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XII
ОглавлениеVoilà que les hommes de Thorvald descendaient au rivage avec leurs fardeaux. Thjostolf eut vite fait de se décider. Il prit sa hache à deux mains, et en frappa le bord du bateau de Thorvald, et le bateau fut défoncé en deux endroits. Après cela il sauta sur sa barque. Le flot noir entra dans le bateau de Thorvald, et il coula au fond, avec toute sa charge. Et le corps de Thorvald coula aussi, et ses compagnons ne purent pas voir ce qu'on lui avait fait; ils ne surent qu'une chose, c'est qu'il était mort.
Thjostolf ramait, remontant le fjord; ils lui souhaitèrent mauvais voyage, et mauvaise chance tant qu'il vivrait. Il ne répondit rien, et rama, remontant le fjord, jusqu'à ce qu'il fût arrivé. Il tira la barque à terre et vint à la maison; il brandissait sa hache en l'air, et elle était toute sanglante. Halgerd était dehors; elle lui dit: «Ta hache est sanglante, qu'as-tu fait?»--«J'ai fait en sorte, dit-il que tu seras mariée une seconde fois.»--«Tu veux me dire que Thorvald est mort» dit-elle.--«Oui, dit-il, et maintenant vois à faire quelque chose pour moi.»--«Ainsi ferai-je, dit-elle. Je vais t'envoyer au nord, sur le Bjarnarfjord, à Svanshol. Svan te recevra à bras ouverts. Il est si fort à craindre que chez lui personne n'ira te chercher».
Il sella un cheval qu'il avait, monta dessus et s'en alla au nord vers le Bjarnarfjord, à Svanshol. Svan le reçut à bras ouverts et lui demanda des nouvelles. Et Thjostolf lui dit la mort de Thorvald, avec tout ce qui s'était passé. Svan dit: «Voilà ce que j'appelle un homme qui n'a peur de rien. Et moi je te promets que s'ils viennent te chercher ici, ils en seront pour leur courte honte».
Il faut revenir à Halgerd. Elle appela pour l'accompagner Ljot le noir, son parent, et lui dit de seller leurs chevaux: «Car je veux, dit-elle, retourner à la maison, chez mon père». Il fit les préparatifs du départ. Pour elle, elle alla à ses coffres, les ouvrit, et fit appeler tous les hommes de la maison. Et elle fit un cadeau à chacun d'eux. Ils se lamentaient tous de la voir partir. Elle monta donc à cheval, et vint à Höskuldstad. Son père la reçut bien, car il ne savait pas encore la nouvelle. Höskuld dit à Halgerd: «Pourquoi Thorvald n'est-il pas avec toi?» Elle répondit: «Il est mort». Höskuld dit: «C'est Thjostolf qui a fait cela». Et elle dit que c'était vrai. «Hrut ne se trompait donc pas, dit Höskuld, quand il m'a prédit que ce mariage serait cause de grands malheurs. Mais il ne sert à rien de se lamenter quand le mal est fait».
Il faut parler maintenant des compagnons de Thorvald. Ils attendirent, la où ils étaient, jusqu'à ce qu'il arrivât un vaisseau dans l'île. Alors ils dirent la mort de Thorvald et demandèrent un vaisseau pour revenir à terre. On leur en prêta un tout de suite, et ils ramèrent, remontant le fjord, jusqu'à Reykjaness. Ils vinrent trouver Usvif et lui dirent la nouvelle. Usvif dit: «Mauvais conseils donnent de mauvais fruits. Je vois d'ici ce qui s'est passé ensuite. Halgerd aura envoyé Thjostolf au Bjarnarfjord et sera retournée chez son père. Pour nous, nous allons rassembler une troupe de gens, et marcher vers le nord, à la poursuite de Thjostolf.» Ils firent comme il avait dit, et allèrent partout, demandant du monde; et cela fit une troupe nombreuse. Ils montèrent à cheval et s'en allèrent vers le Steingrimsfjord. De là, ils vinrent dans le Ljotardal, puis dans le Selardal, et à Bassastada; et enfin, par le col de la montagne, au Bjarnarfjord.
Svan prit la parole et il ouvrait la bouche toute grande: «Voilà les gens d'Usvif qui viennent nous attaquer». Thjostolf sauta sur ses pieds et prit sa hache. Svan lui dit: «Viens dehors avec moi. Il ne faudra pas grand'chose». Et ils sortirent tous deux. Svan prit une peau de chèvre, l'agita au-dessus de sa tête et dit: «Vienne le brouillard, viennent l'effroi et la terreur sur tous ceux qui te cherchent».
Ils chevauchaient au col de la montagne, Usvif et ses compagnons. Et voilà qu'un grand brouillard vint au devant d'eux. Usvif dit: «C'est Svan qui a fait cela, et ce sera bien s'il n'arrive après rien de pire». Bientôt les ténèbres devinrent si grandes devant leurs yeux, qu'ils ne voyaient plus rien. Et ils tombaient de leurs chevaux, et les perdaient, et s'en allaient dans les marais, d'autres dans les bois, si bien qu'ils étaient en grand péril. Ils avaient laissé tomber leurs armes. Alors Usvif dit: «Si je pouvais retrouver mon cheval et mes armes, je m'en retournerais». Et comme il avait dit cela, ils commencèrent à y voir un peu, et retrouvèrent leurs chevaux et leurs armes. Et beaucoup d'entre eux pressèrent Usvif de continuer la chevauchée, ce qui fut fait; et aussitôt le même prodige reparut. Et cela arriva trois fois. Alors Usvif dit: «Quoique ce soit pour nous une triste affaire, il faut bien nous en retourner. Nous allons songer à autre chose. Je pense que le mieux est d'aller trouver Höskuld, le père d'Halgerd, et de lui demander une amende pour la mort de mon fils; car on peut s'attendre à être bien traité, là où il y a les moyens de le faire.
Ils se mirent donc en route vers la vallée du Breidafjord. Et il n'y a rien à dire d'eux jusqu'à leur arrivée à Höskuldstad. Il y avait là chez Höskuld son frère Hrut. Usvif appela dehors Höskuld et Hrut. Ils sortirent tout deux, et saluèrent Usvif. Après quoi ils commencèrent à parler ensemble. Höskuld demanda à Usvif d'où il venait. Usvif dit qu'il était allé à la poursuite de Thjostolf et qu'il ne l'avait pas trouvé. Höskuld dit que Thjostolf devait être allé au nord, à Svanshol: «Et il n'est au pouvoir de personne, ajouta-t-il, d'aller le chercher là».
«Je suis venu ici, dit Usvif, pour te réclamer le prix du meurtre de mon fils». Höskuld répondit: «Ce n'est pas moi qui ai tué ton fils, ni qui ai conseillé sa mort; mais tu es excusable de chercher quelque dédommagement». Hrut prit la parole: «Le nez, mon frère, dit-il n'est pas loin des yeux; il est nécessaire que tu mettes fin aux mauvaises paroles et que tu lui payes une amende pour son fils. Tu rendras meilleure de la sorte l'affaire de ta fille. C'est le seul moyen de faire taire les gens au plus vite; et moins on parlera de ceci, mieux ce sera». Höskuld lui dit: «Veux-tu être notre arbitre?»--«Je le veux, dit Hrut; et je ne te ménagerai pas dans ma sentence; car s'il faut dire vrai, c'est ta fille qui a conseillé de tuer Thorvald». Alors Höskuld devint rouge comme du sang et resta un moment sans rien dire. Après cela il se leva et dit à Usvif: «Veux-tu me donner la main, en signe que tu laisses tomber ta plainte?» Usvif se leva et dit: «La partie n'est pas égale, si c'est ton frère qui prononce. Et pourtant tu as si bien parlé, Hrut, que je te défère volontiers la sentence». Après cela, il prit la main d'Höskuld; et il fut convenu que Hrut prononcerait, et terminerait l'affaire avant qu'Usvif ne retournât chez lui.
Hrut prononça donc sa sentence: «Je prononce dit-il, pour le meurtre de Thorvald une amende de deux cents d'argent--ce qui passait alors pour une forte amende;--et tu vas, mon frère, les compter de suite, et payer de bonne grâce». Höskuld le fit. Alors Hrut dit à Usvif: «Je vais te donner une bonne cape que j'ai rapportée de mes voyages». Usvif le remercia de son présent, et retourna chez lui, content de ce qui s'était passé.
Quelques temps après, Hrut et Höskuld vinrent trouver Usvif, et ils partagèrent les biens qui étaient en commun. Ils firent un bon arrangement, et retournèrent chez eux avec leur part. Et maintenant la saga ne parlera plus d'Usvif.
Halgerd demanda à Höskuld de faire revenir Thjostolf. Höskuld le lui permit. Et on parla encore longtemps du meurtre de Thorvald.
Les biens d'Halgerd prospéraient et s'accroissaient beaucoup.