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CHAPITRE III
ОглавлениеLa science qui étudie l’Être dans toute sa généralité est celle aussi qui doit connaître les axiomes mathématiques ; les sciences particulières n’ont point à expliquer les axiomes dont elles se servent ; erreur du Physicien, excusable à certains égards ; c’est à la philosophie de s’occuper des axiomes ; importance du principe de contradiction, le plus général et le plus ferme de tous les principes ; Héraclite.
§ 1. Maintenant, nous devons rechercher si c’est à une seule et même science, ou si c’est à une science différente, [20] qu’il appartient d’étudier ce que, dans les mathématiques, on appelle les Axiomes, en même temps que d’étudier la substance.
§ 2. Pour nous, il est évident que l’examen des axiomes appartient à une seule et même science, qui est celle du philosophe. Les axiomes s’appliquent à tous les êtres sans exception et non point spécialement à tel genre d’êtres, à l’exclusion des autres. De plus, dans toutes les sciences, on se sert des axiomes, parce qu’ils concernent l’Être en tant qu’Être, bien que l’objet de chacune d’elles soit toujours l’Être considéré sous un certain point de vue. [25] Mais elles ne font usage des axiomes que dans la mesure où il leur convient d’y recourir, c’est à (lire, selon l’étendue du genre auquel s’adressent leurs démonstrations.
§ 3. Comme il est manifeste que les axiomes s’appliquent à tous les êtres en tant qu’êtres, puisque c’est là leur caractère commun, il en résulte que les étudier revient de droit à celui-là même qui considère l’Être en tant qu’il Est purement et simplement. Aussi, parmi ceux qui consacrent leurs recherches à un genre d’êtres partiels,[30] personne ne pense-t-il à dire un mot des axiomes, pour savoir s’ils sont vrais ou faux, pas plus le géomètre que l’arithméticien.
§ 4. Il n’y a que les Physiciens qui parfois y ont songé ; et ce n’était pas absolument sans raison pour eux, puisqu’ils se persuadaient qu’ils étaient les seuls à s’occuper de la nature considérée dans son ensemble, et à s’occuper de l’Être. Mais il y a une étude plus haute encore que l’étude de la nature, puisque après tout la nature n’est qu’un genre particulier de l’Être, [35] et l’étude de ces matières supérieures regarde la science qui considère l’universel, et ne s’attache qu’à la première substance.
§ 5. [1005b] Sans doute, la Physique est bien aussi une philosophie d’un certain genre ; mais ce n’est pas la philosophie première ; et tout ce que les Physiciens se sont quelquefois hasardés à dire de la vérité et des moyens de la reconnaître, prouve de reste leur complète ignorance des principes mêmes de l’analyse ; car il faut de longues préparations pour en arriver [5] à comprendre de telles questions, et ce n’est pas à des écoliers qu’il appartient de les approfondir.
§ 6. On le voit donc : c’est au philosophe et à celui qui étend son regard sur la substance entière, telle qu’elle est dans la nature, de s’enquérir également des principes sur lesquels le raisonnement s’appuie. Mais, de même qu’en chaque science celui qui la connaît le mieux est capable d’indiquer aussi les principes les plus solides du sujet dont il s’occupe, [10] de même celui qui étudie l’Être en tant qu’Être a également sur tous les êtres les principes les plus fermes ; et celui-ci, c’est le philosophe.
§ 7. Or, le plus inébranlable de tous les principes est le principe sur lequel il est absolument impossible de se tromper. Un tel principe doit être le plus notoire de tous les principes, puisqu’on ne se trompe jamais que sur les choses qu’on ne connaît pas, et il doit être pur de toute hypothèse. [15] Mais le principe qu’il faut nécessairement admettre pour comprendre quoi que ce soit à la réalité, ce principe là n’a rien d’hypothétique ; et la notion que l’on doit posséder nécessairement, pour connaître quoi que ce puisse être à un degré quelconque, est un accompagnement nécessaire de tous les pas qu’on fait.
§ 8. Qu’un tel principe soit le plus incontestable de tous les principes, c’est ce que chacun doit voir. Mais quel est-il précisément? Après ce qui précède, nous pouvons l’énoncer en disant que le voici : [20] « Il est impossible qu’une seule et même chose soit, et tout à la fois ne soit pas, à une même autre chose, sous un même rapport. »
§ 9. Si nous ajoutions quelques développements à cette définition, ce serait uniquement pour répondre aux objections, toutes logiques, qu’on pourrait y opposer ; mais ce principe n’en est pas moins le plus certain de tous sans contredit, et il a bien le caractère que nous lui attribuons.
§ 10. Personne, en effet, ne peut jamais penser qu’une même chose puisse être et n’être pas, comme [25] on prétend quelquefois que le disait Héraclite. Il est vrai qu’il n’est pas nécessaire de penser tout ce qu’on dit ; mais, s’il ne se peut jamais qu’une seule et même chose reçoive les contraires, proposition que nous pourrions appuyer de toutes les considérations qu’on y joint d’ordinaire, et si une pensée est contraire à une autre pensée quand elle la contredit, il s’ensuit évidemment qu’un même esprit ne peut point penser tout ensemble [30] que la même chose est et n’est point ; car celui qui commettrait cette grossière erreur devrait avoir en un seul et même instant des pensées contraire.
§ 11. Aussi, toutes les fois qu’on fait une démonstration, s’appuie-t-on en définitive sur ce principe que nous venons de poser, et qui, par la nature même des choses, est le point de départ obligé de tous les autres axiomes.