisi plutôt que Toya. Du moins, pas dans cette vie. Certaines choses ne changent jamais. Il leva les yeux vers le ciel comme pour envoyer un sarcastique et silencieux

merci pour toute l'aide dans ce domaine. à celui qui écoutait. Quelque chose lui disait que les dieux devaient avoir le plus dérangeant des sens de l'humour.

*****

Les examens étaient enfin terminés et Kyoko avait chanté ces mots tout l'après-midi. Elle avait été bonne fille et avait étudié jusqu'à ce n'en plus pouvoir, mais tout avait payé. Elle savait juste qu'elle avait réussi ces tests diaboliques. Cette seule pensée lui avait donné envie de faire la danse de la victoire jusqu'à son appartement aujourd'hui.

En fait, la première chose qu'elle avait faite dès qu'elle avait franchi la porte était de jeter ses livres à travers le salon comme s'ils étaient vecteurs de maladies et avait finalement succombé à l'envie ... d'effectuer une «danse de la victoire» impromptue juste dans l'embrasure de la porte, apparemment, elle avait encore un peu de geek en elle après tout. Cela avait été immédiatement suivi par sa propre interprétation d'une danse de buteur qu'elle avait vu Toya faire une fois, en secouant les fesses tout le long du couloir jusqu'à sa salle de bain afin de se faire couler un bain moussant chaud. Kyoko décida alors que pour faire cela, il fallait le faire bien et alla allumer sa chaîne stéréo et attraper quelques bougies.

Elle faisait encore de mignons gloussements de joie au moment où la baignoire achevait de se remplir et elle ne perdit pas de temps avec ses vêtements en les enlevant et en les jetant où bon lui semblait.

Je trouverai très probablement mes sous-vêtements suspendus au ventilateur de plafond quand j'aurai fini. pensa-t-elle, puis, haussant les épaules, elle entra dans l'eau.

Elle se glissa plus loin dans le bain pour laisser les bulles flottant à la surface caresser son cou et ses épaules. Ses yeux vert émeraude, qui étaient parfois connus pour devenir orageux à tout moment, brillaient de contentement.

Ses vagues de cheveux auburn étaient empilées au hasard sur le dessus de sa tête et sa peau douce et soyeuse était maintenant cachée sous les bulles. C'était une fille heureuse… et tout ce qu'elle voulait vraiment, c'était se détendre pour le reste de la journée. Un peu de musique douce en fond sonore, des bougies délicatement parfumées allumées dans toute la salle de bain et c'était le cadre parfait.Elle ferma les yeux sachant que son image allait bientôt devenir nette… comme si elle l'attendait. C'était son secret.

Des yeux bleu glacial la regardaient de l'intérieur de son esprit. Elle avait rêvé de lui tellement de fois pendant les nuits qu'elle pouvait maintenant les invoquer même pendant ses heures d'éveil. Plus elle s'enfonçait profondément dans le rêve, plus il devenait réel jusqu'à ce qu'il semble qu'il était vraiment là… agenouillé près de la baignoire.

Ses lèvres s'inclinèrent dans un sourire sensuel alors qu'il tendait la main et lui prit le gant de toilette ... ses yeux devenant aussi brillants qu'une flamme bleue.

— Les rêves sont agréables, murmura-t-elle en roulant la tête sur le côté, le laissant faire ce qu'il voulait.

Dring dring....

L'un des sons les plus agaçants du monde résonna dans tout l'appartement. Kyoko eut un mouvement précipité vers l'avant, dans la baignoire, faisant déborder l'eau par dessus le rebord et sur le carrelage. Portant la main à sa joue, elle pouvait sentir la chaleur et se mit à rougir juste au moment où le téléphone sonnait de nouveau.

— Mince !

Elle se leva rapidement sachant que le téléphone était jusque dans le salon. Sortant de l'eau, elle attrapa le peignoir en soie sur le comptoir et et s'enveloppa avec alors qu'elle courait pour répondre. Se rendant compte qu'elle laissait une traînée d'eau, elle prit note mentalement de se souvenir de prendre le téléphone sans fil avec elle la prochaine fois dans la salle de bain.

À l'autre bout du fil, Suki tapota de ses ongles le comptoir de la cuisine en espérant que Kyoko se dépêche de décrocher le téléphone. Elle avait ce sentiment tenace que Shinbe serait là d'une minute à l'autre, et elle ne voulait pas qu'il sache quoi que ce soit sur ce qu'elle prévoyait. Elle entendit le déclic à l'autre bout.

— Enfin !

Kyoko éloigna le téléphone de son oreille pour le regarder d'un oeil mauvais puis le remit contre sa joue.

— Suki, j'étais dans le bain !

Kyoko gémit presque en regardant avec envie vers la porte de la salle de bain où elle savait que l'eau était encore chaude et parfumée au jasmin. Elle lui faisait signe de revenir et de profiter… tout comme le rêve. Elle se mordit la lèvre inférieure en éloignant ses yeux de ce qu'elle voulait.

— Tu es vraiment debout là, toute nue ?

Suki ricana en sachant que Kyoko rougissait facilement.

— Suki ! s'écria Kyoko dans le combiné.

Son amie avait simplement un sens de l'humour tordu, qui provenait probablement du fait qu'elle passait trop de temps avec Shinbe. Elle sourit malicieusement en répliquant :

— Il te fallait quelque chose ? J'ai un bain chaud et plein de vapeur qui m'appelle et tu interromps mon petit rendez-vous.

— Rendez-vous ? Suki regarda le téléphone et roula des yeux.

— Tu as vraiment besoin d'aide Kyoko. Depuis quand tu la joues romantique dans l'eau du bain sans être accompagnée ? Aies au moins une étincelle d'imagination et pense à un homme sexy pour te laver le dos pendant que tu y es.

Elle soupira d'un ton exaspéré, ignorant qu'elle venait de choquer Kyoko profondément en évoquant une image mentale si proche de sa réalité.

— Quoi qu'il en soit, toi et moi avons une soirée entre filles pour célébrer la fin des examens, gazouilla Suki.

Elle n'allait pas laisser Kyoko dire non.

— Il n'est pas question que tu dises non, alors commence à te préparer. Et porte cette tenue que nous avons achetée le week-end dernier. Je ferai de même.

Suki inspira profondément et recommença rapidement avant que Kyoko ne puisse placer un mot.

— Sois prête pour 7h30. J't'adore. Byeeee !

Kyoko cligna des yeux lorsque le déclic lui indiqua que l'appel avait pris fin. Ses lèvres étaient toujours entrouvertes parce qu'elle s'était tenue prête à dire «non» à sa première occasion. En silence, elle lança un regard au mur au fond du salon qui séparait les appartements des deux filles en se demandant si Suki avait appelé de là ou de son téléphone portable, quelque part ailleurs. En regardant l'identifiant de l'appelant, elle soupira.

—Téléphone mobile, pas étonnant.

Pas besoin d'aller taper sur le mur alors. Mais l'image de ses mains autour du cou de Suki la fit sourire.

— Je peux bien faire semblant cependant.

Remettant le téléphone sans fil sur le comptoir, Kyoko baissa les yeux vers le peignoir de soie accroché à son corps humide et gémit. L'eau chaude encore sur sa peau était maintenant devenue froide et piquante, faisant apparaître la chair de poule. Rapidement, elle fit demi-tour pour retourner à son bain.

Dring dring....

Kyoko tressaillit. Elle fit volte-face, le sourcil gauche relevé en signe de frustration.

—J'espère que c'est Suki pour que je puisse lui donner ma façon de penser concernant ses méthodes d'intimidation !

Saisissant brusquement le téléphone, elle dit un peu plus fort que d'ordinaire :

— Allô ?

Toya eut un sourire narquois en entendant l'accueil fait par Kyoko.

— Et bien, ta maman ne t'a-t-elle jamais appris à être polie en répondant au téléphone ?

Kyoko avait envie de marcher calmement jusqu'à la fenêtre, de l'ouvrir et de laisser le téléphone lui glisser des mains vers l'inconnu.

— Pourquoi est-ce que personne ne veut me laisser finir de prendre mon bain ? gémit-elle, tapant du pied seulement pour sentir l'air conditionné se frayer un chemin sous son peignoir.

Le sourire de Toya s'évanouit alors que son imagination s'emballait et des visions explicites commencèrent à danser dans son esprit.

— Es-tu n…

Il s'arrêta soudainement la langue comme liée avant de lui avoir demandé si elle se tenait là, toute nue. Secouant la tête comme pour en chasser cette pensée , Toya prit une profonde inspiration pour se calmer et, il l'espérait, contrôler ses hormones qui faisaient maintenant rage.

Punaise, quelle belle image...

Kyoko fronça les sourcils en se demandant si Tous était juste à côté de Suki à l'instant même.

Toya tenta de nouveau de parler.

— Hé, peu importe. Écoute, je viens te chercher pour t'emmener au cinéma ce soir, alors habilles-toi.

Kyoko cligna des yeux en se demandant qui avait décidé qu'aujourd'hui était «la fête du harcèlement».

— Euh, j'ai des projets pour ce soir.

Bien sûr, son projet était de se transformer en pruneau dans son bain avant de se pelotonner sur le canapé et de regarder un film. Peut-être même s'endormir pendant le film, et non d' avoir le monde entier faisant pression pour la pousser à «sortir».

— Pardon ? Annule, car tu viens avec moi ! fit Toya d'un ton de commandement, s'énervant qu'elle ne fasse pas faire ce qu'il voulait qu'elle fasse… comme si elle avait jamais fait autrement.

Kyoko ferma les yeux et éloigna le téléphone de son oreille en scandant

— Je ne le jetterai pas par la fenêtre, je ne le jetterai pas par la fenêtre,

Toc, Toc

Kyoko se retourna pour faire face à la porte en pensant.

Mais je le jetterai à quiconque se trouve derrière cette foutue porte!

Elle put entendre le rire dément provenant de quelque part out au fond d'elle, où résidait sa jumelle maléfique. Elle marcha calmement jusqu'à la porte, la déverrouilla, puis passa la tête par l’entrebâillement pour voir de qui il s'agissait.

— Kotaro, murmura-t-elle un peu à bout de souffle, puis ferma la bouche d'un air coupable, espérant qu'il ne l'avait pas remarqué.

Les yeux de Kotaro s'illuminèrent et s'assombrirent en même temps que la porte s'ouvrit. Il était content de voir Kyoko en sécurité… et visiblement pas entièrement habillée. Il haussa un sourcil à la façon dont elle avait dit son nom. Pressant sa main contre la porte au-dessus de sa tête, il l'ouvrit un plus avec son sourire assuré habituel alors qu'il passait devant elle… la frôlant presque.

— Comment va ma femme aujourd'hui ?

Kotaro la dépassa et entra dans l'appartement comme si c'était chez lui.

Je ne commettrai pas de meurtre, je ne jetterai pas le téléphone, je ne le ferai pas…

Kyoko continuait mentalement de scander ces paroles tandis que Kotaro lui faisait face avec son sourire habituel à couper le souffle. Elle eut soudain l'impression que la climatisation avait cessé de fonctionner.

Comment était-il possible que cet homme, qui ne pouvait être décrit que comme un aimant sexuel ambulant, l'affecte à ce point ? Elle avait toujours l'impression d'être en train de s'empêcher de le jeter au sol. Secouant la tête, elle baissa les yeux et poussa un petit cri quand elle vit que son peignoir était partiellement ouvert. Ce n'était pas suffisant pour montrer quoi que ce soit mais assez de peau était visible pour la faire rougir.

Toya se tendit, entendant le coup frappé à la porte en fond sonore à travers le téléphone puis la voix de Kotaro. Il cria dans le téléphone pour attirer son attention.

— Bon sang, Kyoko ! Pourquoi diable Kotaro est-il chez toi ? grogna-t-il, en colère que l"agent de sécurité se soit présenté à nouveau dans l'appartement de «sa» Kyoko.

Kyoko grinça des dents quand le cri du téléphone se fit entendre haut et fort dans le salon. Regardant l'horloge murale par-dessus l'épaule de Kotaro, elle comprit qu'elle devait commencer à se préparer ou Suki serait la prochaine à frapper à la porte. C'en était vraiment trop. Elle se tourna et se dirigea vers le comptoir avec l'intention de raccrocher le téléphone. L'élevant au niveau de son oreille, elle cria :

— Je te verrai plus tard !

«Clic»

… un de moins… au suivant.

Kotaro eut un sourire narquois sachant que c'était après Toya qu'elle avait crié. Ses yeux parcoururent la soie qui s'accrochait à un corps joliment façonné comme une seconde peau et il n'aurait pas pu s'arrêter s'il avait essayé d'avancer… plus près d'elle. Il ferma lentement les yeux seulement une seconde alors qu'il inspirait profondément, son corps entier maintenant à moins d'un centimètre du sien. La pensée de la toucher sans contact le fit courber mentalement son corps autour du sien en se resserrant.

Il se pencha en avant, rapprochant ses lèvres du creux de son oreille avant de chuchoter son nom. Ses lèvres s'adoucirent, tout comme ses yeux bleu glacier. Il se retrouvait sur le point de souhaiter qu'elle se souvienne du passé… et à quel point ils étaient autrefois proches. Que ferait-elle si elle se souvenait qu'ils avaient vécu ensemble ? Elle, Toya et lui… afin qu'ils puissent la protéger.

Kyoko s'essouffla alors que l'air se précipitait hors d'elle et elle sentit la peau le long de son cou et de ses joues la picoter. C'était déjà assez difficile de garder ses pensées claires avec lui si près mais en ce moment elle pouvait le sentir la toucher même s'il ne la touchait pas. Se rappeler de ce qu'elle faisait avant que le téléphone ne l'interrompe fit monter instantanément de la chaleur à son visage.

Ne voulant pas qu'il remarque sa culpabilité, elle lui tourna le dos et s'efforça de supprimer le souvenir du bain. Fermant les yeux, elle combattit l'envie de s'appuyer contre lui et dut saisir la table pour se stabiliser.

Kotaro voulait mettre ses mains sur la table de chaque côté de son corps… la piégeant dans ses bras mais s'arrêta soudain. Il pouvait sentir les savons qu'elle avait utilisés dans le bain mais une saveur lui parvint et son expression devint curieuse… de l'excitation ? Il recula loin d'elle, se sentant se durcir.

Passant la main dans ses cheveux indomptés, il se retira à une distance plus sûre essayant sincèrement d'ignorer la secousse dans le creux de son estomac… pourquoi était-il revenu ici ?… C'était important.

Il sentit son instinct protecteur se réveiller, il se rappela des alertes récentes qu'il avait reçues.

— Vas-tu passer la soirée avec moi ?

La question à consonance innocente cachait un double sens, car il prenait le goût du désir.

Kyoko ralentit à nouveau sa respiration, prête à combattre ses sentiments. Elle fronça les sourcils sachant que ce serait trop dangereux d'être seule avec lui. Soudain, elle aurait voulu remercier Suki de l'avoir menée à la baguette.

La voyant froncer les sourcils, Kotaro ajouta rapidement :

— On pourra faire tout ce que tu veux. Louer un film et rester ici… ou sortir.

— Louer un film et rester à la maison ... répéta Kyoko en pensant que c'était exactement ce qu'elle voulait faire.

Puis, remarquant que les yeux de Kotaro s'éclairent, elle rectifia rapidement :

— C'est du moins ce que je voulais faire et si je n'avais pas été entraînée dans les projets de quelqu'un d'autre. J'aurais adoré rester à regarder des films avec toi. Mais je suis désolée Kotaro. Je ne peux pas.

Elle lui lança un sourire d'excuse en tapant mentalement du pied à l'idée de rater une soirée très chaleureuse avec le bel agent de sécurité.

Les épaules de Kotaro s'abaissèrent d'un centimètre mais il sourit quand même sachant qu'elle n'essayait pas de le blesser. Il voyait même qu'elle voulait qu'il reste et il se demanda à quel point elle le désirait… était-ce la même chose que ses désirs à lui ? Pour lui, Kyoko était le joyau le plus précieux sur terre et il ferait tout ce qu'il pouvait pour la faire sourire et la garder en sécurité en même temps.

Après tout, il avait attendu plus de mille ans juste pour la revoir. Ayant besoin de s'assurer qu'elle était protégée et hors de danger, il lui demanda :

— Alors, quels sont tes projets, je peux peut-être participer aux réjouissances ?

Il lui fit son sourire le plus espiègle en espérant que ça marcherait. Sinon, il pourrait recourir à la traque… les coins de ses lèvres parfaites se penchaient en un sourire secret.

Kyoko savait que Suki n'accepterai jamais ça. La soirée entre filles signifiait une soirée entre filles. Elle savait aussi que si Kotaro découvrait qu'elle n'était qu'avec Suki… il la suivrait, débarquant près d'elles comme par accident. Elle l'avait vu le faire plusieurs fois.

Là où Toya était insistant, Kotaro avait toujours essayé d'être subtil, même si lorsque les deux étaient dans la même pièce, ils semblaient se comporter de manière très similaire et s'ennuyaient constamment l'un l'autre. Les deux gars avaient un cœur d’or et elle le savait. D’une certaine manière, elle les aimait tous les deux... tellement que c’en était douloureux, c’est pourquoi elle avait choisit de ne pas choisir et juste rester célibataire pour l’instant. Honnêtement, elle ne voulait blesser ni l’un ni l’autre.

Une chose dont Kyoko était certaine c'était que Kotaro ne se donnerait pas la peine de la suivre s'il pensait qu'elle devait sortir avec Toya ce soir. Du moins, c'est ce qu'elle espérait.

— Je suis désolée, Kotaro, j'ai déjà prévu de sortir avec Toya mais on pourra louer des films ou faire autre chose une autre fois, promis !

Kyoko baissa les yeux car elle n'aimait pas lui mentir mais c'était le seul moyen de lui faire lâcher prise.

Les yeux au sol, elle remarqua qu'il avait avancé d'un pas et immédiatement elle fit un pas en arrière en se mordant la lèvre inférieure lorsqu'elle sentit la table derrière elle.

Kotaro sentit vibrer en lui la jalousie mais il en gardait le contrôle. Son unique réconfort était que la savoir avec Toya cette nuit garantissait qu'elle ne viendrait pas grossir le rang des filles portées disparues.De plus, il savait que Kyoko et Toya étaient tous deux en secret sous la surveillance de Kamui.Il devait s'avouer mentalement que Toya avait tendance à la surprotéger et saurait la garder en sécurité. Il voulait être celui qui passerait la nuit avec Kyoko, celui qui la protégerait.Même si ça ne lui plaisait pas, Toya ne laisserait rien lui arriver.

Il la regarda lentement relever les yeux vers les siens et il put voir l'inquiétude dans son regard, la crainte qu'il ne tente de l'arrêter... Il aurait voulu la retenir mais il n'en ferai rien. Le moment venu, elle ferait son propre choix.

Hochant la tête en signe d'acceptation avec réticence, Kotaro tendit la main vers la sienne qu'il garda pendant un moment, le regard bleu glacier verrouillé sur un regard orageux vert émeraude. Il pouvait voir dans ses yeux qu'elle avait eu une rude journée. Il arrivait toujours à savoir ce qu'elle ressentait rien qu'à la couleur de ses yeux... Il avait appris à faire ça il y avait plus de cent ans. Il aurait seulement voulu qu'elle s'en souvienne.

— Ça marche, Kyoko. Je viendrai prendre de tes nouvelles demain. Prend garde à toi, ma belle.

Se penchant vers elle, il effleura son front d'un baiser puis lâcha sa main, se détournant, prêt à partir. Kyoko sourit.

— Merci, Kotaro.

Elle ressentait encore un picotement sur son front, à l'endroit que ses lèvres chaudes avaient touché. Elle était heureuse qu'il soit plus facile à gérer que ne l'était Toya. Il l'embrassait souvent sur la joue, sur le front ou sur la main, laissant à cet endroit une zone chaude pleine de fourmillements.

Elle se demanda ce qu'il penserait s'il savait qu'elle n'avait jamais été embrassée sur les lèvres. Nul ne voudrait jamais croire qu'à dix-huit ans, elle soit aussi pure qu'elle l'était... Enfin, physiquement pure. Elle rougit de nouveau, consciente du fait que ses pensées n’étaient pas réellement sans tâche.

Elle voulait en tenir pour responsable le traître qui vivait dans sa poitrine et qui allait plus vite chaque fois qu'elle avait une pensée pour lui.

Kotaro ouvrit la porte pour se glisser à l'extérieur, non sans lui avoir jeté un sourire par dessus l'épaule en ajoutant :

— Rappelle toi juste une chose, tu es encore ma femme.

Il partit rapidement, refermant la porte derrière lui, un sourire carnassier sur les lèvres à cause de son dernier commentaire.

Il savait qu'elle ne franchirait pas les limites avec Toya et il n'était pas inquiet. Même par le passé, alors que Toya et lui s'affrontaient, elle se rangeait toujours de son côté et non du côté de Toya. Elle avait toujours aimé Toya mais Kotaro savait que c'était de lui qu'elle était réellement éprise.

La vitesse à laquelle son cœur battait en sa présence avait toujours trahit la réalité de ses sentiments... Dans cette vie comme par le passé. Il ne lui restait plus qu'à attendre qu'elle en prenne de nouveau conscience. Kotaro inhala doucement son parfum, le savourant. Même à cet instant, il pouvait sentir sa pureté et il savait qu'elle n'était pas de celles qui prennent ce genre de choses à la légère. Elle était si innocente des manières de ce monde. Cette pensée fit s'évanouir le sourire de Kotaro.

Il n'était pas si sûr de vouloir qu'elle apprenne jamais l'existence du côté obscur de ce monde... Il ne voulait pas risquer de détruire son bonheur. Lui-même n'était pas ce qu'elle croyait. Il savait qu'elle l'accepterai quoi qu'il en soit mais le souvenir de l'avoir enterrée lui fit garder le silence sur le passé.

Il y avait des choses dont il valait mieux ne pas se rappeler. Alors que Kotaro sortait du bâtiment et se retrouvait sur le trottoir, il leva les yeux vers sa fenêtre depuis la cour, en bas, en se demandant ce qu'elle ferait lorsqu'elle apprendrait pour lui.

Et oui, il allait lui dire la vérité... Mais pas maintenant. Comment expliquer qu'on est plus âgé que n'importe quel homme normal et qu'on possède des pouvoirs tels qu'elle n'en a vu qu'au cinéma ?

Kotaro secoua la tête alors qu'il reprenait le chemin de la fac en évaluant la prochaine action à mener en corrélation avec les filles portées disparues.

Il savait ce qui était en train de leur arriver et qu'elles étaient plus que probablement déjà mortes ou du moins en état de suspension de mort. Des éclairs de colère fusèrent dans ses yeux l'espace d'un instant, révélant la nature plus sombre de son âme de Lycan. Il avait besoin de repérer l'odeur de ses enfoirés de buveurs de sang et celle de celui qui les commandait avant qu'ils ne retrouvent Kyoko.

Une Lueur Au Cœur Des Ténèbres

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