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QUINZIÈME ET SEIZIÈME SIÈCLES

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Table des matières

C’est à Jeanne d’Arc que se rapporte le plus ancien des monuments d’art originaux que possède le Musée de Versailles, si riche d’ailleurs en moulages d’œuvres sculptées du moyen âge. Un petit panneau de bois, tableau de dévotion peint au XVe siècle, montre à droite de la Madone l’archange saint Michel et à gauche la Pucelle en armure, tenant son pennon (5051). L’imagier a mis un nimbe autour de son casque; mais les traits du visage ont disparu. Une inscription mutilée, où se lit aisément le nom de Jeanne d’Arc et où l’on devine une supplication à la Vierge, fait penser aux ex-voto qui furent suspendus dans certaines églises des villes délivrées par Jeanne au moment où, prisonnière, elle était en danger de mort. Ce panneau, trouvé à Orléans, nous apparaît comme un témoignage, authentique et vénérable entre tous, de la reconnaissance populaire envers la grande héroïne de notre histoire.

Une figure de Charles VII doit avoir sa place auprès de cette image votive (3052). C’est une effigie très délicate, un des meilleurs parmi ces petits portraits anciens que Versailles conserve en nombre assez considérable, et qui demeurent un des plus purs trésors de notre art français. Le roi, peint à mi-corps, se présente de trois quarts, vêtu d’un manteau rouge fourré, coiffé d’une toque de velours vert brodée d’or et de perles, et portant au cou (par un anachronisme qui permet de dater la peinture) l’ordre de Saint-Michel.

Autour de ces premiers documents artistiques, et durant tout le XVe siècle, il y a peu de chose à tirer de Versailles: ce ne sont guère qu’œuvres modernes. Il faut toutefois mettre à part la série des portraits des ducs de Bourgogne, série assez complète avec Philippe le Hardi (4001), Jean sans Peur (3050 et 4005), Philippe le Bon (3053 et 4011), et Charles le Téméraire (4018, à rapprocher de deux peintures, l’une flamande, l’autre française, du XVIIe siècle, 3068 et 3069). Un petit panneau, qui a la finesse d’une miniature, nous montre une Assemblée du Parlement de Bourgogne tenue par Charles le Téméraire (3070); et une médiocre copie ancienne d’une peinture du XVIIe siècle, inspirée sans doute d’une miniature ou d’une tapisserie flamande, représente un duc de Bourgogne et sa cour chassant à l’oiseau (4021).

Le portrait de Charles VIII (3101), très inférieur d’exécution à celui de Charles VII (il est presque entièrement repeint), offre quelque intérêt de physionomie et d’allure; celui de Gaston de Foix (3105) semble la réplique d’une belle toile attribuée à Giorgione dans la galerie Czartoryski. Pour rencontrer, à la fin du XVe siècle et dans la première moitié du XVIe, de véritables œuvres d’art, il faut sortir de la série française; il faut regarder le portrait d’enfant tenant des deux mains une pomme, que le catalogue dénomme à tort Marie de Bourgogne, archiduchesse d’Autriche (3096); celui de Charles-Quint jeune (3125), avec le caractère si accentué des yeux bridés, de la lèvre inférieure et du menton proéminents, œuvre flamande ou allemande d’un détail très soigné ; surtout le délicieux buste de Philippe le Beau, roi de Castille (3106), l’adolescent aux cheveux blonds, dont les traits bouffis, les yeux petits, les lèvres épaisses s’enveloppent d’une douce lumière, sous la jolie toque de velours rose qui se détache sur un fond bleu. Ce dernier panneau, si délicat et presque intact, rappelle la manière de Memling ou de Matsys.

CHARLES VII

ANCIENNE ÉCOLE FRANÇAISE


Voici encore deux réductions, dont l’une ancienne (3095), du curieux tableau de Bernard Strigel (au musée de Vienne), représentant l’empereur Maximilien Ier d’Allemagne, entouré de toute sa famille. Puis une Sibylle de Clèves avec son fils, le duc de Saxe (3132), dont l’attribution à Lucas Cranach ne peut se soutenir; c’est l’œuvre d’un habile faussaire. En revanche, il y a, de l’atelier de Cranach, signé du dragon et daté de 1532, un bon petit portrait de l’électeur de Saxe Jean-Frédéric (3131), et surtout, avec la même marque et la date de 1544, une image en buste et de grandeur naturelle de Martin Luther, tête nue, le regard dur, un livre de prières entre les mains (3133). Il s’appuie sur une sorte de balustrade, au-dessous de laquelle une large inscription allemande rappelle la vie du réformateur, et se termine par l’apostrophe: Pestis eram vivus, moriens ero mors tua, papa (Vivant, pape, j’étais ton fléau; mourant, je serai ta mort). La date du portrait et l’inscription suffisent à nous montrer que nous avons affaire à l’une de ces images de dévotion, si l’on peut dire, qui durent être colportées en grand nombre de l’atelier de Cranach. D’école allemande encore, et se ressentant fort de l’influence d’Holbein le jeune, deux grands portraits en pied de Jean de Bavière et de Béatrix de Bade (3129 et 3130), qui ont conservé, malgré quelques dégâts, toute la fraîcheur et le velouté de la détrempe. L’attribution à Sigismond Holbein d’un portrait de Guillaume Budé, le savant humaniste (4045), n’est pas soutenable; c’est une œuvre française, d’intérêt purement historique.

Il faut passer rapidement sur des copies, bonnes ou médiocres, d’après Holbein, d’après Raphaël et Bronzino, citer encore un beau portrait de Don Carlos (3198) que l’on peut considérer comme un original d’Anthonis de Mor, pour arriver à la glorieuse et délicieuse collection de Roger de Gaignières, à ces panneaux où sourient de minuscules figures de personnages illustres ou inconnus. Les attributions sont dues la plupart du temps à Gaignières et, jusqu’à plus ample informé, l’on peut se fier à la sagace curiosité de l’érudit amateur, dont la collection, léguée à la Bibliothèque Royale, fut, par ordre du Roi, dispersée aux enchères en 1717. Bien des épaves en sont à Versailles, et il ne faut pas chercher très longtemps pour découvrir, dans le nombre, des joyaux comparables aux plus fines peintures du Louvre ou de Chantilly.

Point de Janet Clouet certains; mais, tout proche, un Laurent de Médicis (3108 — est-ce vraiment un Médicis?) qui a très grande allure avec son regard et son pli de lèvre dédaigneux, sa barbe et ses cheveux noirs se perdant parmi le noir de la toque et du pourpoint. Quatre petits portraits, de Corneille de Lyon (Claude Corneille de La Haye), dont on retrouve la mention dans l’Inventaire des collections de Gaignières, nous présentent une Marguerite de Valois, duchesse de Savoie (3181), vêtue de soie noire et d’hermine, sa toque noire relevée de perles et de plumes joliment posée sur les cheveux blonds; une Jacqueline de Rohan, marquise de Rothelin (3147), en robe rose à manches fourrées d’hermine, s’harmonisant avec la petite coiffure de soie rose, d’or et de perles; une Marguerite de Bourbon, duchesse de Nevers (3185), en costume semblable, à fond noir, quelque peu altéré par les repeints; et surtout, un Henri de Bourbon, dernier duc de Montpensier (ainsi s’exprime l’inscription du panneau), qui est bien l’une des plus charmantes œuvres de notre école de portraitistes (3292). Panneau intact, où les roses fins des lèvres et des joues, le bleu étrange des regards, le ton châtain de la barbe et de la légère moustache, presque noir des cheveux couverts d’une toque noire, s’enlèvent sur un fond vert d’eau d’une délicatesse exquise, qui fait mieux ressortir encore la blancheur du pourpoint brodé à crevés roses.

GUILLAUME BUDÉ

ANCIENNE ÉCOLE FRANÇAISE


MARGUERITE DE VALOIS, DUCHESSE DE SAVOIE

par CORNEILLE DE LYON.


C’est sans doute du fécond atelier de Corneille de Lyon qu’ont dû sortir tant d’autres petits portraits de seigneurs et de dames, de dames surtout, se présentant de buste et tournées vers la droite, avec le même regard des yeux clairs ou sombres, le même pli souriant, un peu boudeur, des lèvres arquées. Beaucoup de ces portraits ont été mutilés, repeints en partie, recouverts d’épais vernis qui altèrent la délicatesse du fond; mais ils respirent encore une grâce infinie. C’est une prétendue Claude, reine de France (3119; la reine Claude est morte en 1524), avec un collier de perles en travers de la gorge; Françoise de Longwy, comtesse de Charny (3144), surchargée de bijoux; Anne Stuart, dame d’Aubigny (3146), en toilette austère de veuve, ses manches noires à crevés s’ouvrant sur une chemise blanche bouffante; Suzanne des Cars, dame de Pompadour (3171), et Béatrix Pacheco, comtesse d’Entremonts (3172), deux charmantes figures, l’une toute de sourire, l’autre de finesse et de gravité pensive; Madeleine de France, reine d’Écosse (3182), d’une vie étonnante sous d’insignifiants repeints; une inconnue (3148), qui est l’un des plus simples et des plus accomplis portraits de la série; Philippine de Montespedon (3189); Louise et Jeanne de Halluin (3205 et 3206); Anne du Plessis-Liancourt (3327).

Le reste, dans ce format exigu, n’est que mauvaise contrefaçon. Mais, dans un format double environ des précédents panneaux, Versailles possède, provenant de Gaignières et timbrés du cachet à la couleuvre (les armes de Colbert de Torcy, neveu du grand ministre), des portraits non moins étonnants, où s’affirme nettement toute la sincérité d’observation et d’expression de l’école des Clouet. Il faudrait les citer presque tous, même ceux qui ont souffert de restaurations maladroites et de nettoyages. Un Henri II (3175, réplique du portrait du Louvre); une jeune femme dont les traits, mais non les yeux, rappellent Catherine de Médicis (4074), qu’un portrait authentique (3179) nous montre plus âgée, les paupières plissées et le menton rentrant; un François II (3208), blafard et très vivant; un très beau et très énergique Henri d’Albret, deuxième du nom (3122); le roi de Navarre Antoine de Bourbon (3183), tête nue, raide dans son pourpoint sombre à broderies d’or; Jeanne d’Albret, mère de Henri IV (3184), figure triste aux lèvres pincées, dans son costume de veuve; Louis de Bourbon Ier, prince de Condé (3187); le connétable Anne de Montmorency (3190); Delphine de Savoie, duchesse de Montmorency (3134); le vicomte et la vicomtesse de Turenne (3191 et 3192); le cardinal Robert de Lenoncourt (3204); Claude Gouffier, grand écuyer de France (3225); Jacques d’Albon, marquis de Fronsac (3202); le duc et la duchesse de Guise (3211 et 3112), cette dernière placide et splendide dans sa robe rouge relevée de perles; leur fils Henri de Guise, le Balafré (3230); François III de la Rochefoucauld, vêtu de noir (3223); Claude d’Annebaut (3145), enveloppé de fourrures blanches, une des figures les plus fines de la série, dont une réplique (3231) a porté, on ne sait pourquoi, le nom de Saint-Mégrin; l’admirable Odet de Coligny, cardinal de Châtillon (3218), peut-être le plus beau de tous, florissant de calme et de santé, dans son pourpoint rouge, que recouvre une veste à broderies rouges, dont les harmonies se complètent par le rouge vif et différent de la toque; François Gruffi (3141); Jacques de Savoie, duc de Nemours (3242, portrait fort supérieur au 3243), d’une franchise, d’une décision parfaites; le maréchal Arthus de Cossé (3246), le comte de Sagonne (3303), l’empereur d’Allemagne Maximilien II (3215); voilà toute une série d’excellentes peintures que l’on sent inspirées de dessins minutieusement sincères, comme ces beaux crayons des Clouet et de leurs élèves, des Decourt, des Quesnel, des Corneille, des Dumonstier, que conservent la Bibliothèque Nationale, le Louvre et Chantilly. C’est là que nous retrouverons les Henri II de Versailles et du Louvre, la Béatrix Pacheco de Versailles, la Jacqueline de Rohan, le cardinal de Lenoncourt, d’autres encore, qui montrent auprès de nos peintures identité de visage, sinon de costume et de proportions.

HENRI II

ÉCOLE DES CLOUET


DELPHINE DE SAVOIE, DUCHESSE DE MONTMORENCY

ÉCOLE DES CLOUET


Viennent ensuite des œuvres plus molles, des portraits de femmes d’une facture médiocre et blafarde: Anne de Thou et Françoise Chabot, comtesses de Cheverny (3318 et 3359); Diane, comtesse de Gramont (3295); Louise de Budos, duchesse de Montmorency (3300); une Gabrielle d’Estrées à onze ans (3332).

Aux peintures s’ajoutent les marbres. Le plus important de tous est le monument élevé à la mémoire de Diane de Poitiers par sa fille, Louise de Brézé (1366). Mis en place en 1577, au château d’Anet, et demeuré intact jusqu’à la Révolution, il fut acheté par Lenoir, transporté au musée des Monuments français, puis à Neuilly, enfin à Versailles. C’est un grand sarcophage de marbre noir, soutenu par des sphinx de marbre blanc, sur lequel Diane est agenouillée devant un prie-Dieu. La statue, attribuée à tort par Lenoir à Michel Bourdin, garde un beau caractère énergique et rigide.

Parmi les nombreux moulages qui font du musée de Versailles un complément des salles du Trocadéro, il y a bien encore quelques marbres originaux du XVIe siècle: deux bustes de François Ier et de François II de Montholon (2794 et 2806), l’un et l’autre gardes des sceaux de France; un buste de Jean Baptiste de Gondi, attribué à Barthélemy Prieur (2802), et trois statues agenouillées du chancelier Michel de l’Hôpital (2799), d’Albert de Gondi, duc de Retz, maréchal de France (2807), et de Pierre de Gondi, cardinal de Retz, évêque de Paris (2809), statues provenant de la basilique de Notre-Dame; le buste de Méry de Barbezières, grand maréchal des logis de la maison du Roi (2810), qui se trouvait autrefois dans l’église des Feuillants; ceux de François de Joyeuse, archevêque de Rouen (2815), et du chancelier Pompone de Bellièvre (2817); enfin les deux statues agenouillées de Jean d’Escoubleau, sire de Jouy, et d’Antoinette de Brives, sa femme (322 et 323). Nous voici au seuil du XVIe siècle.

ODET DE COLIGNY, CARDINAL DE CHATILLON

ANCIENNE ÉCOLE FRANÇAISE


Une fine et naïve peinture de 1557, faussement attribuée à François Porbus et qui relève bien plutôt de l’école des Clouet, nous montre Henri IV âgé de quatre ans (3282). L’enfant se tient droit, un peu gauchement, dans son justaucorps de cuir bien serré, les joues grosses, l’œil timide, s’appuyant d’une main à une table, de l’autre tenant son épée. Le roi populaire, l’œil joyeux et la barbe grise, revit dans une toile du XVIIe siècle (3283) et dans une réplique ancienne (3284) du petit panneau de Porbus peint en 1610 (au Louvre). L’importante statue de Barthélemy Prieur n’existe qu’en moulage (2814); c’est un moulage également (1870) qui représente à Versailles le buste du même artiste (au Louvre).

De François Porbus, un portrait de Marie de Médicis (nouv. acq.), œuvre intéressante, mais froide auprès des Rubens de Paris. Le petit duc d’Orléans, fils de Henri IV, mort en 1611 (3357), est ici tout frais et rose sous ses cheveux blonds serrés dans un bonnet. A citer aussi, les portraits des Guise (3260, 3262, 3358), du connétable de Montmorency (3221, 3298 et 3299), du vénérable Charles de Condé, vu à mi-corps et s’appuyant sur l’épaule de son fils Jean (3280), de Martin Ruzé, seigneur de Beaulieu (3323), du médecin Nicolas Jabot (3330), enfin de souverains étrangers, Maurice et Frédéric de Nassau (3348 — un beau panneau, 3347, représentant Maurice de Nassau, mérite d’être attribué à Michel van Mierevelt), Albert VII, archiduc d’Autriche, souverain des Pays-Bas (3338) et Isabelle d’Autriche, sa femme (3340), grandes et solennelles images en pied qui ont fait évidemment partie d’une série dynastique. Une curieuse petite toile (3281), dont il existe des répliques de grande dimension, raconte la Procession de la Ligue conduite en 1593 par Guillaume Rose, évêque de Senlis, mélange de soldats et de moines casqués, défilant au milieu d’une foule enthousiaste. Enfin une Bataille d’Arqués (nouv. acq.) ouvre, dès le XVIe siècle, la série de nos peintures militaires.

Le musée national de Versailles, description du château et des collections

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