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LE CHATEAU DE VERSAILLES

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Table des matières

Le Château de Louis XIV, qui abrite aujourd’hui les collections d’un grand musée historique, est déjà par lui-même un véritable musée d’art décoratif. Deux siècles particulièrement féconds, le XVIIe et le XVIIIe, quatre règnes, de Louis XIII à Louis XVI, y ont accumulé des merveilles. Sans parler des jardins, dont les grandes lignes et une partie des chefs-d’œuvre sont conservés, on trouve à Versailles, exécutés pour les maîtres les plus difficiles et par les artistes les plus habiles, les modèles les plus achevés de ces styles français qui, par une rare fortune de l’histoire, se sont successivement imposés au goût européen. Malgré les destructions et les restaurations diverses qui ont défiguré le Château, les œuvres du marbre, du bois et du bronze y restent encore en assez grand nombre pour constituer, par des spécimens datés et supérieurs, une histoire complète de la décoration en France à son époque la plus florissante.

Les souvenirs historiques de Versailles sont illustres. L’ancienne monarchie française y a atteint son apogée et commencé son déclin. D’autres palais, possédant des souvenirs plus anciens et non moins glorieux, ne les présentent plus à l’esprit du visiteur que désorientés par les appropriations modernes. Versailles, au contraire, par les grands appartements du Roi, la Grande Galerie, la Chapelle, garde l’aspect que Louis XIV lui avait donné ; en d’autres parties, l’état Louis XV est exactement conservé ; ailleurs encore, les pièces d’intimité faites pour Marie-Antoinette et Louis XVI sont demeurées telles que la Révolution les a trouvées. Le mobilier seul, entièrement vendu en 1794, manque à ces appartements pour y permettre une évocation complète des magnificences de la cour de France. On doit convier le visiteur initié déjà aux choses de l’art à se faire une idée précise des diverses époques de la construction et de la décoration du Château, avant d’étudier les collections qui y ont été installées sous le règne de Louis-Philippe et les régimes suivants.

Versailles ne fut d’abord qu’un rendez-vous de chasse au milieu des bois, construit en 1624, sur le désir de Louis XIII, par l’architecte Jacques Lemercier. L’édifice fut peu à peu augmenté et entouré de jardins et de terrasses, dessinés par Boyceau et Lemercier, et dont les lignes générales devaient être agrandies, mais respectées par Le Nôtre. Louis XIII avait souvent quitté pour Versailles le château de Saint-Germain-en-Laye, alors résidence ordinaire de la royauté. Le jeune Louis XIV, à partir de 1662, en fit aussi un de ses séjours favoris. Le petit château était alors un bâtiment carré, construit en brique et pierre et ouvert du côté de Paris par une cour intérieure, dont les murs conservés sont encore aujourd’hui ceux de la Cour de marbre.

Louis XIV choisit Versailles pour donner à sa cour les grandes fêtes de plusieurs jours restées célèbres par leur somptuosité. Celles de 1668, qui suivent la conquête de la Franche-Comté, paraissent avoir fixé son goût et suggéré l’idée de faire de Versailles la résidence royale. Dès l’année suivante, en effet, d’énormes travaux de maçonnerie y sont entrepris et le transforment en un vaste palais d’habitation. Ce sont les constructions dirigées par Levau et Dorbay, qui doivent envelopper extérieurement le château de briques de Louis XIII et contenir, au premier étage, de grands appartements pour le Roi et pour la Reine. On commence alors l’escalier de la Reine et, tout à côté, la première chapelle, puis le grand escalier du Roi appelé plus tard escalier des Ambassadeurs, sans parler de nombreuses constructions nouvelles dans les bosquets, parmi lesquelles la Grotte d’Apollon attenante au nouveau château du côté du nord.

LE CHATEAU

VU DU PARTERRE D’EAU


Jules Hardouin-Mansart, qui devait, plus que tout autre architecte, attacher son nom au Château, continua ces importants travaux, auxquels vinrent s’adjoindre, à partir de 1678, la construction des ailes, dites plus tard «Ailes des ministres» et réunissant d’anciens pavillons, de chaque côté de l’avant-cour, puis, à partir de 1679, la construction de l’aile du midi, sur la terrasse de l’Orangerie, destinée à loger les princes du sang et achevée en 1682. En 1679 encore, se construisait la Grande Galerie qui faisait communiquer les appartements du Roi et ceux de la Reine et remplaçait une terrasse de Levau au premier étage. Une nouvelle chapelle occupait l’emplacement actuel du Salon d’Hercule et, au dehors du Château, s’élevaient rapidement d’immenses dépendances, telles que la Grande et la Petite Écurie, la Surintendance et le Grand Commun, réservé aux multiples services qu’entraînait l’installation d’une cour comme celle du Grand Roi.

Dès 1682, Louis XIV avait définitivement transféré à Versailles le siège du gouvernement; mais les agrandissements n’en continuaient pas moins avec activité. En 1684, on démolissait la Grotte d’Apollon, pour faire de l’emplacement le point de départ de l’aile du nord, qu’on appela longtemps l’aile neuve et dont la construction dura plusieurs années. Les anciens tableaux conservés au Musée, ainsi que les gravures d’Israël Silvestre, permettent de suivre les transformations du Château et du parc, bien qu’ils mentionnent souvent comme réalisés des projets dont la date réelle d’exécution doit être cherchée dans les comptes des Bâtiments du Roi. C’est vers 1690 seulement que le Château a eu extérieurement la forme que nous lui voyons aujourd’hui. Encore y manquait-il la chapelle définitive, dont les fondations remontent à 1689, et dont la construction dirigée d’abord par Mansart, puis par son successeur Robert de Cotte, dura douze années, de 1699 à 1710.

A l’intérieur du Château, un nombre énorme d’artistes, sculpteurs, peintres, ciseleurs, marqueteurs, dirigés par l’ordonnateur suprême de la décoration générale de Versailles, Charles Le Brun, avait concouru à la création des appartements, auxquels servaient de cadre les jardins avec leurs bosquets, leurs fontaines, leurs ouvrages de marbre, de bronze et de plomb doré. Une ville nouvelle s’était créée autour de la résidence royale, dont Trianon, ainsi que les châteaux détruits de Marly, la Ménagerie, Clagny, étaient considérés comme des dépendances. Cette simple constatation suffit à rappeler comment Versailles fut, sous Louis XIV, un centre de production de l’art français sous toutes ses formes. La somme qu’il en coûta à la France a été ridiculement exagérée: «L’ensemble de la dépense pour tous les travaux de Versailles, calcule M. Guiffrey, atteignit soixante millions environ pour tout le règne de Louis XIV. C’est à peu près le tiers de la somme dépensée dans les différentes maisons royales, qui comprenaient le Louvre, Saint-Germain, Fontainebleau, Chambord, l’Observatoire, les Académies, et aussi pour les manufactures, les encouragements aux lettres et aux sciences, etc. Il est vrai qu’il faut ajouter au compte de Versailles environ dix millions pour la machine de Marly et les travaux exécutés sur la rivière d’Eure; mais ce total de 70 millions est encore loin des évaluations des historiens hostiles à la royauté. Si l’on considère d’autre part que la construction et la décoration du palais ont largement profité au développement des arts, ont contribué à établir la suprématie des peintres, des sculpteurs et des architectes de notre pays sur toute l’Europe, ont singulièrement développé l’activité industrielle de la France, on reconnaîtra peut-être que ces prodigalités ne sont pas restées stériles.»

Le XVIIIe siècle a remanié la plus grande partie de l’intérieur du Château. Déjà Louis XIV avait modifié en 1701 la disposition intérieure de ses appartements. Ces modifications furent continuées par Louis XV, qui revint à Versailles en 1722, après avoir résidé aux Tuileries pendant les premières années de la Régence. Au commencement du règne, une grande création, le salon d’Hercule, achevé de décorer en 1736, rappelait encore par son importance celles de l’époque précédente; mais les destructions ne tardaient pas à commencer; on voyait disparaître, par exemple, la Petite Galerie peinte par Mignard et l’Escalier des Ambassadeurs décoré par Le Brun et Van der Meulen. Des œuvres non moins précieuses peut-être, mais d’un caractère tout différent, remplaçaient les parties du Château que les besoins nouveaux faisaient détruire; ainsi, le Cabinet du Conseil et la suite des Cabinets du Roi n’ont pris qu’au milieu du règne de Louis XV la forme qu’ils ont aujourd’hui. Peu après était construite par Gabriel la salle de l’Opéra, à l’extrémité de l’aile du nord, achevée seulement en 1770.

LE CHATEAU

VU DE LA TERRASSE DE L’ORANGERIE


Le goût en architecture ayant changé et le château de Louis XIV menaçant ruine sur bien des points, on songea à le reconstruire entièrement et à remplacer tout d’abord les parties donnant sur la Cour royale et la Cour de marbre par des bâtiments de style néo-grec. Ce projet, conçu par Gabriel, commença à être mis en exécution en 1772, par la démolition d’un des deux pavillons à colonnade de Mansart, et, devant la Chapelle, une aile nouvelle s’éleva qui produit aujourd’hui un choquant disparate au milieu des constructions antérieures. Le manque de ressources empêcha seul la destruction décidée de la Cour de marbre. La suppression de la lanterne dorée du comble de la Chapelle, qui a eu pour résultat d’en diminuer l’élégance de lignes, fut au contraire une mesure de préservation pour l’édifice.

Sauf l’installation d’une nouvelle salle de comédie dans l’aile Gabriel en 1787, les travaux exécutés sous Louis XVI se bornèrent à des aménagements intérieurs, qui ont laissé des modèles de l’art intime et délicat du temps.

La monarchie abandonna le Château le 6 octobre 1789. La Révolution le laissa intact, se bornant à le démeubler, et l’utilisa à divers usages, par exemple à l’installation d’un musée artistique de l’école française, en échange des tableaux des écoles étrangères faisant partie des collections du Roi et transportés au Louvre. Napoléon, qui songea à habiter Versailles, avait ordonné la reprise des plans de reconstruction; on doit à ces projets le pavillon de gauche, construit par l’architecte Dufour comme pendant à celui de l’aile Gabriel. Louis XVIII, qui fit continuer de grandes restaurations dans les appartements, vit terminer ce pavillon en 1820. L’aspect extérieur du Château ne s’est guère modifié depuis, la construction récente de la salle de la Chambre des députés ayant été faite sur une cour intérieure.

De grands changements furent apportés à l’intérieur par la création du Musée historique, due à l’initiative de Louis-Philippe et qui sauva peut-être l’édifice, en lui attribuant une destination précise et définitive. L’œuvre la plus considérable faite alors par l’architecte Nepveu est la Galerie des batailles, qui date de 1836. Malheureusement on crut pouvoir sacrifier beaucoup d’appartements royaux ou princiers, qui étaient encore dans un état suffisant de conservation et qu’on aurait pu fort bien sauvegarder. Le mépris dont l’art du XVIIIe siècle était alors l’objet empêcha de s’intéresser aux parties du Château auxquelles ne se rattachait pas le grand nom de Louis XIV. Partout ailleurs, on sacrifia impitoyablement les morceaux décoratifs les plus précieux, dès que cela sembla nécessaire pour l’installation des tableaux réunis pour le Musée. Les derniers actes de vandalisme commis dans le Château remontent à 1875, année où l’installation urgente d’un local pour la Chambre des députés, instituée par la nouvelle Constitution, parut exiger au Pavillon de Provence des destructions nouvelles. Cette fâcheuse période est close. L’administration actuelle conserve avec respect les moindres vestiges du passé et cherche à faire revivre, dans toute la mesure possible, ceux dont il reste trace. Nous avons à faire connaître ici brièvement ce qu’on retrouve encore d’art ancien, au milieu de salles si remaniées et parfois complètement défigurées.

Aucun livre n’indique la façon vraiment logique de visiter le Château de Versailles au point de vue de son histoire. C’est pour y suppléer provisoirement que sont écrites les pages qui suivent, simple orientation topographique, avec quelques noms et quelques dates artistiques aussi précises que les documents permettent de les donner.

L’aspect actuel du Château et l’ordre dans lequel le parcourt le visiteur, qui entre par le vestibule de la Chapelle et le salon d’Hercule, ne donnent pas tout d’abord une idée juste des appartements du Roi. Nous conseillons de pénétrer par l’entrée principale d’autrefois, qui était l’Escalier de marbre, dit aussi Escalier de la Reine, qu’on trouve à gauche de la Cour royale; celui des Ambassadeurs, qui lui faisait face à droite et qui a disparu en 1752, n’était qu’une entrée d’apparat et servait rarement. En haut de l’Escalier de marbre, au contraire, on trouvait d’un côté la salle des gardes du Roi, de l’autre celle des gardes de la Reine, accès naturel aux deux appartements.

L’Escalier de marbre a reçu son dernier revêtement en 1681; le groupe doré d’enfants soutenant le chiffre du Roi, qui occupe la niche du palier, est l’œuvre de Massou; les bas-reliefs de métal au-dessus des portes sont de Massou et Legros et datent également de 1681. La peinture latérale est fort postérieure et a été faite comme pendant à l’ouverture à balustres qui n’appartient pas au dessin primitif de l’escalier.

Sur cet escalier s’ouvrent aujourd’hui quatre portes. Des deux portes de face, l’une est au pied d’un escalier moderne conduisant à des salles de portraits; l’autre donne sur la grande salle des gardes du Château, qu’on nommait le «Magasin» et qui, entièrement modernisée, est consacrée aux souvenirs napoléoniens. Le visiteur, qui cherche avec nous l’ancien état de Versailles, peut négliger ces entrées. La porte de droite ouvre directement sur la salle des gardes de la Reine; celle de gauche, qu’il faut prendre, conduit, par une loggia revêtue de marbre, chez le Roi. Cette loggia, où sont aujourd’hui des bustes royaux, date, dans sa disposition actuelle, de 1701.

La première pièce de l’appartement royal est la salle des gardes, qui n’a conservé d’ancien que sa cheminée, sa corniche et les chambranles autrefois dorés des portes et des fenêtres. Il en est de même de la première antichambre, appelée aussi, sous Louis XIV, la «salle où le Roi mange» et où avait lieu le grand couvert; toutefois les tableaux de Joseph Parrocel, qui s’y trouvent encore, ont été posés en 1687. La porte à droite de la cheminée a été ouverte quand on a fait, des deux pièces qui suivaient, la pièce unique de l’Œil-de-bœuf.

La distribution de la partie où nous entrons date seulement de 1701. N’ayant pas à décrire l’état antérieur, nous nous bornons à rappeler que l’antichambre de l’Œil-de-bœuf, ou seconde antichambre, a été formée de deux pièces, à gauche le «Salon des Bassans» orné d’œuvres du peintre vénitien; à droite, l’ancienne chambre à coucher du Roi. L’Œil-de-bœuf a conservé sa décoration intacte; les tableaux seuls y ont été changés. Les ciselures dorées sont de Julien Lochon; les sculptures sur bois sont dues à Taupin, Bellan, Legoupil et Dugoulon, la corniche de stuc, à Lespingola. Mais une œuvre est ici hors de pair: c’est la magnifique frise de stuc doré représentant des jeux d’enfants et exécutée par Van Clève, Hurtrelle et Flamen; la partie où l’artest le plus libre, le mouvement le plus élégant, est celle du mur de la Galerie des glaces; ou peut sans hésitation l’attribuer à Van Clève.

L’Œil-de-bœuf servait de passage pour arriver à la Grande Galerie, artère centrale du Château, conduisant à la fois chez la Reine et aux «grands appartements» du Roi du côté de la Chapelle. Mais c’était aussi le salon d’attente pour être admis devant le Roi, soit dans la chambre à coucher où avaient lieu les cérémonies du lever et du coucher et les audiences publiques, soit dans le Cabinet du Roi, réservé aux audiences particulières, aux présentations, aux prestations de serments, contrats de mariage où le Roi signait, etc.

La chambre où mourut Louis XIV, qui fut conservée comme chambre de parade par ses successeurs, avait été faite en 1701 sur l’emplacement du salon central du Château, qui ouvrait alors par trois arcades sur la Galerie. Le balustre doré est authentique; quant au lit, une petite toile placée dans la salle du grand couvert en fournit la forme exacte à qui ne veut pas se contenter des restitutions du temps de Louis-Philippe. Des tableaux anciens qui concourent à la décoration de la pièce, quatre seulement s’y trouvaient sous Louis XIV, les «Évangélistes» de Valentin; aucune peinture n’existait au plafond. La sculpture dorée sur fond blanc offre un exemple bien complet de la richesse peut-être un peu lourde de l’art du temps; les figures principales, les deux renommées assises tenant une trompette et la France veillant au-dessus du lit du Roi, sont de N. Coustou. Toute la décoration ancienne est conservée; les cheminées seules ont été faites sous Louis XV.

CHAMBRE DE LOUIS XIV


D’un art tout autre est le Cabinet du Roi, appelé aussi Cabinet du Conseil, postérieur de plus de cinquante ans à la Chambre. Revêtu entièrement de boiseries et de glaces, avec ses deux larges panneaux sculptés accostant la cheminée à bronzes dorés et ses petits bas-reliefs symboliques, il offre le modèle par excellence de l’art de Louis XV à Versailles. Il occupe l’emplacement de deux pièces contemporaines de la Chambre, le Cabinet de Louis XIV et son «cabinet des perruques», qui s’éclairait sur la petite cour intérieure. Il a été créé en 1755 et le sculpteur en est Antoine Rousseau.

Ce cabinet était la première pièce de l’appartement particulier fait pour Louis XV, dans la partie du château qu’on désignait sous le nom général de «Cabinets du Roi» et qui s’étendait derrière les «grands appartements». Les trois pièces suivantes, d’un aspect plus intime, ont été décorées par Verberckt, qui a partagé avec Rousseau les plus importants ouvrages de bois confiés alors aux «sculpteurs du Roi». La chambre à coucher date de 1738, année où Louis XV cessa de coucher dans l’ancienne chambre devenue trop incommode et conservée seulement pour le cérémonial; elle est telle que Louis XVI l’a laissée, sauf que le balustre en a disparu et que les dessus de porte y ont été changés. Le cabinet de la pendule et le cabinet d’angle ont pris leur forme actuelle seulement en 1760. On a rétabli ici, avec quelques belles consoles, la célèbre pendule de Passemant datée de 1749, dans sa boîte ciselée par Caffieri; elle avait été placée dès 1754 dans le cabinet, alors ovale, qui a pris son nom. Les pièces suivantes ont été faites sous Louis XV sur l’emplacement de l’Escalier des Ambassadeurs et de la petite galerie de Mignard et ont été occupées par Madame Adélaïde jusqu’en 1769, puis annexées à l’appartement du Roi. Dès son avènement, Louis XVI y fit faire sa bibliothèque par les Rousseau, à côté de l’ancien cabinet de sa tante, œuvre de Verberckt, qui fut conservé. Les travaux qui s’exécutent dans cette partie du Château n’en permettent pas toujours l’accès; mais on peut prendre dans ce qu’on visite une idée suffisante de l’art Louis XV à Versailles.

Revenons à Louis XIV, en passant directement dans la Grande Galerie, par une porte du Cabinet du Conseil jadis réservée à l’usage particulier du Roi. Nous allons suivre son itinéraire quand il se rendait à la Chapelle par les grands appartements. La Grande Galerie ou Galerie des glaces a été décorée et peinte de 1680 à 1682, et les deux salons qui la complètent à ses extrémités ont été achevés les années suivantes, sous la direction du premier peintre du Roi, Le Brun. Le plafond de la Galerie présente en trente tableaux, de dimensions diverses et disposés au milieu d’ornements et de figures d’une grande richesse, l’histoire de Louis XIV, de 1661 à 1678. Une esquisse originale de Le Brun placée sur un chevalet doit être comparée, pour les variantes qu’elle présente, avec la composition définitive, «La Franche-Comté conquise pour la seconde fois.» On a sous les yeux le plus grand ensemble de décoration peinte qui existe en France.

La sculpture n’y tient pas moins de place; parmi les noms des sculpteurs qui ont travaillé, dans la galerie et les salons, soit aux sculptures de stuc qui règnent le long de la corniche, soit aux trophées de bronze appliqués sur les marbres, on trouve ceux de Caffieri, Clérion, Coyzevox, Lecomte, Legeret, Legros, Lespagnandel, Massou, Proust, Tuby, etc. La part de chacun de ces artistes, qui travaillaient tous d’ailleurs sur les dessins de Charles Le Brun, n’est pas encore délimitée. L’orfèvre Ladoireau a fondu une partie des bronzes; on sait aussi le nom du ciseleur qui a encadré les glaces de Venise et fait tous les menus ouvrages de cuivre de la Galerie: c’est Dominique Cucci. Enfin les chapiteaux des pilastres, modelés par Philippe Caffieri l’ancien, appartiennent à un ordre éphémère d’architecture, qu’on appela l’«ordre français», et dont l’invention avait paru nécessaire à Le Brun pour compléter la création et la nouveauté d’un ensemble qu’on voulait rendre unique au monde. La Galerie fut toujours somptueusement ornée de statues, vases, tables de porphyre et meubles sculptés; mais le fameux mobilier d’argent fait aux Gobelins pour la garnir, par l’orfèvre Ballin, n’y demeura pas longtemps, puisqu’il fut envoyé à la Monnaie dès 1690, pour subvenir aux frais de la guerre contre la Ligue d’Augsbourg. Les vases de bronze de Ballin dans les jardins, les grands cartons de tapisserie exposés dans le Musée et où sont peints beaucoup de ces objets d’argent, permettent seuls de se faire une idée aujourd’hui de cet ensemble disparu.

GRANDE GALERIE

GALERIE DES GLACES


Le salon de la Guerre, dont la décoration tout entière est formée d’attributs belliqueux et dont le plafond est de Lebrun, est orné d’un Louis XIV à cheval, énorme bas-relief de plâtre par Coysevox; le marbre qui devait le remplacer ne fut pas achevé, et les esclaves et renommées qui l’accompagnent ne furent pas fondus en bronze. Les six bustes de porphyre d’empereurs romains, avec draperies modernes, figurent déjà dans les anciennes descriptions.

On admirera moins que ne le faisaient les guides imprimés du XVIIIe siècle les peintures décoratives des grands appartements; elles sont bien défigurées par les restaurations et, d’ailleurs, trop inférieures aux modèles italiens qu’elles rappellent. Le salon d’Apollon (ancienne chambre du Trône) est de Lafosse; celui de Mercure (ancienne chambre du Lit) est de J.-B. de Champagne; celui de Mars est d’Audran, Houasse et Jean Jouvenet, avec des dessus de porte de Simon Vouet, placés sans doute après la Révolution; celui de Diane (ancienne salle du Billard) est de Blanchard, Audran et Lafosse; ceux de Vénus et de l’Abondance, de Houasse. Les murs tendus de tapisserie recevaient les tableaux du Cabinet du Roi, qui ont fait le premier fonds de la collection du Louvre. La sculpture est la partie décorative la plus intéressante de ces appartements de réception; les panneaux de porte au chiffre et aux emblèmes du «Roi Soleil» sont, en partie au moins, de Caffieri et leurs cuivres, de Cucci; leur composition se rapporte à la désignation mythologique de chaque salle et au sujet du plafond. La porte, qui fait face à la fenêtre dans le petit salon de l’Abondance et ouvrait sur l’ancien cabinet des médailles du Roi, a été faite sous Louis-Philippe, avec quelques morceaux anciens.

Les anciennes portes de l’Escalier des Ambassadeurs, conservées seulement au revers, aboutissaient à droite dans le salon de Diane, à gauche dans le salon de Vénus. Ces deux pièces ont gardé toute leur décoration de marbre. Dans la niche du salon de Vénus a été replacé le Louis XIV en empereur romain, par Warin, qui s’y trouvait autrefois. Au salon de Diane, le buste du Roi par Bernin, couronné par des amours et le socle accosté de trophées de bronze doré, occupe également son ancienne place; ce buste date de 1665 et le petit monument, fait en 1685, est des sculpteurs Mazeline et Noël Jouvenet.

Bien que construit sous Louis XV, le salon d’Hercule fait dignement suite aux appartements de Louis XIV. Vassé a travaillé, de 1729 à 1734, à la décoration de bronze, comprenant l’ensemble de la cheminée, les pilastres et le grand cadre sculpté que remplissait autrefois «Le Repas chez Simon» de Véronèse. «L’Apothéose d’Hercule» a été peinte au plafond sur toile marouflée par Lemoine, qui acheva en 1736 cet énorme travail, très bi en restauré de nos jours. Dans le plan des architectes de Louis XV qui démolirent l’Escalier des Ambassadeurs, un escalier analogue devait être rebâti plus loin, de manière à aboutir à ce grand salon, qui eût été l’entrée d’honneur chez le Roi.

GRANDS APPARTEMENTS

SALON DE VÉNUS


Au sortir de ces décorations où domine le marbre de couleur, la simple pierre blanche du vestibule de la Chapelle n’est pas sans majesté. Toutes les sculptures y sont de pierre, y compris les statues de la Piété et de la Foi, par Boursault, et ne font que mieux ressortir les boiseries dorées des grandes portes. Tout ici date des dernières années du règne de Louis XIV. On peut prendre de la tribune royale une idée générale de l’architecture intérieure de la Chapelle, dont la voûte a été peinte par Jouvenet, Ant. Coypel et Lafosse; mais dans ce monument d’une rare unité chaque détail serait étudié utilement. Des bas-reliefs de pierre et des «trophées d’église» décorent presque toutes les surfaces et, malgré leur parfaite harmonie, représentent l’œuvre de sculpteurs différents, les meilleurs de la fin du règne de Louis XIV. L’arcade centrale porte une «Gloire céleste adorée par les anges», de Van Clève, qui a fait toutes les sculptures du maître-autel, y compris le bas-relief du retable. Les autels des chapelles latérales, surmontés de têtes d’anges, de Coustou, ont des bas-reliefs de bronze posés en 1747, par les deux Adam, Bouchardon, Coustou, Francin, Ladatte, Slodtz et Vinache. Dans la chapelle du Sacré-Cœur, ajoutée en 1772 par Gabriel, les ornements en bronze doré sont de Dessouches. Il y a donc en ce monument, surtout si on y joint les œuvres d’art qui le décorent extérieurement, tout un musée de la sculpture française au XVIIIe siècle.

Il est inutile de pénétrer dans l’aile du nord, si on cherche seulement les restes des dispositions anciennes; tout y a été transformé ; à peine apercevra-t-on, au bout de la galerie de sculpture, la porte dorée qui conduisait à la tribune royale de l’Opéra. La salle même, qui ressort de l’administration du Sénat, n’est pas accessible de l’intérieur. Commencée par Gabriel en 1753 et inaugurée seulement en 1770, elle a passé, au siècle dernier, pour la plus somptueuse de l’Europe; mais les transformations qu’elle a subies sous Louis-Philippe, puis lors des séjours de l’Assemblée nationale à Versailles, en ont altéré le caractère. On y voit, toutefois, les sculptures de Pajou et de Guibert, et le foyer en est demeuré intact, avec ses haut-reliefs de Pajou. Des diverses salles de théâtre qu’a possédées le Château, ce fut la plus importante et c’est la seule qui n’ait pas disparu.

Il nous reste à parcourir les appartements de la Reine, du côté du midi. La Grande Galerie était séparée du salon de la Paix par une porte volante, qui s’enlevait aisément lors des grandes fêtes. En temps ordinaire, ce salon était la première pièce de la Reine et servait de «salon de jeux». Il avait été achevé en 1683 et orné d’un plafond peint et de bas-reliefs-semblables à ceux du salon de la Guerre, mais se rapportant tous aux travaux de la paix. Le tableau de Lemoine a été placé seulement en 1729 et représente le jeune Louis XV donnant la paix à l’Europe.

La chambre de la Reine est tout entière de style Louis XV, mais de deux époques assez éloignées. Ainsi la seule conservée des trois grandes glaces qui s’y trouvaient, les volets, les portes, l’encadrement des dessus de porte sont de 1735; Natoire et De Troy ont peint les deux élégants tableaux, et Boucher les quatre camaïeux du plafond. Cette décoration est celle du temps de Marie Leczinska. Mais les sculptures du plafond et notamment les beaux ouvrages d’angle, où se voient des aigles couronnés, ont été refaits en 1770 pour la dauphine Marie-Antoinette. Les anciens travaux de sculpture, portes, embrasures, glace, sont de Verberckt, les autres, d’Antoine Rousseau.

La pièce suivante, dite «salon des nobles», a conservé son plafond peint par Michel Corneille sous Louis XIV; mais la décoration des lambris avait été renouvelée en 1785, comme l’indiquent encore la glace et les chambranles conservés, et les sculptures du plafond avaient été retouchées à cette époque. La «grande antichambre», où la Reine mangeait au grand couvert, fut d’abord, au temps de Marie-Thérèse, la salle des gardes de son appartement. Les voussures peintes par Vignon et Paillet remontent à l’origine de cette pièce; au centre du plafond a été placée de nos jours une copie ancienne de la «Famille de Darius» par Le Brun. Enfin, la salle des gardes de la Reine, qui fut à l’origine un billard, a conservé tous ses revêtements de marbre, et son plafond tout entier de Noël Coypel, y compris les personnages de cour qui regardent par-dessus une balustrade. C’est une des pièces les plus complètes du Château.

SALON D’HERCULE


Les petites pièces appelées jadis «Cabinets de la Reine», et à tort aujourd’hui «petits appartements», doublent l’appartement sur deux étroites cours intérieures et s’y relient par des portes en partie condamnées. Ils comprennent deux cabinets à niche de glaces, deux bibliothèques et une salle de bains. Ils existaient avant Marie-Antoinette, mais ils ont été remaniés pour elle et à diverses reprises, de 1772 à 1783. La pièce la plus récente, et aussi la plus importante par sa décoration, est le grand cabinet, dont maint détail révèle le triomphe de l’antique et annonce déjà une transformation de style. C’est l’œuvre des frères Rousseau, fils d’Antoine, qui ont dû faire aussi les boiseries du petit appartement de Marie-Antoinette placé au rez-de-chaussée et par malheur entièrement détruit. On ne saurait mieux se pénétrer des grâces particulières de l’art Louis XVI, qu’en étudiant de près ces cabinets où les bronzes des fenêtres, des portes et des cheminées égalent la sculpture de bois doré, dont ils reproduisent parfois le dessin.

Si on visite le Château au point de vue de l’art décoratif, on peut se dispenser de passer dans l’aile du midi. Il suffit de voir l’Escalier des princes, qui donnait accès à l’aile habitée par les princes du sang; le plafond a été abaissé et refait, mais il y a de beaux bas-reliefs d’enfants, sculptés sous Louis XIV, et il faut étudier surtout, au rez-de-chaussée, ce qui reste des appartements de Mesdames et du Dauphin. On y descend par l’Escalier de marbre, d’où on gagne le vestibule du vieux château Louis XIII, placé sous la chambre de Louis XIV et où sont conservées les colonnes primitives de marbre de Rance. L’appartement occupé en dernier lieu par Mesdames, filles de Louis XV, et qui s’étend sur le parterre du Nord, avait été en partie celui de Mme de Pompadour; presque rien n’y reste de l’époque de la favorite et trop peu de chose de celle de. Mesdames. L’installation des portraits de maréchaux sous Louis-Philippe y a presque tout détruit; on y voit seulement des frises, des volets et surtout les panneaux de la pièce d’angle, qui était le grand cabinet de Madame Victoire et qui fut faite en 1761.

L’appartement du Dauphin, en retour sur la terrasse de l’Orangerie, est mieux conservé. La décoration en remonte tout entière à 1747, époque où il fut aménagé pour le fils de Louis XV. La première pièce n’a gardé que sa frise et ses anciens chambranles; la chambre à coucher a encore d’importantes parties de sculpture dorée, dues à Verberckt, et une cheminée dont les bronzes, Flore et Zéphyre, sont de Jacques Caffieri. Un peu plus loin, la bibliothèque du Dauphin est un spécimen, peut-être moins parfait, mais presque intact, d’art intime. Le cabinet à côté faisait déjà partie d’un autre appartement, celui de la Dauphine, entièrement modernisé.

Tel est l’ensemble d’art décoratif qu’il est aisé au curieux de retrouver à l’intérieur du Château. La visite des jardins, celle du Trianon de Louis XIV et du Petit Trianon de Marie-Antoinette. achèveront de l’instruire. Quelques heures méthodiquement consacrées à cette étude lui en apprendront plus que bien des livres sur l’activité et les transformations du goût en France pendant deux siècles.

Le musée national de Versailles, description du château et des collections

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