Читать книгу Brancas; Les amours de Quaterquem - Assollant Alfred - Страница 7
III
ОглавлениеMarguerite Oliveira, blonde aux yeux de saphir, que ses amies de pension appelaient Rita, avait toute la grâce et la simplicité qu'on ne trouve qu'au deux pôles de la civilisation, chez les sauvagesses d'Otaïti et dans quelques salons de Paris. Grande, assez instruite au besoin pour tout comprendre et parler de tout sans affectation, elle plaisait à tout le monde et ne s'imposait à personne. Son âme était limpide et sans mystère comme son regard. Peut-être n'était-elle pas faite pour les grandes passions; bien faite, riante, pleine de douceur et de charme, pour parler comme Chateaubriand, elle n'avait pas été mouillée par la pluie des orages du coeur.
Rita offrit du thé au conseiller d'État qui s'empressa d'accepter. L'avocat fit un geste de refus.
«Mademoiselle, dit-il, je vous remercie, je n'aime pas le thé.
—Ce n'est pas une raison, monsieur, répliqua-t-elle. Qui est-ce qui aime le thé? Personne; car je ne compte pas deux ou trois cents millions de Chinois, qui en boivent par patriotisme, et trente millions d'Anglais, par entêtement. C'est une tisane des plus médiocres, mais acceptée par les honnêtes gens. Il faut bien faire comme tout le monde. Prenez donc, monsieur, prenez et buvez!»
Pendant ce temps, le conseiller d'État se retirait sous prétexte d'aller au whist, et les deux jeunes gens se trouvèrent, non sans quelque embarras, à peu près seuls dans un coin du salon.
«Mademoiselle, dit l'avocat en feuilletant un album, vous avez là de fort beaux paysages. Quel est ce large fleuve qui coule entre deux chaînes de montagnes escarpées? Est-ce une vue d'Allemagne ou de Suisse?
—Ceci monsieur? c'est une vue du Delaware que j'ai visité l'an dernier avec mon père. Ces montagnes sont les Alleghanys, et ce pont qui s'enfonce dans le fleuve sous le poids d'un convoi de chemin de fer, c'est un pont du Pensylvanian Rail-Rand à qui cet accident est arrivé pendant que nous allions de Philadelphie à Pittsbourg. Ce bateau à vapeur que vous voyez un peu plus loin, appartient au constructeur du pont; il sert à repêcher les trains qui tombent à l'eau, et je vous assure qu'au dire des voisins, il ne manque pas d'occupation.
—Vous avez vu les États-Unis? dit l'avocat étonné.
—Oui, monsieur, et le Canada. Cela n'est pas dans les règles, je le sais bien, et mon père aurait dû me conduire en Suisse ou en Italie comme toutes les petites filles qui sortent de pension; mais alors, pourquoi se déranger? Pour voir des sites que tout le monde connaît, des auberges que tout le monde décrie, et des voyageurs qu'on rencontre partout? autant vaut rester chez soi. Mon père l'a bien compris, et m'a menée du premier coup à la cataracte du Niagara, qui est la plus belle chose de la création...»