Читать книгу N'Allez Jamais Chez Le Dentiste Le Lundi - Ana Escudero - Страница 4

Оглавление

Épisode 2 — Le dentiste

En les voyant entrer, l’infirmière blêmit et prit rapidement le téléphone.

— Docteur, on a besoin de vous ici. Vous n’allez pas le croire.

— Qu’est-ce qu’il y a Xenia ?

— Le patient de 9 heures est arrivé avec son père.

Le docteur regarda dans son agenda qui était le patient de 9 heures et prit peur à son tour, mais feignit néanmoins la tranquillité :

— Tu peux les faire entrer, Xenia.

— Tous les deux ?

— Oui, Xenia. - puis il ajouta, surtout pour lui-même - Si Dieu le veut!

— Bonjour, dit l’infirmière en s’adressant aux arrivants. Le docteur me dit que vous pouvez entrer.

Peter jeta un coup d’oeil en direction de la porte, la terreur peinte sur son visage.

— Allez papa, l’encouragea Alexis en le tirant.

Etait-il si lâche ? Pouvait-il se montrer ainsi devant son fils ?

Le docteur vint à leur rencontre, et serrant la main d’Alexis, lui dit :

— Allez petit, ça va être rapide. — Puis, se dirigeant à Peter —. Je vous en prie, entrez. Peter hésita, se sentant déjà un peu malade. Le docteur vit comment Peter blêmissait, et eut peur qu’il ne s’évanouisse, ou pire, qu’il ne se mette à vomir à ses pieds.

— Xenia, montre à ce monsieur où sont les toilettes.

Mais Peter restait immobile, respirant comme si l’air lui manquait, hoquetant la bouche ouverte comme un poisson hors de l’eau.

— Je vais bien, dit Peter, même s’il était évident que ce n’était pas vrai.

— Asseyez-vous un moment, dit le docteur en lui ramenant une chaise, maintenant respirez doucement. Inspirez, expirez,…

Peter inspira et expira suivant les indications du dentiste, sous le regard stupéfait d’Alexis, qui, après quelques secondes de réflexion, s’assit à côté de son père pour l’imiter.

— Xenia, accompagne le petit à l’intérieur et prépare tout, lui dit le docteur, avant de s’adresser à nouveau à Peter : c’est ça, très bien, inspirez et expirez.

— Combien de temps encore, docteur ? demanda Peter entre deux inspirations.

— Jusqu’à ce que je vous le dise. Dès que ça va mieux, vous pouvez vous relever et entrer. Le prochain patient ne va pas tarder à arriver.

La porte du cabinet s’ouvrit alors, laissant place à une dame d’âge moyen, qui, regardant là où se trouvait le docteur et Peter, resta interdite.

— Bonjour madame. L’infirmière va sortir pour prendre votre nom, dit alors le dentiste.

La dame, qui avait une joue plus enflée que l’autre, hocha la tête et alla patienter dans la salle d’attente. Elle vit peu de temps après disparaître derrière la porte du cabinet le docteur et son patient.

Alexis était confortablement assis sur le fauteuil d’examen et l’infirmière venait de préparer le matériel nécessaire.

— C’est bien Alexis, on va jeter un coup à tes dents. As-tu mal quelque part ? lui demanda le dentiste.

— Non.

— Tant mieux. Maintenant ouvre grand la bouche pour que je vérifie que tout va bien à l’intérieur.

Alexis obéit et le dentiste se mit à examiner ses dents, passant de la mâchoire inférieure à la mâchoire supérieure.

— Je vois quelque chose, dit-il entre ses dents. Es-tu sûr que ça ne te fait pas mal ici ? demanda-t-il en appuyant sur une des dents inférieures.

— Parfois… mais à papa aussi ça lui fait mal. Il se plaint tout le temps.

— Quoi ?! Moi ?! Je ne me plains jamais! … se plaignit Peter à grands cris.

— Papa, c’est pas bien de mentir.

— Quoi ? Alors je suis aussi un menteur ?! C’est ce que tu penses de moi ?

— Mais non papa… mais pourquoi tu ne dis pas au monsieur dentiste que ta molaire te fait très mal tous les jours ?

— Ce n’est rien, juste une petite gêne, ça passera.

— Papa, toi qui as échappé à un ogre, qui as vécu avec sept géants et qui connais une sorcière, tu ne peux pas avoir peur du dentiste, pas vrai ?

— Et encore je ne t’ai pas tout raconté… blagua Peter, avant de se taire, ayant tout à coup une idée pour faire taire son fils : Alexis, arrête de parler, le docteur ne peut pas travailler.

Le docteur, qui n’avait pas perdu un détail de la conversation, rétorqua en jetant un coup d’oeil à Peter :

— Je vais en terminer avec toi Alexis, puis j’examinerai ton père.

— Terminer mon fils… mais que vas-tu lui faire ? Assassin! se mit à hurler Peter, les mains sur les hanches.

— Faites-moi le plaisir de ne pas crier, lui ordonna le dentiste. Vous êtes dans une clinique prestigieuse. Bientôt les dents de lait d’Alexis vont commencer à tomber et les définitives commenceront à pousser… Maintenant venez et asseyez-vous ici, ajouta-t-il fermement.

Peter obéit et s’assit sur le fauteuil, le dos droit, tendu.

— Ouvrez la bouche.

Peter ouvrit lentement la bouche, dévoilant à peine le bout de ses dents.— Non papa, pas comme ça, comme ça, lui dit Alexis en ouvrant en grand sa bouche.

Peter, imitant son fils, ouvrit un peu plus la bouche, laissant enfin voir ses gencives et une partie de sa langue. Le docteur Bistouri avança l’appareil pour pouvoir bien observer l’intérieur de sa bouche. Il examina ses dents unes à unes, utilisant le souffleur à chaque fois qu’il voyait quelque chose de suspect. La dent cariée apparut alors sous ses yeux et il ne put s’empêcher d’être surpris en pensant à la douleur que Peter devait supporter. Il était d’autant plus surpris qu’il connaissait bien Peter, et pas uniquement comme patient, il l’avait déjà côtoyé lors de différentes rencontres sociales.

— Il y a du travail… se dit-il tout en regardant l’horloge accroché au mur qui affichait 9h40. Je vais endormir la zone pour que vous ne sentiez pas la douleur.

— Pas la peine, dit Peter, faisant mine de se lever. Nous devons y aller.

— Je vous conseille de ne pas partir. On peut encore sauver votre dent, mais si elle reste dans cet état encore un peu plus longtemps, je devrais l’arracher, commenta le docteur.

Quelques secondes suffirent pour que Peter s’imagine torturé par un dentiste sadique lui arrachant la molaire. Mais ce fut la présence de son fils qui le fit finalement se rasseoir dans le fauteuil d’examen.

— Faites ce que vous avez à faire, dit-il avec tout le courage dont il était encore capable.

Le docteur avait pour cela besoin d’assistance, et il appela donc Xenia, qui prépara le nécessaire pour l’intervention. L’injection qu’on avait faite à Peter quelques minutes avant lui maintenait le côté gauche endormi. Le docteur alluma alors la chignole en déclarant :

— Si je vous fais mal, levez la main et j’arrêterai aussitôt.

Mais c’est alors qu’un bruit inattendu, comme une sorte d’explosion, les effraya un instant, et le docteur interrompit son travail.

— Xenia, emmenez le garçon dans une autre pièce et donnez-lui quelque chose pour dessiner.

L’infirmière s’approcha du docteur et lui murmura à l’oreille :

— Nous devons y allez. C’est le signal.

— Vous avez raison, répondit-il en se redressant.

Il enleva sa blouse et l’infirmière ouvrit une porte attenante au bureau. Tous deux s’y engouffrèrent sans que Peter ne bouge du fauteuil, la bouche toujours grande ouverte. Quelques secondes passèrent, presque une minute sans que le docteur ou l’infirmière ne reviennent aux côtés de leur patient, qui maintenait encore sa bouche ouverte aussi grande que possible.

— Papa, où est allé le docteur ? demanda Alexis.

Pour toute réponse, Peter émit des sons étranges qu’Alexis essaya de décrypter.

— Bon, papa, je vais le chercher! dit-il en sautant de la chaise, courant aussitôt vers la porte. Peter le laissa partir et ferma enfin la bouche, prenant conscience avec quelques minutes de retard que le dentiste n’était plus là pour l’obliger à la maintenir ouverte, et donc qu’il pouvait la fermer sans problème. « C’est déjà terminé ? » pensa-t-il. « C’était rapide. Je devrais me rincer la bouche ». Il se redressa et prit un verre en plastique rempli d’eau et s’apprêtait à boire quand sa langue toucha le trou que le dentiste avait commencé à faire dans sa molaire.

— Mais qu’est-ce que c’est que ça ? se demanda Peter qui voulait savoir ce qui avait bien pu arriver à sa dent même si la réponse l’effrayait déjà.

Alexis ne répondit pas à l’exclamation de son père. Le silence avait envahi la clinique - un silence seulement interrompu par le bruit des pages du magazine people que feuilletait la patiente suivante dans la salle d’attente, et par l’horloge qui sonna dix heures. Peter sortit de la pièce et s’approcha de la dame.

— Excusez-moi, avez-vous vu passer un enfant ?

— Et bien, je n’ai pas fait attention. Vous l’avez perdu ?

— Non. Et le dentiste ? Vous l’avez vu ?

— Il n’est pas passé. Qu’est-ce qu’il se passe ? J’avais rendez-vous à 9h30 et l’horaire est déjà nettement passé.

Peter ne répondit pas, mais commença à ouvrir des portes tout en appelant son fils.

— Alexis! Alexis! Mais dans quoi t’es-tu fourré encore ? Je vais me fâcher si tu ne viens pas tout de suite.

N'Allez Jamais Chez Le Dentiste Le Lundi

Подняться наверх