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Préface d’Angelo Consoli – Les communautés de la santé

La Troisième révolution industrielle ne représente pas seulement le passage d’un modèle énergétique/économique centralisé et hiérarchisé vers un modèle collaboratif et interactif.

La troisième révolution industrielle est également, et surtout, un changement paradigmatique pour le genre humain.

Un passage révolutionnaire d’un style de vie individualiste et intéressé à un style de vie biosphérique et empathique. Dans une société où le coût marginal de la production et de la distribution des biens et des services s’approche de plus en plus de zéro, où les informations, les objets, les idées, les services et les personnes voyagent à des prix infiniment petits (si l’on prend comme référence le siècle dernier) et dans des délais alors inimaginables, le genre humain sort d’une économie de pénurie et entre définitivement dans une économie durable de par l’abondance avec laquelle l’activité économique se développera non plus selon les codes et les normes de l’économie de marché traditionnelle basée sur le profit, mais selon les codes et les normes d’une économie sociale basée sur les communaux collaboratifs.

Jeremy Rifkin décrit avec beaucoup de lucidité le communal de l’énergie, composé de millions de proconsommateurs (à la fois producteurs et consommateurs) capables de générer presque la totalité de leur énergie verte à un coût marginal proche de zéro, le communal de la logistique capable de concevoir, d’imprimer et de distribuer des biens et des services à des coûts marginaux presque nuls, et les communaux de la santé, de l’éducation et de la culture capables de garantir des services scolaires, sanitaires et culturels dans les mêmes conditions, ou bien encore le communal de la mobilité pour le déplacement des Hommes d’une manière de plus en plus durable, efficace et économique.

Les nouvelles générations sont projetées au-delà du marché capitaliste, au-delà d’un modèle centralisé, hiérarchique, fermé, patriarcal, lié à la propriété, ils sont projetés vers un modèle collaboratif, ouvert, transparent, égalitaire et empathique.

C’est ce que Rifkin appelle le pouvoir latéral, « Lateral Power ».

Les jeunes d’aujourd’hui, reliés entre eux dans l’espace virtuel (par les réseaux sociaux au sein desquels les informations circulent abondamment et gratuitement) et physique (avec les vols low-cost inimaginables il y a seulement dix ans, ou par les réseaux urbains de plus en plus rapides et efficaces), « ils se débarrassent peu à peu des restes des contraintes idéologiques culturelles et commerciales qui, depuis des temps immémoriaux, séparent le “ moi ” du “ toi ”, dans le cadre d’un système capitaliste caractérisé par des rapports de propriété privée, d’échanges commerciaux et de frontières nationales. L’“ Open Source ” est devenu le mantra d’une génération qui voit les rapports de pouvoir d’une manière complètement différente par rapport à ses parents et à ses grands-parents qui ont vécu dans un monde dominé par la géopolitique » (cit. Jeremy Rifkin, La nouvelle société du coût marginal zéro, pag. 429-430).

Dans une nouvelle civilisation empathique profondément intégrée dans la communauté de la biosphère, toutes les ressources naturelles font alors partie d’un patrimoine commun et leur conservation devient la préoccupation de tous.

L’aménagement des espaces urbains, industriels ou ruraux ne peut se soustraire à cette règle.

La construction des grandes installations industrielles et des réseaux d’infrastructures du troisième millénaire et de la troisième révolution industrielle ne peut donc plus avoir lieu selon les normes de gaspillage et de non durabilité de l’ère fossile durant laquelle les réseaux étaient construits au mépris des principes d’efficacité et d’optimisation des espaces urbains et ruraux éventrés, sauvagement et de façon répétée, pour construire des dizaines de milliers de lignes de transport d’énergie électrique, de gazoducs, d’aqueducs, de canalisations, de réseaux routiers, de réseaux électromagnétiques et des réseaux d’éclairage.

Dans l’idée du communal collaboratif, l'Internet des objets offres des possibilités nouvelles et inédites de « faire plus avec moins » (principe de l’efficacité énergétique affirmée par l’Union européenne) de par l’exploitation des infrastructures existantes en les enrichissant de nouvelles fonctions utiles pour l’expansion de l’économie de partage et de l’empathie entre les hommes.

Le communal collaboratif se base sur l’idée que les lois de la thermodynamique ne peuvent être ni ignorées, ni limitées, ni contournées, ni violées. La première loi de la thermodynamique nous montre clairement que rien ne se crée, rien ne se détruit, mais tout se transforme. Ainsi, la combustion d’un objet pour fermer le cycle des déchets ne signifie pas du tout qu’il ait été éliminé ou que l’on s’en soit libéré, mais simplement que l’on a réalisé un changement en passant d’un état solide à un état gazeux ce qui le rend d’autant plus dangereux, non seulement pour l’environnement mais également pour la santé humaine. La totalité de l’énergie de la deuxième révolution industrielle se base sur la violation des lois de la thermodynamique. L’utilisation de la combustion pour la propulsion des turbines est une folie thermodynamique et entraîne des conséquences létales pour la santé humaine. Changer de paradigme en passant d’un cycle fossile à un cycle solaire implique donc l’activation d’une économie produisant moins de risques pour la santé humaine, et donc plus conforme à une politique de prévention des maladies, plus proche de l’objectif zéro maladie.

La troisième révolution industrielle est en train de créer une société plus saine et plus propre, une agriculture sans pesticides et sans organismes génétiquement modifiés (OGM), un industrie collaborative et non plus centralisée à émissions réduites. Au contraire, la poursuite des logiques verticales entraînera inévitablement une pollution de la santé provoquée par la contamination de la terre, de l’eau et des décharges ainsi que par l’intoxication de l’air par les incinérateurs.

Mais Rifkin, avec son nouveau livre, progresse dans la réflexion en développant également les correspondances entre l’environnement et la santé, et nous éclaire sur la manière dont change la relation médecin/patient dans une dynamique de nouvelle communauté collaborative de la santé. Rifkin arrive également à ses résultats considérables en décrivant le « communal de la santé ».

En effet, pourquoi ne pourrions-nous pas imaginer, de la même manière que le communal de l’information ou que le communal de l’énergie, un communal de la Santé ? Un communal dans lequel les technologies modernes de l’information collaborative et interactive permettent au Dr. Gille Frydman, fondateur de l’ACOR (Association of Cancer Online resources, Association des ressources en ligne sur le cancer) de développer un modèle de médecine participative, au sein duquel, dans un unique communal, convergent des acteurs différents : des patients, des chercheurs, des médecins, des financeurs, des producteurs de matériel médical, des thérapeutes, des sociétés pharmaceutiques et des soignants, tous engagés dans cette collaboration pour améliorer les soins (Rifkin, La nouvelle société du coût marginal zéro, p. 363).

Il ne s’agit pas d’une hypothèse lointaine ni illusoire. Patientslikeme est un réseau social avec plus de 200 000 patients inscrits qui s’occupe de 1 800 maladies et a déjà, par exemple, dénoncé l’arnaque des médicaments à base de carbonate de lithium utilisés pour la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Une étude basée sur les données récupérées en ligne a permis de démontrer l’inefficacité totale de ce traitement pour la SLA. Cela démontre que cette approche « open source » peut également offrir des résultats importants, supplémentaires ou complémentaires à la recherche médicale, qu’elle soit interne ou partenariale, pour laquelle les données demeurent dans une logique verticale, c’est à dire limités et confidentiels.

Il n’y a que dans le secteur de la médecine qu’il soit indispensable de disposer de données de masse, le « big data », traitées avec des algorithmes adaptés, selon le modèle du financement participatif (crowdfunding), pour identifier des modèles sanitaires à bas coûts marginaux et à efficacité élevée. Dans le chapitre « Tout le monde est médecin » de son dernier livre, Jeremy Rifkin nous rappelle qu'Internet compte aujourd’hui des centaines de communaux sanitaires Open Source. Rifkin souligne ensuite que « ce nombre va certainement augmenter considérablement dans les prochaines années, car certains pays commencent à utiliser des archives électroniques pour rationaliser les services de santé. […] Le Big Data qui sera disponible dans un futur proche aux États-Unis et dans d’autres pays va fournir un réservoir d’informations ; utilisées sur des communaux de la santé pilotés par les patients avec des garanties de respect de la vie privée, elles pourraient révolutionner la médecine » (Rifkin, Ibid, p. 366).

À cet égard, le message lancé par ce travail collectif réalisé par des médecins sensibles interprétant de manière réfléchie le message rifkinien, tels que le docteur Angela Meggiolaro, le docteur Bruno Corda et le docteur Angelo Barbato, complète la vision d’une société à zéro émission, zéro déchet et zéro kilomètre et d’une économie à coût marginal zéro.

La vision « zéro » exprimée par le livre « Territoire Zéro », écrit par moi-même et par le professeur Livio de Santoli, dans lequel, grâce à la contribution d’Angelo Barbato, nous avons pu débuter la diffusion du concept de Zéro maladie, comme un scénario dans lequel l'Internet des choses et la troisième révolution industrielle permettront de rapprocher le centre de gravité des soins vers le territoire, avec la nécessité d’augmenter la prévention comme « pilier » du modèle collaboratif de la santé dans la médecine territoriale.

Cette nouvelle vision met en évidence la manière dont le modèle traditionnel, basé sur l’hôpital, devient inefficace pour le traitement des maladies chroniques de plus en plus présentes à cause des modes de vie et de travail imposés par la deuxième révolution industrielle, et qui peuvent être diminuées en renforçant le pilier de la prévention. La télémédecine, les soins à domicile, la lutte contre les maladies chroniques, l’action des médecins du territoire auprès des écoles, des administrations publiques et, surtout, la prise en charge du patient-citadin de manière proactive, révolutionnera de plus en plus la gestion sanitaire en déplaçant le centre de gravité, de l’hôpital au territoire.

Ce nouveau modèle sanitaire de la troisième révolution industrielle révolutionnera les paradigmes actuels des soins de santé en atteignant des résultats rapides et extraordinaires, notamment grâce à la prévention. Le nouveau modèle de soins est le cœur du livre Zéro maladie, qui nous parle d’un futur possible, dont la réalisation dépend de nous tous, en partant des administrations publiques et des organismes du système de santé, sans oublier les citoyens et la force motrice de l’agrégation de ses réseaux qui nous guident de plus en plus rapidement vers un mode de vie biosphérique, empathique, collaboratif et durable, tout cela dans chaque Communauté qui s’approche peu à peu du Territoire zéro.

Angelo Consoli

Directeur du Bureau européen Jeremy Rifkin

Président du CETRI-TIRES (Cercle européen de la troisième révolution industrielle)

Coauteur avec Livio de Santoli du livre « Territorio Zero »

Zero Maladie

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