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Nous désirons qu’on ait présent à la mémoire
Que nos pères étaient des conquérants de gloire.
V. HUGO.
Les de Vigny, gentilshommes de Beauce, tenaient déjà, pendant la seconde moitié du XVIe siècle, un rang élevé dans le royaume, puisque le roi Charles IX envoya, en l’an 1570, un titre à:
«Notre cher et bien aimé François de Vigny, pour les louables et recommandables services faits à nos prédécesseurs Roys et à Nous en plusieurs charges honorables et importantes où il a été employé pour le bien de notre service et de tout le royaume, mesme durant les troubles d’iceluy, pour jouir des franchises et prérogatives, et à ce titre posséder tous les fiefs et possessions nobles, etc.»
Le journal du duc de Luynes, à la date du vendredi8avril1740, fait la mention que voici:
«Le roi vient d’accorder une pension de 1,200livres à M. de Vigny, écuyer de quartier, fils de M. de Vigny, lieutenant général des bombardiers, à qui l’on doit l’invention des carcasses. M. de Vigny est écuyer du roi depuis environ trente ans. C’est lui qui a fait le voyage de madame jusqu’à la frontière d’Espagne.»
Jean-René de Vigny, ancien mousquetaire et officier dans une des compagnies de la garde du Roi, retenu pour dettes à Londres, manquant du nécessaire, écrivit le5septembre1766à l’acteur Garrick, «célèbre par ses sentiments et ses talents,» pour recevoir de lui un secours dont il avait le plus pressant besoin.
François de Vigny, celui qui reçut les lettres de1570, eut pour fils Étienne de Vigny, qui fut père de Jean de Vigny, qui fut père de Guy-Victor de Vigny, seigneur du Tronchet, de Moncharville, des deux Emarville, d’Isy, du Frêne, de Joinville, de Folleville, de Gravelle et autres lieux. Celui-ci fut père de Léon de Vigny, qui donna le jour à Alfred de Vigny dont nous nous occupons ici.
Ces gentilshommes menèrent presque tous une vie paisible et modeste, «poussant le service militaire jusqu’au grade de capitaine où ils s’arrêtaient pour se retirer chez eux avec la croix de Saint-Louis.» Les armes de la famille de Vigny sont:
D’argent cantonné de quatre lions de gueules, à l’écusson en abîme, d’azur à la fasce d’or, accompagnée en chef d’une mer-Jette d’or, en pointe d’une merlette de même, entre deux coquilles d’argent.
Ces nobles hommes vécurent ainsi, servant dans les armées du Roi et chassant le loup sur leurs terres; ils ne connurent que l’action, et nul d’entre eux n’eut, souci de la pensée. Le dernier de cette race, le comte de Vigny, poète, fut de beaucoup le plus grand, car il les domina tous de toute la hauteur de l’idée; et il a pu dire, les yeux fixés avec un tranquille orgueil sur leurs portraits cuirassés pendus à la muraille:
J’ai mis sur le cimier doré du gentilhomme
Une plume de fer qui n’est pas sans beauté.