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PRÉAMBULE.

Table des matières

L’ÉCOLE de Peinture française, guidée par un. grand Maître, avait retrouvé toute la pureté des formes, toute la sagesse, toute la grâce antique. La science du dessin, la vigueur du coloris, s’étaient, comme par miracle, combinées avec la beauté de l’expression, avec le goût et la simplicité des conceptions premières. La même École avait vu se former sous le même maître les Gérard, les Girodet, les Gros, les Guérin, les Prudhon et les Hersent: genres de talent si remarquables en eux-mêmes et si prodigieux par leur diversité.

Tandis qu’un général français passait les Alpes comme Annibal; tandis que nous gagnions autant de victoires en vingt-cinq ans, que les Romains en plusieurs siècles, nos peintres nous donnaient un autre empire; la pensée philosophique du Poussin, les heureux contours du Corrège, le goût gigantesque de Buonarotti, la délicate et tendre simplicité de Raphaël et du Guide renaissaient au sein de la même école sur les toiles de nos Musées.

Ce n’est pas tout: la même chaleur fécondait des talens d’un autre genre. L’école de Lyon donnait à cette imitation de la nature, si recherchée des Flamands, quelque chose de naïf, de noble et d’intéressant: les Révoil prêtaient les charmes d’une touche fidèle et brillante à ce qu’il y a d’aimable et de gracieux dans les souvenirs de l’ancienne France: heureuse illusion, permise seulement aux beaux-arts qui vivent de mensonge, et qui devient pour eux une espèce de Mythologie.

Dans un ordre bien plus élevé, mais aussi nouveau, M. Horace Vernet annonçait à la fois la facilité de pinceau de Sébastien Bourdon, la fougue et le coloris de Rubens, cette étude anatomique du plus noble des animaux, étude qui distingue son père, et cette touche délicate, cette observation de la nature physique qui caractérisaient son aïeul. Déjà plusieurs morceaux d’un talent supérieur avaient laissé deviner son aptitude à saisir les émotions de la vie militaire, les scènes tumultueuses des camps, les convulsions de la nature, en un mot tout ce qui élève l’ame et tout ce qui l’agite.

Les dernières expositions avaient accoutumé le public français à des chefs-d’œuvre; il en attendait de nouveaux à l’exposition de 1822, qui avait été retardée d’une année entière. Il a vu avec dépit et surprise les efforts malheureux de quelques hommes de talent, et l’insignifiance d’un grand nombre d’ouvrages. Il a remarqué avec une inquiétude mêlée de dédain, plusieurs productions empreintes du malheureux cachet des Boucher, des Vanloo, une innombrable collection de portraits, parmi lesquels deux seulement sont dignes du pinceau célèbre qui les a tracés. Artistes, littérateurs, gens du monde: tous ont dû s’effrayer de la destinée de l’art en France; tous se sont demandé si parmi tant de décadences, il fallait aussi compter celle de la peinture; si le génie des arts et le génie des armes avaient fui d’un même essor; si toutes nos gloires avaient trouvé le même tombeau.

Dans ce Musée, siriche de cadres et si pauvre de tableaux, quelques-uns avaient néanmoins fixé l’attention; et dans ce petit nombre s’en trouvait un de M. Horace Vernet, le seul que le plus fécond de nos peintres eût exposé cette année aux Salons du Louvre. Ce Tableau, hommage pieux adressé par le petit-fils à la mémoire de son aïeul, ne semblait placé au milieu de tant de productions insipides, que pour piquer la curiosité publique. Qu’était devenue cette heureuse et brillante rapidité de pinceau qui distinguait ce jeune artiste? D’où pouvait naître ou cette paresse inexcusable ou cette stérilité subite? Notre histoire avait-elle perdu le charme pittoresque dont il s’était fait l’heureux interprète; ce talent souple et plein d’éclat qui avait habilement reproduit nos triomphes, n’avait-il pu leur survivre, et s’était-il évanoui tout-à-coup!

Telles étaient les questions qu’on s’adressait, à l’ouverture du Salon; mais bientôt on apprend qu’Horace Vernet, au lieu d’avoir brisé ou abandonné ses pinceaux, avait, dans l’espace de trois années, terminé trente-quatre compositions de divers genres, dont plusieurs étaient regardées comme ses chefs-d’œuvre. L’admiration des artistes admis dans l’atelier du peintre, ne tarda pas à transpirer dans le public: on sut que deux de ces tableaux étaient spécialement consacrés à la gloire nationale; et que tous formaient entre eux, malgré la différence des genres, une espèce de galerie Française. La curiosité se nourrit et s’augmenta de ces rumeurs; et si l’on s’était étonné de l’inaction prétendue de l’habile artiste, on s’étonna bien davantage de l’insouciance avec laquelle il semblait se dérober volontairement à sa propre gloire, et priver le public d’un plaisir auquel il l’avait accoutumé.

Mais d’étonnement en étonnement l’on parvint à la vérité. Le jury (qui voudrait en vain rejeter sur l’autorité supérieure l’odieux ou le ridicule d’une pareille mesure ) avait refusé les deux principaux tableaux du peintre; et, sur ce refus, qui outrageait son talent et compromettait les intérêts de sa réputation, Horace Vernet avait résolu de n’exposer de toutes ses productions, que celle qu’il avait offerte à la mémoire de son aïeul, et qui, d’ailleurs, ne lui appartenait plus.

Faut-il donc que la politique frappe aussi de réprobation jusqu’aux plus innocentes et aux plus brillantes facultés de l’homme? Ne saurait - elle se contenter de faire peser son niveau de plomb sur les choses réelles de la vie, et nous interdira-t-elle les jouissances de l’imagination? Où se réfugiera la liberté si elle est chassée de l’atelier du peintre, et dans quelle barbarie sommes-nous prêts à retomber, si l’on parvient à étouffer l’indépendance de ces beaux-arts, qui servent de consolation, d’ornement, et quelquefois même de soutien aux institutions les moins libres?

On objectera peut-être que certains souvenirs, personnifiés aux regards, ont leur danger, et que les passions peuvent être plus violemment excitées par un tableau que par un discours: mais de quoi s’agissait-il donc? d’un portrait formidable? de l’apothéose d’un grand homme? Non. Ces tableaux, rejetés impitoyablement, rappelaient deux époques mémorables de notre histoire contemporaine. L’un représentait la bataille de Jemmapes; l’autre, la défense de la barrière de Clichy. L’auteur avait saisi et rapproché, par un ingénieux et triste contraste, les deux points extrêmes de notre gloire militaire: c’était le premier élan et le dernier soupir, non pas de notre courage, mais de notre fortune. D’un côté, tout le bonheur, tout l’éclat d’une audace jeune et brillante; de l’autre, la noble obstination et la dernière tentative de la valeur malheureuse et trahie, que le roi lui-même avait récompensée dans la personne de quelques soldats citoyens qui avaient eu la part la plus honorable à cette triste journée.

Que penser de ceux que l’ombre même de notre grandeur importune? N’est - on pas tenté de se rappeler ici ce maître - d’hôtel d’Alexandre, qui ne pouvait recevoir sur sa tête chauve un rayon de soleil, sans frémir de tout son corps? Ne lui ressemblent-ils pas beaucoup, ces hommes, qui ne peuvent, sans être attaqués d’un frisson mortel, soutenir un seul rayon de notre gloire nationale?

Les connaisseurs, auquel l’atelier de M. Horace Vernet est ouvert, jugeront, en dernier ressort, la sentence d’un jury si profondément politique: pour nous, nous croirons avoir rempli la tâche que nous nous sommes proposée, si nous donnons aux personnes, que l’éloignement ou d’autres circonstances empêchent de venir admirer ces belles productions de l’art moderne, une faible idée de leur effet et de leur grand caractère. Quant à ceux qui sont assez heureux pour jouir de la vue de ces chefs-d’œuvre, cette notice pourra leur servir d’explication, dans l’examen des détails intéressans de la plupart de ces tableaux. Trop heureux si nous pouvions peindre avec des mots, comme Vernet avec sa brillante palette; si nous pouvions lui emprunter quelques-unes de ces expressions franches et naïves, de cet abandon, et de cette fougue de pinceau; de cette variété toujours séduisante, toujours vraie, toujours nouvelle; qui lui mériteront peut-être un jour le titre de Voltaire de la peinture, et qui le distinguent parmi les artistes que nous possédons, et parmi ceux dont nous révérons la mémoire.

La description de quelques tableaux qui ne font plus partie du salon de M. Horace Vernet, complétera notre ouvrage. Ainsi, dans cette galerie consacrée au plus varié des peintres, il ne se trouvera point de lacune considérable; et l’on pourra porter un jugement raisonné sur l’ensemble de tant de travaux, et sur le pinceau qui leur a donné naissance.

Ajoutons ici, que l’exposition du Salon de M. Horace Vernet est entièrement désintéressée; que les offres les plus séduisantes lui ont été faites, et qu’il les a rejetées par le sentiment d’une délicatesse peut-être exagérée.

Salon d'Horace Vernet

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