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LES COLLECTIONS

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Le Musée de Versailles est un musée d’histoire nationale unique en Europe par son caractère et son étendue. L’inscription mise sous les frontons des pavillons modernes de la grande cour, «A toutes les gloires de la France», donnerait peut-être une idée incomplète des collections que renferme le Château: en effet, à côté de la commémoration des faits et des hommes véritablement glorieux pour le pays, on a cherché à recueillir le plus grand nombre possible de monuments d’art se rapportant, à divers titres, au passé de la nation. En certaines parties, Versailles est une grande école de patriotisme populaire; en d’autres, c’est pour le curieux une vivante évocation des anciens règnes et une source incomparable de renseignements pour l’historien.

Les principales séries qui constituent le Musée historique ont été réunies et mises en place de 1833 à 1837 et inaugurées solennellement le 10 juin de cette dernière année, par le roi Louis-Philippe, qui avait pris une part fort active à la création et y avait largement contribué sur sa fortune privée. La préface du catalogue primitif fait connaître le sentiment dans lequel le Musée fut imaginé et en trace le plan d’ensemble, au moment même où s’en achevait l’exécution: «Consacrer l’ancienne demeure de Louis XIV à toutes les gloires de la France, rassembler dans son enceinte tous les grands souvenirs de notre histoire, tel fut le projet immédiatement conçu par S. M. Mais le palais de Versailles, à cette époque, ne renfermait ni tableaux, ni statues; les plafonds seuls avaient été restaurés. Le Roi donna l’ordre de rechercher dans les dépôts de la couronne et dans les résidences royales toutes les peintures, statues, bustes ou bas-reliefs représentant des faits ou des personnages célèbres de nos annales, en même temps que tous les objets d’art qui offriraient un caractère historique. Des ouvrages, la plupart remarquables, oubliés depuis longtemps dans les magasins du Louvre et dans les greniers des Gobelins, furent tirés de la poussière; d’autres, dispersés dans divers palais, furent réunis à Versailles; on mit enfin le même soin à recueillir tout ce qui avait été produit par la peinture et la sculpture moderne. Cependant ces diverses réunions étaient bien loin de suffire à l’accomplissement du projet conçu par S. M.; ni tous les grands hommes, ni tous les grands événements de notre histoire n’avaient leur place dans cette collection, empruntée à des époques différentes. Le Roi a comblé cette lacune en commandant à nos artistes les plus distingués un nombre considérable de tableaux, de statues et de bustes, destinés à compléter le magnifique ensemble de toutes les illustrations de la France.»

L’exécution de la seconde partie du plan de Louis-Philippe prête matière à de nombreuses réserves. Chacun reconnaît que cette histoire de France en images a été réalisée hâtivement et sans critique; pour quelques pages de valeur, un trop grand nombre d’oeuvres médiocres et dépourvues de tout caractère de vérité sont venues encombrer les galeries et nuire par leur voisinage aux collections sérieuses qu’elles renferment. La partie rétrospective, au contraire, mérite de très grands éloges. On peut regretter sans doute que la disposition des locaux n’ait pas permis un classement chronologique plus absolu et surtout que l’authenticité des attributions n’ait pas été partout plus rigoureusement contrôlée; mais on doit louer sans réserve le zèle mis à réunir et à sauver des morceaux d’art et des documents d’histoire devenus aujourd’hui tout à fait précieux.

Le fonds principal des œuvres anciennes exposées aujourd’hui à Versailles a été constitué par un certain nombre de séries d’objets d’art ayant une provenance commune. Il est utile d’énumérer ces séries, dont quelques-unes ont été conservées comme collections distinctes dans l’organisation première et le resteront dans le classement nouveau:

1° La suite de tableaux-plans provenant du château de Richelieu et consacrée à reproduire les principaux épisodes militaires du règne de Louis XIII.

2° Les cartons des compositions de Le Brun et de Van der Meulen, destinés à servir de modèles pour les tapisseries des Gobelins et représentant l’histoire de Louis XIV.

3° Les cartons des douze tapisseries exécutées aux Gobelins d’après les mêmes artistes et connues sous le nom de tenture des «Mois», utiles pour l’histoire du costume et des arts mineurs.

4° La série des vues des maisons royales sous Louis XIV et Louis XV comprenant: les vingt et un tableaux de Cotelle, qui représentent les bosquets de Versailles jusqu’en 1690 et qui décoraient la galerie du Grand Trianon; une suite de Van der Meulen de petites dimensions; une suite de tableaux de J.-B. Martin et des Allegrain, donnant des vues de l’époque Louis XIV, et de P.-D. Martin, exécutées au commencement du règne de Louis XV. La plupart de ces tableaux se rapportent au Château et aux jardins de Versailles et permettent d’en suivre l’histoire; les autres représentent des vues de Saint-Germain, Marly, Trianon, Clagny, Saint-Cloud, Meudon, Fontainebleau, Chambord, etc.

5° Une série de toiles historiques commandées par la direction des Bâtiments du Roi, sous Louis XV et Louis XVI, pour rappeler les principaux épisodes de leur règne.

6° Une série analogue, commandée par Napoléon Ier dans un but semblable et continuée, plus ou moins régulièrement, par les régimes suivants jusqu’à la fin du second Empire.

7° Les gouaches de Van Blarenberghe représentant une partie de l’histoire militaire des règnes de Louis XV et de Louis XVI.

8° Les aquarelles militaires exécutées au Dépôt de la Guerre sur les campagnes de la République et de l’Empire, série récemment complétée par l’acquisition d’une collection de dessins originaux étudiés sur les lieux et continuée par quelques aquarelles se rapportant aux guerres d’Algérie.

9° Les portraits des XVIe et XVIIe siècles provenant du Cabinet de Roger de Gaignières (connus à tort sous le nom de collection de Colbert, parce qu’ils portent au dos le cachet de Colbert de Torcy placé en 1715, quand le Roi accepta l’héritage du célèbre amateur).

10° Les portraits, de valeur fort inégale, d’hommes illustres, formant la collection de la Sorbonne, constituée au XVIIe siècle.

11° Les portraits donnés au Musée en 1839 par l’Académie française et provenant de l’ancienne Académie, où l’usage était que chaque élu offrît le portrait de son prédécesseur.

12° Les portraits des princes et princesses de la maison de Bourbon antérieurs à la Révolution et provenant des maisons royales, auxquels viennent s’adjoindre, comme un complément naturel, ceux des familles ayant régné plus tard sur la France.

13° La série des portraits et tableaux de marine, qui décoraient l’ancien hôtel de la Marine, à Versailles.

14° Une série de portraits des amiraux de France, peinte au XVIIIe siècle pour l’hôtel de Toulouse, à Paris.

15° Une série de portraits de maréchaux de France réunis sous Louis-Philippe, en originaux ou en copies, et dont un petit nombre seulement de ceux qui sont antérieurs à 1789 ont une valeur d’authenticité.

16° Les portraits de la campagne d’Égypte dessinés par Dutertre.

17° Les esquisses de portraits du baron Gérard.

Pour la sculpture, la richesse du Musée de Versailles en documents originaux est beaucoup moindre que pour la peinture, surtout depuis que le département de la sculpture du Louvre a obtenu un certain nombre de morceaux provenant du Musée des monuments français et qui étaient nécessaires pour compléter les séries artistiques de notre grand musée d’art national. La collection éphémère formée par Alexandre Lenoir, pour sauvegarder les monuments dispersés ou mutilés à l’époque de la Révolution, est encore représentée à Versailles par plusieurs sarcophages, bustes, médaillons et statues tombales du XVIe au XVIIIe siècles. Les autres sculptures anciennes qui offrent un intérêt pour l’histoire sont de provenance isolée; mais une série importante se trouve constituée par les moulages exécutés sous Louis-Philippe. Ces moulages, pris presque tous sur des monuments funéraires, ont été faits aux sépultures royales de Saint-Denis, dans les églises de Paris et des provinces, chez des particuliers et même à l’étranger. Réunis d’abord au seul point de vue de l’iconographie, ils forment aujourd’hui une collection qui n’a pas moins d’intérêt pour l’histoire de l’art. Elle complète celle du Musée de sculpture comparée du Trocadéro et il faut espérer qu’une disposition rationelle des locaux permettra un jour d’en apprécier les richesses.

Nous ne mentionnons que pour mémoire les bustes commandés par l’État et destinés à rappeler dans nos galeries les citoyens qui ont honoré le pays par leurs actes ou par leur talent. Ces bustes offrent souvent peu d’intérêt artistique, et ils n’ont même pas toujours la valeur d’un document sincère, puisqu’ils ne sont presque jamais exécutés qu’après la mort du modèle; ce sont des monuments commémoratifs, et rien de plus.

Il faut indiquer enfin une série épigraphique encore peu importante, comprenant des épitaphes de personnages historiques des derniers siècles. Il vient de s’y adjoindre un certain nombre de pierres tombales provenant de la Terre-Sainte et de l’Orient latin, et qui sont celles de chevaliers français morts pendant les expéditions du moyen âge. Ces monuments d’histoire vont représenter à Versailles l’époque des Croisades par des souvenirs plus authentiques, et par suite plus précieux, que les peintures modernes et les écussons de familles réunis sans grande autorité, lors de la création du Musée, dans les «salles des Croisades.»

Les historiens et les artistes connaissent les parties les plus intéressantes du Musée de Versailles et savent que de richesses diverses sont accumulées dans ses immenses galeries. Le grand public, moins informé jusqu’à présent, se porte de préférence dans les salles populaires de l’histoire de France, où se voient le «Charlemagne passant les Alpes» de Paul Delaroche, le «Saint Louis» de Cabanel, le «Gaston de Foix» d’Ary Schefler, etc. Il s’arrête dans la Galerie des batailles, résumé un peu artificiel, mais non sans grandeur, des gloires guerrières de la nation, sorte de panthéon par les bustes et inscriptions commémoratives des commandants d’armée et généraux tués en combattant pour la France, panorama militaire enfin par ses grandes toiles dont les sujets vont de Tolbiac à Wagram et veulent montrer les héritiers des soldats de Clovis dans ceux de Napoléon. Les épisodes du moyen âge, traités par la peinture romantique, ne servent guère qu’à faire mieux apprécier la «Bataille de Taillebourg» par Delacroix, point central de la Galerie pour les chercheurs d’art. La partie moderne, au contraire, compte plusieurs pages intéressantes ou célèbres d’Alaux, Devéria, Franque, etc., deux vastes Gérard, «L’Entrée de Henri IV à Paris», et la «Bataille d’Austerlitz», deux bons Couder, «Lawfeld» et «York-Town», le «Zurich» de Bouchot, le «Rivoli» de Philippoteaux, enfin, pour clore le cycle glorieux, les trois populaires Napoléon de Vernet: «Iéna», «Friedland», «Wagram».

Les visiteurs qui ont pris plaisir, en dehors de toute idée d’art, à ce déroulement de l’héroïque légende, se rendent volontiers dans l’autre aile du Château, pour voir les salles d’Algérie, de Crimée et d’Italie, où triomphent Horace Vernet et son école, où des toiles, plus vivantes que leurs restitutions du moyen âge ou du premier Empire, continuent la brillante tradition de notre peinture militaire. Bientôt sans doute, nos peintres contemporains auront une salle consacrée entièrement à leurs ouvrages et aux épisodes récents de notre histoire. Mais, pour une bonne part du public instruit, le véritable et profond intérêt de Versailles restera dans ces collections de portraits originaux et d’œuvres anciennes, qui lui rendent authentiquement les hommes et la vie du passé.

SAINT LOUIS AU PONT DE TAILLEBOURG (1242)

par EUGÈNE DELACROIX.


Le musée national de Versailles, description du château et des collections

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