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AVANT-PROPOS
ОглавлениеLorsque M. de Baudot commença en 1887, au Palais du Trocadéro, son cours d’histoire de l’Architecture française, il croyait très sincèrement le terminer en une trentaine de leçons qu’il n’aurait plus ensuite qu’à reproduire tous les ans, comme cela se fait dans presque toutes nos écoles.
Mais le Professeur avait beaucoup plus de choses à dire qu’il ne le pensait lui-même.
Il lui était impossible, en effet, de parler de nos monuments français sans exposer en même temps les idées pour lesquelles il a combattu toute sa vie; c’est-à-dire sans chercher à convaincre ses auditeurs de la nécessité d’appliquer à nos conceptions modernes, non les formes, mais les principes auxquels notre architecture du Moyen âge doit toute sa puissance et toute sa beauté.
Et peu à peu, après s’être laissé entraîner à présenter ses sujets d’étude sous des formes toujours nouvelles, il ne tarda pas à franchir les limites mêmes indiquées par le titre de son cours, en ajoutant à l’histoire de l’Architecture française celle des arts connus de tous les peuples et de toutes les époques, depuis l’antiquité égyptienne, jusqu’à nos jours.
Il en résulta ce fait singulier, que le cours du Trocadéro, au lieu de finir et de recommencer régulièrement, comme on s’y attendait, se continua au contraire chaque année, du mois de novembre au mois d’avril, sans qu’aucune des leçons — dont la plupart étaient éclatantes de verve et d’entrain — reproduisît jamais une leçon déjà faite.
On se rappelle qu’au mois de février 1913, les auditeurs, les confrères et les amis de M. de Baudot fêtèrent la vingt-cinquième année de son cours dans un magnifique banquet qui fut présidé par M. L. Bérard, alors sous-secrétaire d’Etat des Beaux-Arts.
Le Maître, qui eut un grand succès, devait à cette époque avoir fait sur l’Histoire et la Théorie de l’Architecture, environ quatre cent cinquante à cinq cents conférences!...
Ses amis le félicitaient chaudement. Toutefois, un assez vif regret se mêlait à leur enthousiasme: celui que tant d’utiles leçons fussent perdues, aussi bien pour les personnes qui n’avaient pu les entendre que pour les autres qui, même avec leurs cahiers de notes, n’en pourraient jamais garder qu’un souvenir vague et stérile.
Mais M. de Baudot avait depuis longtemps son idée. Il se hâta de nous rassurer.
— Ne regrettez rien, nous dit-il. Si mon cours avait pu être publié in extenso, comme vous me le demandiez tous, ce ne serait aujourd’ hui qu’un amas confus de documents et de redites dont on aurait bien de la peine à tirer un profit quelconque. Ce n’est pas en vain que j’ai tant de fois retourné sous toutes leurs faces les idées qui seules, j’en suis convaincu, peuvent conduire les architectes à la solution de nos programmes modernes. A force de les discuter, j’ai fini par les voir si simples et si nettes que j’espère pouvoir résumer en un mince volume tout ce que j’ai dit depuis vingt-cinq ans dans mon cours du Trocadéro. Vous verrez; vous verrez...
A ce moment, la vue et la santé de M. de Baudot commençaient à baisser.
Eut-il quelque fâcheux pressentiment? Je ne sais. Toujours est-il qu’il mit aussitôt son projet à exécution et, au mois de juillet 1914; le livre dont il nous avait parlé était prêt à paraître lorsque la guerre éclata.
Je voyais alors fréquemment M. de Baudot, dont j’étais un des plus vieux amis, et certainement le plus ancien éléve. Les événements terribles du mois d’août l’avaient singulièrement abattu. Il me déclara qu’il attendrait la fin de la guerre pour publier son travail.
Hélas!., sept mois après, le 28 février 1915, il rendait le dernier soupir.
Chargé par ses enfants, après son décés, de m’occuper de ses affaires professionnelles, j’ai cru devoir d’abord, comme il l’avait pensé lui-même, retarder la publication de son livre jusqu’à la cessation des hostilités.
Des considérations particulières, sans intérêt pour le lecteur, m’ayant obligé à revenir sur cette décision, c’est avec un profond sentiment de reconnaissance que je viens aujourd’hui présenter au public, à ses con frères, à ses amis, l’œuvre de mon cher et regretté maître.
Ce n’est pas seulement, comme il nous l’a dit un jour, un résumé, mais une condensation extraordinairement puissante de toutes ses conférences du Trocadéro.
De même que le Dictionnaire de Viollet-le- Duc, dont il est le complément nécessaire et définitif, l’ouvrage de M. de Baudot convient à tous et principalement à ceux de nos confrères qui, comme professeurs ou patrons, ont des jeunes gens à diriger.
Il est à souhaiter que ceux-là le lisent et le relisent; qu’ils le méditent et cherchent sans cesse à appliquer les principes que nous donne le Maître; car ce livre est même plus que la condensation d’un cours, il est le fruit du travail et des efforts immenses qu’a pu faire, jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans, un homme profondément convaincu et qui n’a jamais eu en vue que l’intérêt général et la grandeur de notre art.
Paris, 31 mai 1916.
H. CHAINE.