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ARNOLDIANA

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Sophie Arnould avait dix-huit ans moins deux mois lorsqu'elle parut pour la première fois à l'Académie royale de Musique; elle débuta dans le divertissement du ballet des Amours des Dieux, par un air détaché qui commence ainsi: Charmant Amour6. On lui a souvent entendu dire que cette invocation lui avait porté bonheur.

Dorat entra dans les mousquetaires à l'époque où Sophie Arnould fut reçue à l'Opéra; mais il quitta bientôt l'état militaire pour se livrer entièrement à la littérature. Ce poëte avait la prétention de passer pour homme à bonnes fortunes; Sophie, qui connaissait la faiblesse de ses moyens, lui dit un jour: «Mon cher Dorat, vous voulez jouer le berger Tircis; mais vous n'êtes pas fait pour ce rôle-là.»

Dans une promenade au bois de Romainville elle rencontra Gentil-Bernard, qui, rêvant à l'Art d'Aimer, était assis comme Tityre à l'ombre d'un hêtre: – Que faites-vous donc dans cette solitude? lui demanda Sophie. – Je m'entretiens avec moi-même, répondit le poëte: «Prenez-y garde, reprit-elle; vous causez avec un flatteur

On a vu rarement le double talent de la déclamation et du chant réunis dans le même sujet: Chassé posséda ce rare mérite; sa voix et son jeu l'élevèrent au rang des plus grands acteurs lyriques. Cet artiste se retira en 1757. Un musicien s'étant présenté pour lui succéder, Sophie lui dit: «Monsieur, si vous voulez être des nôtres, tâchez de vous faire Chassé.»

Mlle Clairon7 naquit en 1723 à Condé, petite ville du département du Nord, pendant le carnaval. Là tout le monde aimait le plaisir: le curé et son vicaire étaient masqués, l'un en Arlequin et l'autre en Gilles. On apporta l'enfant, qui avait l'air mourant, et le curé l'ondoya sans changer d'habit. Cette célèbre actrice qui occupa la scène avec tant d'éclat, débuta à l'Opéra-Comique à peine âgée de douze ans; elle passa de là aux Italiens, au grand Opéra, enfin aux Français, où la gloire l'attendait. Elle était galante, voluptueuse et peu intéressée. Quelque temps avant sa retraite, qui eut lieu en 1766, on parlait sourdement de son mariage avec M. de Valbelle, son amant intime, et en attendant elle vivait avec un Russe d'une réputation singulière. On disait à Mlle Arnould que ce sigisbée se contentait de lui baiser la main: «C'est tout ce qu'il peut faire de mieux,» répondit-elle.

Albaneze, sopraniste du Conservatoire de Naples, et l'un des plus fameux castrats8 que nous ayons eus, vint à Paris à l'âge de dix-huit ans. Une dame, l'ayant entendu chanter, en devint amoureuse, et parlait avec enthousiasme du charme de sa voix: «Il est vrai, dit Sophie, que son organe est ravissant; mais ne sentez-vous pas qu'il y manque quelque chose?»

Mlle Beaumenard, actrice de la Comédie française, avait joué en 1743 à l'Opéra-Comique, où elle était connue sous le nom de Gogo. Aucune actrice n'a demeuré si longtemps au théâtre. Le fermier général d'Ogny lui ayant donné une superbe rivière de diamans, une de ses camarades en admirait l'éclat, mais trouvait que cette rivière descendait bien bas: «C'est qu'elle retourne vers sa source, observa Sophie.»

Chévrier a présenté dans son Colporteur une satire affreuse des mœurs du siècle; les principales actrices de Paris y sont passées en revue, et chacune a son paquet. Cet écrivain virulent, poursuivi par la police, alla mourir en Hollande en 1762. Le bruit ayant couru qu'il s'était empoisonné: «Juste ciel! dit Mlle Arnould, il aura sucé sa plume

Poinsinet a fait imaginer le mot mystification pour exprimer l'art de tirer parti d'un homme simple en s'amusant de sa crédulité. Cet être singulier ne manquait pas de cette vivacité d'esprit naturel qui s'exhale quelquefois en saillies piquantes; mais il était absolument dénué de jugement. Un de ses prôneurs vantait un jour les nombreux ouvrages de Poinsinet en disant que peu d'auteurs avaient son esprit: «Je pense comme vous

6

Un amateur, ravi de ses accens mélodieux, lui adressa cet impromptu:

Que ta voix divine me touche!

Et que je serais fortuné

Si je pouvais rendre à ta bouche

Le plaisir qu'elle m'a donné!


7

Garrick, célèbre acteur anglais, se trouvant à Paris en 1763, mit ce quatrain au bas d'un tableau qui représentait Mlle Clairon couronnée par Melpomène:

J'ai prédit que Clairon illustrerait la scène,

Et mon espoir n'a point été déçu:

Elle a couronné Melpomène;

Melpomène lui rend ce qu'elle en a reçu.


8

Barthe composa en 1767 une pièce de vers intitulée: Statuts pour l'Académie royale de Musique. Voici l'un des vingt-deux articles qui les composent:

Tous remplis du vaste dessein

De perfectionner en France l'harmonie,

Voulions au pontife romain

Demander une colonie

De ces chantres flûtés qu'admire l'Ausonie;

Mais tout notre conseil a jugé qu'un castra,

Car c'est ainsi qu'on les appelle,

Etait honnête à la chapelle,

Mais indécent à l'Opéra.


Arnoldiana, ou Sophie Arnould et ses contemporaines;

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