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CHAPITRE IX
Des dangers de l’Acide carbonique

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Avant de traiter à fond la question des divers modes de fermentation, je considère comme un devoir d’appeler l’attention des personnes qui se livreront à la fabrication des raisins secs, sur les dangers et les inconvénients qu’occasionne le dégagement de l’acide carbonique dans la fermentation.

Ces dangers, une fois connus, s’évitent facilement; c’est pourquoi je tiens surtout à mettre en garde les fabricants.

La fermentation alcoolique du moût dégage énormément d’acide carbonique. La chimie nous apprend que les proportions en sont mêmes énormes: 100 parties de sucre, en se décomposant par la fermentation, donnent environ moitié d’alcool et d’acide carbonique. Ce gaz est irrespirable et peut occasionner la mort. Il est donc important de connaître les moyens de combattre et surtout d’éviter ses funestes effets.

Il est, disent les savants, par lui-même inodore et sans saveur; il n’a pas non plus de couleur. Il est entièrement semblable à l’air pur. Aucun de nos sens n’est apte à nous le faire connaître directement. On ne peut juger de sa présence que par certains phénomènes chimiques. Dans de telles conditions, il est facile de comprendre que nous pouvons être exposés à le respirer même pur, sans être à l’avance avertis du danger.

Les accidents qu’il produit chaque année, aux vendanges, doivent suffisamment rappeler à notre esprit la gravité de cette importante question et nous empêcher de commettre des imprudences.

Pour les personnes qui ne connaissent pas la chimie, leur esprit sera suffisamment fixé, quand elles sauront que ce gaz est le même que celui que dégage le charbon au moment de sa première combustion.

Ce gaz est plus lourd que l’air, et tombe, formant sur la surface du sol une couche qui s’élève jusqu’à ce qu’elle trouve une issue.

Aussi doit-on se méfier des celliers qui sont dans les caves et où l’on descend par plusieurs marches.

Pénétrez toujours dans vos cuveries, une lampe à la main, et à la hauteur de votre ceinture. Si vous apercevez un tremblotement ou un trouble dans la clarté, il faut se méfier; si la lampe s’éteint ne vous aventurez pas, car on peut y laisser la vie. Ce gaz fait périr en un instant les animaux qui le respirent; des expériences nombreuses ont été faites sur des oiseaux et elles sont convaincantes.

Qui n’a entendu parler ou ne connaît la grotte célèbre située près de Naples dite: Du Chien. Dans cette grotte, l’homme pénètre impunément sans ressentir aucun symptôme de malaise, alors que le chien qui l’accompagne, meurt bientôt étouffé si on ne le rend promptement à la liberté.

Voici l’explication de ce fait:

Les terrains volcaniques, de ce pays, exhalent de l’acide carbonique qui se forme par sa pesanteur à une couche d’environ 50 centimètres au-dessus du sol. L’homme, en pénétrant dans la grotte, a la partie supérieure du corps complètement au-dessus, et peut y vivre impunément en restant debout, tandis que le chien, dont le corps en entier baigne dans cette atmosphère irrespirable, ne peut y demeurer sans périr.

On cite aussi un exemple de ce phénomène dans la Forêt-Noire: Un ruisseau qui se dessèche en été, et dont l’eau se trouve remplacée par une couche d’acide carbonique qui se dégage du sol, sert de prétexte à une chasse assurément bien bizarre et imprévue par la législation, en temps prohibé.

La couche du gaz s’élève à peu près à 90 centimètres, où elle se maintient, en raison de la tranquillité de l’air, à l’abri des plantations qui l’entourent. Les oiseaux, qu’attire la fraîcheur, viennent sans cesse voltiger autour du ruisseau jusqu’à extrême sécheresse. Tant qu’ils demeurent assez éloignés ou à une certaine hauteur, rien ne les trouble; mais, sitôt qu’ils s’approchent du lit du ruisseau, le vertige les saisit et ils tombent frappés de mort au bout de quelques secondes. Les bûcherons n’ont qu’à venir tous les jours ramasser le gibier, bénissant l’acide carbonique de l’aide merveilleuse et désintéressée qu’il leur apporte.

Règles générales et utilisation de l’Acide carbonique

Dès qu’une cuve est en fermentation, ce qu’on voit immédiatement en y présentant une bougie allumée qui s’éteint, ne pénétrez plus dans votre cave ou cellier sans prendre les précautions nécessaires.

Dans les fermentations à cuve ouverte, l’acide carbonique après avoir rempli le vide qui reste dans l’intérieur de la cuve, arrive au sommet et se déverse par les parois extérieures exactement comme un vase plein d’eau. Si vous voulez vous assurer de la marche de votre fermentation, en regardant dans l’intérieur de la cuve, veillez en montant sur l’échelle opposée contre elle, à ce que le gaz ne vous atteigne pas au visage, pour éviter la sensation désagréable qu’il procure en le respirant et les dangers qu’il fait courir.

Il est extrêmement important aussi, avant de pénétrer dans une cuve, soit pour la remplir, soit surtout pour la vider, de bien s’assurer qu’on peut le faire sans danger. Pour cela servez-vous toujours de la bougie allumée, qui est le plus sûr et le plus fidèle des avertissements.

Je vais donner le moyen qu’on peut employer pour éviter les accidents dont je viens de parler. Ceci s’adresse surtout aux fabricants qui vont établir leur cuve à fermenter dans les caves ou sous-sols, où l’on ne peut parvenir qu’en descendant de nombreuses marches d’escalier, et où les fenêtres, pour donner le jour et l’air, sont presque situées au-dessous du plancher supérieur, il faut saturer le gaz à mesure qu’il se précipite sur le sol du cellier, en disposant, sur plusieurs points, du lait de chaux ou de la chaux vive. On peut parvenir à désinfecter un lieu vicié par cette mortelle mofette, en projetant sur le sol et contre les murs de la chaux vive délayée et fusée dans l’eau. Une lessive alcaline caustique, telle que la lessive des savonniers ou l’ammoniaque, produira de semblables effets. Dans tous ces cas, l’acide gazeux se combine instantanément avec ces matières, et l’air extérieur se précipite pour en occuper la place.

Dans les cuves fermées, dont je vais parler au chapitre suivant, ces dangers disparaissent presque complètement, car elles permettent de se débarrasser assez facilement de cet ennemi redoutable. Au contraire, l’acide carbonique n’ayant qu’une petite issue, peut être facilement neutralisé à sa sortie et même employé fructueusement par les producteurs: La grosseur de l’issue, que l’on ménage au gaz, doit être proportionnelle à la grosseur des cuves. Une ouverture de 3 centimètres de diamètre suffit pour une cuve de 100 à 200 hectolitres. Cette issue ne doit point demeurer simplement ainsi, car le but qu’on se propose en fabricant avec les cuves fermées serait complètement manqué. L’air, en s’y introduisant quand la fermentation touche à sa fin, et que le dégagement de l’acide carbonique est faible, produirait, sur la cuvée, les accidents qu’on a voulu éviter avec ce genre de fabrication. Voici la fermeture qu’on doit employer pour éviter ces effets: On fixe, au trou servant à l’échappement de l’acide, un tuyau de verre ou de caoutchouc que l’on fait plonger dans un vase plein d’eau. L’acide carbonique traverse l’élément liquide, mais il en demeure une grande partie dans la cuve, à cause de la légère pression et résistance que l’eau exerce sur lui à sa sortie. L’air, au contraire, ne peut plus y pénétrer, car l’eau lui oppose une infranchissable barrière.

Il est un moyen bien simple de se servir de l’acide carbonique et d’en faire un véritable agent producteur et lucratif, en fabriquant du bi-carbonate de soude. – On se procure du carbonate de soude, bien pur, en cristaux, que l’on place dans une barrique, au fond de laquelle on a ménagé un faux fond percé de trous, à 20 centimètres de la basse.

On ferme hermétiquement ce récipient, et on y amène l’acide carbonique par un tuyau de verre ou de caoutchouc, après l’avoir préalablement débarrassé de sa vapeur alcoolique, en le faisant passer dans le vase ou baril, aussi hermétiquement fermé, à moitié plein d’eau, dont j’ai parlé ci-dessus. – L’effet produit par l’acide carbonique, est celui-ci: Le carbonate de soude, qui se trouve en cristaux, laisse échapper sa partie aqueuse au contact de l’acide carbonique jusqu’à sa complète saturation et jusqu’à son complet changement. On doit, de temps en temps, recueillir, au moyen d’un trou de cheville ménagé au bas de la barrique contenant le carbonate de soude, l’eau dont celui-ci se sépare.

Cette eau contient encore beaucoup de bi-carbonate que l’on recueillera facilement en laissant reposer, évaporer et cristalliser.

L’effet de ce simple appareil est suffisant. On utilise ainsi la grande quantité d’acide carbonique que produit la fermentation, production qui est une véritable richesse que presque tous les agriculteurs ont laissé perdre jusqu’à ce jour. Nul n’ignore, malgré les récentes découvertes de la chimie, combien la production de cet acide est encore coûteuse.

Peu de gens se font une idée de la quantité extraordinaire d’acide carbonique développée par la fermentation alcoolique. Voici ce que nous apprend la chimie à ce sujet: 100 hectolitres de vin produisent assez d’acide carbonique pour faire 2,000 kilogrammes de bi-carbonate.

J’ai tenu à faire part, ici, à mes lecteurs, de cette idée, trop heureux si un jour j’apprends qu’elle a profité à quelques-uns.

L'art de faire le vin avec les raisins secs

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