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ОглавлениеL’ARCHITECTURE GRECQUE
Pour faire comprendre l’idée dominante de la conception grecque dans le domaine de l’architecture, il suffit également d’étudier la composition et la construction des temples, qui, sauf de rares exceptions, diffèrent essentiellement de ceux de l’Égypte, tant dans les dispositions intérieures que dans celles extérieures. L’édifice religieux égyptien est fermé extérieurement par des murs sans ouvertures qui lui donnent un caractère sévère et mystérieux. Il en est de même en ce qui concerne le temple grec proprement dit (voir fig. 5), mais ses murs pleins sont entourés de portiques qui modifient singulièrement cet aspect d’austérité voulu, et si fortement affirmé en Égypte. Cette disposition extérieure du temple grec correspond à une nécessité de circulation, mais dans bien des cas, lorsque les portiques sont étroits, elle ne répond qu’à une préoccupation d’effet décoratif, qui souligne l’importance de la cella constituant le temple lui-même. Intérieurement les dispositions varient en raison de la largeur de l’édifice; si celle-ci est restreinte, aucun point d’appui intermédiaire n’existe à l’intérieur; si elle s’agrandit, la cella est alors divisée en trois nefs, séparées par des colonnes destinées à porter la couverture. Celle-ci dans certains cas recouvre le tout; dans d’autres elle est interrompue et laisse à ciel ouvert la partie renfermant l’idole. C’est qu’il ne s’agit plus ici de plafonds en pierre, mais d’une toiture reposant sur un système de charpente de bois dont les portées doivent être soulagées dans leur sens transversal. Ces combinaisons intérieures sont assurées, soit par des points d’appui montant de fond, soit par deux étages superposés dans les nefs latérales (voir fig. 6 une coupe schématique indiquant cette disposition).
Fig. 5. — Plan du Parthénon.
Le temple grec nous met donc en présence non plus d’un procédé d’unité de structure, mais d’une combinaison d’éléments de pierre et de bois qui n’eût pu être évitée que par l’emploi de la voûte. Celle-ci n’était pas ignorée du grec, mais elle ne répondait pas au principe de n’affirmer que des lignes horizontales et verticales, où l’on cherchait l’harmonie et les pures proportions. C’est ainsi en effet que furent créés les trois ordres dorique, ionique et corinthien, dont les éléments plastiques sont très différents, mais aboutissent tous trois à la beauté architecturale, sévère chez le Dorien, plus raffinée dans l’Ionique et développant l’élégance dans le Corinthien.
Fig. 6. — Coupe sur le Parthénon.
En résumé, dans le temple grec, ce sont les ordres qui ont été l’objectif principal et c’est surtout dans l’architecture des portiques que leur emploi se justifie pleinement. Aussi est-ce sur ce point que doit porter l’examen que provoquent ces admirables solutions. Ce qu’il faut y voir et constater surtout, c’est la combinaison logique des éléments verticaux et horizontaux, c’est-à-dire la façon claire et sincère dont les colonnes reçoivent les plates-bandes qui sont d’une seule pièce, supportent l’entablement composé de la frise et de la corniche, sur laquelle s’appuient le comble et la toiture. Rien n’est plus simple et cependant rien n’est plus beau et plus expressif qu’une telle disposition. A quel secret doit-elle ces qualités, si ce n’est tout d’abord à la franchise du moyen employé ? Remplacez ces linteaux d’un seul morceau par des plates-bandes appareillées, comme l’ont fait tant de fois les imitateurs inconscients des Grecs, et vous détruirez l’œuvre dans ce qu’elle a de vraiment beau et de saisissant (voir fig. 7 et 8).
Fig. 7. — Parthénon.
(Face principale).
On a beaucoup écrit et discuté sur les origines de l’entablement et sur l’importance exagérée, inutile à la construction, qui lui a été donnée. En ce qui concerne l’origine attribuée à une interprétation en pierre des premiers temples en bois, antérieurs au VIe siècle avant notre ère, c’est là une opinion qui n’est sûrement pas justifiée; quant à la hauteur inutile de l’entablement, l’observation est exacte, mais cette hauteur s’explique. Il est certain que dans les temples primitifs en pierre, l’architrave porte directement la corniche et le plafond sans frise intermédiaire. Pour quelle raison à Pestum et au Parthénon, — et d’ailleurs dans l’ionique et le corinthien comme dans le dorique, — la frise intervient-elle? Y a-t-il là une préoccupation de structure eu égard au plafond? C’est possible, mais on serait plus porté à croire qu’il s’agit ici d’une question de proportion résultant d’un système modulaire et rythmique, d’après lequel la hauteur totale du portique se trouvait déterminée par l’étendue du temple. Si l’entablement complet n’eût pas existé tel qu’il est, il fût devenu indispensable de donner plus de hauteur aux colonnes et d’en augmenter le diamètre. Mais alors leur importance, eu égard à la charge réduite résultant de la suppression de la frise, n’était plus justifiée. Il fallait donc mettre tout en harmonie: la hauteur de l’entablement s’imposait pour la satisfaction des proportions de l’ensemble. En procédant ainsi le Grec a-t-il été illogique et a-t-il donné un mauvais exemple? Je ne le pense pas, étant observé que son but se limitait à la recherche de la beauté dans une composition dont le caractère d’utilité n’avait rien d’absolu. On ne saurait en effet admettre qu’en pareil cas, la quantité de la matière employée soit ramenée à une formule mathématique d’économie. Dans les édifices qui ont suivi ceux de la Grèce et qui sont de nature, de dimensions et de programmes si différents, on ne saurait sans danger admettre une augmentation superflue de matière qui pourrait entraîner bien loin, mais ici elle est fort admissible. En tout cas, cette observation a quelque valeur aujourd’hui, et c’est là une raison de plus de ne pas imiter et reproduire des dispositions adéquates au temple grec, mais qui ne le seraient nullement aux constructions modernes, dont le caractère d’utilité et les solutions économiques s’imposent rigoureusement.
Fig. 8. — Le Parthénon.
(Perspective extérieure).
Ne voyons donc dans le temple grec qu’une admirable expression d’harmonie et de beauté, et au lieu d’en détacher les éléments décoratifs pour les appliquer sans raison et à tout propos, comprenons qu’ainsi envisagé ce chef-d’œuvre doit être respecté et ne pas donner lieu à une exploitation qui n’aboutit qu’à l’abâtardissement. En tout cas cette source, dans le système déplorable de l’imitation, est aujourd’hui tarie pour nous, qui ne pouvons qu’en faire des copies banales, gênantes et si inutilement coûteuses.
Contentons-nous donc d’admirer et de méditer ce que cette grande époque de l’antique Grèce nous enseigne. Mais pour être bien fixé à ce sujet, il importe de comparer ses temples à d’autres édifices romains, byzantins et gothiques et de constater que le temple grec n’est, par rapport à ces vastes monuments, en ses dimensions, qu’une sorte d’édicule, au sujet duquel ne s’est posé aucun problème difficile de construction et de distribution et qu’il n’offre, de ce fait, aucune indication utile dans le sens de la conception moderne.